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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_272/2010 
 
Arrêt du 30 juillet 2010 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, représentée par Me François Frôté, 
recourante, 
 
contre 
 
Y.________ SA, représentée par Me Gérard Bosshart, 
intimée. 
 
Objet 
contrat; interprétation, 
 
recours contre le jugement de la Ire Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois du 13 avril 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
En 1979, X.________ SA et une société dont les actifs et les passifs ont été ultérieurement repris par Y.________ SA ont conclu un "contrat de prêt de main-d'oeuvre et de machines etc" ainsi que divers avenants, au sens desquels la première mettait à disposition de la seconde du personnel contre le paiement d'indemnités pour des travaux d'entretien et de nettoyage, et lui louait aussi du matériel, des équipements et des machines; une annexe n° I disposait en particulier que la main-d'oeuvre "sera facturée selon le tarif (...), franc d'impôt sur le chiffre d'affaires". De 1989 à 1994, X.________ SA a fourni en conformité à ces contrats des prestations qu'elle a facturées plus de huit millions de francs, dont une bonne part était "exempt d'IChA"; en effet, selon le droit alors en vigueur, si les travaux effectués sur des terrains et des bâtiments à demeure étaient soumis à l'IChA lorsqu'ils étaient exécutés en vertu d'un contrat d'entreprise, la simple location de main-d'oeuvre était en revanche franche d'impôt, tout comme la mise à disposition de machines avec conducteur. 
 
En automne 1993, X.________ SA a fait l'objet d'un contrôle fiscal; le 21 janvier 1998, l'administration concernée lui a réclamé 352'826 fr. d'impôt de livraison de travaux pour la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1994, au motif que ladite société "n'avait pas imposé des travaux immobiliers effectués pour le compte d'autrui (...), parce qu'il s'agissait soi-disant de simples mises à disposition de main-d'oeuvre", alors qu'en réalité il était question de contrats d'entreprise ordinaires soumis à l'impôt. X.________ SA a vainement contesté cette décision devant les autorités compétentes, qui ont statué en dernier lieu le 2 juin 2004; le 25 novembre 2002, elle avait dénoncé la procédure à Y.________ SA, sur laquelle elle entendait répercuter les montants d'IChA réclamés, qui auraient selon elle dû lui être facturés à l'époque; celle-ci a répondu qu'elle considérait qu'il était de la seule responsabilité de son adverse partie de décider de facturer une prestation de service avec ou sans IChA, choix dont elle-même n'avait pas à assumer les conséquences. 
 
B. 
Le 26 avril 2005, X.________ SA a assigné Y.________ SA en paiement de la somme de 410'330 fr. avec intérêts, à savoir 352'826 fr. réclamés à titre de reprise d'impôt à transférer, 8'550 fr. en remboursement de ses frais de procédure devant l'administration fiscale, 41'380 en remboursement des honoraires de son conseil fiscal et 7'574 fr. à titre de remboursement des frais avant procès de son avocat. 
 
Par jugement du 13 avril 2010, la Ire Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande. En résumé, elle a considéré que comme l'impôt ne pouvait être qu'incorporé dans le prix de la livraison, le droit de X.________ SA de le répercuter sur l'acquéreuse se prescrivait de la même façon que la créance en paiement du prix, à savoir après un délai de dix ans dès la dernière livraison, en 1994; la prescription était acquise avant l'introduction de l'action le 26 avril 2005, d'où le rejet de la demande en ce qu'elle visait le paiement des 352'826 fr. d'impôts. En revanche, la créance en remboursement des frais de procédure devant l'administration fiscale, de conseil fiscal et d'avocat avant procès n'était pas prescrite; les parties s'étaient clairement entendues pour dire que leur contrat de prêt de personnel ne donnerait pas lieu à la facturation de l'IChA, parce que l'une et l'autre méconnaissaient le droit fiscal; par ailleurs, le rapport contractuel entre les parties avait pris fin avec l'exécution de leurs prestations trait pour trait, de sorte que X.________ SA ne pouvait plus rien réclamer à Y.________ SA sur la base du contrat de 1979; en refusant de payer les 352'826 fr. d'impôts en relation avec des prestations facturées "exemptes d'IChA", Y.________ SA ne pouvait se voir reprocher aucune inexécution fautive du contrat ni aucun acte illicite engageant sa responsabilité vis-à-vis de X.________ SA; la demande devait donc être rejetée dans toutes ses conclusions. 
 
C. 
X.________ SA (la recourante) forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral; elle conclut à l'annulation du jugement du 13 avril 2010 et principalement à la condamnation de son adverse partie à lui payer 410'330 fr. avec intérêts, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Y.________ SA (l'intimée) propose le rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Interjeté par la recourante qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF; cf. art. 75 al. 2 et 130 al. 2 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile présentement soumis à l'examen du Tribunal fédéral est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
2. 
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), dont il ne peut s'écarter que s'ils l'ont été de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 397 consid. 1.5) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La partie recourante qui entend faire rectifier ou compléter un fait doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions pour le faire seraient réalisées (cf. ATF 133 IV 286 consid. 6.2). 
 
3. 
En l'occurrence, il y a lieu de commencer par se pencher sur la question de l'interprétation du contrat afin de déterminer si la recourante détient une créance envers l'intimée, car une réponse négative scellerait le sort de toutes les prétentions, sans qu'il soit nécessaire de trancher la problématique de la prescription. Il convient ainsi de définir si les parties ont passé un accord portant sur le transfert de l'IChA à l'intimée pour le cas où la recourante devrait le payer. 
 
3.1 En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO); s'il y parvient, il s'agit d'une constatation de fait qui lie en principe le Tribunal fédéral conformément à l'art. 105 LTF. Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si leurs volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations faites et les comportements selon la théorie de la confiance; il doit donc rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances; le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime. L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner librement (art. 106 al. 1 LTF); pour trancher cette question, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, dont la constatation relève du fait ; les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté. Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (cf. ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 p. 188; 135 III 295 consid. 5.2 p. 302; 133 III 61 consid. 2.2.1, 675 consid. 3.3 p. 681 s.). 
 
3.2 Quoi qu'en dise la recourante, il apparaît clairement que les juges cantonaux ont établi la commune et réelle intention des parties. A cet égard, ils ont considéré que celles-ci étaient convenues que les prestations fournies en application du contrat de 1979 seraient "facturées franches d'impôt sur le chiffre d'affaires", sans réserver l'éventualité du paiement par l'intimée d'un rétroactif d'IChA; il ressortissait effectivement du dossier - en particulier des témoignages du responsable technique/directeur de l'intimée ainsi que de l'ancien comptable/responsable des finances de celle-ci - que lorsque les parties considéraient qu'elles devaient payer l'IChA, la recourante la facturait à l'intimée qui la payait. Pourtant, l'habitude des parties de transférer l'impôt sur l'intimée lorsqu'elles considéraient que leurs contrats étaient soumis à l'IChA ne signifiait pas encore qu'elles avaient également prévu, mais implicitement, de faire supporter l'IChA à l'intimée pour les contrats prétendument exemptés d'impôts pour le cas où la recourante devait malgré tout le payer, contrairement à ce qui avait été prévu; au contraire, il ressortait du dossier que les parties n'avaient pas prévu cette éventualité, qu'elles s'étaient assurées en 1979 auprès de l'administration fiscale que les contrats conclus les immunisaient du paiement de l'IChA et qu'en 1993, elles avaient réexaminé la question, avec la même intention. Les parties avaient ainsi voulu l'une et l'autre conclure, pour soustraire à l'IChA un pan de leurs activités, deux types de conventions pour régir leurs relations d'affaires, à savoir des contrats d'entreprise et un contrat de prêt de main-d'oeuvre; elles pensaient ainsi être en droit de décider de ne soumettre à l'impôt que les prestations qui seraient fournies en vertu des contrats d'entreprise; or, suite à un contrôle fiscal, il était apparu que cette façon de faire reposait sur une interprétation erronée du droit; c'est pourquoi il fallait retenir que les parties, que l'on devait présumer honnêtes, raisonnables et de bonne foi, s'étaient clairement entendues pour dire que leur contrat de prêt de personnel ne donnerait pas lieu à la facturation de l'IChA, parce que l'une et l'autre méconnaissaient le droit fiscal; elles n'avaient donc pas conclu une convention présentant des lacunes qu'il faudrait combler. 
 
3.3 La recourante soutient que la constatation de la cour cantonale quant à la réelle et commune intention des parties serait arbitraire; elle plaide en bref que la facturation de l'IChA n'était traitée que dans les annexes au contrat et aux avenants, qu'il ressortirait des factures que certaines prestations étaient soumises à cet impôt et que l'intimée l'avait payé, enfin que les juges cantonaux auraient occulté le comportement de l'intimée tant avant la conclusion du contrat de 1979 que pendant et postérieurement à l'exécution de celui-ci; au demeurant, l'enjeu du procès serait en réalité de savoir si la mention "franc d'impôt sur le chiffre d'affaires" signifiait que la volonté des parties était que l'intimée devait supporter l'impôt pour le cas où il serait finalement dû, ce à quoi il y aurait lieu de répondre positivement au vu du dossier. 
 
Force est de constater que la recourante entreprend de critiquer, paragraphe après paragraphe, les développements de la cour cantonale, qu'elle taxe d'arbitraires, avant de tenter de faire prévaloir sa propre vision des choses, selon laquelle l'intention des parties aurait toujours été que si l'IChA était dû, elle le facturait à l'intimée qui le payait; de nature appellatoire, une telle argumentation est vaine. Cela étant, dès lors d'une part qu'il était mentionné dans les annexes au contrat - qui en faisaient partie intégrante - que les prestations en question seraient "facturées franches d'IChA", d'autre part qu'il est patent que les parties avaient envisagé la question de l'imposition du prêt de main-d'oeuvre, sans quoi elles n'auraient pas prévu un régime différent selon les prestations, et que la recourante a signé le contrat prévoyant des prix francs d'impôt pour certaines prestations, sans y faire insérer la moindre réserve pour le cas où l'IChA lui serait finalement réclamé, enfin que les parties ont précisément adopté un système contraire à celui selon lequel l'intimée payait l'IChA en rapport avec les prestations pour lesquelles les parties considéraient que cet impôt était dû, l'on ne voit pas que la cour cantonale ait commis arbitraire en statuant comme elle l'a fait. La recourante doit assumer l'erreur faite lorsqu'elle a signé un contrat prévoyant une facturation à un tarif franc d'IChA, en croyant à tort que certaines prestations pourraient être soustraites au paiement dudit impôt, étant précisé que la recourante ne s'est précisément jamais prévalu d'une erreur, ce qu'elle admet encore devant le Tribunal fédéral. 
 
4. 
Dans la mesure où la recourante ne dispose pas à l'encontre de l'intimée d'une créance correspondant à la reprise d'impôt à transférer, la question de la prescription est sans objet. De même, l'intimée n'ayant aucune dette de ce chef envers la recourante, elle n'a pas violé ses obligations contractuelles en ne la payant pas; en outre, aucun acte illicite n'a été constaté, et la recourante n'y revient d'ailleurs pas spécifiquement dans son recours au Tribunal fédéral. En conséquence, le rejet des prétentions en remboursement des frais de procédure, conseil et avocat doit être confirmé. 
 
5. 
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté. 
 
6. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens de l'intimée sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Une indemnité de 8'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Ire Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. 
 
Lausanne, le 30 juillet 2010 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: La Greffière: 
 
Klett Cornaz