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Ecriture agrandie
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_203/2011 
 
Arrêt du 5 septembre 2011 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges Hohl, Présidente, 
Escher, L. Meyer, von Werdt et Herrmann. 
Greffière: Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________, (époux), 
représenté par Me Christophe Misteli, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
dame A.________, (épouse), 
représentée par Me Georges Reymond, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
divorce, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 22 février 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Dame A.________, née en 1965, ressortissante de l'Irlande du Nord, et A.________, né en 1967, de nationalité écossaise, se sont mariés le 27 décembre 1994 à Belfast (Irlande du Nord). 
 
Aucun enfant n'est issu de cette union. 
 
Les parties se sont domiciliées à X.________ (Genève) et ont acquis un chalet à Y.________. 
A.b Au mois de septembre 2006, A.________ a quitté le domicile conjugal, sans fournir aucune explication claire sur les raisons de son départ, ni à son annonce, ni ultérieurement. 
 
B. 
B.a Par requête en conciliation du 25 juillet 2007 déposée devant le Juge de paix du district d'Aigle, dame A.________ a ouvert action en divorce. Un acte de non-conciliation a été délivré. 
 
A la même date, dame A.________ a introduit devant le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois une requête de mesures provisionnelles tendant à l'attribution du domicile conjugal ainsi qu'à la jouissance du chalet de Y.________ un week-end sur deux et durant la moitié des vacances scolaires. 
 
Son époux a procédé sur mesures provisionnelles et a été entendu lors d'une audience tenue le 30 octobre 2007. 
B.b Le 3 décembre 2007, l'épouse a formé une demande unilatérale en divorce devant le Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après le tribunal d'arrondissement), concluant à son prononcé (I), au partage des avoirs de prévoyance professionnelle (II) ainsi qu'à la dissolution et à la liquidation du régime matrimonial (III). 
 
Par citation du 18 décembre 2007, A.________ a ouvert action en divorce en Angleterre (recte: Ecosse), concluant au prononcé du divorce. 
B.c Le 8 février 2008, A._______ a, entre autres, incidemment requis le Président du tribunal d'arrondissement que soit ordonnée une instruction séparée et préjudicielle sur les allégués nos 9 à 12 et sur la conclusion I de la requête introduite le 3 décembre 2007 par son épouse. Il a également sollicité le prononcé d'un jugement préalable sur le principe du divorce au terme de cette instruction. 
 
Par jugement incident du 26 mai 2008, le Président du tribunal d'arrondissement a admis la requête incidente du mari, traitée comme une requête en disjonction de l'instruction sur la question du principe du divorce. Il a ainsi ordonné l'instruction séparée et préjudicielle en précisant qu'un jugement préalable sur le principe du divorce serait rendu à l'issue de cette instruction et fixé à l'intéressé un délai pour déposer une réponse aux allégués sur lesquels portait l'instruction. 
 
Dans sa réponse du 8 juillet 2008, A.________ a conclu au rejet de la conclusion I de la requête formée par son épouse. 
 
Les parties ont été entendues le 9 décembre 2008. 
 
Par jugement du 26 février 2009, le tribunal d'arrondissement a, notamment, prononcé le divorce des époux A.________ (I), renvoyant le règlement des effets du divorce à une procédure ultérieure (II). 
 
Statuant le 22 février 2011 sur le recours de A.________, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté, puis confirmé le jugement attaqué. 
 
C. 
Le 22 mars 2011, A.________ exerce un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que l'action en divorce introduite par dame A.________ est rejetée, ainsi que toute autre conclusion. 
 
Des observations n'ont pas été sollicitées. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 La décision querellée confirme une décision prononçant le divorce des parties et statue ainsi définitivement sur un chef de conclusions pris par l'intimée. Il s'agit donc d'une décision partielle (art. 91 let. a LTF), qui peut et doit faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (arrêt 5A_682/2007 du 15 février 2008 consid. 1.1). 
 
1.2 Ayant pour objet le principe même du divorce, la présente cause est de nature non pécuniaire, de sorte que le recours est ouvert sans restriction tenant à la valeur litigieuse (art. 74 al. 1 LTF a contrario). Rendu par une autorité de dernière instance cantonale (art. 75 LTF), l'arrêt attaqué a été entrepris en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par la partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF), si bien que le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2. 
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été invoqués et le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 134 III 102 consid. 1.1). 
 
3. 
3.1 Contrairement au tribunal d'arrondissement, la cour cantonale a considéré que les motifs retenus par les premiers juges pour fonder l'admission de la requête unilatérale de divorce selon l'art. 115 CC n'étaient pas réalisés. 
 
La Chambre des recours a en revanche estimé que le recourant procédait de manière abusive. Après que son épouse avait ouvert la procédure de divorce objet du présent litige, il avait en effet lui-même introduit une action en divorce en Angleterre (recte: Ecosse), tout en maintenant son opposition dans le cadre de la procédure initiée par l'intimée. Il justifiait son attitude par le fait que la majorité des biens appartenant aux conjoints se situaient en Ecosse et devaient être ainsi régis par le droit de cette nation, démontrant ainsi ne souhaiter en aucun cas la poursuite de la vie commune. Le but poursuivi était en outre sans rapport avec celui du mariage ou le délai imposé par l'art. 114 CC. En réalité, le recourant détournait celui-ci de son objectif en cherchant, par son opposition au divorce, à contourner le refus de l'intimée d'appliquer le droit étranger à la liquidation du régime matrimonial, refus qu'elle était en droit d'exprimer en se fondant sur les art. 52 à 54 LDIP. La cour cantonale a par ailleurs précisé qu'au demeurant, au vu des témoignages recueillis, il apparaissait peu probable que le recourant obtienne le divorce en Ecosse sans l'accord de l'intimée. Une opposition de cette dernière posant la question identique de l'abus de droit, un rejet de ce dernier moyen risquait d'avoir pour conséquence que le divorce ne soit prononcé dans aucun des deux pays. 
 
3.2 Le recourant soutient que son attitude n'aurait rien d'abusif en se fondant sur différents précédents jurisprudentiels cantonaux et fédéraux censés démontrer l'application restrictive du principe de l'interdiction de l'abus de droit. Il reproche ensuite à l'autorité cantonale de ne pas avoir cherché à exposer en quoi son refus de divorcer lui procurerait un avantage exorbitant ou au contraire, quelle injustice manifeste résulterait de ce refus pour l'intimée, celle-ci ne soutenant nullement être lésée. Le recourant souligne enfin que le fait d'ouvrir une action en divorce justifiée dans un autre pays ne pouvait être assimilé à un accord sur le principe du divorce, cette convention devant en effet intervenir en Suisse. 
 
4. 
L'arrêt attaqué a été rendu et communiqué aux parties après le 1er janvier 2011, date de l'entrée en vigueur du CPC. Toutefois, à teneur de l'art. 404 al. 1 CPC, les procédures en cours à l'entrée en vigueur du CPC sont régies par l'ancien droit de procédure jusqu'à la clôture de l'instance. Cette norme vaut pour l'application du nouveau Code mais également pour les modifications d'autres lois figurant dans l'annexe 1 à ce dernier, en particulier la suppression des dispositions procédurales qui figuraient précédemment dans le CC, comme l'art. 116 CC (DENIS TAPPY, in Code de procédure civile commenté, 2011, n. 5 ad art. 404 CPC). 
 
L'action en divorce litigieuse ayant été introduite en 2007, le droit du divorce dans sa teneur au 31 décembre 2010 continue donc de s'appliquer. 
 
5. 
5.1 Le divorce sur demande unilatérale est régi par les art. 114 CC (délai d'attente de deux ans) et 115 CC (justes motifs). L'art. 116 aCC - disposition abrogée le 1er janvier 2011 par l'art. 292 al. 1 CPC - prévoit que les dispositions relatives au divorce sur requête commune sont toutefois applicables par analogie lorsque l'époux défendeur consent expressément au divorce ou dépose une demande reconventionnelle. La volonté de divorcer doit être exprimée dans la procédure en cours et être adressée au tribunal (arrêt 5A_523/2007 du 10 avril 2008 consid. 5.1 publié in FamPra.ch 2008 p. 897 et les références). 
L'art. 116 aCC a été appliqué par analogie lorsque, au cours d'une procédure de divorce pendante en Suisse, l'époux défendeur se réfère expressément à une procédure identique ouverte à l'étranger, démontrant ainsi sa volonté de dissoudre le mariage et, par voie de conséquence, son accord à la demande de divorce introduite en Suisse (arrêt 5A_523/2007 précité consid. 5.2). 
 
5.2 Lorsque les conditions de l'art. 116 aCC sont réalisées, le juge applique la disposition d'office, sans qu'une requête spéciale des parties ne soit nécessaire (DANIEL STECK, in Basler Kommentar, ZGB I, 3e éd., 2006, n. 10 ad art. 116 aCC; SUZETTE SANDOZ, in Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 15 ad art. 116 aCC). Le renvoi à l'application analogique des dispositions relatives au divorce sur requête commune concerne en particulier les prescriptions de procédure des art. 111 al. 1 et 2 et 112 al. 2 CC, à savoir l'audition commune et séparée des époux (arrêt 5C.2/2001 du 20 septembre 2001 consid. 5a publié in SJ 2002 I 17 et les références), le délai de réflexion de deux mois et l'obligation de confirmer par écrit la volonté de divorcer n'étant plus exigés à compter du 1er février 2010 (RO 2010 281 s.). 
 
L'application par analogie permet néanmoins d'adapter lesdites prescriptions de forme à la nature particulière de la situation envisagée: leur strict respect n'est dès lors pas exigé, l'essentiel étant que le juge soit convaincu du sérieux de la décision des conjoints ainsi que de leur libre arbitre (arrêt 5C.2/2001 précité consid. 5b publié in SJ 2002 I 17 et la référence citée). La nécessité d'entendre ceux-ci peut ainsi être laissée au pouvoir d'appréciation du juge (arrêt 5C.2/2001 précité consid. 5b; RUTH REUSSER, Die Scheidungsgründe und die Ehetrennung, in HEINZ HAUSHEER (éd.), Vom alten zum neuen Scheidungsrecht, 1999, n. 1.98; ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Die Scheidung auf Klage, Pratique juridique actuelle [PJA] 1999 1530, p. 1539; VERENA BRÄM, Scheidung auf gemeinsames Begehren, die Wechsel der Verfahren (Art. 111-113, 116 ZGB) und die Anfechtung der Scheidung auf gemeinsames Begehren (art. 149 ZGB), in PJA 1999 1511, p. 1519; contra: SANDOZ, op. cit., n. 16 s. ad art. 116 aCC; ROLAND FANKHAUSER, in FamKommentar Scheidung, 2005, n. 21 ad art. 116 aCC). 
 
5.3 En l'espèce, le recourant a introduit parallèlement, le 18 décembre 2007, une demande de divorce en Ecosse. Par sa requête incidente du 8 février 2008, formée devant le Président du tribunal d'arrondissement vaudois, il a explicitement indiqué avoir déposé ladite demande, exprimant ainsi clairement son intention d'obtenir la dissolution de son union et, par conséquent, son accord sur le principe du divorce; il a lui-même produit la citation adressée sur sol anglais (recte: écossais), confirmant sans aucune ambiguïté sa volonté de divorcer. Les parties ont en outre été entendues en personne à plusieurs reprises en première instance (notamment lors d'audiences tenues les 23 septembre 2008 et 9 décembre 2008). Vu les circonstances, il ne se justifiait pas de procéder à une nouvelle audition des époux sur la question du principe du divorce, des éléments suffisants permettant de conclure qu'il ne subsistait aucun doute quant à leur volonté commune de divorcer, librement exprimée. C'est donc à juste titre que le tribunal d'arrondissement a prononcé le divorce, la question des effets accessoires devant être réglée ultérieurement. 
 
6. 
Le recourant estime que l'intimée commettrait elle-même une forme d'abus en ouvrant action en Suisse alors que les conditions matérielles n'y sont pas données, pour y obtenir un avantage. En lui donnant gain de cause, la décision cantonale aurait en outre pour conséquence d'introduire un forum running injustifiable: la partie qui "court" le plus vite et sans avertissement préalable au for suisse qui lui est plus convenable pour introduire son action serait favorisée, nonobstant le respect du délai légal de deux ans prévu par l'art. 114 CC ainsi que la compétence internationale donnée à l'étranger. 
 
Il a été établi que le recourant, tout comme son épouse, souhaitait divorcer. La demande unilatérale de divorce déposée par cette dernière en Suisse pouvait ainsi être traitée comme une requête commune des époux avec accord partiel (art. 116 aCC). On ne saurait dès lors considérer que l'intimée commettrait une forme d'abus ou serait favorisée par rapport au recourant, en tant que les conditions du prononcé du divorce étaient remplies: la litispendance a simplement été créée en premier lieu en Suisse et seulement ensuite en Ecosse. L'art. 114 CC n'est en l'occurrence pas applicable. 
 
7. 
En définitive, le recours doit être rejeté, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de dépens n'est accordée à l'intimée qui n'a pas été invitée à se déterminer. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 5 septembre 2011 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Hohl 
 
La Greffière: de Poret Bortolaso