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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_106/2021  
 
 
Arrêt du 8 août 2022  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Niquille et May Canellas. 
Greffière: Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Loïc Parein, avocat, 
défendeur et recourant, 
 
contre  
 
B.________ Sàrl, 
représentée par Me Olga Collados Andrade, avocate, 
demanderesse et intimée. 
 
Objet 
contrat de travail; dépens, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2020 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (n° 560; JI17.049041-191648 et 200421). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société B.________ Sàrl et A.________ sont en litige à la suite d'un travail que le second a fait pour la première. 
 
B.  
Dite société (la demanderesse) a ouvert action contre A.________ (le défendeur) devant la juridiction vaudoise ordinaire. Par demande du 13 novembre 2017, elle a exigé des dommages-intérêts de 28'068 fr. 95 et requis la mainlevée de l'opposition formée dans la poursuite en cours. 
Par jugement du 8 octobre 2019, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a partiellement admis cette demande, condamné le défendeur à payer 7'842 fr. à la demanderesse et prononcé dans cette mesure la mainlevée définitive de l'opposition. Il a réparti les frais judiciaires à raison des trois quarts (5'233 fr. 70) pour la demanderesse et d'un quart (1'744 fr. 60) pour le défendeur, en précisant que la part due par ce dernier était provisoirement laissée à la charge de l'Etat. Pour le surplus, le défendeur était astreint à payer 1'312 fr. de dépens réduits à la demanderesse et l'indemnité de son conseil d'office était arrêtée à 7'097 fr. 40. 
Le défendeur a fait appel de cette décision, suscitant un appel joint de la partie adverse. 
Par arrêt du 13 novembre 2020, notifié le 13 janvier 2021, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel principal et rejeté l'appel joint. Elle a déclaré la demande irrecevable au motif qu'elle se fondait sur un contrat de travail et relevait de la compétence du Tribunal de prud'hommes. Partant, la cour a imputé la totalité des frais de première instance (6'978 fr. 30) et de deuxième instance (1'460 fr.) à la demanderesse. Elle a supprimé le chiffre IV du dispositif de première instance en tant qu'il condamnait le défendeur à verser des dépens réduits à la demanderesse et lui a alloué des dépens de 3'000 fr. pour la deuxième instance. En revanche, elle a renoncé à lui octroyer des dépens de première instance (cf. consid. 2.1 infra).  
 
C.  
Le défendeur a saisi le Tribunal fédéral d'un double recours en matière civile et constitutionnel subsidiaire visant à faire réformer l'arrêt sur appel, en ce sens que de pleins dépens - d'au moins 7'097 fr. 40 - devraient lui être octroyés pour la procédure de première instance. 
Parallèlement, il a demandé l'assistance judiciaire complète, qui lui a été accordée par ordonnance du 18 août 2021. Me Loïc Parein a été désigné comme avocat d'office. 
Invitée à déposer une réponse, la demanderesse/intimée a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours en matière civile comme du recours constitutionnel, subsidiairement à l'irrecevabilité du premier et au rejet du second, et plus subsidiairement encore, à l'irrecevabilité du second et au rejet du premier. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le défendeur a exercé simultanément un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire (art. 119 LTF), en raison d'un doute planant sur la valeur litigieuse. 
Il est acquis que celle-ci atteint 28'068 fr. 95. Sont en effet déterminantes les conclusions sur le fond restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF), sans égard à la somme encore en jeu devant le Tribunal fédéral qui, comme en l'espèce, peut être inférieure au seuil requis (art. 74 al. 1 LTF) et concerner exclusivement la question accessoire des dépens (ATF 137 III 47 consid. 1.2.2). 
L'autorité précédente a discerné dans le rapport juridique litigieux un contrat de travail, et ce point n'est plus discuté à ce stade. Partant, le seuil décisif de 15'000 fr. est bel et bien dépassé (art. 74 al. 1 let. a LTF) et la voie du recours en matière civile disponible - les autres conditions de recevabilité étant réalisées sur le principe. Il s'ensuit l'irrecevabilité du recours subsidiaire (art. 113 LTF). 
 
2.  
Le litige a trait exclusivement aux dépens de première instance. 
 
2.1. Les juges cantonaux ont donné raison au défendeur (recourant), écartant la demande déposée à son encontre au motif que l'autorité saisie était incompétente. Suivant ses réquisitions, ils ont supprimé le chiffre IV du dispositif de première instance qui l'astreignait à verser des dépens réduits à son adverse partie et lui ont accordé des dépens d'appel. En revanche, ils ont renoncé à lui allouer des dépens de première instance au motif que son appel ne contenait aucune conclusion topique, dans une procédure gouvernée par la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC).  
 
2.2. Le recourant dénonce une violation de l'art. 318 al. 3 CPC, qui imposait à la cour cantonale de statuer à nouveau "sur les frais de la première instance" - y compris les dépens. Il rappelle que sa réponse du 6 mars 2018 tendait au rejet de la demande "avec suite de frais et dépens" et qu'il avait transmis au premier juge une liste des opérations effectuées par son conseil d'office. Dans son appel, il aurait pareillement pris des conclusions "avec suite de frais et dépens" et déposé derechef une liste des opérations entreprises par son avocat pour la procédure d'appel. A l'audience de conciliation du 30 novembre 2020, il aurait encore précisé prétendre à des dépens de première et de deuxième instances. Dès lors, il aurait formulé des conclusions idoines. En retenant le contraire, l'autorité précédente aurait versé dans le formalisme excessif.  
 
3.  
 
3.1. Le CPC énonce:  
Art. 105 Fixation et répartition des frais 
1Les frais judiciaires sont fixés et répartis d'office. 
2 Le tribunal fixe les dépens selon le tarif (art. 96). Les parties peuvent produire une note de frais. 
Art. 318 Décision sur appel 
(...) 
3 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance. 
S'appuyant sur les travaux législatifs et l'art. 105 al. 1 CPC a contrario, la jurisprudence a précisé que la maxime de disposition règne en ce domaine, si bien que des dépens ne peuvent être alloués qu'à la partie qui les a demandés (ATF 139 III 334 consid. 4.3; 140 III 444 consid. 3.2.2 p. 447; arrêt 4A_171/2017 du 26 septembre 2017 consid. 4) et ce, dans les limites de ce qu'elle a exigé (cf. arrêt 4A_465/2016 du 15 novembre 2016 consid. 4.2). Cette exigence doit s'entendre sans trop de formalisme, et des conclusions chiffrées ne sont pas nécessaires. Il suffit de prendre des conclusions sur le fond "avec suite de frais et dépens" (ATF 140 III 444 consid. 3.2.2 p. 447), voire d'exiger que "les frais soient mis à la charge de la partie adverse", l'expression "frais" étant réputée inclure les dépens (arrêt 4A_45/2013 du 6 juin 2013 consid. 7 et les art. 95 al. 1 et 105 CPC).  
 
3.2. Les assertions du recourant (consid. 2.2 supra) sont exactes.  
Le lecteur aura sans doute relevé que la date de l'audience de conciliation (30 novembre 2020) est postérieure à celle de l'arrêt attaqué (13 novembre 2020). Le procès-verbal des opérations indique que le 12 novembre 2020, la cour cantonale avait d'abord annoncé garder la cause à juger, sous réserve de la tenue d'une audience de conciliation "avant de statuer". Elle a ensuite tenu une telle séance le 30 novembre 2020, lors de laquelle elle a informé les parties de la teneur de l'arrêt qui serait rendu à défaut de conciliation. Econduisant implicitement la conclusion reformulée à cette occasion par le défendeur (tendant à l'octroi "de dépens de première et de deuxième instance[s]"), elle a rappelé avoir déjà délibéré et n'avoir d'autre but que de tenter la conciliation. L'autorité de céans se gardera de commenter cette façon de procéder dans la mesure où l'issue de la cause ne dépend pas de la conclusion prise à ce stade, ce qui va être démontré. 
 
3.3. La cause ne présente guère de complexité.  
Au pied de sa réponse déposée le 6 mars 2018 devant le Tribunal civil, le défendeur (recourant) a bel et bien conclu au rejet de la demande "avec suite de frais et dépens". Le premier juge aurait dû lui allouer de tels dépens puisqu'il le considérait comme victorieux à raison des trois quarts. Pour une raison inconnue, il n'a fait que fixer l'indemnité de son conseil d'office (ch. V du dispositif), qu'il a provisoirement mise à la charge de l'Etat en rappelant au défendeur bénéficiaire de l'assistance judiciaire l'obligation de rembourser qui planait sur lui en vertu de l'art. 123 CPC (ch. VII du dispositif). 
En appel, le défendeur a conclu "avec suite de frais et dépens" à la réforme du jugement entrepris, en ce sens que la demande devait être rejetée, aucuns frais judiciaires n'étant perçus, sa condamnation à des dépens réduits étant supprimée (ch. IV du dispositif attaqué), tout comme la réserve l'enjoignant à rembourser la quote-part des frais judiciaires et l'indemnité de son avocat d'office en cas de retour à meilleure fortune (ch. VII du dispositif attaqué). Même s'il n'a pas précisé expressis verbis que les dépens sollicités recouvraient à la fois la première et la seconde instances, ceci tombait sous le sens. Le recourant voulait des dépens pour les deux phases de la procédure et, après avoir exigé des dépens de première instance dans sa réponse, il a ici exprimé son refus d'assumer les honoraires de son avocat d'office en cas de retour à meilleure fortune. On ne saurait verser dans une interprétation par trop rigide des conclusions formulées et du contexte dans lequel elles ont été prises.  
Partant, la cour de céans peut se dispenser d'examiner si le défendeur pouvait encore préciser ses conclusions en audience, respectivement après l'échange d'écritures (pour un aperçu du débat doctrinal, cf. PATRICK STOUDMANN, in Petit Commentaire, Code de procédure civile, 2020, n° 8 ad art. 105 CPC), et si le défendeur devait répéter dans son appel qu'il prétendait à des dépens de première instance, puisque ses conclusions d'appel doivent précisément être comprises en ce sens. 
 
3.4. Il reste à déterminer qui doit recueillir les dépens lorsque le justiciable victorieux a procédé au bénéfice de l'assistance judiciaire avec l'aide d'un conseil d'office. La pratique relative à la LTF est d'allouer les dépens directement à l'avocat d'office plutôt qu'à son client indigent, nonobstant l'absence de règle expresse (voir par ex. arrêts 5A_825/2021 du 31 mars 2022 consid. 5 i.f.; 4A_376/2018 du 7 août 2019 consid. 7; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 65 ad art. 64 et n° 26 ad art. 68 LTF).  
Il faut admettre que cette solution s'impose aussi pour l'art. 122 al. 2 CPC, conformément à l'opinion défendue par la doctrine majoritaire, à laquelle l'autorité de céans a déjà eu l'occasion de se rallier (arrêt 5A_754/2013 du 4 février 2014 consid. 5; INGRID JENT-SØRENSEN, in Kurzkommentar [KUKO] ZPO, 3e éd. 2021, n° 5 ad art. 122 CPC; STAEHELIN ET ALII, Zivilprozessrecht, 3e éd. 2019, p. 272 n. 72; FRANCESCO TREZZINI, Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2e éd. 2017, n° 27 ad art. 122 CPC; F RANK EMMEL in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, [Sutter-Somm et alii éd.] 3e éd. 2016, n° 12 ad art. 122 CPC; LUKAS HUBER, in Schweizerische Zivilprozessordnung, [Brunner et alii éd.], 2e éd. 2016, n° 19 ad art. 122 CPC; ALFRED BÜHLER, in Berner Kommentar, 2012, n° 59 ad art. 122 CPC; plutôt dans ce sens également DENIS TAPPY, in Commentaire romand, 2e éd. 2019, n° 18 ad art. 122 CPC; contra RÜEGG/RÜEGG, in Basler Kommentar, 3e éd. 2017, n° 4 ad art. 122 CPC).  
 
3.5. Les autres points du jugement attaqué n'étant pas remis en cause, le Tribunal fédéral arrêtera ici la discussion (cf. ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116).  
 
4.  
Partant, le recours en matière civile est admis en ce sens que l'intimée doit verser au mandataire d'office du recourant des dépens pour la procédure de première instance. La cause est renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle fixe l'indemnité due à ce titre. Elle précisera que l'Etat pourvoira au paiement de ladite indemnité si elle ne peut être obtenue de la partie adverse (cf. art. 122 al. 2 CPC; ATF 122 I 322 consid. 3d; STAEHELIN ET ALII, ibidem; HUBER, ibidem).  
Vu l'issue du litige, l'intimée assumera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), fixés selon le tarif réduit (art. 65 al. 4 let. c LTF), et versera des dépens au conseil d'office du recourant (art. 68 al. 1 et 2 LTF; consid. 3.4 supra). Au cas où ceux-ci ne pourraient pas être recouvrés, la caisse du Tribunal fédéral y suppléera (cf. art. 64 al. 2 LTF; BOVEY, op. cit., n° 62 ad art. 64 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière civile est admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le recourant a droit à des dépens pour la procédure de première instance. 
 
3.  
La cause est renvoyée à l'autorité précédente afin qu'elle fixe le montant dû à ce titre par l'intimée, à verser à l'avocat d'office du recourant. 
 
4.  
Les frais de la présente procédure, fixés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
5.  
L'intimée versera à l'avocat d'office du recourant une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. Au cas où ceux-ci ne pourraient pas être recouvrés, la caisse du Tribunal fédéral versera ce montant au mandataire. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
 
Lausanne, le 8 août 2022 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Monti