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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_228/2019  
 
 
Arrêt du 29 avril 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Fonjallaz et Kneubühler. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Maîtres Jean-Philippe Heim 
et Daphné Nicod, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ et C.________, 
tous les deux représentés par Me Yero Diagne, avocat, 
intimés, 
 
Municipalité de Buchillon, 
Direction générale de l'environnement 
du canton de Vaud, Unité du Service juridique. 
 
Objet 
Constatation de la nature forestière, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 18 mars 2019 (AC.2018.0231). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ est propriétaire depuis 2001 de la parcelle n° 321 de la Commune de Buchillon. Cette parcelle supporte une villa, une piscine extérieure et un cabanon de jardin. Ce dernier a fait l'objet d'un permis de construire délivré par la municipalité le 27 juillet 2006 et d'un permis d'utiliser. Au sud-ouest de cette parcelle se trouve la parcelle n° 360, propriété de C.________ et B.________. Ces deux terrains sont compris en partie dans la zone villa A prévue par le plan général d'affectation (PGA) de la Commune de Buchillon, approuvé par le Conseil d'Etat du Canton de Vaud le 28 mars 1990 et le 25 septembre 1992, et en partie dans un secteur soumis au régime forestier. La lisière délimitant l'aire forestière de la zone à bâtir figure à titre indicatif sur le PGA. 
En 2007, A.________ a érigé sur sa parcelle une clôture pour délimiter le jardin de la partie forestière, en remplacement d'une ancienne clôture, qui était située en pleine forêt sur la limite de la parcelle n° 360. Au nord de la nouvelle clôture, le sol est constitué de gazon alors qu'au sud se trouve un secteur composé des attributs forestiers typiques. Le secteur sis directement au nord de la clôture comprend trois arbres (deux chênes et un charme). 
Saisi par A.________ d'une demande, à l'encontre de C.________ et B.________, d'enlèvement d'un chêne en limite des deux parcelles (ou exclusivement sur la parcelle n° 360 de l'avis des époux B.________ et C.________), le Juge de paix du district de Morges, d'entente avec les parties, a requis de la Direction générale de l'environnement de l'Etat de Vaud (DGE) qu'elle rende une décision de constatation de la nature forestière au sens de l'art. 10 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur les forêts (LFo; RS 921.0). 
 
B.   
Par décision du 1er juin 2018, la DGE a adopté le plan de constatation de la nature forestière sur les parcelles nos 321 et 360 (plan de géomètre du 25 octobre 2017) qu'elle avait mis à l'enquête publique après avoir notamment tenu une séance sur place. A teneur de ce plan, la clôture sise sur la parcelle n° 321 est comprise dans l'aire forestière et le cabanon de jardin se situe à moins de 10 m de la lisière. La DGE a également levé l'opposition que A.________ avait formée contre ce plan, par laquelle il formulait une proposition de limite forestière correspondant notamment à la clôture. 
Saisie d'un recours du prénommé, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) a partiellement réformé la décision s'agissant de la répartition des frais y afférents et en a confirmé le fond pour le surplus. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal et la décision de la DGE en ce sens que le plan de constatation de la nature forestière est modifié conformément à la proposition de limite forestière qu'il avait formulée et qui ne concerne plus que sa parcelle (n° 321). Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Les époux B.________ et C.________ s'en remettent à justice pour autant que, comme l'indique le recours, le tracé de la lisère forestière sur leur parcelle n'est plus contesté. Ils concluent à son rejet si ce tracé devait encore être contesté. Consulté, l'Office fédéral de l'environnement dépose des observations qu'il conclut en indiquant que les autorités cantonales ont correctement appliqué le droit fédéral. Le recourant se détermine sur ces écritures et persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est formé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Il est recevable au regard des art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et 90 LTF. Le recourant, propriétaire de la parcelle faisant l'objet de la constatation de la nature forestière, est particulièrement touché par l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de celui-ci. 
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant voit une contradiction inconciliable entre les constatations de fait de la DGE et le raisonnement de la CDAP. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 145 I 26 consid. 1.3 p. 30; 142 III 364 consid. 2.4 p. 368; 139 II 404 consid. 10.1 p. 445).  
 
2.1.2. La LFo a pour but général la protection des forêts, notamment la conservation de l'aire forestière (art. 1 et 3 LFo). L'art. 2 LFo définit la notion de forêt. On entend par forêt toutes les surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières (à savoir des fonctions protectrices, économiques ou sociales), sans égard à leur origine, à leur mode d'exploitation ou aux mentions figurant au registre foncier. L'art. 2 al. 2 LFo indique ce qui doit être assimilé aux forêts, alors que l'art. 2 al. 3 LFo exclut de cette notion notamment les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts. Selon l'art. 1 al. 1 de l'ordonnance du 30 novembre 1992 sur les forêts (OFo; RS 921.01), les cantons précisent les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt.  
Dans ce cadre, l'art. 2 al. 1 de la loi forestière vaudoise du 19 juin 1996 (LVLFO; RSV 921.01) définit quantitativement les surfaces boisées devant être qualifiées de forêts. 
En principe, l'autorité forestière compétente pour procéder à une constatation de nature forestière au sens de l'art. 10 LFo doit se fonder sur la situation effective du terrain au moment où elle statue. Dans certaines circonstances, l'existence d'une forêt peut toutefois être admise malgré l'absence de boisement, en particulier lorsqu'il apparaît qu'un défrichement a eu lieu sans autorisation; en effet, la suppression du couvert forestier sans autorisation de défricher ne modifie pas le caractère forestier du terrain concerné; le moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n'est alors plus celui de la décision de première instance (ATF 124 II 85 consid. 4d p. 92; 120 Ib 339 consid. 4a p. 342; arrêt 1C_239/2016 du 13 février 2017 consid. 3 et les références citées). L'intérêt à la conservation de la forêt est reconnu de plein droit pour les surfaces d'où la forêt a été éliminée sans autorisation; celles-ci sont assujetties à l'obligation de reboiser et elles continuent ainsi d'appartenir à l'aire forestière (cf. art. 2 al. 2 let. c LFo). 
 
2.2.  
 
2.2.1. Comme le relève le recourant, la DGE a tout d'abord constaté, d'une part, que le sol du secteur litigieux était constitué de gazon (consid. 2d) et que, d'autre part, cette bande herbeuse présentait encore des arbres d'essence forestière (décision du 1er juin 2018, consid. 2k). La DGE a en outre constaté que, la forêt a reculé depuis les années 1988 (2f), que cette situation résulte d'un entretien intensif d'une partie de la parcelle forestière (2h) et que la bande de terrain litigieuse a été entretenue de manière intensive (2k), opération que la DGE qualifie également de "nettoyage systématique du sous-bois" (2j). La CDAP a elle aussi observé la présence d'arbres forestiers (charme, chênes) dans la bande herbeuse litigieuse (arrêt attaqué, consid. 2b/aa); elle a par ailleurs relevé que ces arbres, typiques des massifs forestiers du plateau, se retrouvaient également de l'autre côté de la clôture du recourant (arrêt attaqué, consid. 2b/aa). Sur ces points, les constatations de fait des deux instances concordent et ne présentent aucune contradiction.  
La question de savoir si cette portion de terrain, dont la description - qui relève du fait - a été établie sans arbitraire, appartient à la forêt relève pour le surplus uniquement du droit. 
 
2.2.2. Le recourant estime qu'il "ressort des explications de la DGE que la limite entre le jardin et la forêt est clairement définie, par la situation effective du terrain, soit par la clôture sise sur [s]a parcelle". Cette assertion est toutefois purement appellatoire, le recourant présentant sa propre interprétation des faits constatés par l'autorité administrative, dont la décision ne contient aucune affirmation en ce sens. Le recourant s'obstine à vouloir déterminer si la qualité de forêt a été constatée sur la base de "la nature effective du terrain" ou non. Or la nature effective du terrain présente précisément l'antinomie que les deux autorités ont constatée de façon concordante: un sol en nature de gazon avec trois arbres d'essences forestières. Cette "nature effective du terrain" n'a en réalité ainsi pas été décisive, ni pour la DGE ni pour la CDAP.  
Les deux instances ont considéré d'une part que la nature forestière du secteur était dictée par le fait que la présence du gazon était due à un entretien intensif ne laissant pas le sous-bois se reconstituer (1) et d'autre part que la présence des trois arbres étaient indicateurs de la nature forestière du secteur si cet entretien intensif n'avait pas lieu (2). Que la DGE ait émis la première de ces observation à titre principal et se soit appuyée sur l'autre pour étayer son jugement, alors que la CDAP a commencé par relever la seconde, pour ensuite corroborer son appréciation en évoquant la première, ne constitue pas une contradiction. 
Lorsque, comme le souligne le recourant, la DGE s'écarte de la nature effective du terrain, elle le fait par rapport à la nature de gazon du sol, non par rapport à la présence des trois arbres dont elle dit, à l'instar de ce que fait la CDAP ensuite, qu'il s'agit d'essences forestières. Aussi, lorsque la CDAP expose que "la limite de la forêt a été fixée en tenant compte des arbres présents dans le secteur litigieux" (arrêt attaqué, consid. 2b/aa) ou que l'appréciation a été affinée "en tenant compte de la situation sur le terrain" (  ibidem), elle ne contredit en rien les observations ou appréciations de l'autorité cantonale spécialisée.  
En bref, l'arrêt attaqué, à l'instar de l'autorité administrative, a tenu compte tant de la situation antérieure pour s'écarter de la nature de gazon du sol que de la situation actuelle en se référant aux arbres d'essences forestières encore présents dans le secteur litigieux. Comme le relève l'OFEV, cette manière de fixer la limite de la forêt est conforme à la législation et la jurisprudence en la matière. 
 
2.2.3. Pour le surplus, la présence de la clôture ne saurait être déterminante, son emplacement ne faisant l'objet d'aucune décision au sens formel. C'est ainsi en vain que le recourant tente de faire valoir - de façon appellatoire au demeurant - que la DGE aurait accepté la pose de cette clôture et par voie de conséquence tacitement considéré que tel était l'emplacement de la limite forestière.  
Enfin, le recourant expose que cette portion de terrain n'exerce aucune fonction forestière au sens de l'art. 2 LFo. Or, tel argument n'est d'aucune pertinence puisqu'il s'agit précisément de rétablir le couvert forestier naturel disparu en raison d'une exploitation intensive contraire à la loi. Que cette surface soit en outre trop peu importante pour exercer à elle seule la fonction d'une forêt est par ailleurs hors de propos en l'espèce, dès lors que cette surface est contigüe à une forêt dont les dimensions et la fonction répondent manifestement aux critères fixés par la législation. 
 
3.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais de son auteur, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'accorder de dépens, les intimés, qui n'ont pas pris de conclusions en ce sens, ne pouvant être considérés comme obtenant gain de cause au sens de l'art. 68 al. 1 LTF
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Municipalité de Buchillon, à la Direction générale de l'environnement et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement. 
 
 
Lausanne, le 29 avril 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Sidi-Ali