Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
Retour à la page d'accueil Imprimer
Ecriture agrandie
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_161/2010 
 
Arrêt du 21 octobre 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Alain Thévenaz, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Commune de Lutry, par sa Municipalité, Administration communale, Le Château, 1095 Lutry, 
 
C.________ et D.________, représentés par Me Benoît Bovay, avocat. 
 
Objet 
droit des constructions, coefficient d'utilisation du sol, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 17 février 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________ est propriétaire des parcelles nos 4418 et 4422 du registre foncier de la commune de Lutry. Ces parcelles, ainsi que la parcelle no 4420, sont issues d'un fractionnement intervenu en 1994. A cette occasion, une restriction de propriété frappant les parcelles susmentionnées ainsi que les parcelles voisines nos 4407, 4410 et 4473 a été inscrite au registre foncier par le biais d'une mention. La teneur de cette restriction, fondée sur l'art. 83 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; RSV 700.11), est la suivante: 
"Les limites et les surfaces des 3 parcelles issues du fractionnement et des 3 parcelles entières, comprises dans le périmètre jaune figuré sur le plan annexé à la présente réquisition, n'entrent pas en considération, ni pour déterminer les distances entre bâtiments, ni dans le calcul du coefficient d'utilisation du sol. 
Les distances entre bâtiments seront déterminées comme s'il existait entre eux des limites correspondant aux exigences fixées par l'art. 96 du règlement communal du 24 septembre 1987 sur les constructions et l'aménagement du territoire. Le calcul du coefficient d'utilisation du sol s'effectuera toujours en tenant compte de la surface totale des 6 parcelles intéressées, soit 629 m2 + 305 m2 + 484 m2 + 390 m2 + 943 m2 + 405 m2 = 3156 m2. Il n'excèdera pas, pour l'ensemble des constructions à édifier dans le périmètre jaune figuré sur le plan annexe, le coefficient de 0,3, qui représente une surface totale de 946,80 m2 de plancher brut utile (3156 x 0,3). 
Ce calcul sera conforme aux art. 16 et 17 du règlement communal sur les constructions dans la mesure où les règles en vigueur seraient allégées, le propriétaire d'une parcelle frappée de cette mention peut demander la révision de celle-ci." 
Le coefficient d'utilisation du sol applicable à la zone où sont situées les parcelles susmentionnées a été augmenté à 0,333 en 1998 et à 0,35 en 2005. 
 
B. 
En 2003, les propriétaires de la parcelle n° 4410 ont souhaité agrandir leur immeuble, ce qui impliquait une augmentation de la surface brute de plancher utile de 84 m2 environ. La Municipalité de Lutry (ci-après: la municipalité) a accordé le permis de construire par décision du 3 mars 2004, considérant que la surface brute de plancher utile disponible avait augmenté depuis que le coefficient d'utilisation du sol était passé à 0,333. En raison de la restriction de propriété susmentionnée, la municipalité a estimé qu'il fallait tenir compte de la surface globalement disponible pour les six parcelles concernées. L'agrandissement souhaité respectant de cette manière le nouveau coefficient d'utilisation du sol, le permis de construire a été accordé. Cette décision est entrée en force. 
 
C. 
Le 20 septembre 2006, C.________ et D.________, propriétaires de la parcelle n° 4473, ont requis un permis de construire en vue de l'agrandissement de leur maison. Ce projet devait entraîner une augmentation de 26,7 m2 de la surface brute de plancher utile. A.________ a formé opposition durant l'enquête publique, au motif que le coefficient d'utilisation du sol ne serait pas respecté. Par décision du 13 décembre 2006, la municipalité a écarté l'opposition et délivré le permis de construire. 
Statuant sur recours de A.________, le Tribunal administratif du canton de Vaud (devenu la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud [ci-après: le Tribunal cantonal]), a annulé cette décision par arrêt du 15 mai 2008. La cause été renvoyée à la municipalité pour qu'elle statue à nouveau sur la demande de permis de construire, sur la base d'une répartition équitable des nouvelles possibilités de bâtir entre toutes les parcelles concernées. En l'absence d'accord entre les propriétaires, il y avait lieu de s'en tenir à la restriction de propriété inscrite en 1994 au registre foncier; cela étant, chaque propriétaire devait pouvoir bénéficier de l'augmentation du coefficient d'utilisation du sol. Cet arrêt est entré en force. 
Par décisions du 5 novembre 2008, la municipalité a constaté la surface brute de plancher utile dont bénéficient les parcelles concernées, en tenant compte d'un coefficient d'utilisation du sol de 0,35. Pour ce faire, elle a virtuellement retranché des parcelles grevées par la restriction une surface équivalant à celle dont avaient besoin les parcelles bénéficiaires pour respecter le coefficient d'utilisation du sol qui prévalait en 1994. Le nouveau coefficient d'utilisation du sol a ensuite été appliqué à ces surfaces théoriques, ce qui a déterminé les nouvelles possibilités de bâtir. La parcelle n° 4418 bénéficierait désormais d'une surface brute de plancher utile de 158,3 m2 et la parcelle no 4422 d'une surface de 156,2 m2. 
 
D. 
A.________ a recouru contre les décisions concernant ses parcelles auprès du Tribunal cantonal, qui a rejeté le recours par arrêt du 17 février 2010. Cette autorité a considéré en substance que la restriction de propriété inscrite au registre foncier en 1994 souffrait d'un vice, vu qu'elle n'était pas munie d'un plan coté. Ce vice ne devait cependant pas entraîner la nullité de la restriction, mais seulement son annulabilité que le recourant ne pouvait faire valoir dans le cadre de son recours. Pour le surplus, les décisions de la municipalité répartissaient équitablement les nouvelles possibilités de bâtir entre les propriétaires des six parcelles, dans le respect des considérants de l'arrêt du 15 mai 2008. 
 
E. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, subsidiairement de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il invoque une application arbitraire de l'art. 3 de la loi cantonale du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA; RSV 173.36) et des art. 47 et 83 LATC. Il se plaint également d'une inégalité de traitement et d'une violation de l'art. 14 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). Il requiert en outre l'octroi de l'effet suspensif. La municipalité et le Tribunal cantonal concluent au rejet du recours. C.________ et D.________ ont renoncé à se déterminer sur le fond. 
 
F. 
Par ordonnance du 5 mai 2010, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et il est particulièrement atteint par la décision attaquée, qui a une incidence sur la surface constructible de ses parcelles, si bien qu'il a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2. 
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, au motif que la municipalité ne lui a pas donné l'occasion de s'exprimer avant de rendre les décisions contestées. 
 
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit de toute partie de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 s.; 124 II 132 consid. 2b p. 137 et les références citées). Par exception au principe de la nature formelle du droit d'être entendu, une violation de ce dernier est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure, et qui peut ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée, à condition toutefois que l'atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée ne soit pas particulièrement grave (ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 204; 132 V 387 consid. 5.1 p. 390; 129 I 129 consid. 2.2.3 p. 135; 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437 et les références citées). 
 
2.2 En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que le recourant ait eu l'occasion de faire part d'observations à la municipalité avant que celle-ci ne rende les décisions constatant la surface brute de plancher utile disponible sur ses parcelles. Le droit d'être entendu du recourant apparaît donc violé à cet égard. Cela étant, le recourant a eu la possibilité d'attaquer les décisions de la municipalité concernant ses parcelles devant le Tribunal cantonal. Or, conformément à l'art. 98 LPA, cette autorité pouvait revoir librement tant l'application du droit que la constatation des faits pertinents. Le recourant a donc pu pleinement exercer son droit d'être entendu devant l'instance de recours, de sorte que la violation de ce droit est réparée. En outre, cette violation n'apparaît pas particulièrement grave; le recourant devait au demeurant s'attendre aux décisions litigieuses de la municipalité, puisqu'elles ont été rendues suite à l'arrêt du Tribunal cantonal du 15 mai 2008, qui lui a été notifié. Dans ces conditions, ce premier grief doit être rejeté. 
 
3. 
Le recourant se plaint par ailleurs d'une application arbitraire de l'art. 3 al. 3 LPA, qui prévoit que l'autorité administrative ne peut rendre une décision en constatation que s'il n'est pas possible de rendre une décision formatrice ou constitutive. Selon le recourant, la municipalité aurait dû se limiter à statuer sur la demande de permis de construire déposée par les époux C.________ et D.________, sans constater au préalable la surface brute de plancher utile disponible sur les parcelles voisines. 
 
3.1 La LPA étant entrée en vigueur le 1er janvier 2009, la disposition précitée n'était pas applicable lorsque la municipalité a rendu les décisions contestées. Cela étant, le nouveau droit cantonal de procédure administrative codifie la pratique et la jurisprudence déjà existantes (cf. BENOÎT BOVAY, La loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative, in RDAF 2009 I p. 170). En règle générale, il est vrai que l'autorité ne peut rendre une décision en constatation que si le requérant fait valoir un intérêt juridique à ce qu'une telle décision soit rendue; ce n'est en principe pas le cas si l'autorité peut rendre une décision constitutive ou formatrice (ATF 126 II 300 consid. 2c p. 303; 123 II 402 consid. 4b/aa p. 413; arrêt 1C_6/2007 du 22 août 2007 consid. 3.3 et les références citées). 
 
3.2 En l'occurrence, la municipalité a rendu les décisions constatatoires litigieuses sur injonction du Tribunal cantonal. Ces décisions font en effet suite à l'arrêt du 15 mai 2008 ordonnant à la municipalité de se prononcer sur l'octroi du permis de construire sur la base d'une répartition équitable des nouvelles possibilités de bâtir issues de l'augmentation du coefficient d'utilisation du sol. Cet arrêt a force de chose jugée et il ne peut pas être contesté dans le cadre de la présente procédure. De plus, le fait que la municipalité rende des décisions en constatation au sujet de la surface à bâtir disponible sur les six parcelles en cause avant de se prononcer sur l'octroi du permis de construire ne prête pas le flanc à la critique. En effet, toute construction sur une des parcelles visée par la restriction de propriété implique une redéfinition de la surface constructible sur les parcelles voisines, de sorte que tous les propriétaires concernés disposent d'un intérêt manifeste à ce que les possibilités de bâtir soient réparties préalablement à l'octroi de permis de construire. La municipalité ne pouvait dès lors pas se borner à statuer sur la requête de permis de construire par une décision formatrice ou constitutive, mais elle devait également rendre les décisions constatatoires litigieuses. L'art. 3 al. 3 LPA n'a donc pas été appliqué de façon arbitraire et les règles sur les décisions en constatation n'ont pas été violées. 
 
4. 
Invoquant l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire, le recourant se plaint en outre d'une application manifestement insoutenable de l'art. 83 LATC. Il prétend que le Tribunal cantonal aurait dû constater la nullité de la restriction de propriété inscrite en 1994 au registre foncier et il conteste que cette restriction puisse avoir des effets juridiques actuellement, en précisant qu'il n'a jamais consenti à ce qu'une partie du potentiel constructible de ses parcelles puisse être utilisé sur une autre parcelle. 
 
4.1 Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4; 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 et les références citées). 
 
4.2 L'art. 83 LATC a la teneur suivante: "Tout fractionnement ou toute modification de limites d'une parcelle, ayant pour effet de rendre une construction non réglementaire, sont interdits à moins que la demande présentée au registre foncier ne soit accompagnée d'une réquisition de mention signée de la municipalité et ayant pour effet de corriger l'atteinte portée aux règles de la zone (al. 1); la mention est accompagnée d'un plan coté; elle indique la portée des restrictions sur les parcelles en cause (al. 2)". Cette disposition s'applique donc en cas de division parcellaire et elle a notamment pour but d'assurer le respect du coefficient d'utilisation du sol. La mention prévue par cet article est en fait une restriction de propriété fondée sur le droit public cantonal (art. 962 al. 1 CC), grevant les parcelles mises à disposition en vue de corriger intégralement l'atteinte au règlement (cf. Raymond Didisheim, Modifications de limites et dérogations en droit vaudois de la construction: quelques réflexions à propos des articles 83 et 85 LATC, in RDAF 1991 p. 400 ss, p. 403). Par ailleurs, le transfert des possibilités de bâtir est admis en droit suisse, même sans disposition légale expresse, l'essentiel étant que la surface voisine mise à contribution pour le calcul de la surface constructible ne puisse plus servir ultérieurement à un tel calcul. Ceci implique pratiquement que la surface soit grevée d'une servitude de non-bâtir au profit de la collectivité (ATF 109 Ia 188 consid. 3 p. 190; 101 Ia 289 consid. 3a p. 291; Peter Hänni, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 5e éd. 2008, p. 313 s.; Zen-Ruffinen/Guy-Ecabert, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 868 p. 380 s.) 
 
4.3 En l'espèce, le recourant relève que la mention de la restriction au registre foncier n'était pas accompagnée d'un plan coté comme l'exige l'art. 83 al. 2 LATC. Il prétend qu'en raison de cette irrégularité la restriction de propriété serait illégale et qu'elle ne produirait aucun effet juridique. Le recourant perd de vue que le Tribunal cantonal s'est déjà prononcé sur cette question dans son arrêt du 15 mai 2008, qui est entré en force. Dans cet arrêt, les juges cantonaux avaient en effet constaté l'absence de plan coté, sans considérer pour autant que la restriction de propriété était nulle. Ils ont au contraire renvoyé la cause à la municipalité pour qu'elle procède à une nouvelle répartition du coefficient d'utilisation du sol sur la base de cette restriction de propriété. Pour le surplus, les juges cantonaux sont revenus sur ce point dans l'arrêt attaqué, en considérant que le vice n'était pas particulièrement grave et manifeste, de sorte que la restriction ne saurait être frappée de nullité absolue. On ne voit pas en quoi ce raisonnement serait manifestement insoutenable et le recourant ne le démontre aucunement. C'est dès lors sans arbitraire que le Tribunal cantonal considéré que la restriction de propriété produisait valablement des effets juridiques et qu'il fallait calculer les surfaces constructibles nouvellement disponibles en tenant compte de cette restriction. En l'absence d'un nouvel accord entre les propriétaires concernés, il apparaît en outre défendable de répartir les surfaces à bâtir nouvellement disponibles en tenant compte du fait qu'une fraction des parcelles grevées - correspondant à la surface mise en 1994 à la disposition des parcelles bénéficiaires - doit rester libre de constructions. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne consacre pas une application arbitraire de l'art. 83 LATC, si bien que ce grief doit également être rejeté. 
 
5. 
Invoquant l'art. 8 al. 1 Cst., le recourant se plaint encore d'une inégalité de traitement. Il estime que les nouvelles possibilités de bâtir devraient d'abord profiter aux propriétaires des parcelles grevées par la restriction de propriété; or, la nouvelle répartition serait trop favorable aux parcelles déjà favorisées par la mention inscrite en 1994. 
 
5.1 Une décision viole le principe de l'égalité de traitement, garanti par l'art. 8 al. 1 Cst., lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 136 II 120 consid. 3.3.2 p. 127; 131 V 107 consid. 3.4.2 p. 114; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 et les arrêts cités). 
 
5.2 En l'occurrence, les six parcelles concernées par la restriction de propriété de 1994 ont bénéficié d'une augmentation des possibilités de bâtir relativement semblable, sans qu'un propriétaire ne soit particulièrement favorisé ou défavorisé. Certes, si les possibilités de bâtir avaient été calculées sans tenir compte de la restriction de propriété, la surface disponible aurait été plus élevée sur les parcelles grevées et plus faible sur les parcelles bénéficiaires. En ce sens, la restriction de propriété favorise certains propriétaires et en désavantage d'autres. Cette différence de traitement est cependant inhérente à la restriction de propriété et elle se fonde sur un accord entre les propriétaires concernés. Il était donc légitime d'en tenir compte pour répartir la surface brute de plancher utile nouvellement disponible et la différence de traitement constatée apparaît justifiée par des motifs raisonnables. Le principe de l'égalité de traitement au sens de l'art. 8 al. 1 Cst. n'a donc pas été violé. 
 
6. 
Dans un dernier grief, le recourant soutient que l'arrêt attaqué viole les art. 14 LAT et 47 LATC. Il estime en substance que la municipalité s'est arrogé le droit de "librement répartir les droits à bâtir, d'une parcelle à l'autre". Selon l'art. 14 LAT, le mode d'utilisation du sol est réglé par les plans d'affectation. L'art. 47 LATC précise quels sont les éléments qui peuvent figurer dans les plans et les règlements d'affectation. En l'espèce, le coefficient d'utilisation du sol applicable à la zone où sont situées les parcelles du recourant est fixé dans le règlement de la commune de Lutry du 12 juillet 2005 sur les constructions et l'aménagement du territoire, approuvé par le Département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud le 1er juin 2005. Il est manifeste que la municipalité s'est bornée à répartir entre les six parcelles concernées par la restriction de propriété la surface brute de plancher utile résultant de l'augmentation du coefficient d'utilisation du sol. Quant au transfert des possibilités de bâtir, il résulte d'un accord entre les propriétaires en 1994 et non d'une décision de la municipalité, qui s'est contentée de prendre en compte cet accord. La municipalité n'a donc pas outrepassé ses compétences, et on ne discerne pas en quoi l'art. 14 LAT aurait été violé et l'art. 47 LATC appliqué arbitrairement, de sorte que ce grief doit lui aussi être rejeté. 
 
7. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à C.________ et D.________, qui ont renoncé à se déterminer sur le fond du recours (art. 68 al. 1 LTF). La Commune de Lutry n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Commune de Lutry, au mandataire de C.________ et D.________ et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
Lausanne, le 21 octobre 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Juge présidant: Le Greffier: 
 
Aemisegger Rittener