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Ecriture agrandie
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
2A.103/2003/VIA/elo 
{T 1/2} 
 
Arrêt du 8 juillet 2003 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Wurzburger, Président, Betschart et Meylan, Juge suppléant. 
Greffier: M. Vianin. 
 
Parties 
Tamoil SA, Pré-Jaquet, 1868 Collombey, 
recourante, 
représentée par Me Pierre-Cyril Sauthier, avocat, rue de la Poste 12, case postale 904, 1920 Martigny 1, 
 
contre 
 
Service juridique du registre foncier, avenue Ritz 1, 1950 Sion, 
Office fédéral de la justice, Bundeshaus West, 
3003 Berne, 
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de Justice, 1950 Sion 2. 
 
Objet 
décision de non-assujettissement à autorisation, 
 
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 31 janvier 2003. 
 
Faits: 
A. 
La société Tamoil SA (ci-après: la société) est propriétaire sur le territoire des communes de Collombey-Muraz et de Monthey d'immeubles représentant une surface totale de 864'043 m2, sur lesquels elle exploite une raffinerie de pétrole occupant 176 personnes. Elle a son siège à Collombey-Muraz. 
 
Afin de se conformer aux nouvelles règles de protection de l'environnement relatives aux produits pétroliers, dont l'entrée en vigueur est prévue pour le début 2005, la société a développé un projet appelé TRC 2000, qui consiste principalement en la construction d'une unité de craquage catalytique. L'autorisation de construire a été délivrée le 23 avril 2001. 
 
Dans le cadre de ce projet, la société a acquis sous condition cinq maisons d'habitation situées à proximité de la raffinerie. Le 13 mars 2002, elle a requis le Service juridique du registre foncier du canton du Valais (ci-après: le Service juridique) de constater que ces transactions n'étaient pas soumises au régime de l'autorisation au sens de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE; RS 211.412.41). A l'appui de sa requête, la société a exposé que le projet précité nécessitait la création de 30 à 40 emplois et le recrutement d'ingénieurs et de cadres hautement qualifiés. Elle entendait mettre à la disposition de son personnel d'encadrement des logements situés à proximité immédiate de l'entreprise, en particulier pour des motifs de sécurité. Vu l'absence totale d'infrastructure hôtelière sur le territoire de la commune, elle n'avait d'autre moyen que d'acquérir les immeubles en question. D'ailleurs, ceux-ci devaient lui servir d'établissements stables au sens de l'art. 2 al. 2 lettre a LFAIE, de sorte que leur acquisition échappait au régime de l'autorisation prévu à l'alinéa premier de cette disposition. Dans une déclaration du 25 mars 2002, la société a ajouté que pour recruter les spécialistes expérimentés dont elle avait besoin pour la nouvelle unité de son entreprise, elle devait leur mettre à disposition des logements de fonction, car cela était usuel dans la branche. 
 
Par décision du 11 avril 2002, le Service juridique a fait droit à la requête. 
B. 
L'Office fédéral de la justice a déféré cette décision à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais, en concluant à son annulation et à la constatation que les transactions en cause sont soumises à autorisation en vertu de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. 
 
Dans sa réponse, la société a confirmé que l'acquisition projetée était nécessaire à l'exploitation de l'entreprise, notamment lors de la réalisation du projet TRC 2000, qui devait durer deux à trois ans. Elle a ajouté que cela ressortait «à l'évidence du volumineux dossier de demande d'autorisation de construire déposé auprès de l'Etat du Valais et dont l'édition est réservée». 
C. 
Par arrêt du 31 janvier 2003, le Tribunal cantonal a admis le recours. Il a considéré en bref que l'acquisition des cinq immeubles concernés ne pouvait échapper au régime de l'autorisation ni en vertu de l'art. 2 al. 2 lettre a LFAIE - ceux-ci ne constituant pas eux-mêmes des établissements stables -, ni en vertu des autres exceptions prévues par la loi et la jurisprudence en relation avec cette disposition. 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la société demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision entreprise et en conséquence de rétablir la décision du Service juridique du 11 avril 2002. 
 
La Cour cantonale renonce à se déterminer. L'Office fédéral de la justice conclut au rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre un arrêt rendu par une autorité judiciaire statuant en dernière instance cantonale et fondé sur le droit public fédéral, le présent recours est recevable en vertu des art. 97 ss OJ, ainsi que de la règle particulière de l'art. 21 al. 1 lettre a LFAIE
1.2 
Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). Aussi la possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou de faire valoir de nouveaux moyens de preuve est-elle très restreinte (ATF 128 II 145 consid. 1.2.1 p. 150; 125 II 217 consid. 3a p. 221; 124 II 409 consid. 3a p. 420; 121 II 97 consid. 1c p. 99; 114 Ib 27 consid. 8b p. 33; Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème éd., Berne 1983, p. 286-287). 
2. 
L'art. 2 al. 1 LFAIE pose le principe que l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger est subordonnée à une autorisation de l'autorité cantonale compétente. L'article 2 al. 2 LFAIE prévoit des exceptions. L'autorisation n'est pas nécessaire notamment «si l'immeuble sert d'établissement stable pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelqu'autre industrie ainsi que pour exercer une activité artisanale ou une profession libérale» (lettre a). En d'autres termes, il doit s'agir d'un établissement stable où est exercée une activité économique, conditions qui n'ont pas été modifiées par la novelle du 30 avril 1997, entrée en vigueur le 1er octobre 1997 (arrêt 2A.428/1999 du 28 janvier 2000 consid. 3d, publié in Pra 2001 n° 6 p. 36 et RNRF 83/2002 p. 35). 
 
Lorsqu'un immeuble est acquis conformément à la lettre a de l'art. 2 al. 2 LFAIE, l'alinéa 3 - introduit par la novelle du 30 avril 1997 - de cette disposition prévoit que «les logements imposés par les prescriptions relatives aux quotas de logements, ainsi que les surfaces réservées à cet effet, peuvent être acquis simultanément». Selon la doctrine, il en va de même des logements qui sont nécessaires à l'exploitation de l'entreprise et de ceux dont la séparation de l'immeuble abritant l'entreprise pour en faire un immeuble distinct serait pratiquement impossible ou constituerait une exigence disproportionnée (Bernhard Trauffer, Personen im Ausland und schweizerisches Grundeigentum, in Uebersax/Münch/Geiser/Arnold (édit.), Ausländerrecht, Bâle/ Genève/Munich 2002, p. 688; Hanspeter Geissmann/Felix Huber/Thomas Wetzel, Grundstückerwerb in der Schweiz durch Personen im Ausland, Zurich/Baden-Baden 1998, n. 145; Urs Mühlebach/Hanspeter Geissmann, Lex F. Kommentar zum Bundesgesetz über den Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland, Brugg/Baden 1986, n. 14 ad art. 8 et la jurisprudence cantonale citée). 
3. 
3.1 
En l'espèce, la recourante ne conteste pas, avec raison, avoir le statut de personne à l'étranger, au sens de l'art. 5 LFAIE. Par ailleurs, selon ses propres affirmations, les immeubles qu'elle envisage d'acquérir sont destinés à loger le personnel d'encadrement et de surveillance qui sera engagé pour la construction et l'exploitation des nouvelles installations de la raffinerie, même si «certaines pièces des habitations devraient servir de bureau, salle de réunion, etc.». Ainsi, les bâtiments en question doivent être utilisés, en tout cas de manière prépondérante, comme logements. Partant, ils ne servent pas directement à l'activité économique déployée dans la raffinerie et ne font pas partie de l'établissement stable constitué par celle-ci. La question est dès lors de savoir si la recourante peut se prévaloir d'un des cas exceptionnels où l'acquisition de logements en relation avec un établissement stable n'est pas soumise à autorisation. 
 
Ni l'hypothèse où les logements sont imposés par la réglementation relative aux quotas de logements, ni celle où leur séparation de l'entreprise serait pratiquement impossible ou disproportionnée n'entrent en ligne de compte. Il reste donc à examiner s'ils peuvent être considérés comme nécessaires à l'exploitation de l'entreprise. 
3.2 
La Cour cantonale a relevé que la recourante avait elle-même indiqué des motifs différents pour l'acquisition des immeubles en cause: si, dans sa requête du 13 mars 2002, il était question de mettre à disposition de son personnel d'encadrement des logements situés à proximité immédiate du site, en particulier pour des motifs de sécurité, l'écriture du 25 mars 2002 laissait apparaître des raisons de commodité liées à la recherche de personnel hautement qualifié et à l'attractivité accrue des postes proposés dès lors qu'un logement de fonction était mis à disposition. De l'avis de l'autorité intimée, le premier motif invoqué paraissait «très accessoire» à la lumière de ce dernier courrier. En particulier, la nécessité que des personnes qualifiées se trouvent à proximité immédiate des nouvelles installations n'était pas établie et semblait douteuse au vu de la liste des postes à pourvoir pour lesquels un logement de fonction était prévu: directeur de production, chef de département exploitation, ingénieur d'exploitation, chef de département technique, etc. 
 
La recourante y voit en premier lieu une constatation inexacte des faits, effectuée au mépris de règles essentielles de procédure. Elle fait valoir qu'elle a clairement exposé que l'acquisition des logements était principalement dictée par des impératifs liés à l'exploitation de la raffinerie, tandis qu'elle n'a évoqué qu'à titre purement subsidiaire le motif de mettre à disposition des logements de fonction en l'absence d'infrastructure hôtelière et para-hôtelière dans la région. Devant les autorités administratives cantonales, elle n'avait certes «pas jugé utile de développer outre mesure les raisons pour lesquelles l'exploitation et le fonctionnement de la Raffinerie nécessitaient la présence de personnel d'encadrement et de surveillance à proximité»; elle avait estimé en effet que cela ressortait suffisamment du «volumineux dossier de demande d'autorisation de construire le projet TRC 2000», qui avait été traité durant de longs mois par différents services de l'administration et était ainsi parfaitement connu des autorités cantonales et dont elle avait réservé l'édition. A l'en croire, il suffirait d'«une brève prise de connaissance» de ce dossier pour «se convaincre de la nécessité [...] de pouvoir loger à proximité directe de la raffinerie du personnel d'encadrement et de surveillance pouvant intervenir rapidement de jour comme de nuit». 
 
Comme il existe selon elle une relation de nécessité entre les bâtiments en cause et l'exploitation de la raffinerie, la recourante estime en second lieu que l'autorité intimée a violé le droit fédéral en constatant que les transactions litigieuses étaient soumises à autorisation. 
3.3 
3.3.1 
De manière générale, la procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d'office (art. 12 PA). Cela vaut aussi, en matière d'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, pour la procédure devant l'autorité administrative et devant l'autorité cantonale de recours (art. 22 al. 1 LFAIE). 
 
La maxime inquisitoire est toutefois limitée par le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 120 V 357 consid. 1a p. 360; Mühlebach/Geissmann, op. cit., n. 10 ad art. 22). Ce devoir existe notamment lorsqu'il s'agit de faits que les parties sont mieux à même de connaître que l'autorité (arrêt du 19 novembre 1999 2A.582/1997 + 2A.9/1998 + 2A.12/1998 consid. 4b/bb; arrêt du 23 février 1996 2A.354/1995 consid. 4a). 
3.3.2 
En l'occurrence, en procédure cantonale, à l'appui de ses allégués selon lesquels les logements projetés étaient nécessaires à l'exploitation de la raffinerie, la recourante s'est référée au «volumineux dossier de demande d'autorisation de construire», d'où la preuve en question serait ressortie «à l'évidence» et dont elle a «réservé l'édition». Ainsi, non seulement la recourante n'a pas elle-même produit ce dossier - ce qu'elle aurait pu faire au moins pour les pièces les plus pertinentes -, mais encore elle n'a pas exposé précisément ce que le dossier contenait à l'appui de sa thèse, alors que cela était le moins que l'on ait pu attendre d'elle en vertu de son devoir de collaborer, s'agissant d'informations de nature technique la concernant et que par conséquent elle était mieux à même de connaître. Elle n'a pas par exemple fait valoir que la présence sur le site ou à proximité immédiate d'un effectif minimal de personnel qualifié représentait une charge imposée par l'autorisation de construire ou une obligation découlant de la réglementation applicable à ce type d'installations. Au surplus, elle n'a pas non plus formellement demandé l'édition du dossier en question. Dans ces conditions, on ne saurait dire qu'en renonçant à ordonner d'office la production de celui-ci, l'autorité intimée ait agi au mépris de l'art. 22 LFAIE ou d'autres règles essentielles de procédure. 
 
La recourante ne prouve pas non plus que les faits retenus par l'autorité intimée seraient manifestement inexacts en l'état. La référence à ses propres déclarations ne saurait être concluante à cet égard (cf. par analogie art. 18 al. 3 de l'ordonnance du 1er octobre 1984 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, OAIE; RS 211.412.411). Au demeurant, pas plus qu'en instance cantonale, la recourante n'indique précisément les faits prétendument contenus dans le dossier d'autorisation de construire qui démontreraient la nécessité que du personnel qualifié puisse intervenir rapidement sur le site de jour comme de nuit. D'ailleurs, cette démonstration ne serait de toute manière pas suffisante; encore faudrait-il prouver que l'acquisition des logements en cause serait le seul moyen d'atteindre cet objectif. Cela ne va nullement de soi et l'allégation selon laquelle une infrastructure hôtelière et para-hôtelière fait défaut dans la région n'est pas suffisante à cet égard. L'on pourrait en effet imaginer d'autres solutions, comme par exemple d'engager le personnel chargé de la surveillance - qui serait logé dans l'agglomération voisine de Monthey - sur le site de la raffinerie dans le cadre d'un service de piquet. 
 
Le premier grief doit ainsi être rejeté. Puisque la relation de nécessité entre les logements et l'exploitation de l'établissement stable n'est ainsi pas établie, la recourante ne peut non plus se prévaloir d'une exemption d'autorisation de ce chef. Son second grief doit donc également être écarté. 
4. 
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, la recourante supporte les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 francs est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au Service juridique du registre foncier, à l'Office fédéral de la justice et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public. 
Lausanne, le 8 juillet 2003 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: