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Ecriture agrandie
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_163/2009 
 
Arrêt du 31 mars 2010 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges Hohl, Présidente, 
L. Meyer, Jacquemoud-Rossari, von Werdt et Herrmann. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Parties 
Ordre des avocats vaudois, agissant par 
son Bâtonnier Me Pierre-Dominique Schupp, 
1000 Lausanne, représenté par Me Philippe Bauer, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Y.________, représenté par Me Rudolf Schaller, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
protection de la personnalité, 
 
recours contre le jugement de la Ie Cour civile 
du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel 
du 3 février 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Le 9 juin 1995, A.________, avocat à Lausanne, qui était alors le conseil de Y.________, a informé le Bâtonnier de l'Ordre des avocats vaudois (ci-après: OAV) qu'il avait été consulté par Y.________ en raison de "divers déboires [...] dans ses rapports contractuels avec la société B.________" et mandaté aux fins "de déposer une plainte pénale" à l'encontre de C.________ (ancien administrateur), voire d'autres personnalités, parmi lesquelles les responsables de la société D.________ SA et Me E.________, président de B.________; Me A.________ sollicitait, en conséquence, l'autorisation "d'assister Y.________ dans ses démarches auprès de la justice pénale". 
 
Le 22 août suivant, le Bâtonnier de l'OAV, alors Me Philippe Richard, a adressé à Me A.________ et à Me E.________ une lettre commune pour leur confirmer que celui-là avait été autorisé à assister son client dans la procédure pénale susmentionnée, cette autorisation ayant toutefois été "subordonnée à la condition que la plainte pénale ne fût pas dirigée contre Me E.________, ce que Me A.________ a accepté". 
A.b Le 23 juin 1995, Y.________, sous sa propre signature, a adressé au Juge d'instruction cantonal du canton de Vaud une plainte pénale dirigée notamment contre C.________. Me A.________ est ensuite intervenu dans la procédure pénale, en particulier le 24 juillet 1995 pour requérir le séquestre de documents et de comptes au nom de la société B.________ ou de C.________. 
 
Le 27 septembre 1995, le Juge d'instruction a rendu une ordonnance dans la procédure pénale instruite sur la plainte de Y.________ "contre C.________ et E.________, pour escroquerie et gestion déloyale, infraction à la LDA"; il a suspendu l'enquête jusqu'à droit connu sur le jugement civil statuant sur les questions évoquées dans l'ordonnance (i.e. relative à la position contractuelle de chacun des partenaires dès le 26 janvier 1995) et fixé à Y.________ un délai au 27 octobre 1995 pour ouvrir action. 
 
B. 
B.a En 2001, Y.________ a été renvoyé en jugement pour tentative de contrainte (cf. art. 181 CP) à la suite de la notification d'un commandement de payer de 10 millions de francs à la société D.________ SA. 
Le 21 octobre 2005, Me A.________ s'est adressé au Bâtonnier et au Vice-bâtonnier de l'OAV pour les informer qu'il avait reçu, le 13 juillet 2005, une citation à comparaître en qualité de témoin dans le procès pénal précité, ajoutant qu'il avait réalisé "tardivement que l'article 11 de nos usages est très restrictif en la matière et qu'il [devait], le cas échéant, obtenir l'autorisation du Bâtonnier pour témoigner". 
 
Le même jour, le Vice-bâtonnier, Me Christian Bettex, lui a répondu qu'il n'y avait pas, en l'espèce, "d'élément exceptionnel qui justifierait d'une autorisation", si bien qu'il ne l'autorisait pas "à témoigner devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne (sic)". 
B.b Par jugement rendu le 27 octobre 2005, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a acquitté Y.________ de l'accusation de tentative de contrainte. S'agissant du témoignage de Me A.________, cette décision constate que celui-ci a "produit une lettre du Vice-bâtonnier des avocats vaudois ne l'autorisant pas à témoigner, même qu'il le souhaite", de sorte qu'il a refusé de témoigner. 
 
A la suite du refus de déposer, le défenseur de Y.________ a formé une requête incidente "tendant à ce que le tribunal dénonce pénalement le ou les représentants de l'Ordre des avocats vaudois ayant signifié à l'avocat A.________ qu'il n'était pas autorisé à témoigner dans cette affaire"; cette requête a été rejetée par le Tribunal de police. 
B.c Le 12 décembre 2005, l'actuel mandataire de Y.________ s'est adressé à l'OAV en ces termes: 
Sur requête de M. Y.________, Me A.________ a été cité comme témoin dans la procédure pénale dirigée contre M. Y.________ devant le Tribunal de Police d'Yverdon. 
Me A.________ s'est présenté à l'audience du 26 octobre 2005 et a dit au Tribunal qu'il voulait témoigner, mais qu'il en était empêché par votre lettre du 21 octobre 2005. 
Le fait d'être privé du témoignage-clé de Me A.________ a causé à M. Y.________ un dommage que j'évalue à frs. 10'000.-- environ dans ladite procédure. 
Dans d'autres procédures tant pénale que civile, Me A.________ sera de nouveau proposé comme témoin. M. Y.________ m'a demandé de prendre les mesures pour amener l'Ordre des avocats vaudois à ne plus interdire à Me A.________ de témoigner dans les procédures qui concernent M. Y.________. 
Je vous invite, dès lors, à retirer la lettre du 21 octobre 2005 et à me confirmer par écrit que Me A.________ est autorisé à témoigner dans les procédures actuelle ou futures qui concernent M. Y.________". 
En réponse, le Bâtonnier a transmis le 15 décembre 2005 à Me A.________ une copie de cette lettre, puis, après avoir rappelé la teneur de l'art. 11 des Usages du barreau vaudois, a ajouté qu'il incombera le cas échéant à l'intéressé "de requérir une nouvelle autorisation de témoigner s'il est à nouveau cité en qualité de témoin par Y.________ et à exposer les motifs pour lesquels il estimerait ne pas pouvoir refuser son témoignage". 
 
C. 
C.a Le 14 mars 2006, Y.________ a ouvert action contre l'OAV devant le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel en prenant les conclusions suivantes: 
"1. Constater que le refus de l'Ordre des avocats vaudois d'autoriser Me A.________ à témoigner à l'audience du 26 octobre 2005 devant le Tribunal de Police du Tribunal d'Arrondissement de la Broye et du Nord Vaudois constitue une atteinte illicite à la personnalité de Monsieur Y.________; 
2. Interdire à l'Ordre des avocats vaudois de refuser l'autorisation de témoigner à Me A.________ dans toute procédure concernant M. Y.________. 
3. Dire que l'interdiction selon chiffre 2 est prononcée sous la menace de l'article 292 du Code pénal suisse qui a la teneur suivante: 
«Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni des arrêts ou de l'amende.» 
4. Condamner l'Ordre des avocats vaudois à payer à Monsieur Y.________ la somme de frs. 20'000 .-- à titre de réparation du dommage et du tort moral, plus intérêts de 5% dès le 15 mars 2006, sous réserve d'amplifier la demande dans le courant de la procédure. 
5. Condamner l'Ordre des avocats vaudois aux frais de justice et aux dépens, dans lesquels sera comprise une participation équitable aux honoraires d'avocat de Monsieur Y.________." 
Le défendeur a conclu au rejet de la demande. 
A l'audience du 25 octobre 2006, le demandeur a requis formellement un "jugement sur moyen séparé" des conclusions 1 à 3; le défendeur ne s'y est pas opposé; l'autorité cantonale s'est ralliée à cette façon de procéder et a ordonné la clôture de la procédure probatoire limitée au moyen séparé. 
 
Dans leurs "conclusions en cause", puis à l'audience de plaidoiries du 26 janvier 2009, les parties ont maintenu leurs positions. 
C.b Par arrêt du 11 décembre 2008, la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral a admis le recours pour déni de justice (retard injustifié) formé par le demandeur et invité le Tribunal cantonal à statuer sans délai sur la demande (5A_517/2008). 
C.c Par jugement du 3 février 2009, la Ie Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a constaté que le refus de l'OAV d'autoriser Me A.________ à témoigner à l'audience du 26 octobre 2005 du Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois constitue une atteinte illicite à la personnalité de Y.________ (ch. 1), interdit à l'OAV de refuser l'autorisation de témoigner à Me A.________ dans toute procédure concernant Y.________ et en lien avec ses précédents mandats (ch. 2), rejeté la conclusion n° 3 de la demande (ch. 3) et statué sur les frais ainsi que les dépens de la procédure (ch. 4). 
 
D. 
L'OAV forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à la réforme de ce jugement, en ce sens que les conclusions nos 1 et 2 de la demande sont rejetées. 
 
Y.________ propose le rejet du recours et la confirmation du jugement attaqué. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Se ralliant à l'accord des plaideurs, l'autorité cantonale s'est limitée à trancher les conclusions nos 1 à 3 de la demande. Le jugement attaqué constitue ainsi une décision partielle, susceptible de recours sous l'angle de l'art. 91 let. a LTF (cf. UHLMANN, in: Basler Kommentar, BGG, 2008, nos 4 et 5 ad art. 91 LTF). 
 
1.2 Le recours, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), est exercé contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). L'association défenderesse, qui a succombé devant l'autorité précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
1.3 Lorsque le recours est dirigé à l'encontre d'une décision partielle, la valeur litigieuse correspond à l'ensemble des conclusions qui étaient litigieuses devant la juridiction ayant rendu cette décision (art. 51 al. 1 let. b LTF). En l'occurrence, le calcul de la valeur litigieuse inclut donc le chef de conclusions en paiement d'une somme de 20'000 fr. à titre de réparation morale. Cependant, les chefs de conclusions litigieux en instance fédérale étant de nature non pécuniaire (arrêt 5A_605/2007 du 4 décembre 2008 consid. 1.1 et les citations; Corboz, in: Commentaire de la LTF, 2009, n° 17 ad art. 74), la présente cause est justiciable du recours en matière civile sans égard à la valeur du chef de conclusions pécuniaire (CORBOZ, ibidem, n° 15 et la jurisprudence citée). 
 
2. 
2.1 La loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61; FF 1999 p. 5331-5398), entrée en vigueur le 1er juin 2002, définit à ses art. 12 et 13 les règles professionnelles applicables aux avocats. Aux termes de l'art. 13 al. 1 LLCA, l'avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession; cette obligation n'est pas limitée dans le temps et est applicable à l'égard des tiers; le fait d'être délié du secret professionnel n'oblige pas l'avocat à divulguer des faits qui lui ont été confiés. 
 
Les règles professionnelles sont les normes édictées par une autorité afin de réglementer, dans l'intérêt public, l'exercice d'une profession; elles se distinguent des règles déontologiques, ou us et coutumes, qui émanent des associations professionnelles (FF 1999 p. 5367). Le droit fédéral énumère d'une manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles sont soumis les avocats (FF 1999 p. 5355; ATF 131 I 223 consid. 3.4 p. 228; 130 II 270 consid. 3.1.1 p. 275; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, 2009, n° 245, avec les références); les règles déontologiques conservent, néanmoins, une portée juridique dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles (FF 1999 p. 5355 et 5368), et qu'elles expriment une conception largement répandue au plan national (sur l'ensemble de la question: Bohnet/Martenet, op. cit., nos 294 ss et les citations). 
 
2.2 Conformément à l'art. 11 des Usages du Barreau Vaudois (UBV), édictés le 13 janvier 2004, l'avocat "ne témoigne pas sur un fait dont il a eu connaissance dans l'accomplissement de son mandat; exceptionnellement et s'il estime ne pas pouvoir refuser son témoignage, il devra requérir préalablement du Bâtonnier l'autorisation de déposer". L'actuel art. 3 UBV, dans sa teneur du 5 octobre 2006, a repris textuellement cette règle. 
 
La loi fédérale, qui régit exhaustivement ce sujet (supra, consid. 2.1), n'institue aucune obligation pour l'avocat de recueillir "préalablement du Bâtonnier" l'autorisation de témoigner en justice. La décision attaquée ne constate pas davantage qu'il s'agirait là d'une règle exprimant une "conception largement répandue au plan national"; le Code suisse de déontologie de la Fédération suisse des avocats (FSA) du 10 juin 2005 ne la prévoit d'ailleurs pas. De surcroît, l'on ne discerne aucun intérêt public à son observation (cf. au sujet de "l'obligation" de consulter le Bâtonnier avant de déposer, au nom du client, une demande en justice à l'encontre d'un confrère: Fellmann/Sidler, Standesregeln des Luzerner Anwaltsverbandes, 1996, n° 2 ad art. 44 et la jurisprudence citée). 
 
La question de savoir si l'autorité compétente peut refuser de lever le secret professionnel, alors même que l'avocat et le client consentent à cette levée, n'a pas besoin d'être examinée en l'espèce; elle relève en outre de la connaissance de la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois (art. 36 let. g du Règlement d'administration de l'ordre judiciaire [RAOJ] du 13 novembre 2007 [RSV 173.01.3]; Maurer/Gross, in: Loi sur les avocats, Commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, 2010, n° 393 ad art. 13 LLCA). 
 
3. 
L'autorité cantonale a retenu que le témoignage de Me A.________ aurait été utile au demandeur lors du procès pénal qui s'est achevé le 27 octobre 2005 devant le Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et représentait un moyen de preuve pertinent dans la perspective de divers procès civils. Vu les refus qu'il avait déjà essuyés, l'intéressé pouvait légitimement craindre que le Bâtonnier ne refusât de nouveau à son ancien avocat l'autorisation de témoigner; par conséquent, il avait au moins un "intérêt de fait" à requérir en justice que l'association professionnelle dont dépend ce témoin ne décrète pas une interdiction de témoigner fondée sur l'art. 3 UBV. Puisque le demandeur doit prouver les faits dont il se prévaut et qu'il est titulaire du "droit procédural" d'offrir comme moyen de preuve le témoignage de son précédent conseil, il est "parfaitement raisonnable de considérer que le droit [...] de pouvoir se défendre dans un procès pénal, de même que celui de ne pas être entravé dans la conduite normale de procès civils en cours ou à venir, entrent dans les droits de la personnalité sociale protégés par l'article 28 CC". 
 
La cour cantonale a admis le chef de conclusions n° 1 de la demande au regard de l'art. 28a al. 1 ch. 3 CC. Elle a considéré que le refus de l'autorisation était une cause sine qua non qui avait conduit au résultat, c'est-à-dire que, sans ce refus, Me A.________ aurait témoigné. Le défendeur a participé à l'atteinte au droit du demandeur de faire administrer cette preuve devant le Tribunal pénal vaudois. Peu importe que cette cause n'ait pas été suffisante et qu'il ait fallu, en plus, que l'avocat lui-même refuse de témoigner pour ne pas braver l'interdiction de son Bâtonnier, car le refus de l'autorisation a contribué au refus de déposer. En outre, tant que ce témoignage n'aura pas été administré, son importance ne pourra être démontrée, de telle sorte que le trouble créé par l'absence de déposition subsiste. L'association défenderesse, quant à elle, n'a ni allégué ni prouvé un fait justificatif au sens de l'art. 28 al. 2 CC; elle n'a pas expliqué, en particulier, ce qui a pu justifier, et justifierait encore, le refus du Bâtonnier d'autoriser Me A.________ à témoigner. 
 
La cour cantonale a admis le chef de conclusions n° 2 de la demande sur la base de l'art. 28a al. 1 ch. 1 CC. Ce chef de conclusions est la conséquence logique du précédent; il vise à pallier la volonté défaillante du défendeur de permettre au demandeur - par l'autorisation donnée à Me A.________ - de sauvegarder ses droits en apportant le témoignage de son ancien mandataire dans les procès en cours ou à venir. Comme le refus du défendeur d'autoriser le témoin à déposer subsiste, l'atteinte est imminente, en ce sens que le demandeur peut s'attendre à ce que le défendeur invoque derechef l'art. 3 UBV pour refuser à Me A.________ de témoigner. L'intéressé doit pouvoir décider de déposer ou non, avec pour seul devoir celui qui découle de l'art. 13 LLCA. L'entrave au libre exercice, par l'avocat, du choix que lui concède cette norme doit être prohibée, car le refus du Bâtonnier d'autoriser la déposition de l'avocat enfreint le droit de son ancien client de faire appel à son témoignage; le droit fédéral règle de façon exhaustive les devoirs professionnels de l'avocat, et une association privée ne saurait s'octroyer la compétence de décider à la place du mandant et du mandataire. 
 
3.1 D'après la jurisprudence, l'atteinte, au sens des art. 28 ss CC, est réalisée par tout comportement humain, tout acte de tiers, qui cause de quelque manière un trouble aux biens de la personnalité d'autrui en violation des droits qui la protègent (ATF 120 II 369 consid. 2 p. 371 et les citations); elle peut résulter, en particulier, d'une décision prise sur la base d'une réglementation associative (ATF 134 III 193 consid. 4.3 p. 199 et les citations). Encore faut-il que cette atteinte - en l'espèce le refus d'autoriser l'avocat à témoigner en justice - soit illicite (parmi plusieurs: Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, 1984, nos 583 ss et les citations), exigence dont l'autorité cantonale admet implicitement la réalisation, mais sans s'expliquer davantage. 
 
Comme on l'a vu (supra, consid. 2), le secret professionnel de l'avocat est exhaustivement réglé par l'art. 13 LLCA; il n'y a donc pas de place pour une "procédure d'autorisation" en vertu des usages du Barreau vaudois, qui ne peuvent pas non plus servir à interpréter et à préciser la loi fédérale. Aussi, l'association recourante n'est-elle pas habilitée à rendre de décision (formelle) refusant d'autoriser l'un de ses membres à témoigner en justice. L'avis exprimé par le Bâtonnier, en des termes qui peuvent prêter à confusion ("refus d'autorisation", "interdiction"), ne revêt ainsi que la valeur d'une recommandation, que l'avocat est libre de suivre ou non, et ne saurait donc être assimilé à une atteinte illicite à la personnalité de l'intimé. Quoi qu'en dise l'autorité cantonale, le fait que le refus de l'autorisation ait été la "cause sine qua non" du refus de déposer ne rend pas d'emblée illicite la "décision" du Bâtonnier; en refusant de témoigner, l'avocat a choisi de se conformer - pour quelque raison que ce soit - à la recommandation de son association professionnelle, à laquelle il eût néanmoins pu se soustraire. 
 
Au demeurant, la reconnaissance d'un "droit procédural" à la preuve, découlant de l'art. 28 CC, s'avère problématique. Certaines dispositions de procédure accordent à des personnes déterminées - en particulier les membres de la famille - le droit absolu de refuser de collaborer à l'administration des preuves (HOHL, Procédure civile, t. I, 2001, n° 986; cf. aussi: art. 165 CPC du 19 décembre 2008), en ce sens que cette collaboration ne peut être que volontaire et non pas obtenue sous la contrainte (FF 1999 p. 6927). Quand bien même le succès de l'action dépendrait du témoignage de l'une de ces personnes, le demandeur ne saurait se prévaloir de l'art. 28 CC à l'effet de contraindre l'intéressé à déposer ou, en cas de perte du procès, de faire constater par le juge le caractère illicite du refus de déposer, lequel n'a d'ailleurs pas à être motivé (cf. FF 1999 p. 6927); un tel procédé ne serait pas davantage admissible à l'encontre du tiers ayant incité un membre de la famille de l'une des parties à user de son droit de refuser de témoigner. 
 
3.2 En droit privé, le secret professionnel est protégé, notamment, par l'art. 28 CC, en ce sens que sa violation (par l'avocat) est constitutive d'une atteinte aux droits de la personnalité du client (cf. ATF 91 I 200 consid. 3 p. 206; Bohnet/Martenet, op. cit., n° 1799). Cet aspect n'est pas litigieux en l'espèce, où la question est, au contraire, de savoir si le client peut déduire des droits de la personnalité une prétention à ce que son avocat puisse témoigner en justice nonobstant la recommandation de s'abstenir que celui-ci s'est vu signifier par son association professionnelle; en effet, il est manifeste que l'intimé n'eût pas ouvert action à l'encontre de l'association recourante si son ex-conseil n'avait pas exprimé, lors du procès pénal, son "souhait" de témoigner (cf. supra, let. B.b). 
 
3.3 Le secret professionnel est absolu: l'avocat est libre de divulguer ou non des faits qui lui ont été confiés, même après avoir été délié du secret, fût-ce à sa propre initiative (Bohnet/Martenet, op. cit., n° 1853 et les références); ni le client ni l'autorité de surveillance (cf. ZR 1992-93 n° 67 p. 253) ne peuvent le contraindre à témoigner (Bohnet/Martenet, op. cit., n° 1869 et les citations). 
 
Comme le souligne à juste titre le recourant, le mandant n'est dès lors pas titulaire d'un "droit procédural" déduit de l'art. 28 CC à ce que son ex-avocat témoigne sans autre restriction que sa propre décision. Du reste, l'hypothèse inverse n'est pas non plus concevable; il serait ainsi exclu que le client, voire un tiers (cf. Bohnet/Martenet, op. cit., nos 1858 et 3193), invoque l'art. 28 CC pour demander au tribunal d'interdire au Bâtonnier d'accorder à l'avocat l'autorisation de témoigner. Autrement dit, l'interdiction signifiée à l'OAV "de refuser l'autorisation de témoigner à Me A.________ [...]" n'évacue nullement l'obstacle que constitue le secret professionnel de l'avocat. Si le client n'a pas de droit à contraindre son avocat à témoigner, dès lors que le secret professionnel est absolu, il n'en a pas davantage pour obliger l'association recourante à accorder à l'avocat l'autorisation de déposer, du moins à ne pas s'opposer à ce qu'il témoigne. A cet égard, il apparaît singulier de vouloir, par une telle interdiction, "suppléer [à] la volonté défaillante du défendeur [OAV] de permettre [...] au demandeur de sauvegarder ses droits en apportant le témoignage de son ancien mandataire", alors que celui-ci est libre de déposer ou non, quelle que puisse être la "volonté" de son association professionnelle. 
 
Il est vrai que l'avocat qui décide de passer outre à l'interdiction qui lui a été faite pourrait - en théorie (supra, consid. 2.2 in fine) - s'exposer à des sanctions disciplinaires; mais cet aspect, qui touche uniquement à la déontologie, ne change rien au fait que le client ne se trouve pas au bénéfice d'un droit, sous l'angle de l'art. 28 CC, à ce que le Bâtonnier ne refuse pas à l'avocat de prendre une résolution dont il est le seul et unique maître. 
 
4. 
Vu ce qui précède, le présent recours doit être accueilli et le jugement attaqué réformé en ce sens que les chefs de conclusions nos 1 et 2 de la demande sont rejetés. Les frais et dépens de l'instance fédérale sont mis à la charge de l'intimé qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). Enfin, la cause est renvoyée à la juridiction précédente pour qu'elle statue sur les frais et dépens de l'instance cantonale (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et le jugement attaqué est réformé en ce sens que les chefs de conclusions n°s 1 et 2 de la demande sont rejetés. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3. 
Une indemnité de 4'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé. 
 
4. 
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Ie Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
Lausanne, le 31 mars 2010 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: Le Greffier: 
 
Hohl Braconi