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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.127/2003 /col 
 
Arrêt du 31 juillet 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Parties 
la société A.________, 
recourante, représentée par Me Vincent Jeanneret, avocat, Etude Schellenberg Wittmer, 15bis, rue des Alpes, case postale 2088, 1211 Genève 1, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton de Genève, case postale 3344, 1211 Genève 3, 
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
entraide judiciaire en matière pénale avec l'Afrique du Sud, 
 
recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 2 mars 2003. 
 
Faits: 
A. 
Le 2 octobre 2002, l'Ambassade de la République d'Afrique du Sud à Berne a remis à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) une demande d'entraide judiciaire établie le 29 janvier 2001 par le juge du district de Pretoria pour les besoins de l'enquête conduite par la direction des opérations spéciales de l'autorité nationale de poursuite pénale ("National Prosecution Authority"). Selon l'état de fait joint à la demande, la société B.________, dont la République d'Afrique du Sud est l'actionnaire unique, a, le 19 septembre 1994, passé un contrat avec la société C.________, en vue de la promotion de la vente de matériel militaire au Royaume d'Arabie séoudite. La rémunération de C.________ était fixée à 26% du prix de vente. En 1996 et 1997, B.________ a versé à la société A.________ un montant total de 22'497'840 USD - alors même qu'aucun contrat n'avait été conclu avec l'Arabie séoudite - par trois virements effectués sur le compte n°xxx ouvert auprès de la banque D.________ (ci-après: la banque) à Genève. Les autorités sud-africaines soupçonnent qu'une partie de ces fonds aurait été servie sous la forme de pots-de-vin à des responsables de B.________. Ces faits pourraient constituer en Afrique du Sud des cas de fraude, de corruption et d'infraction à la loi sur les sociétés. La demande tendait à la remise de la documentation relative au compte n°xxx et à l'audition des dirigeants de la banque. 
Le 31 octobre 2002, l'Office fédéral a transmis la demande pour exécution au Juge d'instruction du canton de Genève, qui a rendu, le 4 novembre suivant, une décision d'entrée en matière et invité la banque à lui remettre la documentation demandée. 
Le 14 novembre 2002, la banque a remis la documentation relative au compte n°xxx, dont A.________ est la titulaire. 
Le lendemain, le Juge d'instruction a rendu une décision de clôture portant sur la transmission des documents remis par la banque. 
Le 2 avril 2003, la Chambre d'accusation du canton de Genève a admis partiellement le recours formé par A.________ contre la décision du 26 juillet (recte: 15 novembre) 2002, qu'elle a annulée en tant qu'elle portait sur la transmission des pièces antérieures au 1er janvier 1996, à l'exception des documents d'ouverture du compte. Elle a renvoyé la cause au Juge d'instruction pour nouvelle décision au sens des considérants. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 2 avril 2003 et de rejeter la demande d'entraide. Elle invoque les art. 2 al. 2 Cst. et le principe de la proportionnalité, ainsi que les art. 64, 76 et 80b de la loi fédérale sur l'entraide judiciaire en matière pénale, du 21 mars 1981 (EIMP; RS 351.1). 
La Chambre d'accusation et le Juge d'instruction se réfèrent à la décision attaquée. L'Office fédéral propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
En l'absence de traité d'entraide judiciaire liant la République d'Afrique du Sud à la Confédération, la matière est régie par le droit interne applicable (ATF 113 Ib 257 consid. 2 p. 264; 111 Ib 138 consid. 2 p. 141; 110 Ib 173 consid. 2 p. 176, et les arrêts cités; pour ce qui concerne les relations avec l'Afrique du Sud, cf. arrêt 1A.151/1991 du 22 octobre 1991, consid. 1a), soit, en l'occurrence, l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11) 
2. 
Alors que le Juge d'instruction avait ordonné la remise de l'intégralité de la documentation relative au compte n°xxx, la Chambre d'accusation a annulé cette décision et renvoyé la cause au Juge d'instruction pour qu'il retranche des pièces à transmettre celles antérieures au 1er janvier 1996, à l'exception des documents d'ouverture du compte. En cela, la décision attaquée présente les traits d'une décision finale partielle qui peut, sur les points qu'elle tranche définitivement, faire séparément l'objet d'un recours de droit administratif (arrêt 1A.33/2003 du 20 mai 2003, consid. 2.3 destiné à la publication; cf. aussi ATF 122 V 151 consid. 1 p. 153; 120 V 139 consid. 2 p. 322, et les arrêts cités). 
3. 
La recourante s'étonne du long délai écoulé entre la date de la demande, du 29 janvier 2001, et celle de sa communication officielle par l'Office fédéral au Juge d'instruction, le 31 octobre 2002. Dans la procédure cantonale, la recourante a demandé l'accès au dossier de l'Office fédéral, afin de prendre connaissance d'une éventuelle correspondance qui aurait été échangée entre les autorités sud-africaines et suisses durant cet intervalle. En vain. Elle voit dans ce refus une violation de son droit d'être entendue, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 80b EIMP. 
Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10, et les arrêts cités). Dans le domaine de l'entraide, il est notamment mis en oeuvre par l'art. 80b EIMP. Ce droit s'étend à toutes les pièces décisives pour le sort de la cause (ATF 121 I 225 consid. 2a p. 227), ce qui signifie, a contrario, que peut être refusée la consultation de pièces superflues. En l'occurrence, l'hypothèse que la demande du 29 janvier 2001 aurait fait l'objet d'un traitement préliminaire repose sur de simples conjectures. Il convient de remarquer à cet égard que si la demande est datée du 29 janvier 2001, la note de couverture qui l'accompagne porte la date du 17 juillet 2002, ce qui laisse à penser que si atermoiement il y a eu, c'est dans l'Etat requérant. Enfin, telle qu'elle est formulée, la demande se suffit à elle-même pour décider des questions à résoudre. 
4. 
La recourante se plaint d'un défaut de confirmation officielle de la licéité dans l'Etat requérant des mesures de contrainte dont elle fait l'objet. Elle se prévaut à cet égard de l'art. 76 let. c EIMP. 
4.1 Aux termes de cette disposition, les réquisitions de fouille, de perquisition, de saisie et de remise d'objets doivent être accompagnées d'une attestation de leur licéité dans l'Etat requérant. Il faut en effet éviter que celui-ci puisse obtenir de la Suisse, par le moyen de la coopération internationale, des mesures de contrainte qu'il ne pourrait pas imposer lui-même sur son propre territoire (ATF 123 II 161 consid. 3b p. 166; 118 Ib 457 consid. 5 p. 460/461). Une telle attestation n'est toutefois exigée qu'en cas de doute sur la licéité de la mesure dans l'Etat requérant (ATF 123 II 161 consid. 3b p. 166). 
4.2 Sur le vu de la demande, l'Office fédéral pouvait se dispenser d'inviter l'Etat requérant à fournir une attestation au sens de l'art. 76 let. c EIMP. En effet, est annexée à la demande une copie de la loi relative à l'autorité nationale de poursuite ("National Prosecuting Authority Act"; ci-après: NPA), dont l'art. 28 par. 6 accorde aux enquêteurs le droit de faire saisir des documents, des objets ou des valeurs. La recourante objecte à cela que l'art. 29 NPA subordonne la perquisition domiciliaire ("premises") à une autorisation judiciaire, qui ferait défaut en l'espèce. Toutefois, sur le vu du texte légal, il ne semble pas que l'art. 29 NPA serait applicable aux saisies ordonnées en application de l'art. 28, faute de renvoi explicite. 
5. 
Selon la recourante, la condition de la double incrimination ne serait pas remplie. 
5.1 La remise de documents bancaires constitue une mesure de contrainte au sens de l'art. 63 al. 2 let. c et d EIMP, qui ne peut être ordonnée, selon l'art. 64 al. 1 EIMP mis en relation avec l'art. 35 al. 2 de la même loi appliqué par analogie, que si l'état de fait exposé dans la demande correspond aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse, à l'exclusion des conditions particulières en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II 184 consid. 4b p. 186-188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib 448 consid. 3a p. 451, et les arrêts cités). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu'ils soient réprimés dans les deux Etats comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117 Ib 337 consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230, et les arrêts cités). 
5.2 Dans l'Etat requérant, les faits décrits dans la demande sont poursuivis des chefs de fraude, de corruption et d'infraction à la loi sur les sociétés commerciales. Selon la Chambre d'accusation, la condition de la double incrimination serait réalisée au regard de l'art. 158 CP réprimant la gestion déloyale. La recourante conteste cette appréciation. 
5.2.1 Au regard de la jurisprudence qui vient d'être rappelée, le seul fait que la poursuite dans l'Etat requérant n'est pas ouverte du chef de gestion déloyale ou d'un délit équivalent, ne suffit pas pour conclure que la condition de la double incrimination ne serait pas remplie. 
5.2.2 La gestion déloyale présuppose la violation d'un devoir de fidélité dans la gestion des intérêts pécuniaires d'autrui, qui soit la cause du dommage subi (art. 158 CP; Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne, 2002, p. 396-398, ainsi que les références citées). 
5.2.3 Selon l'exposé joint à la demande, en effectuant les virements litigieux en faveur de la recourante, les dirigeants de B.________ auraient violé les règles internes de cette société, aux termes desquelles le paiement d'une commission n'est envisageable qu'après la conclusion du contrat et le paiement effectif du prix de la marchandise livrée. Or, en l'occurrence, aucun contrat n'a été conclu ni, à plus forte raison, de prix payé. Les versements seraient intervenus sans contrepartie, ni garantie, pour être inscrits dans les livres de B.________ comme des "frais de marketing". A ce propos, la recourante expose que les tractations en cours avec l'Arabie séoudite étaient en passe d'aboutir et que les versements litigieux correspondraient à la rémunération des démarches entreprises jusque-là, soit à une sorte d'avance sur la commission à toucher. 
Si, comme le soupçonnent les autorités sud-africaines, les dirigeants de B.________ ont indûment fait verser des commissions à la recourante qui leur aurait en échange servi des pots-de-vin, un tel comportement pourrait, en Suisse, être assimilé à de la gestion déloyale au sens de l'art. 158 CP. En effet, les dirigeants de B.________ avaient le devoir de gérer les actifs de la société conformément aux règles internes établies en matière de paiement des commissions à des tiers. Il est précisément reproché à ces dirigeants de s'être écartés de ces directives et d'avoir agi avec une légèreté incompatible avec les devoirs d'un administrateur prudent et zélé. Ils auraient ainsi disposé des biens de la société, au détriment des intérêts de celle-ci et de leur actionnaire unique, causant ainsi un dommage direct au patrimoine de celui-ci (cf. ATF 117 IV 266). Cela suffit pour considérer la condition de la double incrimination comme remplie, sans qu'il soit nécessaire d'examiner ce qu'il en est au regard des dispositions réprimant la corruption ou l'escroquerie. 
6. 
La recourante se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité. 
6.1 Ne sont admissibles, au regard de l'art. 64 EIMP, que les mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité. L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans l'Etat requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait sur ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat chargé de l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et manifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251 consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68, et les arrêts cités). Au besoin, il lui appartient d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une interprétation large de la requête s'il est établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid, 3a p. 243). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de manière claire et précise, en quoi les documents et informations à transmettre excéderaient le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la procédure étrangère (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p. 260; 122 II 367 consid. 2c p. 371/372). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des sociétés et des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244). 
6.2 La demande se rapporte à des versements effectués en juin et juillet 1996, ainsi qu'en janvier 1997. Elle tend à la remise de la documentation relative au compte n°xxx dont la recourante est la titulaire, ainsi qu'à l'interrogatoire des dirigeants de la banque sur la gestion de ce compte dès 1996. Sur cette base, la Chambre d'accusation a conclu que devaient être remises toutes les pièces relatives à ce compte, excepté celles antérieures au 1er janvier 1996, sous la seule réserve des documents d'ouverture. Pour la recourante, aucune pièce bancaire ne devrait être remise. Dès l'instant où l'entraide n'était accordée que pour le chef de gestion déloyale, tous les éléments de preuves décisifs se trouveraient d'ores et déjà sur le territoire de l'Etat requérant. 
Cette objection repose sur une interprétation erronée de la condition de la double incrimination. Contrairement à ce qui prévaut lorsque l'extradition est demandée, il suffit, pour l'octroi de l'entraide, que les faits décrits dans la demande présentent les traits d'une infraction réprimée dans l'Etat requis (ATF 125 II 569 consid. 6 p. 575; 87 I 195 consid. 2 p. 200). En pareil cas, sous la seule réserve du principe de la spécialité, l'entraide est accordée sans limite quant aux chefs d'accusation à raison desquels la poursuite est ordonnée dans l'Etat requérant. Celui-ci est en l'espèce libre de poursuivre d'éventuels prévenus des chefs de corruption, de fraude et d'infraction à la loi sur les sociétés, même si la condition de la double incrimination a été tenue pour remplie au regard d'une qualification différente (en l'occurrence, la gestion déloyale) de celle retenue dans l'Etat requérant. 
Pour le surplus, la recourante n'indique pas quelles autres pièces que celles déjà retranchées par la Chambre d'accusation ne devraient pas être transmises à l'Etat requérant. 
7. 
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge de la recourante (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 136242 BOT). 
Lausanne, le 31 juillet 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: