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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_88/2018  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz et Chaix. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.D.________ et D.D._ _______, 
4. E.________, 
5. F.________, 
6. G.H.________ et H.H._ _______, 
7. I.________, 
8. J._ _______, 
9. K._ _______, 
10. L._ _______, 
11. M.N.________ et N.N._ _______, 
tous représentés par Maîtres Thomas Barth et Serge Patek, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, représenté par le Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et canton de Genève. 
 
Objet 
Plan localisé de quartier; refus de suspension de la procédure, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 9 janvier 2018 (ATA/12/2018 - A/4332/2017-AMENAG). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par arrêt du 30 août 2017, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après: la Chambre constitutionnelle) a partiellement admis le recours déposé par le comité d'initiative " Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts " et par ses membres individuellement contre la délibération du Conseil municipal de Veyrier du 24 janvier 2017. Elle a annulé cette délibération dans la mesure où elle comportait le refus de concrétiser l'initiative acceptée, par le biais d'un seul plan localisé de quartier (ci-après: PLQ) englobant les pièces urbaines " Maison de Vessy " et " Beaux-Champs "; la Commune de Veyrier était invitée par la Chambre constitutionnelle à s'atteler à l'élaboration d'un seul projet de PLQ pour ledit périmètre. 
 
B.   
Par demande du 13 septembre 2017, A.________, B.________, C.D.________ et D.D.________, E.________, F.________, G.H.________ et H.H.________, I.________, J.________, K.________, L.________, M.N.________ et N.N.________ (ci-après: A.________ et consorts) ont formellement demandé au Conseil d'État genevois de rendre une décision prononçant la suspension de la procédure d'adoption du PLQ n° 30008-542 " Grands Esserts - Secteur Ferme " et de la procédure d'opposition du PLQ n° 30038-542 " Grands Esserts - Secteur Beaux-Champs ", ce jusqu'à la mise en oeuvre effective de l'arrêt précité par la Commune de Veyrier et l'État de Genève; à leurs yeux, cet arrêt présentait un lien évident avec le PLQ portant sur la pièce urbaine " Ferme " immédiatement voisine des deux pièces urbaines précitées. 
 
Le 18 octobre 2017, le Conseil d'État a rejeté la demande de suspension de la procédure d'adoption du PLQ " Grands-Esserts - Secteur Ferme ", situé sur la commune de Veyrier. 
 
Par arrêt du 9 janvier 2017, la Chambre administrative de la Cour de justice genevoise (ci-après: la Cour de justice) a déclaré irrecevable le recours intenté par A.________ et consorts contre la décision précitée. Le refus de suspendre la procédure d'adoption du PLQ litigieux constituait une décision incidente qui ne causait pas de préjudice irréparable au sens de l'art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative genevoise du 12 septembre 1985 (LPA/GE; RS/GE E 5 10). 
 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et consorts (ci-après: les recourants) demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 9 janvier 2018 et la décision du Conseil d'Etat du 18 octobre 2017, ainsi que d'ordonner la suspension de la procédure d'adoption du PLQ n° 30008-542 " Grands Esserts - Secteur Ferme " jusqu'à la mise en oeuvre effective de l'arrêt de la Chambre constitutionnelle par la Commune de Veyrier et l'Etat de Genève. A titre subsidiaire, ils concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour qu'elle se détermine sur le fond de la cause. En outre, les recourants ont requis l'effet suspensif au recours en ce sens qu'il soit fait interdiction au Conseil d'Etat d'adopter le PLQ n° 30008-542 " Grands Esserts - Secteur Ferme " jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral. 
 
Par ordonnance du 15 mars 2018, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif des recourants, traitée comme une demande de mesure provisionnelle. 
 
Sous la plume de sa présidente, la Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants de son arrêt. Le Conseil d'Etat conclut principalement au rejet du recours. Invitée à se déterminer, la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève déclare ne pas souhaiter être partie à la procédure pendante devant le Tribunal fédéral et conclut, pour le cas où cette qualité devait être confirmée, au rejet du recours. Les recourants répliquent. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Formé contre un arrêt final (art. 90 LTF) pris en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit des constructions (art. 82 let. a LTF), le présent recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants sont directement touchés par le prononcé d'irrecevabilité de l'arrêt attaqué et ont un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation. Ils ont dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
Les juges cantonaux ayant refusé d'entrer en matière sur leur recours, seule la question de la recevabilité du recours cantonal peut être portée devant le Tribunal fédéral qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la contestation. Dès lors, la conclusion principale des recourants tendant à ce que le Tribunal fédéral ordonne la suspension de la procédure d'adoption du PLQ " Grands Esserts - Secteur Ferme " est irrecevable. 
 
2.   
Les recourants se plaignent d'une application arbitraire de l'art. 57 let. c LPA/GE. Ils font grief à l'instance précédente d'avoir considéré que le refus de suspendre la procédure d'adoption du PLQ litigieux ne causait pas de préjudice irréparable au sens de cette disposition. 
 
2.1. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 141 I 172 consid. 4.3.1 p. 177 et les références citées). Le grief de violation du droit cantonal est soumis à des exigences de motivation accrue (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 142 II 369 consid. 2.1 p. 372).  
 
Le prononcé d'irrecevabilité est fondé sur l'art. 57 let. c LPA/GE. Selon cette disposition, les décisions incidentes sont susceptibles de recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. 
 
2.2. Se fondant sur une source doctrinale (cf. STÉPHANE GRODECKI/ ROMAIN JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise: LPA/GE et lois spéciales, 2017, n. 659 ss ad art. 57 LPA/GE), les recourants soutiennent que la Cour de justice aurait, de manière arbitraire, excédé son pouvoir d'appréciation en interprétant cette disposition de droit cantonal de la même manière que l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Cette approche restrictive de la notion de " préjudice irréparable " ne serait pas justifiée devant les juridictions cantonales. Ils affirment par ailleurs que la jurisprudence rendue par l'instance précédente serait fluctuante puisqu'elle exige que le préjudice irréparable soit tantôt d'ordre juridique, tantôt simplement de fait.  
En l'occurrence, la teneur de l'art. 57 let. c LPA/GE est similaire à celle de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Dans ces circonstances, les juges cantonaux pouvaient, sans arbitraire, interpréter cette disposition cantonale selon les principes dégagés par la jurisprudence du Tribunal fédéral au sujet de l'art. 93 LTF (cf. arrêt 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3). Il n'appartient pas au Tribunal fédéral - dont le pouvoir d'examen est limité à l'arbitraire - d'examiner si une autre interprétation du droit cantonal serait préférable, comme le soutient une partie de la doctrine. 
 
2.3. Les recourants reprochent ensuite à la Cour de justice d'avoir nié l'existence d'un préjudice irréparable.  
 
Conformément à la jurisprudence relative à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable que s'il cause un inconvénient de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant (ATF 138 III 190 consid. 6; 134 III 188 consid. 2.1); un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable (ATF 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 333 consid. 1.3.1; 134 III 188 consid. 2.2). Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel préjudice lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (cf. ATF 141 III 80 consid. 1.2). 
 
A l'appui de leur requête de suspension de la procédure d'adoption du PLQ en question, les recourants invoquent l'arrêt de la Chambre constitutionnelle ayant invité la Commune de Veyrier à s'atteler à l'élaboration d'un seul projet de PLQ pour les pièces urbaines voisines " Maison de Vessy " et " Beaux-Champs ". Ils se prévalent en particulier des principes de coordination et d'économie de procédure et affirment qu'une étude d'impact sur l'environnement est nécessaire pour le secteur des Grands Esserts. Ils soutiennent que le PLQ " Ferme " deviendra caduc ou, à tout le moins, " sera fondamentalement modifié ", en raison de la réflexion menée pour le nouveau PLQ commun aux pièces urbaines " Maison de Vessy " et " Beaux-Champs ".    
 
En l'occurrence, ces dernières affirmations constituent de simples spéculations qui ne reposent sur aucun élément objectif retenu par les juges précédents. On ne saurait suivre les recourants lorsqu'ils affirment que l'éventuelle élaboration d'un PLQ pour les pièces urbaines " Maison de Vessy " et " Beaux-Champs " aura nécessairement une influence fondamentale sur le PLQ voisin " Grands Esserts - Secteur Ferme ". Par ailleurs, comme relevé par l'instance précédente, le refus de suspendre la procédure d'adoption de ce PLQ ne cause pas de préjudice irréparable aux recourants dès lors qu'ils pourront recourir, et invoquer leurs griefs de fond, contre la décision finale qui doit encore être prise par le Conseil d'État. Seule la réalisation effective des constructions prévues par le PLQ serait de nature à causer un préjudice irréparable (cf. arrêt 1C_363/2016 du 5 octobre 2016 consid. 1.3). 
 
2.4. Par conséquent, la Cour de justice n'a pas versé dans l'arbitraire en considérant que la décision du Conseil d'Etat ne remplissait pas les conditions de l'art. 57 let. c LPA/GE.  
 
3.   
Enfin, le fait que la Présidente O.________ ait signé la prise de position du 7 mars 2018 adressée par la Cour de justice au Tribunal fédéral n'apparaît pas déterminant. En effet, par décision du 25 septembre 2018, le Tribunal de céans a rejeté la demande du 29 août 2018 des recourants tendant à la suspension de la procédure connexe 1C_317/2018 jusqu'à droit connu sur la requête de récusation déposée le même jour devant la Cour de justice à l'encontre de la Présidente O.________ qui avait signé la prise de position du 13 juillet 2018 adressée au Tribunal fédéral; ce dernier a relevé que, tout comme dans le cas d'espèce, cette magistrate n'était pas membre du collège des juges ayant rendu la décision attaquée et que la prise de position était rédigée selon une formule type. Il n'y a pas lieu de porter une appréciation différente à la présente cause. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans de sa recevabilité, aux frais des recourants qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Dans la mesure où le présent arrêt statue sur une question de recevabilité de droit cantonal, des frais judiciaires réduits à 2'000 fr. se justifient. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge solidaire des recourants. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Conseil d'Etat et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 11 octobre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Arn