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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_289/2023  
 
 
Arrêt du 1er février 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, Bovey et De Rossa. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
1. Hoirie A.________, soit : 
 
2. B.________, 
3. C.________, 
4. D.________, 
5. E.________, 
6. F.________, 
7. G.________, 
tous représentés par Mes Christophe Claude Maillard et Pierre Bugnon avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
H.H.________ et I.H.________, 
représentés par Me Denis Schroeter, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
servitude de passage; action confessoire et en rectification du registre foncier, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Ie Cour d'appel civil, du 28 février 2023 (101 2022 42). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Depuis 2007, H.H.________ et I.H.________ sont propriétaires en commun de la parcelle formant l'actuel art. 1'404 de la commune de U.________ (FR), d'une surface de 858 m2. Une habitation individuelle y est érigée.  
Sur le feuillet de l'immeuble au registre foncier fédéral figure notamment, sous la rubrique " Servitudes ", l'inscription " 01.01.1931 GL (C) passage selon plan, ID.2001/000463 en faveur de U.________/371 31.07.1990 8702V et 09.11.2006 2006/2189/0 ". 
 
A.b. Les membres de l'hoirie A.________ sont propriétaires en commun de l'art. 371 (lieu-dit "V.________"). Il s'agit d'un pré de 14'583 m2.  
Sur le feuillet de l'immeuble au registre foncier fédéral figure notamment, sous la rubrique " Servitudes ", l'inscription " 01.01.1931 GL (D) Passage selon plan, ID.2001/000463 à la charge de U.________/1'404 31.07.1990 8702V et 09.11 2006 2006/2189/0 ". 
 
A.c. L'inscription au registre foncier de la servitude de passage en faveur du fonds no 371 remonte au 1er janvier 1931, date à laquelle le Grand Livre a été introduit à U.________.  
L'indication (GL) sur le feuillet de la parcelle no 1'404 signifie que la servitude existait déjà auparavant, mais qu'elle n'était fondée sur aucune pièce justificative. 
L'inscription de 1931 apparaissait sur le feuillet de l'art. 16, dont est issu l'actuel art. 1'404. Elle se présentait comme suit: " a. CH-Passage pour nos 371, 645". 
En 1931, et a fortiori auparavant, lorsque la servitude a été constituée, les fonds dominants et servants étaient tous deux des champs agricoles. C'est actuellement toujours le cas de la parcelle no 371.  
La servitude n'a subi aucune modification jusqu'au 31 juillet 1990, date à laquelle le fonds servant (à savoir l'ancien art. 16) a été divisé. C'est à cette occasion qu'a été créé l'art. 1'404, sur lequel la servitude de passage a été reportée sans modification. Elle a simultanément été radiée de la parcelle no 16. 
 
A.d. La construction de la partie sud du quartier "W.________", auquel appartient le fonds des époux H.________, a été planifiée dès 2004. Le lotissement de "Y.________" a été créé.  
La parcelle de base no 1'404, alors propriété de l'hoirie J.________, a été divisée pour créer différentes parcelles; l'art. 1'404 a été réduit à sa surface actuelle. 
 
A.e. Le 20 avril 2006, des représentants des propriétaires de l'art. 371 et de l'art. 1'404 ainsi que des représentants de la commune de U.________ se sont réunis pour discuter d'un échange de terrains et de la question de la servitude de passage.  
L'hoirie J.________ et l'hoirie A.________ ont ainsi procédé à un échange de terrains afin de modifier les limites de leurs propriétés. Une parcelle de 366 m2 accolée au fonds no 1'404 (dans sa topographie actuelle) a été séparée de celui-ci et rattachée à l'art. 371. Une parcelle de 75 m2 a ensuite été détachée du fonds no 371 et rattachée au nouvel art. 1'653, issu de la division de l'ancien art. 1'404. 
Jusqu'en 2006, l'assiette de la servitude de passage en faveur du fonds no 371 n'était pas définie. Les projets de construction de l'art. 1'404 ont toutefois rendu nécessaire la fixation de l'assiette de cette servitude, dite parcelle étant passée d'une surface de 25'604 m2 à 858 m2. Le 17 juillet 2006, l'entreprise d'ingénieurs-géomètres K.________ SA a établi un verbal de division. La mention "selon plan" a été ajoutée à la servitude en question et son assiette a été fixée à une largeur de 5 mètres à l'extrémité sud de la parcelle no 1'404. 
 
A.f.  
 
A.f.a. Lorsqu'ils ont acquis l'art. 1'404 en 2007, les époux H.________ n'ont pas consulté les pièces justificatives au registre foncier. Ils savaient que ce fonds était grevé d'une servitude de passage mais se sont fiés aux déclarations d'un membre de l'hoirie J.________, selon lesquelles il s'agissait d'une servitude agricole qui ne serait plus utilisée si l'affectation de l'art. 371 était modifiée. Il n'est pas contesté qu'ils savaient qu'un projet de mise en zone à bâtir était envisagé sur ce bien-fonds.  
 
A.f.b. Dans le cadre de la révision du plan d'aménagement local, l'hoirie A.________ projette en effet de faire classer sa parcelle en zone à bâtir; elle estime que la servitude litigieuse en garantit l'accès. Les autorités administratives en charge de la planification du territoire ont jusqu'alors considéré que la servitude assurait un passage suffisant au fonds dominant, la question de savoir si le cercle des titulaires du droit ou si l'assiette réelle de la servitude permettaient effectivement le passage du point de vue du droit privé relevant du juge civil.  
 
A.f.c. Actuellement, la servitude de passage n'est encore utilisée qu'occasionnellement par le fermier exploitant les champs de l'art. 371.  
 
B.  
Après une vaine procédure de conciliation, les époux H.________ ont saisi le 3 février 2020 le Tribunal civil de l'arrondissement de la Veveyse (ci-après: le tribunal) afin qu'il soit constaté que la servitude de passage grevant leur immeuble est exclusivement destinée au passage de piétons et de véhicules permettant l'exploitation agricole de l'art. 371 et ne permet pas la création d'une route d'accès à un nouveau quartier d'habitation qui serait créé sur ce dernier immeuble. Ils ont requis que la conservatrice du registre foncier de la Veveyse modifie l'intitulé de la servitude par la précision qu'il s'agit d'un droit de passage agricole. 
L'hoirie A.________ s'est opposée à la demande. 
Le tribunal a admis la demande le 30 décembre 2021 et constaté que la servitude de passage était destinée uniquement à permettre l'exploitation agricole de l'art. 371 et n'autorisait pas la création d'une route d'accès à un nouveau quartier d'habitation sur ce fonds. Ordre a été donné à la conservatrice du registre foncier de la Veveyse de mettre à jour les deux feuillets concernés en y précisant que le passage est agricole. 
Statuant sur l'appel de l'hoirie A.________, la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg l'a partiellement admis (ch. I). Le dispositif de la décision du tribunal a été réformé en ce sens que la demande des époux H.________ est partiellement admise (ch. I.1), étant constaté que la servitude de passage intitulée "Passage selon plan" grevant l'art. 1'404 au profit de l'art. 371 est une servitude de passage agricole, destinée exclusivement à permettre l'exploitation agricole du fonds dominant (ch. I.2) et que partant, elle ne permet pas en particulier la création d'une route d'accès à un nouveau quartier d'habitation qui serait créé sur le fonds dominant (ch. I.3). L'ordre donné à la conservatrice du registre foncier de la Veveyse de mettre à jour les deux feuillets concernés en y apportant la précision du caractère agricole du droit de passage a en revanche été supprimé (ch. I.4), la cour cantonale estimant que l'inscription figurant au registre foncier n'était entachée d'aucune inexactitude. Les frais judiciaires et dépens des deux instances cantonales ont été arrêtés et répartis entre les parties (ch. I.5 et II).  
 
C.  
Le 17 avril 2023, B.________, C.________, D.________, E.________, F.________ et G.________, formant l'hoirie A.________ (ci-après: les recourants), déposent contre cette décision un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Ils concluent à l'admission de leur recours et principalement à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que leur appel est admis, le dispositif de la décision rendue le 30 décembre 2021 par le tribunal étant modifié dans le sens du rejet, pour autant que recevable, de la demande des époux H.________ (ci-après: les intimés). Subsidiairement, ils demandent l'annulation des points I.1, I.2, 1.3, 1.5 et II de l'arrêt cantonal et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
Des déterminations n'ont pas été demandées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La voie du recours en matière civile est ici ouverte (art. 72 al. 1, art. 75 al. 1 et 2, art. 76 al. 1 let. a et b, art. 90 et art. 100 avec l'art. 46 al. 1 let. a LTF), étant relevé qu'il n'est pas contesté que la valeur litigieuse de la cause - de nature pécuniaire - excède 30'000 fr. (arrêt attaqué, consid. 1.1). Le recours constitutionnel subsidiaire - développé sous point C du recours - est irrecevable (art. 113 LTF). 
Il est précisé que la recevabilité de la demande, de nature constatatoire, a été admise (arrêt attaqué, consid. 1.2); cela n'est pas discuté. 
 
2.  
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). 
 
3.  
Les recourants invoquent l'application erronée des art. 8, 738 et 971 ainsi que de l'art. 973 CC
 
3.1. La cour cantonale a considéré qu'il fallait examiner ce que pouvaient de bonne foi comprendre les époux H.________ s'ils avaient consulté non seulement le registre foncier, qui mentionne depuis 2006 un "passage selon plan", mais également le plan lui-même.  
 
3.1.1. L'autorité cantonale a alors relevé que la servitude litigieuse était inscrite au registre foncier depuis 1931 comme "Passage", inscription trop sommaire qui nécessitait l'interprétation hiérarchique de l'art. 738 CC. Il était établi que le droit de passage litigieux avait été constitué à une date indéterminée, antérieurement à 1931, lorsqu'elle a été reportée au Grand Livre. Aucune pièce justificative ne figurait au registre foncier. Lors de la division du fonds servant (ancien art. 16) en 1990, puis lorsque la parcelle no 1404 a été divisée dans les années 2000, la servitude avait été reconduite telle quelle sur ce dernier article ("Passage") sans qu'aucun élément nouveau y soit apporté. Estimant que les motifs de la constitution de la servitude ne pouvaient être objectivement déterminés, la cour cantonale a considéré qu'il convenait de se référer au but qui découlait raisonnablement des besoins résultant de l'usage du fonds dominant, compte tenu des circonstances de l'époque, à savoir ici un but uniquement agricole, les deux parcelles étant exclusivement consacrées à l'agriculture et la servitude ayant été exercée à cette fin pendant des dizaines d'années. L'interprétation de la servitude aboutissait ainsi à ce que celle-ci soit considérée comme étant fonctionnellement déterminée, soit exclusivement à l'usage agricole.  
 
3.1.2. Cette prémisse posée, la cour cantonale a relevé que la "mise à jour" de 2006 avait défini l'assiette de la servitude, sans toutefois modifier sa nature purement agricole. Si les parties avaient voulu transformer la servitude limitée au passage agricole en une servitude non limitée fonctionnellement, elles auraient dû le convenir dans le contrat de servitude; à défaut, sa nature initiale subsistait. Les intimés n'avaient donc pas à prouver une éventuelle restriction de la servitude, celle-ci étant déjà limitée. Le fait que la situation sur le terrain fût différente en 2006 qu'en 1931 n'était pas décisif et ne suffisait pas à admettre une modification de la nature de la servitude.  
 
3.1.3. Soulignant encore que les intimés n'était pas parties au contrat de 2006, la cour cantonale a rappelé qu'il était déterminant de saisir ce qu'ils pouvaient de bonne foi en comprendre s'ils s'étaient référés à son verbal. Or celui-ci ne mentionnait aucune modification du droit de passage. Précisant qu'il s'agissait d'une "mise à jour des servitudes existantes", cette pièce accréditait l'idée que c'était la même servitude qui demeurait.  
 
3.2. Les recourants soutiennent d'abord le caractère suffisamment clair de l'inscription, estimant que le droit général de passer n'impliquerait pas nécessairement de limites. S'appuyant sur le caractère ouvert de la servitude litigieuse, les recourants en déduisent que, si les parties originelles avaient souhaité une restriction (à savoir ici l'usage agricole), elles l'auraient exprimée. L'inscription litigieuse faisait ici état d'une restriction quant à l'assiette de la servitude ("selon plan"), sans toutefois prévoir de limitations fonctionnelles, et la référence aux pièces justificatives ne permettait pas, de bonne foi, d'en retenir ici. La cour cantonale aurait par ailleurs examiné l'acte de 2006 non pas pour définir la portée de la servitude, mais dans un second temps, séparément, sous une forme d'objection à son interprétation initiale fondée sur les motifs ayant conduit à la constitution de la restriction litigieuse; seule importait pourtant la portée même de l'inscription postérieurement à la modification de 2006, dans un contexte de construction et d'urbanisation. Si, lors de ces opérations cadastrales visant à organiser le quartier d'habitation, le "passage" n'avait pas été explicitement limité à un usage déterminé par les propriétaires concernés, un tiers ne devait, objectivement et de bonne foi, que comprendre le caractère ouvert de cette servitude. Il revenait ainsi à celui qui se prévalait de cette restriction pour en demander le constat de la prouver, conformément à l'art. 8 CC. Relevant qu'ils n'opposaient pas un fait destructeur qui modifierait l'inscription, les recourants affirment qu'ils n'avaient ainsi nullement à prouver l'absence de restriction.  
 
3.3.  
 
3.3.1. L'art. 738 CC prévoit que l'inscription au registre foncier fait règle, en tant qu'elle désigne clairement les droits et les obligations dérivant de la servitude (al. 1); l'étendue de celle-ci peut être précisée, dans les limites de l'inscription, soit par son origine, soit par la manière dont la servitude a été exercée pendant longtemps, paisiblement et de bonne foi (al. 2). Pour déterminer le contenu d'une servitude, il convient ainsi de procéder selon l'ordre des étapes prévu par l'art. 738 CC: le juge doit dès lors se reporter en priorité à l'inscription au registre foncier, c'est-à-dire à l'inscription au feuillet du grand livre; ce n'est que si celle-ci est peu claire, incomplète ou sommaire, que la servitude doit être interprétée selon son origine, à savoir l'acte constitutif déposé comme pièce justificative au registre foncier (art. 948 al. 2 CC) et qui fait partie intégrante du registre foncier (art. 942 al. 2 CC). Si le titre d'acquisition ne permet pas de déterminer le contenu de la servitude, l'étendue de celle-ci peut alors être précisée par la manière dont elle a été exercée pendant longtemps, paisiblement et de bonne foi (art. 738 al. 2 CC; ATF 137 III 145 consid. 3.1 avec renvois, 444 consid. 2.2).  
L'inscription au registre foncier décrit rarement la servitude de manière précise et est généralement trop succincte pour déterminer les droits et obligations qui en découlent clairement. Lors de son inscription sur le feuillet du grand livre, la servitude n'est en effet désignée que par un mot-clé (art. 35 al. 2 let. c de l'ordonnance du 22 février 1910 concernant le registre foncier [aORF; RS 2 530], applicable au moment de l'inscription), fixé par le conservateur du registre foncier (art. 35 al. 3 aORF; ces articles sont inchangés suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier [art. 98 al. 2 let. c et al. 3 ORF, RS 211.432.1]). Les restrictions fonctionnelles d'une servitude n'apparaissent ainsi qu'exceptionnellement dans le texte de l'inscription au registre foncier (ATF 128 III 169 consid. 3a; arrêt 5A_346/2021 du 29 novembre 2021 consid. 2.6.2). Il est donc admis qu'une inscription aussi générale que "droit de passage" n'est pas suffisamment précise, l'étendue et le contenu d'une telle restriction pouvant être très différents (ATF 137 III 153 consid. 4.2.1 et les références; cf. arrêt 5A_346/2021 précité consid. 2.6.2; 5A_361/2017 du 1er mars 2018 consid. 2.4.6.3). 
 
3.3.2. Lorsque le but de la servitude ne ressort pas clairement de l'inscription au registre foncier et que le litige oppose des parties, qui comme en l'espèce, n'étaient pas les cocontractantes initiales, l'objectif déterminant est celui qui ressort du motif d'acquisition lui-même ou qui est objectivement reconnaissable. Le motif d'acquisition doit être interprété de la manière dont il pouvait et devait être compris selon son libellé et son contexte, ainsi que, notamment, sur la base des besoins du fonds dominant au moment de sa constitution et compte tenu du sens et du but de la servitude (arrêt 5A_134/2020 du 16 juillet 2020 consid. 3 avec référence). Dans ces circonstances, il faut admettre qu'en constituant la servitude, les parties ont poursuivi le but qui, sur la base des circonstances de l'époque, résultait raisonnablement des besoins de l'utilisation du fonds dominant (ATF 107 II 331 consid. 3b avec les références; arrêt 5A_93/2023 du 20 septembre 2023 consid. 4.1.2; sur l'ensemble: ATF 138 III 650 consid. 5.3).  
 
3.4. Les intimés ont acquis le fonds servant en 2007 sans consulter le registre foncier. Ainsi que l'a retenu la cour cantonale, il s'agit ainsi de déterminer ce qu'ils auraient pu objectivement comprendre en s'y référant.  
 
3.4.1. Contrairement d'abord à ce que soutiennent les recourants, la lettre de l'inscription n'est pas suffisamment claire à cet égard, étant précisé que les arrêts auxquels ils se réfèrent portent sur des problématiques différentes (arrêt 5A_259/2019 [assiette de la servitude en faveur d'une coopérative]; arrêt 5A_64/2009 [passage décrit comme illimité]). Certes, l'étendue de la servitude a été clairement délimitée en 2006 en référence à un plan; son assiette peut ainsi établie au regard de celui-ci, qui figure au registre foncier; cela n'est d'ailleurs pas litigieux. Il n'en demeure pas moins que le contenu même de la restriction ne peut être objectivement défini en s'arrêtant à la seule indication "Passage". Les recourants ne peuvent être suivis sur ce point.  
 
3.4.2. Il n'est pas contesté que le contrat constitutif de servitude - reportée au Grand Livre en 1931 - est inexistant. Lors de la division du fonds grevé en 1990, la servitude a été reconduite telle quelle ("Ch. Passage pour 371") sur ce dernier article. Cela n'est pas non plus discuté. Le verbal de 2006 qui se trouve au registre foncier indique une "mise à jour" des servitudes existantes; initialement libellée "Ch. Passage pour 371", la servitude litigieuse se trouve désormais décrite comme "Ch. Passage selon plan en faveur de l'article 371", circonstance qui permet objectivement de comprendre que la "mise à jour" de 2006 s'est limitée à préciser l'assiette de la restriction, sans concerner son contenu même. A défaut de contrat constitutif permettant de définir celui-là, il était parfaitement fondé de l'établir en référence au but qui découlait raisonnablement des besoins de l'utilisation du fonds dominant, compte tenu des circonstances de l'époque. Il faut ainsi admettre que, contrairement à ce que soutiennent les recourants, la référence au registre foncier permet de retenir que la servitude litigieuse est déterminée fonctionnellement et est exclusivement destinée à un usage agricole.  
 
4.  
La cour cantonale a précisé que la nature du droit de passage litigieux ne pouvait permettre la satisfaction de nouveaux besoins résultant d'un changement d'affectation du fonds dominant, sauf à violer l'art. 739 CC. Cette constatation n'est pas remise en cause par les recourants. 
 
5.  
En définitive, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable; le recours en matière civile est rejeté. Les frais judiciaires sont à la charge des recourants, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF); aucune indemnité de dépens n'est attribuée aux intimés qui n'ont pas été invités à déposer d'observations. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière civile est rejeté. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourants solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour d'appel civil.  
 
 
Lausanne, le 1er février 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso