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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_411/2021  
 
 
Arrêt du 17 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Merz et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________et B.A.________, 
tous les deux représentés par Me Antoine Golano, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Secrétariat d'Etat aux migrations, 
Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
Annulation de la naturalisation facilitée, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 25 mai 2021 (F-1434/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 11 mai 2010, B.A.________, originaire d'EI Salvador née en 1988, s'est mariée avec un ressortissant helvétique né en 1976. 
Le 17 juillet 2015, B.A.________ a introduit une requête de naturalisation facilitée. En date du 6 avril 2016, les époux ont certifié vivre à la même adresse, non séparés, sous la forme d'une communauté conjugale effective et stable, et n'avoir aucune intention de se séparer ou de divorcer. 
Par décision du 21 avril 2016 du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), B.A.________ a obtenu la naturalisation facilitée. 
Le 12 mars 2018, les époux ont ouvert action en divorce par le dépôt d'une requête commune. Le divorce a été prononcé par jugement du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois le 23 mai 2018. 
Le 18 septembre 2018, B.A.________ s'est remariée avec un citoyen allemand au bénéfice d'une autorisation d'établissement, avec lequel elle a eu un enfant, A.A.________, né le 6 avril 2019. 
 
B.  
Par décision du 15 mars 2019, le SEM a annulé la naturalisation facilitée de B.A.________, précisant que cette annulation faisait également perdre la nationalité suisse aux enfants qui l'auraient acquise en vertu de la décision annulée. 
Selon un arrêt du 25 mai 2021, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rejeté le recours formé par B.A.________ et A.A.________, devenu partie à la procédure le 1er avril 2020, contre la décision du SEM précitée. 
 
C.  
Par acte du 29 juin 2021, B.A.________ et A.A.________ forment un recours en matière de droit public par lequel ils demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt entrepris en ce sens que la décision du SEM du 15 mars 2019 est annulée. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvel examen. 
Le TAF renonce à se déterminer et renvoie aux considérants de son arrêt. Le SEM estime que le recours ne remet pas en question l'arrêt attaqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision du TAF qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à la recourante, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte. Pour le surplus, la recourante ainsi que son fils mineur qu'elle représente (cf. art. 304 CC; ATF 142 III 78 consid. 3; 129 III 55 consid. 3.1.2; arrêts 2C_817/2021 du 24 juin 2022 consid. 1.3; 1C_246/2019 du 11 octobre 2019 consid. 1), ont la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. La recourante soutient en premier lieu que les autorités précédentes ne pouvaient écarter ses explications sur le motif de la fin de la vie conjugale, à savoir un désaccord sur la question d'une descendance commune, sans procéder à son audition. Elle fait à cet égard valoir une violation de son droit d'être entendue et de son droit à une procédure équitable, une violation de l'interdiction de l'arbitraire et de la maxime inquisitoire. Elle soutient en outre que le principe de l'égalité des armes n'aurait pas été respecté, dans la mesure où son ex-époux a été entendu par le SEM.  
 
2.2. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1). En procédure administrative fédérale, cette garantie constitutionnelle est concrétisée en particulier par les art. 12 ss et 29 ss de la PA (RS 172.021). Selon l'art. 12 PA, l'autorité constate les faits d'office et procède s'il y a lieu à l'administration de preuves.  
L'autorité peut donc renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). 
 
2.3. Les griefs de la recourante doivent être écartés. En effet, comme l'a relevé le TAF, la procédure de recours régie par la PA est en principe écrite. Ni l'art. 29 PA, ni l'art. 29 Cst. ne donne à celui qui est partie à une procédure administrative le droit d'être entendu oralement (cf. ATF 134 I 140 consid. 5.3; arrêts 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2; 1C_136/2015 du 20 août 2015 consid. 2.2). Or, dans le cas d'espèce, la recourante s'est déterminée par écrit à deux reprises, dont une fois sur le contenu de l'audition de son ex-époux, à laquelle elle a pu assister. La recourante n'explique en outre pas ce que ses commentaires oraux auraient apporté de plus dans la présente cause par rapport à ses déclarations écrites. Elle ne parvient en particulier pas à démontrer en quoi des précisions supplémentaires de sa part seraient susceptibles de modifier l'appréciation du TAF. Enfin, comme cela sera exposé ci-dessous, l'autorité précédente pouvait sans arbitraire considérer que les faits pertinents étaient suffisamment établis par les éléments du dossier, sans qu'il soit nécessaire d'entendre la recourante (cf. infra consid. 3). L'absence d'audition de cette dernière par les autorités précédentes ne contrevient donc pas au droit fédéral.  
 
3.  
Sur le fond, la recourante conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères. Elle reproche au TAF d'avoir appliqué l'art. 36 de la loi fédérale du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse (LN; RS 141.0) de manière erronée. 
 
3.1. Il convient tout d'abord de préciser que l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la nouvelle LN a entraîné l'abrogation de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (aLN; RO 1952 1115), conformément à l'art. 49 LN (en relation avec le chiffre I de son annexe). En vertu de la réglementation transitoire prévue par l'art. 50 LN, l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies " par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit " (al. 1). Les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sont traitées conformément aux dispositions de l'ancien droit jusqu'à ce qu'une décision soit rendue (al. 2).  
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a retenu que le " fait déterminant " au sens de l'art. 50 LN, est la signature de la déclaration de vie commune, voire l'octroi de la naturalisation (arrêt 1C_574/2021 du 27 avril 2022 consid. 2.3. et 2.4). En l'espèce, les deux ont eu lieu en avril 2016. Le droit applicable est dès lors l'ancien droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2017, au contraire de ce qu'a retenu l'autorité précédente. Cela est toutefois sans conséquence sur l'issue de la cause. Les conditions de fond posées aux art. 41 al. 1 aLN et 36 al. 1 LN sont en effet identiques, la seule différence résidant dans l'assentiment de l'autorité du canton d'origine exigé par l'art. 41 al. 1 aLN, et auquel le nouveau droit a renoncé. Cette condition doit être considérée comme une condition de forme à l'annulation de la naturalisation, dès lors que la loi ne pose aucun critère matériel à l'assentiment de l'autorité cantonale. Or, selon la pratique constante, le nouveau droit est immédiatement applicable en ce qui concerne les règles de forme et de procédure, pour autant que les dispositions transitoires ne prévoient pas d'autre solution et que cela n'entrave pas l'application du droit matériel (ATF 136 II 5 consid. 1.2; 135 I 143 consid. 1.2; 115 II 97 consid. 2c; arrêt 1C_574/2021 du 27 avril 2022 consid 2.4). Tel est le cas en l'occurrence, de sorte que, dès l'entrée en vigueur du nouveau droit, l'assentiment du canton d'origine n'est plus nécessaire. 
 
3.2. Pour le reste, et quoi qu'en dise la recourante, l'instance précédente a exposé et appliqué correctement les art. 21 et 36 LN (cf. art. 27 et 28 aLN et 41 aLN), ainsi que la jurisprudence y relative. Elle a en particulier rappelé à bon droit que l'enchaînement chronologique rapide entre l'obtention de la naturalisation et la séparation du couple permettait d'appliquer la présomption jurisprudentielle selon laquelle la naturalisation a été obtenue frauduleusement; en effet, seulement neuf mois ont séparé la signature de la déclaration de vie commune, respectivement la décision d'octroi de la naturalisation facilitée (avril 2016) d'avec la séparation du couple (janvier 2017). L'autorité précédente a également relevé que le déroulement rapide des événements après l'annonce officielle de la séparation en janvier 2018 venait renforcer la présomption jurisprudentielle: demande commune de divorce (mars 2018), jugement de divorce (mai 2018), remariage de la recourante avec son nouveau compagnon (septembre 2018), naissance de leur fils (avril 2019). Il peut être renvoyé à cet égard aux considérants de l'arrêt attaqué (cf. arrêt entrepris consid. 6 à 8; art. 109 al. 3 LTF). Pour le surplus, comme l'a relevé l'autorité précédente, la recourante ne démontre pas avoir tenté d'une manière ou d'une autre de sauver son couple, circonstance qui tend également à confirmer la présomption selon laquelle le couple n'était pas stable lorsque les époux ont signé la déclaration de vie commune, respectivement lors de l'octroi de la naturalisation facilitée. C'est en outre en vain que la recourante conteste ce mécanisme de présomption, qui a été maintes fois confirmé par la jurisprudence (notamment ATF 135 II 161 consid. 3; arrêts 1C_574/2021 du 27 avril 2022 consid. 3.2; 1C_618/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1), étant pour le surplus précisé qu'il ne ressort nullement de l'arrêt attaqué que la présence d'enfants dans un couple, respectivement la volonté d'avoir une descendance commune serait l'élément qui définit la notion d'union conjugale, ainsi que le dénonce la prénommée.  
Dès lors, conformément à la jurisprudence précitée, il s'agit uniquement de déterminer si la recourante est parvenue à renverser la présomption établie en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité des problèmes de couple au moment de la signature de la déclaration commune. 
Dans son écriture, la recourante n'avance toutefois aucun élément susceptible de renverser cette présomption. En effet, elle ne parvient pas à rendre crédible l'élément de fait qui permettrait de comprendre pourquoi l'union conjugale formée avec son ex-époux, prétendument intacte au mois d'avril 2016, se serait dégradée pour déboucher sur une séparation en janvier 2017, puis une requête commune de divorce en mars 2018. Elle se prévaut d'une divergence d'opinions quant à la volonté de fonder une descendance. Or, outre que cet élément a été pris en compte par le TAF, au contraire de ce que la recourante prétend (cf. arrêt entrepris consid. 8.6.1), il ne permet pas d'expliquer une soudaine dégradation du lien conjugal seulement 9 mois après l'octroi de la naturalisation. A cet égard, la recourante n'exclut pas avoir discuté de cette question avant l'engagement de la procédure de naturalisation. Au contraire, elle précise dans son mémoire de recours que " l'éventuelle divergence " à ce sujet aurait été " reléguée au second plan, étant donné les objectifs de l'époque du couple et de l'âge de la recourante ". Elle fait valoir que la divergence d'avis des ex-époux sur ce point ne serait devenue un point d'achoppement qu'à la suite de sa naturalisation et que cette problématique serait alors passée au premier plan pour le couple. Elle ne conteste dès lors pas que cet élément constituait déjà un point de divergence avant l'engagement de la procédure de naturalisation facilitée. 
A ces circonstances s'ajoutent encore les allégations de l'ex-époux de la recourante, qui a indiqué lors de son audition que cette dernière savait, depuis leur rencontre, qu'il ne voulait pas d'enfant. Comme l'a retenu le TAF, la recourante n'est dès lors pas crédible lorsqu'elle prétend que leur désaccord sur une descendance commune est survenu de manière inattendue et subite après plus de cinq ans de mariage. Par ailleurs, la recourante ne conteste pas les " soucis " rencontrés par le couple relevés par son ex-époux, à savoir qu'ils ne partageaient plus la même vision pour le futur, qu'ils n'avaient pas la même culture et que les sentiments n'étaient plus les mêmes. Le TAF n'a dès lors commis aucun arbitraire en considérant que ce prétendu désaccord sur une descendance commune - ajouté à d'autres difficultés - ait été à l'origine d'une dégradation progressive des rapports conjugaux, ayant débuté déjà avant la déclaration concernant la communauté conjugale et l'obtention par la recourante de la naturalisation facilitée. Quant au courrier de l'ex-époux de la recourante du 20 mai 2019, dans lequel ce dernier confirme qu'ils ne partageaient pas la même vision sur la question des enfants, il n'est pas de nature à rendre insoutenable cette appréciation. Par ailleurs, le fait que les ex-époux se soient séparés moins de neuf mois après la signature de la déclaration commune et qu'ils n'aient pas tenté d'une manière ou d'une autre de sauver leur union conjugale paraît confirmer que cette union ne présentait pas la stabilité requise au moment déterminant et qu'il est peu plausible que la recourante n'ait découvert la dégradation de son couple qu'après l'obtention de la naturalisation facilitée. 
La recourante allègue encore qu'il n'existerait aucun intérêt public à l'annulation de sa naturalisation facilitée; cette critique est vaine. En effet, l'annulation de la naturalisation facilitée obéit à des règles qui accordent une importance particulière à la relation de confiance avec l'administré. Si celui-ci trahit cette confiance, en adoptant un comportement déloyal et trompeur, l'art. 41 aLN (art. 36 LN) donne à l'autorité compétente la faculté d'annuler la naturalisation facilitée, les fondements de celle-ci n'étant plus réunis. Par conséquent, si des déclarations mensongères ou la dissimulation de faits essentiels peut être retenue selon ce qui précède, on ne voit pas à quel titre la recourante pourrait invoquer le principe de la proportionnalité. 
 
3.3. En définitive, les éléments avancés par la recourante ne suffisent pas à renverser la présomption établie. Il en découle que les conditions d'application de l'art. 41 aLN (art. 36 LN) sont réunies; le TAF n'a dès lors pas violé le droit fédéral en confirmant l'annulation de la naturalisation facilitée octroyée à la recourante ainsi que celle de la nationalité accordée à son fils par ce biais (art. 41 al. 3 aLN et 36 al. 4 LN). En ce qui concerne ce dernier, la recourante ne formule d'ailleurs aucun argument tendant à remettre en cause l'appréciation de l'autorité précédente.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au TAF, Cour VI. 
 
 
Lausanne, le 17 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Nasel