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Ecriture agrandie
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_763/2012 
 
Arrêt du 18 mars 2013 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux von Werdt, Président, Hohl et Schöbi. 
Greffier: M. Richard. 
 
Participants à la procédure 
1. A.X.________, 
2. B.X.________, 
toutes les deux représentées par Me Cédric Aguet, avocat, 
recourantes, 
 
contre 
 
Justice de paix du canton de Genève, 
 
Objet 
mesures de sûreté successorales, 
 
recours contre la décision de la Chambre civile 
de la Cour de justice du canton de Genève 
du 17 septembre 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a X.________, citoyen britannique né le 26 mai 1920, est décédé le 13 février 2003 à Genève, où il était domicilié en dernier lieu. Il laisse pour héritières ses deux filles A.X.________ et B.X.________. C.________, que le de cujus connaissait de longue date, a été sa compagne de 1996 ou 1997 à sa mort. 
A.b X.________ a laissé un testament manuscrit daté du 7 avril 1997 par lequel il a légué l'ensemble de ses biens à parts égales à ses filles, désigné Me M.________ en qualité d'exécuteur testamentaire - lequel a d'abord accepté sa fonction, avant d'y renoncer le 15 février 2005 en raison des difficultés qu'il rencontrait dans l'exécution de son mandat - et soumis la totalité de sa succession au droit anglais. Par codicille manuscrit du 12 novembre 1997, il a déclaré léguer certaines ?uvres de Diego Giacometti respectivement à ses filles et à C.________. 
A.c Au cours des dernières années de sa vie, X.________ a reçu d'importantes sommes d'argent destinées à couvrir les besoins du ménage qu'il formait avec C.________. Ces ressources provenaient d'un groupe de sociétés offshores composé notamment des sociétés D.________, domiciliée au Panama, et E.________ Ltd, domiciliée aux Bermudes, toutes deux détenues par le Trust Y.________. La société F.________ agissait comme trustee du Trust Y.________. Ce dernier est un trust discrétionnaire du droit des Iles vierges britanniques, dont X.________ n'était ni le constituant ni le bénéficiaire nommé; toutes les dépenses du trust ont cependant été réalisées selon les souhaits du de cujus, qui était en contact régulier avec G.H.________ SA et G.I.________ SA (ci-après: G.________), domiciliées à Genève et au Panama, lesquelles servaient d'intermédiaires pour les entités offshores susmentionnées et effectuaient des versements en espèces au défunt et à sa compagne. Un montant total de xxxx fr. a notamment été perçu entre 1998 et 2000. C.________ a en outre reçu, entre le 22 décembre 1999 et le 25 janvier 2001, une somme de xxxx fr. en trois versements pour le remboursement de l'hypothèque liée à l'achat d'un appartement. 
A.d Par ordonnance du 3 mars 2003, la Justice de paix de Genève a, sur requête de A.X.________, ordonné l'établissement d'un inventaire civil de la succession de X.________ et commis Me L.________, notaire à Genève, aux fins d'y procéder. Après maintes réquisitions de la Justice de paix, l'inventaire civil de la succession a finalement été établi le 30 avril 2008 par L.________ et officiellement clôturé par la Justice de paix par ordonnance du 13 juin 2008. Il en ressort notamment que la propriété et l'estimation de plusieurs biens inventoriés ainsi que le montant et la répartition des passifs demeuraient litigieux. Il est en outre mentionné qu'aucun élément précis n'avait pu être réuni s'agissant d'éventuels avoirs du défunt auprès de G.________, qui servait d'intermédiaire pour les entités offshores et le trust susmentionnés. 
 
B. 
B.a Une procédure civile a opposé A.X.________ et B.X.________, d'une part, à C.________, d'autre part, au sujet de la validité du codicille du 12 novembre 1997 et de la question de la restitution des sommes destinées aux dépenses du ménage et dont C.________ aurait disposé indûment. Cette procédure a abouti à l'arrêt 5A_436/2011 du Tribunal fédéral du 12 avril 2012. 
 
En substance, le codicille établi le 12 novembre 1997 a été annulé dès lors que le défunt, qui avait été diagnostiqué en avril 1997 comme souffrant de démence sénile par des spécialistes, devait être présumé incapable de discernement en novembre 1997 et que C.________ n'était pas parvenue à démontrer que celui-ci était capable de discernement lorsqu'il a pris les dispositions litigieuses. Par ailleurs, il a été considéré que le de cujus avait mis en place une structure particulièrement opaque et confuse, composée d'un trust et de sociétés offshores, pour le placement de sa fortune et que cette structure consistait en une fiction dont il ne fallait pas tenir compte, le défunt n'ayant jamais perdu le contrôle des fonds détenus par le trust ou par les sociétés offshores. Il en a été déduit que les sommes remises par G.________ à C.________ provenaient du patrimoine du défunt et que celle-ci en était redevable envers la succession, dans la mesure où elle n'avait pas réussi à démontrer leur utilisation pour la tenue du ménage ni à établir qu'il s'agissait de donations. 
B.b Le 14 novembre 2011, A.X.________ et B.X.________ ont requis la Justice de paix de modifier et de compléter l'inventaire civil de la succession du 30 avril 2008, concluant à ce qu'il soit pris toute mesure destinée à assurer la dévolution de l'entier de la succession et à ce que les avoirs successoraux découverts dans le cadre de la procédure civile les opposant à C.________ soient intégrés audit inventaire. Elles ont en outre pris des conclusions visant à obtenir de tiers la production de documents et d'informations antérieurs et postérieurs au décès, en particulier concernant la composition et les avoirs de la structure Y.________ mise en place par le défunt, ainsi que les versements effectués dès 1999 à quelque tiers que ce soit au moyen desdits avoirs. Cette requête a abouti à l'arrêt 5A_434/2012 du 18 décembre 2012. 
 
Il en ressort que la modification de l'inventaire de la succession a été ordonnée en instances cantonales en vue de prendre en compte les avoirs successoraux découverts dans le cadre de la procédure civile opposant les filles du défunt à C.________ et ceux détenus par le Trust Y.________ ainsi que par toutes sociétés détenues par celui-ci. Saisi de la seule question de l'inventorisation d'éventuelles créances en restitution - qui découleraient de la nullité de versements effectués au moyens des avoirs dudit trust et dont les recourantes ignoraient tout -, le Tribunal fédéral a jugé que celles-ci ne pouvaient figurer à l'inventaire de l'art. 553 CC. Il a été considéré que les avoirs de la structure de trust et de sociétés offshores mise en place par le défunt constituaient, dans le cadre de la prise d'inventaire de l'art. 553 CC, tout au plus des biens dont le de cujus était l'ayant droit économique et que le droit d'obtenir des informations à leur sujet était contesté de sorte que l'autorité n'était habilitée à obtenir des renseignements sur ce point ni de la part de ladite structure ni de son intermédiaire en Suisse, G.________. 
 
C. 
C.a Le 8 juin 2012, A.X.________ et B.X.________ ont requis la Justice de paix d'ordonner, comme mesure de substitution aux scellés (art. 552 CC), de tout détenteur le versement en ses mains de tous les avoirs de la structure de détention d'actifs constituée en tout cas de Y.________ Settlement, D.________ et E.________ Ltd. Elles ont indiqué que G.________ et le trustee considèrent la structure Y.________ comme valable et sont sur le point de se départir d'actifs successoraux dès lors qu'ils souhaitent distribuer les fonds appartenant au trust selon les «wishes» du défunt. 
C.b Par décision du 28 juin 2012, la Justice de paix a refusé de donner suite à cette requête. 
C.c Statuant sur l'appel des requérantes, la Cour de justice du canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 17 septembre 2012. 
 
D. 
Le 19 octobre 2012, A.X.________ et B.X.________, exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à ce qu'il soit réformé en ce sens qu'il soit ordonné à la Justice de paix de Genève de procéder aux mesures de sûreté aux fins de leur assurer la dévolution des actifs dissimulés par le défunt dans la structure constituée de Y.________ Settlement ou le Trust Y.________, D.________ et E.________ Ltd, en particulier d'exiger de tout détenteur le versement immédiat en mains de justice de tous les avoirs dissimulés dans dite structure. À l'appui de leurs conclusions, les recourantes se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendu dans la constatation des faits et d'une application arbitraire des art. 551 ss CC
 
Des réponses n'ont pas été requises. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme prévue par la loi (art. 42 LTF), contre une décision rendue en matière successorale (art. 72 al. 1 LTF) et par les recourantes qui ont succombé devant l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 et 76 al. 1 LTF); il est ainsi recevable au regard de ces dispositions. 
 
1.2 Portant sur des mesures de sûreté des art. 551 ss CC, qui relèvent de la juridiction gracieuse (arrêts 5A_434/2012 du 18 décembre 2012 consid. 1.2; 5A_892/2011 du 21 juin 2012 consid. 1; STEINAUER, Le droit des successions, 2006, n. 859), la cause est néanmoins de nature pécuniaire, dès lors que, comme c'est la règle en matière successorale (arrêt 5A_395/2010 du 22 octobre 2010 consid. 1.2.2), la requête des recourantes vise un but économique (arrêt 4A_584/2008 du 13 mars 2009 consid. 1.1 non publié aux ATF 135 III 304; ATF 118 II 528 consid. 2c; arrêt 5A_594/2009 du 20 avril 2010 consid. 1.1), à savoir assurer la transmission d'actifs à hauteur de plus d'un million de dollars; la valeur litigieuse est donc atteinte (art. 51 al. 2 et 74 al. 1 let. b LTF). 
 
1.3 Les mesures de sûreté au sens des art. 551 ss CC visent uniquement à assurer la conservation, la gestion et la dévolution des biens de la succession, mais ne produisent aucun effet matériel (arrêt 5A_686/2011 du 28 novembre 2011 consid. 2; STEINAUER, op. cit., n. 862); l'arrêt attaqué constitue ainsi une décision de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (arrêt 5A_892/2011 du 21 juin 2012 consid. 2.1). 
 
2. 
En raison de la nationalité étrangère du défunt, le litige revêt un caractère international. Le Tribunal fédéral doit donc examiner la question du droit applicable (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 135 III 562 consid. 3.2; 131 III 153 consid. 3). Pour ce faire, il faut se référer au droit international privé du for et qualifier le rapport juridique selon la lex fori (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 135 III 562 consid. 3.2), à savoir, en l'espèce, la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP, RS 291). Selon l'art. 92 al. 2 LDIP, les mesures conservatoires prononcées par les autorités suisses, compétentes en raison du dernier domicile du défunt en Suisse (art. 86 al 1 LDIP), sont régies par le droit suisse nonobstant la professio juris en faveur du droit anglais contenue dans le testament du 7 avril 1997 (art. 90 al. 2 LDIP). 
 
3. 
En substance, la cour cantonale a considéré que la mesure sollicitée n'était prévue ni par le droit fédéral ni par le droit cantonal au titre de mesure de sûreté (art. 551 al. 2 CC) et qu'une saisie conservatoire d'avoirs en mains de tiers ne pouvait être ordonnée que par le juge civil saisi d'une action en pétition d'hérédité (art. 598 al. 2 CC). 
 
4. 
4.1 Saisi d'un recours en matière civile au sens de l'art. 98 LTF ou d'un recours constitutionnel subsidiaire, le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen limité, seule la violation des droits constitutionnels pouvant être invoquée; il ne peut procéder à une substitution de motifs que pour autant que la nouvelle motivation, conforme à la Constitution, n'ait pas expressément été réfutée par l'autorité cantonale (arrêt 5A_591/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.1; ATF 128 III 4 consid. 4c/aa). 
 
4.2 Le Tribunal fédéral ne sanctionne la violation de droits constitutionnels que si un tel moyen est invoqué et motivé par le recourant conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 393 consid. 6, 638 consid. 2; 133 II 249 consid. 1.4.2). Le recourant qui se plaint d'arbitraire ne saurait, dès lors, se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de la juridiction cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 133 III 585 consid. 4.1; 130 I 258 consid. 1.3 et les références citées). 
 
5. 
Invoquant la violation de leur droit d'être entendu en tant que des faits allégués et prouvés n'auraient pas été pris en compte ainsi que l'application arbitraire des art. 551 ss CC, les recourantes se prévalent de l'inefficacité, constatée dans le cadre de la procédure qui les a opposées à C.________, de la structure de trust et de sociétés offshores mise en place par le de cujus pour requérir que la prise de mesures tendant à assurer que les avoirs de cette structure soient transmis à la succession. Elles font en outre valoir que lesdits avoirs sont en danger de disparition et que, comme l'apposition de scellés n'est pas possible, il peut être ordonné leur versement en mains de justice comme mesure de substitution. 
5.1 
5.1.1 Selon l'art. 551 CC, l'autorité compétente est tenue de prendre d'office les mesures nécessaires pour assurer la dévolution de l'hérédité (al. 1). Ces mesures sont notamment, dans les cas prévus par la loi, l'apposition des scellés, l'inventaire, l'administration d'office et l'ouverture des testaments (al. 2). Les mesures de sûreté sont prises dans une procédure gracieuse destinée uniquement à assurer la dévolution des biens de la succession, et non à trancher les litiges entre ayants droit (PIOTET, Droit successoral, Traité de droit privé suisse, 1975, p. 623). 
 
Les scellés sont apposés dans les cas prévus par la législation cantonale (art. 552 CC). L'apposition de scellés ou une éventuelle mesure de substitution n'est possible que sur des biens en possession du de cujus, et non sur ceux en possession de tiers (EMMEL, Paxis Kommentar, Erbrecht, Abt/Weibel [éd.], 2ème éd., 2011, n° 4 ad art. 553 CC; KARRER/VOGT/LEU, Zivilgesetzbuch II, Balser Kommentar, 4ème éd., 2011, n° 5 ad art. 552 CC). 
5.1.2 L'autorité de la chose jugée ne produit d'effets qu'entre les parties au procès, y compris leurs successeurs à titre universel (ATF 125 III 8 consid. 3a; 93 II 329 consid. 3). En d'autres termes, le jugement ne vaut qu'inter partes, selon l'adage «res judicata jus facit nisi inter partes» (HOHL, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1315; GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd. 1979, p. 371 ss). 
 
5.2 En l'espèce, les recourantes se prévalent de ce que le trust a été qualifié de «sham» et de ce que le principe de la transparence a été appliqué aux sociétés offshores dans la procédure les ayant opposées à C.________ pour démontrer que les avoirs de la structure Y.________ sont des biens de la succession et pour justifier leur remise en mains de justice. Elles invoquent ainsi des constatations de fait et des conclusions juridiques intervenues dans une contestation à laquelle ni les entités de la structure en cause ni leur intermédiaire en Suisse, G.________, n'étaient parties. Or, en vertu de l'effet inter partes du jugement, l'issue de cette procédure n'est pas opposable à ces derniers. Il suit de là que, à ce stade, les avoirs de ladite structure ne constituent pas des biens de la succession dont il y a lieu d'assurer la dévolution par des mesures de sûreté au sens des art. 551 ss CC. Aussi, une mesure de substitution aux scellés ne saurait en aucun cas être ordonnée sur ces biens dont le défunt n'avait au demeurant pas la possession. 
 
En conséquence, c'est sans arbitraire que, dans son résultat, la décision entreprise a rejeté la requête des recourantes tendant au versement immédiat en mains de justice de tous les avoirs dissimulés dans la structure Y.________. 
 
6. 
En définitive, le recours doit être rejeté. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens, des réponses n'ayant pas été requises (art. 68 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourantes. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux recourantes, à la Justice de paix du canton de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 18 mars 2013 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: von Werdt 
 
Le Greffier: Richard