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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
8C_603/2015  
   
   
 
   
   
 
 
 
Arrêt du 15 avril 2016  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Heine. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Philippe Girod, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Service de l'emploi du canton de Vaud, Instance Juridique Chômage, rue Marterey 5, 1014 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail; risque normal d'exploitation), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, 
du 29 juin 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
La société A.________ SA a été inscrite au registre du commerce du canton de Vaud en octobre 2013. Elle a pour but l'équipement, la transformation et la vente de véhicules spéciaux, notamment d'ambulances. Le 20 août 2014, la société a déposé un préavis de réduction de l'horaire de travail auprès du Service de l'emploi du canton de Vaud (ci-après: SDE). Elle a indiqué que tout l'effectif de l'entreprise serait touché par cette mesure, soit 5,5 postes, à partir du 1 er septembre 2014 jusqu'au 1 er mars 2015, à raison d'une perte de travail probable de 80 %. A l'appui de sa demande, l'employeur a invoqué le "non commencement de [la] production de 143 ambulances pour un pays étranger [dû à] un blocage (...) par le constructeur automobile pour la livraison des fourgons".  
Par décision du 10 septembre 2014, le SDE a accepté la demande de réduction de l'horaire de travail, qu'il a cependant limitée à la période du 1 er septembre au 30 novembre 2014. Le 10 octobre 2014, le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) a formé opposition contre cette décision.  
Par une nouvelle décision du 24 novembre 2014, le SDE a admis l'opposition et réformé sa décision du 10 septembre 2014, en ce sens que la demande de réduction de l'horaire de travail était rejetée. 
 
B.   
Par arrêt du 29 juin 2015, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, a rejeté le recours de A.________ SA contre la décision du SDE du 24 novembre 2014. 
 
C.   
A.________ SA forme un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à son annulation et à l'admission de sa demande d'indemnité pour réduction de l'horaire de travail; subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision. Tant le SDE que le SECO concluent au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées, sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. 
 
2.   
La juridiction cantonale a exposé correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels sur le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (art. 31 al. 1 LACI; RS 837.0), la perte de travail devant être prise en considération (art. 31 al. 1 let. b, art. 32 al. 1 let. a LACI), ainsi que les motifs excluant une prise en considération de la perte de travail, notamment lorsqu'elle est due à des circonstances inhérentes aux risques normaux d'exploitation que l'employeur doit assumer (art. 33 al. 1 let. a LACI; ATF 138 V 333; 119 V 498). Il suffit d'y renvoyer. 
 
3.   
Les premiers juges ont tout d'abord rappelé les faits à l'origine du présent litige: 
La société A.________ SA était une filiale de la société mère B.________ SA, laquelle avait signé, en juin 2013, une promesse de conclure avec ce pays étranger portant sur la livraison de 143 ambulances. En juillet 2013, des négociations pour l'achat de châssis Mercedes nécessaires à la production des ambulances avaient été entreprises auprès du distributeur général de la marque dans ce pays, C.________ Co. Au cours de ce même mois, les locaux commerciaux (un atelier de fabrication) avaient été loués et du personnel avait été engagé. La mise en production était prévue pour l'automne 2013, et la société A.________ SA avait été inscrite au registre du commerce afin de séparer ses activités de celles de la société B.________ SA. La signature du contrat avec ce pays n'était intervenue qu'en mai 2014. En outre, alors que C.________ Co s'était engagée envers A.________ SA à livrer 143 châssis Mercedes, les fourgons n'avaient jamais été livrés, en raison de l'intervention du constructeur, E.________ AG, par son siège social à U.________. La recourante s'était ainsi retrouvée en conflit avec E.________ AG, lequel était toujours ouvert au moment du dépôt du recours. 
Les premiers juges ont considéré qu'au vu de sa récente création, en automne 2013, et du fait que le contrat pour l'exécution duquel elle avait été fondée n'avait été conclu qu'en mai 2014, les difficultés rencontrées par la recourante et les retards dans la mise en oeuvre de sa nouvelle activité n'apparaissaient ni exceptionnels, ni extraordinaires mais dénotaient un risque d'exploitation inhérent à toute nouvelle entreprise tentant de prendre son essor, dont l'art. 33 al. 1 let. a LACI excluait la prise en considération. Les juges cantonaux ont retenu, au demeurant, que l'inexécution du contrat par l'un des fournisseurs de la recourante ne représentait pas une circonstance exceptionnelle, dès lors que toute entreprise courait le risque d'être confrontée, tôt ou tard, à un retard ou un désistement d'un fournisseur. Peu importaient à cet égard les raisons pour lesquelles C.________ Co n'avait pas exécuté la commande de la recourante, ni le rôle joué dans ce contexte par E.________ AG. 
 
4.  
 
4.1. La société recourante se plaint tout d'abord d'une constatation manifestement inexacte des faits par la juridiction cantonale. Elle lui reproche d'avoir retenu qu'elle était "une jeune société se trouvant dans une phase de lancement, sans qu'elle n'ait pu reprendre, lors de sa création, une activité déjà rodée". La recourante insiste sur le fait qu'elle était une filiale de B.________ SA, société active dans le domaine d'équipements médicaux et scientifiques depuis 2003, laquelle avait prospecté, procédé aux négociations puis conclu la promesse de vente avec ce pays étranger. La recourante avait ainsi été créée afin de reprendre ce contrat dans sa phase d'exécution.  
Comme le relèvent les premiers juges, la circonstance que la recourante est une filiale de la société B.________ SA, inscrite quant à elle au registre du commerce en 2003 déjà, ne change rien au fait que A.________ SA est une jeune société, créée moins d'un an avant la demande de prestations litigieuses dans le but d'exécuter un contrat de livraison de 143 ambulances à ce pays étranger. Or, au moment de sa création, en automne 2013, la recourante - qui est une entité juridique distincte de B.________ SA - n'avait aucune activité et ne possédait qu'une perspective encore incertaine de collaboration avec ce pays. La juridiction cantonale pouvait dès lors en conclure que ses difficultés étaient inhérentes à toute société qui débute une nouvelle activité, ce qui suffisait à exclure la prise en considération de la perte de travail invoquée. 
 
4.2. En deuxième lieu, la recourante fait valoir que les premiers juges n'auraient pas tenu compte de la contradiction dont aurait fait preuve le SECO dans ce dossier. Elle se fonde sur une note juridique du SDE du 9 septembre 2014, laquelle mentionne les propos de D.________, personne de liaison au SECO. C'était sur la base de cette détermination que le SDE avait octroyé l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail par décision du 10 septembre 2014, décision contre laquelle le SECO s'était ensuite opposé.  
La recourante ne fonde toutefois aucune déduction juridique sur cette prétendue contradiction, qu'elle invoque uniquement pour démontrer que l'approche du SECO était, selon elle, conforme à la réalité commerciale et contractuelle. Cela ne suffit pas pour remettre en cause les considérants du jugement attaqué. 
 
4.3. Dans un troisième grief, la recourante fait valoir qu'il était arbitraire de constater qu'elle "ne possédait qu'une perspective, encore incertaine, de collaboration avec ce pays", car c'était une suspension de l'exécution tout à fait imprévisible, du fait de l'intervention d'un tiers non partie au contrat de base, qui avait entraîné la suspension de ses activités. En effet, au regard du déroulement des opérations, cette intervention d'un tiers dans l'exécution du contrat l'avait rendu impossible, de façon temporaire. Aucune mesure appropriée, mais surtout économiquement viable, n'était à disposition de la recourante pour parer à l'intervention de E.________ AG.  
Comme l'ont relevé les premiers juges, peu importe le rôle joué par E.________ AG dans le retard pris pour l'exécution du contrat. En effet, seul est déterminant, en l'espèce, le fait que la recourante a été créée dans le but d'exécuter un important contrat et qu'en faisant ainsi dépendre sa viabilité économique d'un seul partenaire commercial, elle a volontairement pris un risque calculé, lequel ne constitue pas, au sens de la jurisprudence, un risque extraordinaire mais fait partie des risques normaux d'exploitation (voir à cet égard DTA 2011 p. 67 [8C_291/2010] consid. 4.2 - 4.4; DTA 2008 p. 158 [8C_279/2007] consid. 2.3). Par conséquent, la juridiction cantonale n'a pas violé le droit fédéral en admettant que la perte de travail subie par la recourante à la suite des retards de livraison de son principal fournisseur ne saurait être indemnisée. Il s'ensuit que le recours en matière de droit public est mal fondé. 
 
5.   
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et au Secrétariat d'Etat à l'économie SECO. 
 
 
Lucerne, le 15 avril 2016 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : Fretz Perrin