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Ecriture agrandie
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_655/2011 
 
Arrêt du 20 février 2012 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Mathys, Président, 
Schneider et Jacquemoud-Rossari. 
Greffière: Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
Y.________, représenté par Me Christian Favre, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, Taubenstrasse 16, 3003 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Faux dans les titres; arbitraire, présomption d'innocence, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales, du 8 avril 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
Par arrêt du 8 avril 2011, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a reconnu Y.________ coupable de faux dans les titres pour l'établissement de fausses factures (art. 251 CP). Elle l'a condamné à une peine pécuniaire de 70 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 160 fr., et a ordonné la suspension de l'exécution de cette peine, fixant un délai d'épreuve de deux ans. 
 
B. 
En bref, elle a retenu les faits suivants : 
B.a En 1994, Y.________ a fondé la société A.________ SA, à Bâle, pour ensuite transférer son siège en Valais. Cette société a pour but l'importation et l'exportation de marchandises de toute sorte, y compris le transit en Suisse, la production et la vente d'alcool, la réparation de tous véhicules automobiles ainsi que le commerce de marchandises en tous genres. Dès le début des activités de la société, Y.________ en était l'administrateur, avec B.________ et C.________, et en assurait la direction opérationnelle. En 1997, il est devenu le président du conseil d'administration. La société D.________ SA, à Anzère, fonctionnait comme organe de révision, sous la responsabilité de X.________. 
Pour la clôture annuelle des comptes de A.________ SA, il était d'usage que X.________ soumette un projet à Y.________. Le projet était discuté de vive voix entre X.________ et Y.________, assisté de C.________, qui fonctionnait pour l'occasion également comme traducteur. B.________ prenait connaissance des chiffres des bilans révisés et contrôlait l'évolution générale de la société et le nombre « d'emplois produits ». 
B.b Le 12 mars 2001, lors d'une réunion portant sur les comptes de l'année 2000, le réviseur X.________ a informé Y.________ et C.________ que A.________ SA présentait une perte de 523'776 fr. 25. Y.________ a déclaré qu'il avait encore des prestations à facturer à des sociétés en Russie. Après la séance, il a fait établir trois factures par l'un de ses collaborateurs, sur la base de projets préparés par X.________ : 
 
- une facture datée du 28 août 2000 d'un montant de 170'000 fr. adressée à la société E.________ concernant des transports et des locations de véhicules en Russie pour la période du 1er novembre 1999 au 30 octobre 2000 ; 
- une facture datée du 30 décembre 2000 pour un montant de 40'000 fr. adressée à F.________ se rapportant à des transports de marchandises ; 
- une facture du 30 décembre 2000 d'un montant de 150'000 fr. destinée à G.________. 
Le TPF a retenu que les deux premières factures ne correspondaient pas à des prestations fournies. 
 
La société H.________, qui appartenait à Y.________, avait versé en faveur de A.________ SA le 4 mai 2000 un montant de 170'000 fr., avec référence à une « avance transport », et, le 19 décembre 2000, un montant de 150'000 fr. sans motif apparent. Le 14 décembre 2000, Y.________ avait crédité A.________ SA d'une somme de 40'000 fr. Ces montants ont été mis en attente sur le compte « actionnaire » n° 2400 dans son état provisoire. Après la séance du 12 mars 2001, sur la base des factures ci-dessus, le montant de 150'000 fr. a été affecté au compte de recettes n° 6500 dans les « autres produits » valeur au 19 décembre 2000, tandis que les montants de 170'000 fr. et de 40'000 fr. ont été placés dans le compte n° 6100 dans les « recettes transports » valeur au 4 mai 2000 et valeur au 14 décembre 2000 (arrêt attaqué p. 11). 
B.c Depuis le 24 janvier 1996, Y.________ disposait d'un permis de séjour. Saisie d'une demande de prolongation pour l'année 1997, la société pour le développement de l'économie valaisanne (SODEVAL) a émis un préavis négatif, car A.________ SA n'avait pas respecté les conditions de la délivrance du permis de séjour, notamment quant à l'engagement de personnel, à l'achat de camions et aux promesses de chiffre d'affaires. Des personnalités bien placées sont intervenues auprès des services et personnes compétentes, afin que SODEVAL révoque sa décision et préavise favorablement le renouvellement du permis. Pour l'année 1998, Y.________ a de nouveau connu des difficultés pour le renouvellement de son permis, pour les mêmes motifs. 
B.d Le TPF a condamné Y.________ pour faux dans les titres pour avoir établi, en sa qualité de directeur de A.________ SA, les deux fausses factures susmentionnées. 
 
Il a également reconnu le réviseur, X.________, coupable de faux dans les titres pour avoir établi un faux rapport de révision relatif aux comptes de la société A.________ SA pour l'année 2000. 
 
C. 
Contre cet arrêt, Y.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à son acquittement et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause pour nouveau jugement. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
X.________ a également formé un recours en matière pénale et un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant conteste la compétence du Tribunal pénal fédéral. 
 
1.1 L'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP) n'est pas mentionnée dans la liste des infractions soumises à la juridiction fédérale selon les art. 336 et 337 aCP (remplacés par les art. 23 et 24 CPP, entrés en vigueur le 1er janvier 2011). Selon l'art. 18 al. 2 aPPF (équivalent à l'art. 26 al. 2 CPP), lorsqu'une affaire de droit pénal fédéral est soumise aussi bien à la juridiction fédérale qu'à la juridiction cantonale, le Ministère public de la Confédération peut ordonner la jonction des causes en mains de l'autorité fédérale. Il doit rendre une décision formelle, notifiée aux cantons et aux parties concernées. La compétence juridictionnelle ainsi établie subsiste, même si la partie de la procédure qui a fondé cette compétence est classée (cf. art. 26 al. 3 PPF). 
 
Selon l'art. 18 al. 4 aPPF (équivalent à l'art. 28 CPP), la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral règle les conflits de compétence entre le Ministère public de la Confédération et les autorités pénales des cantons. Le droit de porter plainte appartient également à l'inculpé (message sur le « projet d'efficacité », FF 1998 p. 1271 ; ATF 128 IV 225 consid. 2.3 p. 229 ; à propos de l'art. 28 CPP, BERTOSSA, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, n. 4 ad art. 28 CPP). La plainte au sujet du for n'est pas soumise à un délai précis, mais doit être déposée dans un laps de temps raisonnable à partir du moment où l'inculpé a connaissance des éléments nécessaires (ATF 128 IV 225 consid. 2.3 p. 229 ; 120 IV 146 consid. 1). La Cour des plaintes du TPF statue en dernier ressort ; le recours au Tribunal fédéral en matière pénale n'est pas ouvert (art. 79 LTF). 
 
1.2 En l'espèce, par ordonnance du 15 juillet 2008, le juge d'instruction fédéral a joint la procédure pour faux dans les titres à la procédure pour blanchiment d'argent qui relevait de la juridiction fédérale. Ce faisant, il s'est attribué une compétence qui ne lui appartenait pas, puisque seul le Ministère public de la Confédération était autorisé à joindre les causes. Pour contester la compétence des autorités fédérales, le recourant devait toutefois s'adresser, sans délai, à la cour des plaintes du TPF, qui était seule compétente pour trancher d'un conflit de compétence entre autorités cantonales et fédérales. Il ne peut aujourd'hui se plaindre de l'incompétence du TPF devant le Tribunal fédéral dans le cadre du recours en matière pénale. Le grief soulevé est irrecevable. 
 
2. 
Le recourant dénonce la violation du principe de l'accusation. Il reproche au TPF d'avoir fondé sa condamnation sur des preuves qui ne figuraient pas dans l'acte d'accusation et qui n'ont pas été discutées lors des débats. 
 
2.1 Composante du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), le principe de l'accusation est aussi garanti à l'art. 32 al. 2 Cst., qui a la même portée que l'art. 6 § 3 let. b CEDH (GÉRARD PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., Zurich 2006, n. 321 ss p. 206 ss). Cette garantie constitutionnelle implique que le prévenu connaisse exactement les faits qui lui sont imputés (ATF 126 I 19 consid. 2a p. 21 ; 120 IV 348 consid. 2b p. 353). 
 
Concrétisant ces exigences conventionnelles et constitutionnelles en procédure pénale fédérale, l'art. 126 aPPF - applicable à l'acte d'accusation du 1er avril 2010 - définit le contenu de l'acte d'accusation. Aux termes de cette disposition, l'acte d'accusation désigne l'accusé, l'infraction qui lui est imputée, avec les éléments de fait et de droit, les dispositions applicables de la loi pénale, la juridiction compétente ainsi que « les preuves invoquées pour les débats ». En exigeant la désignation des moyens de preuve, la PPF va plus loin que le droit constitutionnel et la Convention européenne des droits de l'homme. Le prévenu ne peut toutefois être certain que le juge prendra en considération seulement les moyens de preuve figurant dans l'acte d'accusation. En effet, la liste des moyens de preuve ne lie ni le Ministère public ni le juge, sans quoi le principe de la libre appréciation des preuves perdrait toute valeur (ARMAND MEYER, Die Bindung des Strafrichers an die eingeklagte Tat, thèse 1972, p. 13 ; cf. en droit allemand : LÖWE-ROSENBERG, Die Strafprozessordnung und das Gerichtsverfassungsgesetz, 26e éd., n. 36 ad § 200). 
 
En fondant la condamnation du recourant sur d'autres preuves que celles mentionnées dans l'acte d'accusation, le TPF n'a donc violé ni les art. 32 al. 2 Cst. et 6 § 3 let. b CEDH (puisque ces dispositions ne posent aucune exigence en relation avec les moyens de preuve) ni l'art. 126 aPPF (étant donné que les moyens de preuve figurant dans l'acte d'accusation ne lient pas l'autorité de jugement). 
 
2.2 Invoquant les art. 126 aPPF, 29 al. 2 Cst., 32 al. 2 Cst. et 6 § 3 let. b CEDH, le recourant se plaint également que les preuves sur lesquelles se fonde le TPF pour le condamner n'ont pas été discutées oralement lors des débats. Les art. 32 Cst. et 6 CEDH se rapportent au droit d'être informé de l'accusation et au droit de pouvoir préparer sa défense. Or, comme vu ci-dessus, ces dispositions n'exigent pas que l'information mentionne les éléments de preuve sur lesquels est fondée l'accusation. Pour le surplus, le recourant ne soutient pas qu'il n'a pas pu prendre connaissance de ces pièces ou que celles-ci ne figuraient pas au dossier, de sorte que son droit d'être entendu serait violé. Il n'explique pas non plus en quoi le TPF aurait méconnu le principe d'immédiateté et d'oralité des débats posé à l'art. 169 aPPF (se bornant à citer ce principe dans sa conclusion, p. 16). Dans la mesure où il est suffisamment motivé et, donc, recevable (art. 106 al. 2 LTF), le grief soulevé doit donc aussi être rejeté. 
 
3. 
Le recourant se plaint que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF). Selon lui, le TPF aurait retenu, de manière arbitraire, que les factures du 28 août 2000 et du 30 décembre 2000 étaient fausses. 
 
3.1 Le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit. Il ne peut revoir les faits établis par l'autorité précédente que si ceux-ci l'ont été de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). On peut renvoyer, sur la notion d'arbitraire, aux principes maintes fois exposés par le Tribunal fédéral (voir par ex: ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560 ; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). En bref, pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable. Il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat. 
 
Dans la mesure où, comme en l'espèce, l'appréciation des preuves est critiquée en référence avec le principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41). 
 
3.2 Le recourant soutient que le TPF a constaté arbitrairement que la facture du 28 août 2000 - qui concerne des véhicules loués par A.________ SA à E.________ entre le 1er novembre 1999 et le 30 octobre 2000 - était fausse. 
3.2.1 Le TPF a considéré que les justificatifs produits lors des débats n'étaient pas authentiques et que, pour ce motif, la facture litigieuse était fausse dans son contenu. En effet, entendu le 7 avril 2011, I.________, frère du recourant, a admis avoir créé, peu avant les débats, les documents intitulés « factures », qui constituaient un récapitulatif des périodes de location et des montants prétendument perçus par A.________ SA. Les juges de première instance ont estimé que le contrat de location daté du 16 octobre 1999 entre A.________ SA et E.________ ainsi que les récépissés étaient également faux. En effet, selon I.________, il n'était pas d'usage, dans les années nonante, de faire des contrats ou de demander des quittances en Russie. En outre, dans l'enquête douanière dirigée contre lui, le recourant avait déclaré que les relations entre E.________ et A.________ SA avaient débuté en 2002 ; au demeurant, le TPF n'avait trouvé aucune trace de collaboration en 1999 ou 2000. Enfin, A.________ SA n'était plus propriétaire de certains des camions qui auraient été loués à E.________. 
 
Le recourant affirme que les déclarations de I.________ ont été tirées hors de leur contexte et qu'il est de notoriété que, même durant les années nonante, on signait des contrats et des quittances en Russie. Il explique que l'enquête douanière portait sur des faits survenus en 2002 et 2003, et qu'il ne s'est jamais déterminé sur les relations antérieures. Enfin, il mentionne que les véhicules qui, selon le TPF, n'appartenaient plus à A.________ SA au moment de la location, n'ont pas été vendus, mais apportés au capital social de A.________ Moscou. 
3.2.2 Les circonstances entourant l'élaboration de cette facture sont insolites (facture antidatée, déficit de la société A.________ SA, projet de facture élaboré par le réviseur). Le contenu de la facture est douteux, puisque certains des camions qui sont mentionnés sur la facture et qui ont été prétendument loués par A.________ SA n'appartenaient plus à la société au moment de la location, de sorte que leur location n'était pas possible. Le recourant a fourni toute une série de pièces justificatives (à savoir les documents intitulés « factures ») qui se sont révélées fausses. Enfin, il n'a pas été établi que les protagonistes avaient déjà des relations d'affaires en 2000. Pour toutes ces raisons, la cour de céans considère que le TPF n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que A.________ SA n'avait pas loué de camions à E.________ entre le 1er novembre 1999 et le 30 octobre 2000 et que, partant, la facture du 28 août 2000 était fausse. Les griefs soulevés doivent donc être rejetés. 
 
3.3 Le recourant fait valoir que le TPF est tombé dans l'arbitraire, en retenant que la facture du 30 décembre 2000 d'un montant de 40'000 fr. était fausse. 
3.3.1 Le TPF a rappelé que cette facture n'était pas signée et qu'elle avait été rédigée par un collaborateur du recourant, à sa demande et sur la base de projets préparés par X.________. En outre, il a constaté que cette facture ne reposait sur aucune pièce justificative. En effet, il a considéré que les pièces produites par le recourant (un contrat de transit du 1er janvier 2000 ; quatre récépissés pour une somme totale de 40'000 USD selon lesquels le recourant aurait reçu ces fonds en vertu d'un contrat de prêt du 11 novembre 1999 ; ledit contrat de prêt) avaient été « selon toute vraisemblance » produites après coup et qu'elles n'avaient donc aucune valeur probante. Pour le surplus, il n'avait eu connaissance d'aucun contrat de transport qui lierait les deux sociétés, ni de facture similaire à celles que A.________ SA avait l'habitude d'établir en 2000 avec la date du transport, le nom du chauffeur, la plaque d'immatriculation du camion de transporteur, etc. Le recourant avait déclaré à l'AFD ne pas avoir été en rapport d'affaires avec F.________. Enfin, le projet de facture, établi par X.________, ne mentionnait pas le destinataire de la facture. Pour toutes ces raisons, le TPF a conclu que la facture de 40'000 fr. adressée à F.________ était une fausse facture. 
 
Le recourant conteste ne pas avoir été en relation d'affaire avec F.________. A cet égard, il se réfère à des déclarations écrites du directeur (J.________) de F.________ en fonction jusqu'en 2001 qui confirme l'existence de prestations du recourant en faveur de sa société. Il note que ses déclarations dans l'enquête douanière se rapportaient aux relations commerciales durant les années 2002 et 2003. Enfin, il relève que les notes du réviseur indiquent simplement que la facture de transport devait être établie, sans laisser transparaître aucune volonté délictueuse. 
3.3.2 Comme pour la facture précédente, les circonstances dans lesquelles la facture a été établie sont insolites (facture antidatée, projet de facture élaboré par le réviseur, déficit de la société). Cette facture est en outre inhabituelle. Elle ne mentionne pas, comme les autres factures que A.________ SA avait l'habitude d'établir, la date du transport, le nom du chauffeur, la plaque d'immatriculation du camion transporteur, etc. Il n'existe aucune autre pièce justificative (par exemple un contrat de transport), les pièces produites concernant avant tout un prêt. Enfin, la déclaration du directeur de F.________ établit qu'il a recouru aux services de Y.________, mais ne confirme pas la prestation facturée. Pour toutes ces raisons, il faut admettre que le TPF n'est pas tombé dans l'arbitraire, en retenant que la facture du 30 décembre 2000 adressée à F.________ était fausse. Les griefs soulevés doivent donc être rejetés. 
 
3.4 Le recourant soutient que le TPF a retenu arbitrairement qu'il avait agi dans le dessein d'obtenir du Service des étrangers du canton du Valais le renouvellement de son permis de séjour. 
3.4.1 Le TPF a considéré qu'à partir de 1999, le recourant avait manifestement compris que, s'il ne voulait pas se retrouver dans la même situation qu'en 1997 et 1998, il fallait présenter A.________ SA sous un jour favorable. En effet, le réviseur lui avait fait comprendre qu'il importait que la société A.________ SA affiche un bénéfice en vue du renouvellement du permis de séjour. Le TPF se réfère ainsi à une note du réviseur : « Bouclement des comptes, par le compte actionnaire, extourner les avances au titre de recettes à concurrence du déficit et un bénéfice à laisser apparaître. Bon pour accord, le document étant nécessaire à la demande de permis » (arrêt attaqué p. 19). 
Le recourant fait valoir que la note mentionne simplement que les comptes sont nécessaires pour la demande de permis (et non que la société doit être bénéficiaire) et qu'il n'est pas établi qu'il a eu connaissance de cette note. 
3.4.2 Indépendamment de cette note, il n'est pas arbitraire de retenir que le recourant savait que le renouvellement du permis dépendait du développement de la société, compte tenu des difficultés qu'il avait rencontrées les années précédentes. Le TPF n'est donc pas tombé dans l'arbitraire en constatant que le recourant avait le dessein de se procurer un avantage illicite. Les griefs soulevés doivent être rejetés. 
 
4. 
Le recourant se plaint d'une mauvaise application de l'art. 251 CP (faux dans les titres). 
 
4.1 Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre. 
 
4.2 L'art. 251 ch. 1 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité. 
 
Il est admis qu'un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel punissable. La confiance que l'on peut avoir à ne pas être trompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peut avoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit. Pour cette raison, même si l'on se trouve en présence d'un titre, il est nécessaire, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel, que le document ait une valeur probante plus grande que dans l'hypothèse d'un faux matériel. Sa crédibilité doit être accrue et son destinataire doit pouvoir s'y fier raisonnablement. Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou discussion, ne suffit pas. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée. Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration. Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou encore de l'existence de dispositions légales comme les art. 958 ss CO relatifs au bilan, qui définissent le contenu du document en question (ATF 132 IV 12 consid. 8.1 p. 14 - 15 ; 129 IV 130 consid. 2.1 p. 133 s.). 
 
4.3 En l'espèce, les factures du 28 août 2000 et du 30 décembre 2000 constatent faussement que A.________ SA a fourni une prestation et qu'elle a reçu un montant pour ce motif. On se trouve donc dans l'hypothèse d'un document qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans son contenu. Il convient donc d'examiner si cette facture litigieuse est dotée d'une garantie de véracité particulière et si, partant, elle peut constituer un faux intellectuel. 
4.3.1 La comptabilité commerciale, avec ses diverses composantes (pièces justificatives, livres, extraits de compte, bilans ou comptes de résultat) est, en vertu de la loi (art. 662a ss et art. 957 ss CO), propre et destinée à prouver la véracité de la situation et des opérations qu'elle présente (ATF 133 IV 303 consid. 4.2 non publié, 36 consid. 4.1 non publié; 132 IV 12 consid. 8.1 p. 14 s.; 129 IV 130 consid. 2.2 et 2.3 p. 134 ss). Une comptabilité véridique est dans l'intérêt non seulement des actionnaires qui désignent le conseil d'administration et les membres de la direction, mais aussi des créanciers et, d'une manière plus générale, du public qu'elle vise à renseigner sur l'entreprise. Il y a donc faux dans les titres lorsque la comptabilité ne satisfait pas aux exigences légales requises pour assurer sa véracité et la confiance en celle-ci. Ces exigences sont formulées notamment aux art. 662a ss et 957 ss CO
 
Selon la jurisprudence, la facture n'est pas dotée d'une garantie objective de véracité (ATF 131 IV 125 consid. 4.2 p. 128 ; 121 IV 131 consid. 2c; 117 IV 35 consid. 2b). Il en va différemment si elle est appelée à entrer dans la comptabilité et si l'auteur a voulu fausser la comptabilité par ce moyen ou en a accepté l'éventualité (arrêt 6S.66/1997 du Tribunal fédéral du 19 mars 1997, in SJ 1997 p. 581 ; ATF 129 IV 130 consid. 2.3 et 3 p. 137 au sujet d'un contrat destiné à fausser la comptabilité ; CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, Berne 2010, n. 45 et 155 ad art. 251 CP ; BOOG, Strafrecht II, Basler Kommentar, 2e éd., Bâle 2007, n. 56 ad art. 251 CP). Dans ce cas en effet, la garantie de véracité de la comptabilité s'étend à la facture. 
 
4.3.2 En l'espèce, les factures litigieuses font partie intégrante de la comptabilité. Sur la base de ces factures, le montant de 170'000 fr., versé par la société H.________, qui appartenait au recourant, et le montant de 40'000 fr., versé par le recourant, d'abord comptabilisés sur le compte actionnaire, ont été affectés au compte n° 6100 dans les « recettes transports ». En faisant apparaître les montants de 170'000 fr. et de 40'000 fr. comme des recettes de transport, les factures ont permis de camoufler la situation réelle de A.________ SA et de fausser la comptabilité. Dans cette mesure, elles constituent des faux intellectuels. 
 
4.4 Le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. Le dol éventuel suffit. L'art. 251 CP exige en outre un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, à savoir le dessein de nuire ou le dessein d'obtenir un avantage illicite. La jurisprudence a retenu un tel dessein lorsque l'auteur veut dissimuler un délit (ATF 120 IV 361 consid. 2d p. 364), échapper à ses responsabilités en masquant des manquements à son travail (ATF 121 IV 90 consid. 2b p. 92), ne pas perdre un client en lui dissimulant des faits qui lui permettraient d'agir en responsabilité (ATF 115 IV 51 consid. 7 p. 58) ou encore gagner du temps en vue d'obtenir un permis de séjour et de travail (ATF 128 IV 265 consid. 2.2 p. 270). 
 
En l'espèce, l'arrêt attaqué retient - sans arbitraire - que le recourant a fait volontairement incorporer la facture mensongère dans la comptabilité comme pièce justificative, en toute connaissance de cause, afin de présenter sa société sous une image favorable et qu'il a utilisé le faux bilan de l'année 2000 pour obtenir du Service des étrangers du canton du Valais le renouvellement de son permis de séjour. C'est donc à juste titre que le TPF a retenu que le recourant avait agi intentionnellement et dans le dessein d'obtenir un avantage illicite. 
 
4.5 En conclusion, le TPF n'a pas violé le droit fédéral en condamnant le recourant pour faux dans les titres pour avoir établi deux fausses factures. 
 
5. 
Le recourant requiert une indemnité pour les dépens en raison de son acquittement partiel. Il a été en effet libéré de l'accusation de faux dans les titres pour deux factures sur les quatre qui lui étaient imputées. 
 
5.1 Le 1er janvier 2011, le nouveau Code de procédure pénale est entré en vigueur. Il convient de déterminer le droit de procédure pénale applicable dans le cas d'espèce dans la mesure où les débats ont été ouverts en novembre 2010 et qu'ils ont été poursuivis en mars et avril 2011. L'art. 450 CPP prévoit que lorsque les débats ont été ouverts avant l'entrée en vigueur du CPP, ils se poursuivent selon l'ancien droit devant le tribunal de première instance compétent jusqu'alors. Il s'agit donc d'appliquer l'ancienne loi de procédure pénale fédérale. 
 
5.2 Selon l'art. 176 aPPF, en cas d'acquittement, la cour statue conformément aux principes de l'art. 122 al. 1 sur l'allocation d'une indemnité à l'accusé acquitté. L'art. 122 PPF prévoit qu'une indemnité est attribuée sur demande, pour préjudice résultant de la détention préventive ou d'autres actes de l'instruction, à l'inculpé qui est mis au bénéfice d'une ordonnance de non-lieu. L'indemnité peut être refusée lorsque l'inculpé a provoqué ou entravé les opérations de l'instruction par son attitude répréhensible ou par sa légèreté. 
Le droit à l'indemnisation est donné pour tout préjudice résultant de la détention ou d'autres actes d'instruction. La jurisprudence a précisé que l'inculpé mis au bénéfice d'un non-lieu peut également obtenir le remboursement de ses frais de défense nécessaires (ATF 115 IV 156 consid. 2c p. 159). L'atteinte et le dommage doivent, pour être indemnisés, être d'une certaine intensité (ATF 84 IV 44 consid. 2c p. 47). Le prévenu a droit à la réparation du préjudice subi du fait de la procédure instruite à son encontre, pour autant qu'elle ne soit pas imputable à son comportement. Il est en règle générale admis qu'une indemnité peut être versée en cas d'acquittement partiel (SCHMID, Eine Einführung auf der Grundlage des Strafprozessrechtes des Kantons Zürich und des Bundes, 4e éd., Zurich 2004, § 67, n. 1218, note en bas de page 79). Dans ce cas, le juge doit vérifier que le prévenu a droit à une indemnité pour les infractions dont il a été libéré. En d'autres termes, le chef d'accusation abandonné a dû occasionner des frais non négligeables au prévenu (cf. arrêt 6S.421/2006 du Tribunal fédéral du 6 mars 2007, consid. 3.2.2). 
 
5.3 En l'espèce, les conditions d'une indemnité selon l'art. 176 PPF ne sont pas réalisées. Premièrement, le comportement répréhensible du recourant est à l'origine de l'enquête. En outre, on ne voit pas que les chefs d'accusation pour le même complexe de faits, pour lesquels le juge l'a libéré, lui auraient occasionné des frais spéciaux importants, pour lesquels il devrait être indemnisé. Le grief soulevé doit donc être rejeté. 
 
6. 
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Le recourant qui succombe devra supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales. 
 
Lausanne, le 20 février 2012 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Mathys 
 
La Greffière: Kistler Vianin