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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_273/2008/col 
 
Arrêt du 7 octobre 2008 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
A.________ SA, 
recourante, représentée par 
Me Frédéric G. Olofsson, avocat, 
 
contre 
 
Département des constructions et des technologies de l'information de la République et canton de Genève, 
case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
changement d'affectation d'un immeuble soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation; remise en état des lieux, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif 
de la République et canton de Genève du 6 mai 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________ SA exploite une résidence hôtelière à l'enseigne "X.________" dans les immeubles sis aux nos 1, 3 et 7bis de la rue Dizerens, à Genève. Elle loue également 17 appartements à la journée en tant que résidences meublées dans l'immeuble sis au n° 12 de la rue Maunoir, à Genève. 
Le 4 mai 2005, le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la République et canton de Genève, devenu par la suite le Département des constructions et des technologies de l'information (ci-après: le Département), l'a invitée à se déterminer sur l'exploitation non autorisée des immeubles précités sous forme de résidences hôtelières. A.________ SA a répondu par courriers des 15 juin et 14 juillet 2005. Elle indiquait que les 13 appartements dont elle est propriétaire sur les que compte l'immeuble sis au n° 1 de la rue Dizerens étaient loués en tant que résidences meublées depuis son acquisition en mars 1996; elle déclarait ignorer l'usage fait des locaux par l'ancien propriétaire, mais supposait qu'ils étaient affectés à des bureaux dès lors que le bâtiment était mentionné comme tel au registre foncier et qu'il avait l'apparence de bureaux lorsqu'elle en a pris possession. S'agissant de l'immeuble sis au n° 12 de la rue Maunoir, elle expliquait que depuis son acquisition en 1997, les précédents administrateurs de la société avaient peu à peu aménagé les locaux vacants pour les exploiter sous la forme d'appartements meublés, alors que le bâtiment était exploité par l'ancien propriétaire en tant qu'immeuble locatif. 
Le 23 septembre 2005, le Département a ordonné à A.________ SA de rétablir, dans un délai de six mois, une situation conforme au droit en réaffectant à des fins d'habitation (location non meublée) l'ensemble des logements concernés des immeubles sis aux nos 1 et 7bis de la rue Dizerens ainsi que de l'immeuble sis au n° 12 de la rue Maunoir. Par arrêt du 3 octobre 2006, le Tribunal administratif de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) a partiellement admis le recours formé par A.________ SA contre cette décision qu'il a annulée en tant qu'elle concernait l'immeuble sis au n° 7bis de la rue Dizerens. Il l'a rejeté pour le surplus. Au terme d'un arrêt rendu le 26 janvier 2007, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé contre cet arrêt par A.________ SA. Il a confirmé l'ordre de remise en état des lieux en tant qu'il concernait l'immeuble sis au n° 12 de la rue Maunoir. Il a en revanche annulé l'arrêt attaqué en tant qu'il portait sur l'immeuble sis au n° 1 de la rue Dizerens. Il a renvoyé la cause à la cour cantonale afin qu'elle détermine si l'affectation de ce bâtiment à des bureaux, telle qu'indiquée au registre foncier, correspondait à l'état dans lequel la recourante soutenait avoir trouvé les locaux lors de son acquisition. Si cette affirmation devait se révéler exacte, A.________ SA pourrait en effet se prévaloir de sa bonne foi et s'opposer avec succès à la réaffectation de l'immeuble à des fins d'habitation. 
Le Tribunal administratif a complété l'instruction en ordonnant la production de diverses pièces et en procédant à l'audition d'un témoin. Il a rendu le 6 mai 2008 un nouvel arrêt au terme duquel il a rejeté le recours formé par A.________ SA contre la décision du Département du 23 septembre 2005 en ce qu'il concerne l'affectation de l'immeuble sis au n° 1 de la rue Dizerens et confirmé la décision attaquée en ce qu'elle ordonne de réaffecter à des fins d'habitation l'ensemble des logements dudit immeuble. 
 
B. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Elle dénonce une violation de son droit d'être entendue ainsi que des principes de la bonne foi et de la proportionnalité. 
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dirigé contre une décision fondée sur des normes cantonales de droit public, le présent recours est recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF. Aucune des exceptions à l'art. 83 LTF n'est réalisée. La recourante est personnellement touchée dans ses intérêts dignes de protection par l'arrêt attaqué qui l'astreint à réaffecter à des fins d'habitations les appartements qu'elle exploite sous la forme de résidences meublées dans l'immeuble sis au n° 1 de la rue Dizerens et sa qualité pour recourir selon l'art. 89 al. 1 LTF est évidente. Les autres conditions de recevabilité du recours sont au surplus réunies de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2. 
La recourante estime que la cour cantonale aurait dû octroyer un délai identique aux parties pour se prononcer sur les faits nouveaux issus de l'instruction complémentaire et non pas lui donner un délai pour déposer ses observations puis, à réception de celles-ci, accorder un délai de même durée à la partie intimée pour se déterminer. En agissant de la sorte, elle aurait fait bénéficier le Département d'un avantage procédural indu et violé son droit d'être entendue. Elle invoque à ce propos l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 44 al. 2 de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA gen.), à teneur duquel les parties sont admises en tout temps à consulter le dossier soumis à la juridiction saisie. 
 
2.1 Le principe de l'égalité des armes, tel qu'il découle du droit à un procès équitable ancré aux art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH, requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (arrêt 6P.125/2005 du 23 janvier 2006 consid. 4.2). Il suppose notamment que les parties aient un accès identique aux pièces versées au dossier (ATF 122 V 157 consid. 2b p. 163/164). Quant au droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend en particulier le droit de prendre connaissance de toute prise de position soumise au tribunal et de se déterminer à ce propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux arguments de fait ou de droit et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement (ATF 133 I 100 consid. 4.3 p. 102). Il vaut pour toutes les procédures judiciaires, y compris celles qui ne tombent pas dans le champ de protection de l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 133 I 100 consid. 4.6 p. 104). 
 
2.2 La recourante s'était plainte du traitement procédural à son avis injustifié qui lui était réservé. Le juge délégué lui a alors objecté qu'en procédure administrative, il incombait à l'intimé de répondre au recours et que dans le cadre d'un deuxième échange d'écritures, il lui revenait aussi de se déterminer en dernier lieu. La recourante estime que le juge délégué aurait dû appliquer les principes juridiques traitant de l'instruction de la cause par l'autorité de première instance en vertu de l'art. 76 LPA gen. et non pas les dispositions relatives à la réponse au recours et à un second échange d'écritures, prévues aux art. 73 et 74 LPA gen. Il n'indique toutefois pas quelle disposition ayant trait à la conduite de l'instruction imposerait à la juridiction de recours de notifier un délai unique aux parties pour se prononcer sur le résultat des mesures probatoires administrées. Le recours est insuffisamment motivé au regard des exigences déduites des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF en tant qu'il porte sur une application arbitraire du droit cantonal (cf. ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). 
Le respect du droit à un procès équitable et, plus particulièrement, du principe de l'égalité des armes, garantis par l'art. 29 al. 1 Cst., n'imposait pas nécessairement que les parties se déterminent simultanément sur le résultat de l'instruction complémentaire à laquelle la cour cantonale a procédé. En revanche, il exigeait que A.________ SA eût la faculté de prendre connaissance des observations présentées par la partie adverse et d'y apporter ses commentaires (ATF 133 I 100 consid. 4.8 p. 105 et les arrêts cités). Une telle possibilité s'imposait également pour respecter le droit d'être entendue de la recourante (ATF 133 I 98 consid. 2.2 p. 99; 132 I 42 consid. 3.3.4 p. 47). Tel a été le cas puisque celle-ci s'est vue communiquer les observations du Département sans pour autant réagir en déposant spontanément une écriture. Elle a disposé d'un laps de temps suffisant pour ce faire étant donné que le Tribunal administratif a statué quatre mois plus tard. Dans ces conditions, la recourante n'a pas été placée dans une position de net désavantage par rapport à la partie adverse et son droit d'être entendue a été respecté. Pour peu qu'il ait une portée distincte de celui tiré de la violation de l'art. 29 al. 2 Cst., le reproche qu'elle fait à la cour cantonale de l'avoir privée de prendre position sur la base d'un dossier complet et d'avoir ainsi violé l'art. 44 al. 2 LPA gen. est infondé dès lors que les déterminations du Département lui ont été communiquées sans qu'elle ne réagisse. 
 
3. 
Il est constant que, sous réserve du rez-de-chaussée et des combles, l'immeuble sis au n° 1 de la rue Dizerens était à l'origine voué à l'habitation et que les appartements des niveaux intermédiaires ont été affectés sans droit à l'usage de résidences meublées, en violation de l'art. 3 al. 3 let. a de la loi genevoise sur les démolitions, transforma-tions et rénovations de maisons d'habitation (LDTR), qui soumet à une autorisation du Département le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meubles ou des hôtels. Il peut être renvoyé sur ce point aux considérants développés au considérant 3 de l'arrêt rendu le 26 janvier 2007 par la cour de céans entre les mêmes parties. La recourante n'invoque aucun élément nouveau propre à remettre en cause cette appréciation; elle soutient en revanche que l'ordre qui lui est donné de réaffecter lesdits appartements à des fins d'habitation contreviendrait aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité. 
 
3.1 La mesure litigieuse repose sur l'art. 129 let. e de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses, applicable par renvoi de l'art. 44 LDTR, qui autorise le département à ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition d'une construction ou d'une installation non conforme aux prescriptions de ladite loi, aux règlements qu'elle prévoit ou aux autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires. Cette disposition reconnaît ainsi une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence. C'est ainsi qu'il peut être renoncé à une remise en état des lieux, lorsque la violation est de peu d'importance, lorsque cette mesure n'est pas compatible avec l'intérêt public ou encore lorsque le propriétaire a pu croire de bonne foi qu'il était autorisé à édifier ou à modifier l'ouvrage et que le maintien d'une situation illégale ne se heurte pas à des intérêts publics prépondérants (arrêt 1P.745/2006 du 26 janvier 2007 consid. 4.1 concernant les mêmes parties). 
 
3.2 Le Tribunal administratif a retenu, à l'issue des investigations auxquelles il a procédé, que l'immeuble sis au n° 1 de la rue Dizerens était affecté à la location d'appartements meublés et non pas à des bureaux lorsque la recourante en est devenue propriétaire en mars 1996 de sorte qu'elle ne pouvait exciper de sa bonne foi pour s'opposer à la réaffectation des lieux à l'habitation. A.________ SA estime pour sa part que l'instruction complémentaire aurait confirmé que l'immeuble était déjà exploité comme résidence meublée lors de son acquisition et démontré ainsi sa bonne foi. Elle se réfère à ce propos au témoignage de B.________. 
Ce dernier a effectué des travaux pour le compte de A.________ SA au n° 3 de la rue Dizerens en sa qualité de directeur d'une entreprise générale de construction. Ayant appris que l'immeuble contigu sis au n° 1 de la même rue était à vendre, il a visité plusieurs appartements qui étaient meublés et loués, à sa connaissance, sous la forme d'apparthôtels. Il a signé une promesse de vente avec la propriétaire des lieux, qu'il a ensuite cédée à la recourante. Selon l'inscription au registre foncier, le bâtiment était exploitable comme un hôtel, sans qu'il se rappelle exactement le terme utilisé. Il s'agissait d'un élément important pour l'administrateur de A.________ SA, qui n'aurait pas acheté l'immeuble si son exploitation comme résidence hôtelière n'avait pas été possible. A une question de la représentante du Département, B.________ a précisé ne pas avoir vu de bureaux ni demandé aux occupants l'affectation exacte des appartements. 
Il ressort ainsi de ce témoignage que le bâtiment sis au n° 1 de la rue Dizerens n'était pas affecté à l'usage de bureaux, comme le soutenait la recourante, lorsqu'elle en a fait l'acquisition. Dans la mesure où la destination réelle du bâtiment ne correspondait pas à celle indiquée dans l'état descriptif de l'immeuble mentionné au registre foncier, elle devait se renseigner sur l'affectation réelle des appartements et sur l'exactitude de la description de l'immeuble, ce d'autant que cette mention ne jouit pas de la foi publique attachée au registre foncier (cf. ATF 127 III 440 consid. 2c p. 443; arrêt 5C.271/1999 du 15 mars 2000 consid. 2b publié in RNRF 2001 p. 302; Daniela Bänziger-Compagnoni, Die Oeffentlichkeit des Grundbuches, thèse Zurich 1993, p. 16/17; Heinz Aemisegger, Die Zugänglichkeit von Informationen über öffentlichrechtliche Grundeigentumsbeschränkungen und weitere Gegenstände des Bau- und Planungsrechtes, Publications ASPAN, avril 1979, cahier n° 24, p. 18). Elle ne pouvait admettre que les logements étaient exploités sous la forme de résidences meublées du seul fait que des meubles se trouvaient dans les appartements visités par B.________, voire qu'à la connaissance de celui-ci l'immeuble était exploité comme apparthôtel, ou exploitable comme tel. Elle devait d'autant plus nourrir des doutes à ce propos que l'acte de vente, dont la cour cantonale s'est fait remettre un exemplaire, mentionne que le bâtiment sis au n° 1 de la rue Dizerens était voué à l'habitation. En omettant de prendre de plus amples renseignements sur l'affectation réelle de l'immeuble qu'elle entendait acquérir, elle a fait preuve à tout le moins d'une négligence coupable qui exclut sa bonne foi. 
L'ordre de réaffectation des lieux à des fins d'habitation ne saurait par ailleurs être tenu pour disproportionné. Il existe en effet un intérêt public important au maintien, sur le marché locatif, d'appartements voués à la location, que ce soit sous la forme meublée ou non, répondant aux besoins prépondérants de la population. Dans la mesure où la recourante était de mauvaise foi, le Département pouvait accorder une importance accrue au rétablissement d'une situation conforme au droit (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255). Au demeurant, A.________ SA ne prétend pas qu'une remise en état des lieux l'exposerait à des frais excessifs qu'elle ne serait pas en mesure de prendre en charge. Le fait qu'elle percevra un loyer moindre, mais conforme à ce qu'elle aurait été en droit de réclamer si elle avait continué à exploiter les appartements sous une forme traditionnelle, ne constitue pas une circonstance propre à s'opposer à la remise en état des lieux. Enfin, on ne voit pas quelle mesure moins grave permettant d'atteindre le but visé pourrait être prise. 
 
4. 
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département des constructions et des technologies de l'information et au Tribunal administratif de la République et canton de Genève. 
 
Lausanne, le 7 octobre 2008 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Féraud Parmelin