Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1C_363/2014
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Arrêt rectificatif
du 13 novembre 2014
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Eusebio et Chaix.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Police cantonale du canton de Vaud,
Division Juridique, Centre de la Blécherette, route de la Blécherette 101, 1014 Lausanne.
Objet
Destruction de données personnelles consignées dans un dossier de police,
recours contre la décision du Juge chargé des dossiers de police judiciaire du canton de Vaud du 8 juillet 2014.
Faits :
A.
Le 14 mai 2014, A.________ a demandé à être renseigné sur le contenu de son dossier de police judiciaire. Il sollicitait d'ores et déjà la destruction de toutes les données en lien avec la procédure pénale PE.11.014391-YGR ouverte à son encontre du chef de recel et close par une ordonnance de classement rendue le 9 juillet 2013 par le Ministère public central du canton de Vaud.
Le Juge cantonal chargé des dossiers de police judiciaire s'est fait remettre le dossier de police judiciaire complet du requérant, lequel se compose des extraits du Journal des Evénements de Police (JEP) ainsi que du Système d'Information et d'Archivage Police (SINAP) de la Police cantonale vaudoise. Il a imparti à A.________ un délai au 27 juin 2014 pour lui indiquer si, en sus des pièces du dossier concernant l'affaire en question, il demandait la destruction d'autres pièces.
Le 11 juin 2014, A.________ a requis la destruction des pièces A1, A4 et A6, relatives au stationnement de véhicules à Montreux pour lequel il a été condamné à des amendes d'ordre, de la pièce A2, ayant trait à une plainte pénale qu'il avait déposée puis retirée, des pièces A3, B5, B6 et B7, qui "concernent la même affaire qui fut clôturée par une ordonnance de classement", des pièces A7, A8, B1, B2, B3, B8, B9, B10, B11, B12 et B13, qui se rapportaient à la procédure pénale PE.11.014391-YGR ayant fait l'objet de l'ordonnance de classement du 9 juillet 2013, ainsi que des pièces A15 et B4, concernant une affaire pénale à laquelle il a participé en tant que traducteur. Il lui laissait en outre le soin d'apprécier si d'autres pièces assez anciennes devaient aussi être détruites.
Par décision du 8 juillet 2014, le Juge cantonal chargé des dossiers de police judiciaire a admis la demande en tant qu'elle visait les pièces des dossiers JEP et SINAP se rapportant, de près ou de loin, à la procédure pénale PE11.014391-YGR, soit les pièces A7, B2, B3, B8, B9 et B13, et ordonné leur destruction. Il l'a rejetée pour le surplus.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision, de renvoyer la cause à l'autorité cantonale de dernière instance pour qu'elle statue dans le sens des considérants et de lui allouer une indemnité équitable "afin de couvrir la perte de gain subie à la suite de l'incapacité de s'occuper de ses affaires professionnelles pendant le temps consacré à l'exercice de ses droits".
Le Juge cantonal chargé des dossiers de police judiciaire et la Police cantonale concluent au rejet du recours, le premier dans la mesure de sa recevabilité.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision relative à une demande de destruction de pièces versées dans un dossier de police judiciaire. Le siège de la matière se trouve dans la loi vaudoise sur les dossiers de police judiciaire (LDPJu) et relève ainsi du droit public cantonal, de sorte que le recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est ouvert. Aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'est réalisée. Le recours a été interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale (cf. art. 8d al. 6 LDPJu). La qualité pour agir du recourant est donnée de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
La conservation de données personnelles dans les dossiers de police judiciaire porte une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de l'intéressé, dont la protection est garantie aux art. 8 CEDH et 13 Cst., tant que ceux-ci peuvent être utilisés ou, simplement, être consultés par des agents de la police ou être pris en considération lors de demandes d'informations présentées par certaines autorités, voire même être transmis à ces dernières (ATF 126 I 7 consid. 2a p. 10 et les arrêts cités; voir aussi, ATF 138 I 256 consid. 4 p. 258 et arrêt 1C_51/2008 du 30 septembre 2008 consid. 3.1 in ZBl 110/2009 p. 388). Pour être admissible, cette atteinte doit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnée au but visé (art. 36 al. 1 à 3 Cst.). En droit vaudois, la conservation de données personnelles dans les dossiers de police judiciaire est prévue et réglementée dans la loi éponyme, dont le recourant ne conteste pas qu'il s'agirait d'une base légale suffisante. Selon l'art. 1 LPDJu, sont considérées comme telles toutes les informations personnelles conservées par la police et relatives à un crime, un délit ou une contravention relevant du droit pénal fédéral, exception faite des condamnations portées au registre des contraventions de circulation. L'art. 2 al. 1 LDPJu prévoit que seules les informations utiles à la prévention, la recherche et la répression des infractions peuvent être enregistrées dans les dossiers de police judiciaire. Selon les art. 2 al. 3 et 3 al. 2 LDPJu, les données non pertinentes ou inadéquates doivent être radiées, les informations inexactes doivent être corrigées et celles qui sont périmées éliminées. Sur requête de l'ayant droit, le Juge cantonal chargé des dossiers de police judiciaire fait rectifier ou supprimer les données qui s'avèrent inexactes ou incomplètes auprès de tous les destinataires connus et renseigne le requérant sur les mesures qu'il a ordonnées (art. 8d al. 4 et 6 LDPJu). Les dossiers sont secrets et ne peuvent être exploités qu'à des fins de police judiciaire ou à des fins statistiques, à condition que toute précaution soit prise pour que les personnes concernées ne puissent être identifiées (art. 5 al. 1 et 4 LPDJu).
La conservation des données personnelles dans les dossiers de police judiciaire tient à leur utilité potentielle pour la prévention, l'investigation et la répression des infractions pénales (cf. art. 2 al. 1 LDPJu). Elle poursuit ainsi des buts légitimes liés à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (arrêt de la CourEDH Khelili contre Suisse du 18 octobre 2011, § 59). La conservation au dossier de police judiciaire des données relatives à la vie privée d'une personne condamnée au motif que cette dernière pourrait récidiver est conforme au principe de la proportionnalité (arrêt de la CourEDH Khelili précité, § 66). En revanche, tel n'est pas le cas en principe de la conservation de données personnelles ayant trait à une procédure pénale close par un non-lieu définitif pour des motifs de droit, un acquittement ou encore un retrait de plainte; il importe à cet égard peu que le prévenu acquitté ait été condamné aux frais de justice au motif qu'il a donné lieu, par son comportement, à l'ouverture de l'enquête pénale (arrêt 1P.46/2001 du 2 mars 2001 consid. 2a, 2b et 2c). Le Juge cantonal a assimilé à ces cas de figure l'ordonnance de classement dans la mesure où elle équivaut matériellement à un acquittement (art. 320 al. 4 CPP). Cette solution n'est pas critiquable lorsque, comme en l'espèce, le classement de la procédure pénale est prononcé parce que l'élément constitutif subjectif de l'infraction fait défaut.
3.
Le recourant considère que le juge intimé aurait arbitrairement refusé d'ordonner la destruction des pièces A8, B1, B10, B11 et B12 alors qu'elles seraient en lien direct avec la procédure pénale ayant fait l'objet de l'ordonnance de classement du 9 juillet 2013 annexée à sa demande.
La pièce B1 est un extrait de la base de données électroniques SINAP concernant le recourant à la date du 21 mai 2014. La Police cantonale s'oppose à sa destruction au motif qu'il s'agirait d'un document renseignant sur la situation de la personne visée par le dossier qui ne peut pas être effacé, mais qui peut tout au plus être épuré en fonction des décisions rendues par l'autorité judiciaire compétente. Ces motifs sont convaincants. En conséquence, il y a lieu de remplacer l'extrait versé au dossier de police judiciaire du recourant daté du 21 mai 2014 par une version actuelle et épurée, qui tienne compte de la décision attaquée du Juge cantonal chargé des dossiers et du présent arrêt (cf. art. 3 al. 2 LDPJu). Sur ce point, le recours doit être très partiellement admis.
La pièce A8 est un extrait du Journal des Evénements de Police concernant l'annonce faite à la Police municipale de Lausanne le 27 août 2011 par A.________ qu'il avait acheté sans le savoir à un garagiste de Margencel un véhicule volé de marque Mercedes-Benz CLS et qu'il souhaitait déposer plainte pour escroquerie, ce qu'il n'a finalement pas fait. Sous la cote B10 sont regroupés le rapport établi le 29 août 2011 par la Police municipale de Lausanne à la suite de cette annonce ainsi que divers documents administratifs concernant le véhicule concerné. La pièce B11 se compose du procès-verbal de l'audition du recourant menée par la Police cantonale vaudoise le 28 août 2011 en qualité de prévenu dans le cadre d'une enquête préliminaire instruite contre celui-ci pour vol, subsidiairement pour recel de véhicules et escroquerie, du formulaire "Droits et obligations du prévenu", du mandat de visite de police du même jour et de l'inventaire des objets saisis à cette occasion. Quant à la pièce B12, il s'agit d'une copie du formulaire SIRENE n° 4 établi le 27 août 2011 par la Police municipale de Lausanne concernant la Mercedes-Benz CLS, d'une copie de la fiche SIS Véhicule (RIPOL) du véhicule, des mails échangés à propos de celui-ci entre la Police fédérale et le Bureau des signalements de la Police cantonale vaudoise ainsi que d'une copie du Journal des Evénements de Police référencée sous la pièce A8.
Le Juge cantonal s'est opposé à leur destruction au motif qu'elles se rapportaient aux faits signalés dans la pièce A8, dont il a refusé la destruction parce qu'elle ne concernait pas les faits qui ont donné lieu à la procédure terminée selon l'ordonnance de classement du 9 juillet 2013. Cette décision concernait l'enquête pénale PE.11.014391-YGR dirigée notamment à l'encontre du recourant pour recel. Celui-ci était en effet soupçonné d'avoir acheté ou participé à l'achat de plusieurs véhicules volés, dont la Mercedes-Benz CLS qui faisait l'objet de l'annonce faite à la police le 27 août 2011 et enregistrée sous la pièce A8. Cette pièce est donc en relation directe avec l'accusation de recel dont le recourant a finalement été libéré le 9 juillet 2013. Il en va de même du formulaire SIRENE établi le 27 août 2011 et des autres documents concernant ce véhicule (pièce B12). Le rapport de police enregistré sous la pièce B10 se rapporte à l'événement de police qui fait l'objet de la pièce A8. Le recourant a par la suite été entendu le 28 août 2011 en qualité de prévenu (pièce B11), puis une seconde fois le 30 août 2011 (pièce B9) dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte contre lui notamment pour recel. On comprend mal pourquoi la destruction de la seconde a été ordonnée selon la décision attaquée et pas celle de la première.
Dans ces conditions, les pièces dont le recourant sollicite le retrait de son dossier de police judiciaire sont en lien direct avec la procédure pénale ouverte contre lui et close par un classement. Aucun élément ne permet de retenir qu'il ferait l'objet d'une procédure pénale ou qu'il aurait été condamné pénalement à raison des faits signalés dans l'une ou l'autre de ces pièces. On ne voit pas davantage que ces pièces soient utiles à la prévention d'autres infractions de même nature, s'agissant de délits qui ne sauraient être qualifiés de graves à l'instar de la criminalité organisée ou des agressions sexuelles (cf. arrêt de la CourEDH dans la cause M. K. contre France du 18 avril 2013, § 41). L'intérêt du recourant à ce qu'elles soient écartées de son dossier de police l'emporte sur l'intérêt public à les conserver dans l'intérêt de la défense de l'ordre public et de la prévention des infractions pénales.
Le recours doit donc être admis sur ce point.
4.
Le recourant tient le refus d'ordonner la destruction des pièces A3, B5, B6 et B7 pour arbitraire dans la mesure où elles se rapportent à une affaire achevée par une ordonnance de classement rendue le 16 mai 2012, qu'il mentionnait dans sa requête du 7 juin 2013 mais dont il reconnaît avoir omis de joindre une copie à sa requête. Il considère que le juge aurait dû vérifier si ces pièces étaient couvertes par une ordonnance de classement ou à tout le moins lui demander de produire cette décision.
La pièce A3 est un extrait du Journal des Evénements de Police concernant l'annonce de la découverte et de la saisie par la Police Riviera, le 9 novembre 2011, de quatre plaques d'immatriculation à l'intérieur d'un véhicule mal stationné, à Montreux, appartenant à A.________, dont l'une avait fait l'objet d'une plainte pour vol de la part de son détenteur le 14 juin 2011, et de l'arrestation provisoire du recourant comme prévenu. La pièce B6 est le procès-verbal de l'audition du recourant conduite le 9 novembre 2011 par la Police cantonale vaudoise à la suite de la découverte et de la saisie de plaques de contrôle dans le véhicule du recourant, à Montreux. La pièce B7 est le rapport de renseignements établi le même jour par la Police cantonale au sujet du recourant. La pièce B5 constitue le rapport de police dressé dans cette affaire le 21 novembre 2011.
Le Juge cantonal a refusé d'ordonner la destruction de ces pièces du dossier de police judiciaire du recourant aux motifs qu'elles se rapportaient à des faits qui ne sont pas des délits au sens du droit pénal, pour la pièce A3, respectivement à des délits qui n'étaient pas couverts par l'ordonnance de classement du 9 juillet 2013, pour les autres pièces, et que les besoins de la prévention n'étaient pas éteints pour ces données, à raison notamment de l'écoulement du temps.
Il est exact que ces pièces n'ont aucun lien direct ou indirect avec les faits qui ont donné lieu à l'ouverture de la procédure pénale close par l'ordonnance du 9 juillet 2013. La motivation retenue pour refuser de les écarter du dossier de police judiciaire du recourant n'est pas arbitraire. Il ressort toutefois du mémoire de recours et de ses annexes qu'à la suite de l'événement du 9 novembre 2011, une procédure pénale a été ouverte contre le recourant par le Ministère public central du canton de Vaud sous la référence PE11.021190-YGR pour usage abusif de permis de circulation et de plaques de contrôle et close par l'ordonnance de classement précitée du 16 mai 2012. Il s'agit toutefois d'un élément nouveau que l'on ne saurait reprocher au Juge cantonal d'avoir omis de prendre en considération dans la mesure où il ne ressortait d'aucune pièce du dossier et dont la Cour de céans ne saurait tenir compte pour apprécier le bien-fondé de la décision attaquée au regard de l'art. 99 al. 1 LTF qui interdit la présentation de faits nouveaux ou de preuves nouvelles devant le Tribunal fédéral.
Sur ce point, le recours ne saurait être admis. Il appartiendra au Juge cantonal, à qui le dossier de la cause est renvoyé, de statuer à nouveau sur la requête en tenant compte de cette pièce nouvelle.
5.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours, à la réforme de la décision attaquée en ce sens que les pièces A7, A8, B1 dans sa teneur au 21 mai 2014, B2, B3, B8, B9, B10, B11, B12 et B13 seront écartées du dossier de police judiciaire du recourant et détruites et au renvoi de la cause au Juge cantonal chargé des dossiers de police judiciaire pour décision complémentaire concernant les autres pièces dont le recourant sollicite la destruction.
Vu l'issue du recours, le présent arrêt sera rendu sans frais. Le recourant a requis une indemnité équitable "afin de couvrir la perte de gain qu'il dit avoir subie à la suite de l'incapacité de s'occuper de ses affaires professionnelles pendant le temps consacré à l'exercice de ses droits". Il n'a cependant formulé aucune demande en ce sens devant le Juge cantonal. Il s'agit ainsi d'une conclusion nouvelle et de ce fait irrecevable, en tant qu'elle concerne la procédure cantonale (art. 99 al. 2 LTF). La requête doit être rejetée en tant qu'elle porte sur la procédure fédérale. En principe, il ne se justifie pas d'accorder des dépens à une partie non assistée d'un mandataire professionnel (ATF 133 III 439 consid. 4 p. 446). Il est toutefois dérogé à cette règle lorsque celle-là rend vraisemblable avoir dû consacrer un temps anormalement élevé et engager des dépenses particulières pour la défense de ses intérêts (cf. ATF 129 II 297 consid. 5 p. 304). Tel n'est pas le cas en l'espèce. L'objet du litige était restreint à la question de savoir si le Juge cantonal avait refusé à tort d'ordonner la destruction de certaines pièces du dossier de police judiciaire du recourant. La réponse à cette question dépendait d'une pesée des intérêts en présence et ne nécessitait pas de longues recherches juridiques ou de longs développements. Le recourant a d'ailleurs contribué à compliquer la situation en omettant de produire d'emblée la copie de l'ordonnance de classement du 16 mai 2012.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable. La décision attaquée est réformée dans le sens des considérants et le dossier de la cause renvoyé au Juge chargé des dossiers de police judiciaire du canton de Vaud pour décision complémentaire.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens.
3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, ainsi qu'à la Police cantonale et au Juge chargé des dossiers de police judiciaire du canton de Vaud.
Lausanne, le 13 novembre 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
Le Greffier : Parmelin