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Ecriture agrandie
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.243/2006 /frs 
 
Arrêt du 8 février 2007 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Raselli, Président, 
Hohl et Marazzi. 
Greffière: Mme Rey-Mermet. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Serge Rouvinet, avocat, 
 
contre 
 
B.________, 
intimé, représenté par Me Vincent Jeanneret, avocat, 
Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève, case postale 3840, 1211 Genève 3, 
 
Office des poursuites de Genève, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
art. 9 Cst. (notification d'un commandement de payer), 
 
recours de droit public [OJ] contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève du 30 mai 2006. 
 
Faits : 
A. 
A la requête du créancier A.________, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné le 30 août 2000 un séquestre au détriment de B.________, indiquant comme domicile du débiteur une adresse à Beyrouth (Liban). A cette même adresse se trouve aussi le siège de la société C.________, dont le président directeur général est D.________, frère de B.________. Ce dernier occupe également la fonction de directeur de cette société. 
 
En validation de l'ordonnance de séquestre, un commandement de payer a été notifié le 23 mai 2001 par voie édictale dans la Feuille officielle suisse du commerce. La publication indiquait que le débiteur était inconnu à l'adresse libanaise. Le 25 mai 2001, le conseil de B.________ y a formé opposition, en indiquant que son client faisait élection de domicile en son étude. Le séquestre ayant été révoqué, la poursuite est devenue sans objet. 
B. 
A la suite d'une requête de A.________, le 4 décembre 2003, le Tribunal de première instance a ordonné un nouveau séquestre à l'endroit de B.________. Le procès-verbal et le commandement de payer le validant ont été transmis, par l'intermédiaire de l'Office fédéral de la police, à l'Ambassade de Suisse à Beyrouth pour notification. Le 9 décembre 2004, un huissier de justice s'est présenté au domicile du débiteur où il a effectué la notification à E.________, en sa qualité d'employée de C.________. Selon l'attestation établie par l'huissier, le commandement de payer a été notifié "à la société X.________ par l'intermédiaire de l'employée, responsable dans la société et fondée de pouvoir, E.________, qui a reçu les papiers et signé de sa main". Celle-ci a ensuite envoyé les actes notifiés au président directeur général, D.________, résidant en Syrie. 
 
Dans l'intervalle, par télécopie du 16 novembre 2004, le conseil du débiteur a interpellé l'Office des poursuites sur la question de la validation du séquestre en ces termes : "Vous me savez représenter à Genève les intérêts de M. B.________". 
C. 
Le 4 mars 2005, le poursuivi a formé opposition au commandement de payer notifié au Liban. L'Office des poursuites l'ayant rejetée pour cause de tardiveté, B.________ a porté plainte (A/574/2005) contre cette décision. 
D. 
Le 7 mars 2005, il a formé une nouvelle plainte (A/518/2005) auprès de l'autorité cantonale de surveillance en faisant valoir qu'il n'avait jamais reçu notification du commandement de payer. Il s'étonnait du fait que celui-ci ait été adressé au Liban dès lors qu'il avait fait élection de domicile en l'étude de son conseil pour la procédure en validation de séquestre. Le 15 mars 2005, l'Office des poursuites a notifié en mains du conseil du poursuivi un nouveau commandement de payer annulant et remplaçant l'acte notifié le 9 décembre 2004 au Liban. Le poursuivi a formé opposition. De son côté, le poursuivant a porté plainte (A/823/2005) contre cette nouvelle notification. 
E. 
Par décision du 30 mai 2006, la Commission de surveillance a rejeté la plainte formée par A.________ et déclaré sans objet les deux plaintes déposées par le poursuivi. 
F. 
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, A.________ conclut à l'annulation de cette décision. Il a présenté une demande d'effet suspensif qui a été rejetée, dès lors que cette mesure a déjà été prise dans le cadre du recours LP (cf. art. 19 al. 1 LP et art. 75 ss OJ) connexe (7B.86/2006), lequel sera traité après le recours de droit public (art. 57 al. 5 OJ en corrélation avec l'art. 81 OJ). Le poursuivi n'a pas été invité à répondre au recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 p. 1205 ss, p. 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par la loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (art. 132 al. 1 LTF). 
1.2 La décision attaquée, qui émane de l'autorité cantonale unique de surveillance au sens de l'article 13 al. 1 LP (art. 10 al. 1 LaLP/GE, RSG E 3 60), a été prise en dernière instance cantonale au sens de l'art. 86 al. 1 OJ. Il s'agit par ailleurs d'une décision finale (cf. art. 87 OJ), contre laquelle le recourant a manifestement qualité pour interjeter un recours de droit public (art. 88 OJ), ce qu'il a fait en temps utile (art. 89 al. 1 OJ). Le recours est en outre recevable au regard du principe de la subsidiarité absolue du recours de droit public énoncé à l'art. 84 al. 2 OJ. En effet, comme l'art. 43 al. 1 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81 OJ, réserve le recours de droit public pour violation des droits constitutionnels des citoyens, les griefs constitutionnels - tels que celui tiré de l'appréciation arbitraire des preuves (cf. ATF 132 III 1 consid. 3.1; 129 III 618 consid. 3 et les références citées) - ne peuvent être invoqués que par cette voie (ATF 126 III 30 consid. 1c; 122 III 34 consid. 1; 119 III 70 consid. 2; 113 III 86 consid. 3; 107 III 11 consid. 3). Par ailleurs, la violation du droit étranger, qui ne peut être revue ni dans le cadre d'un recours en réforme (art. 43a al. 2 OJ a contrario; ATF 129 III 295 consid. 2.2; 128 III 295 consid. 2d/aa; 126 III 492 consid. 3a in fine et l'arrêt cité), ni dans le cadre d'un recours en nullité au sens des art. 68 ss OJ (arrêt 4P.28/1997 du 15 décembre 1997 publié in : SJ 1998 p. 388 consid. 1b et la référence citée), ne peut être soumise au Tribunal fédéral que par la voie du recours de droit public. En revanche, la violation du droit fédéral, y compris les traités internationaux conclus par la Confédération, ne peut être invoquée que dans un recours LP (art. 19 al. 1 LP, art. 79 al. 1 et 43 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 81 OJ; ATF 119 III 70 consid. 2). 
1.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel soulevés et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1. p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et les arrêts cités). Le recourant ne peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit (ATF 128 I 295 consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let. b OJ n'autorise pas l'auteur d'un recours de droit public à présenter sa propre version des événements (ATF 129 III 727 consid. 5.2.2). 
1.4 Conformément à l'art. 57 al. 5 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81 OJ, le recours de droit public doit être traité avant le recours LP. 
2. 
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir appliqué le droit libanais de manière arbitraire, en particulier les art. 399 et 400 du Code de procédure civile libanais. 
2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et les arrêts cités). 
 
Aux termes de l'art. 399 du CPC libanais, pour les personnes physiques, la notification doit intervenir à la personne elle-même, à son domicile, sa résidence ou son lieu de travail ou dans tout autre lieu où elle se trouve; si le notificateur ne connaît pas la personne à laquelle l'acte doit être notifié, il le remet à la personne qui se déclare être la personne concernée par cette notification, au domicile ou à la résidence de cette personne, une vérification de l'identité sur la base de papiers officiels devant intervenir en cas de remise en dehors du domicile ou de la résidence. Si le notificateur ne trouve pas la personne concernée, il peut remettre l'acte à quiconque se déclare être son mandataire ou à quiconque travaille à son service ou à une personne qui habite avec lui en qualité de conjoint, proche parent ou allié, si ladite personne a l'air d'avoir dix-huit ans révolus et s'il n'y a pas de conflit d'intérêts entre ces personnes et le destinataire de la notification (art. 400 du CPC libanais). Pour les personnes morales, l'art. 403 du CPC libanais prévoit que l'acte à notifier peut être remis à un employé se trouvant sur place, faute pour le notificateur de trouver un représentant de la personne morale au siège de cette dernière ou dans une filiale. 
2.2 En l'espèce, examinant si la remise de l'acte en mains de E.________ valait notification au poursuivi, l'autorité cantonale a considéré en premier lieu, en application de l'art. 400 du CPC libanais, qu'il n'avait pas été allégué ni établi que E.________ était mandataire du poursuivi. Elle a ensuite retenu que celle-ci était l'employée de la société C.________. Cela ne signifiait pas que l'acte avait été notifié au poursuivi, car il y avait lieu de distinguer la personne morale de la personne physique du poursuivi, même si celui-ci occupait une fonction dirigeante de C.________. 
2.3 A l'appui d'un premier grief, le recourant se contente d'affirmer que les art. 399 et 400 du CPC libanais s'appliquent indifféremment aux personnes physiques et morales, sans indiquer en quoi leur interprétation par l'autorité cantonale serait arbitraire. Faute de motivation suffisante, le moyen est irrecevable (cf. consid. 1.3 supra). Au demeurant, le raisonnement de l'autorité cantonale n'apparaît pas arbitraire. En effet, le droit libanais connaissant également la distinction entre personnes physiques et personnes morales (art. 399, 400 et 403 du CPC libanais), il n'était pas arbitraire de considérer que l'acte n'avait pas été valablement notifié au poursuivi, dès lors qu'il a été retenu que E.________ ne travaillait pas au service de celui-ci, mais pour le compte de la société C.________. 
2.4 Dans un second grief, le recourant reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas retenu que E.________ travaillait au service du poursuivi malgré le fait qu'elle se trouvait au domicile privé de celui-ci. Ce seul élément ne suffit pas à déduire l'existence d'un rapport de travail entre les précités dès lors que ce domicile coïncidait avec le siège social de la société C.________, employeur de E.________, ce qui expliquait sa présence à cette adresse. En l'absence d'autres éléments tendant à démontrer l'existence d'un rapport de travail entre le poursuivi et la précitée, l'autorité cantonale pouvait, sans arbitraire, considérer que cette condition n'était pas remplie. 
3. 
Invoquant une constatation arbitraire des faits, le recourant fait grief à l'autorité cantonale d'avoir retenu, en application de l'art. 66 LP, que le poursuivi avait désigné un représentant habilité à recevoir les actes de poursuites et que le commandement de payer avait ainsi été valablement notifié le 15 mars 2005. Dès lors que son argumentation revient en partie à se plaindre de l'application du droit fédéral, en l'occurrence, de l'art. 66 LP, le grief est irrecevable. Cette question sera examinée dans le cadre du recours LP (7B.86/2006; consid. 1.2 supra). Par ailleurs, dans la mesure où le recourant conteste l'établissement des faits, il ne s'en prend pas à la motivation de l'arrêt attaqué (cf. consid. 2.2 de l'arrêt 7B.86/2006), mais se borne à expliquer pourquoi, à son avis, les juges cantonaux ne pouvaient pas se référer à la procédure découlant du premier séquestre, ni au fax du 16 novembre 2004. Sa critique est par conséquent irrecevable également sous cet angle. 
4. 
En définitive, le recours de droit public, mal fondé, doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, doit être condamné aux frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a, en revanche, pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée qui n'a pas été invitée à répondre (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève ainsi qu'à l'Office des poursuites de Genève. 
Lausanne, le 8 février 2007 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: