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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_385/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 10 janvier 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens, 
intimé. 
 
Objet 
Récusation du Procureur général et des autres procureurs du Ministère public du canton de Vaud, 
 
recours contre la décision de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 septembre 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 22 novembre 2012, A.________ a été admis aux urgences du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à la suite d'une chute. Vers 17h00 le 23 novembre 2012, il a été transféré au service de médecine interne. A 23h00 ce même jour, la doctoresse B.________, médecin de garde de nuit, a été appelée par une infirmière en raison d'un malaise avec perte de connaissance. Vers minuit, la doctoresse a ordonné le transfert immédiat du patient aux soins continus de médecine interne pour une surveillance neurologique. Une contention, totale puis partielle, a été ordonnée. Le 11 décembre 2012, le patient a été transféré au service de gériatrie et réadaptation gériatrique de la clinique Silvana, où il a séjourné jusqu'à son retour à domicile le 21 décembre 2012.  
 
A.b. Par courrier du 19 août 2013, A.________ a déposé plainte pénale contre inconnu pour séquestration; il reprochait notamment aux infirmières et infirmiers du CHUV de l'avoir mis, dans la nuit du 23 au 24 novembre 2012, sous contention sans son accord, sans l'avertir ou informer ses filles, ainsi que de n'avoir pas respecté les prescriptions légales et formelles applicables. Le susmentionné a également déposé plainte pour calomnie et diffamation contre les deux médecins signataires d'un rapport prétendument inexact, incomplet et malveillant, daté du 3 décembre 2012. Le Ministère public central du canton de Vaud, agissant par le Procureur général adjoint Franz Moos, a ouvert une instruction pénale pour contrainte le 21 novembre 2013.  
Le 24 mars 2015, le Procureur a classé la procédure pour contrainte en lien avec la mesure de contention dont A.________ avait fait l'objet au CHUV; le magistrat pénal n'est pas entré en matière pour le surplus. Par arrêt du 21 mai 2015, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette ordonnance, ainsi que sa requête de récusation du Procureur Franz Moos; le recours déposé contre cette décision a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par le Tribunal fédéral le 29 janvier 2016 (cause 6B_776/2015). 
 
A.c. Par courrier du 30 juin 2016 adressé au Procureur général du canton de Vaud, A.________ a déposé plainte pénale contre le "personnel du CHUV", notamment contre la doctoresse B.________, en lien avec son hospitalisation de novembre 2012. Le 15 juillet 2016, A.________ a déposé plainte pénale contre le Procureur Franz Moos pour abus d'autorité, demandant simultanément la récusation de "l'ensemble des personnes rattachées de près ou de loin au Ministère public vaudois", y compris le Procureur général. Sur invitation de ce dernier, A.________ a précisé, le 22 juillet 2016, sa requête de récusation et a demandé la désignation par le Bureau du Grand Conseil d'un procureur extraordinaire. Le 8 août 2016, le Procureur général s'est déterminé et a transmis le dossier à la Chambre des recours pénale. Dans une écriture complémentaire spontanée du 16 août 2016, le requérant a relevé qu'il lui semblait "aller de soi que les trois Juges cantonaux qui [avaie]nt participé à l'élaboration de l'arrêt du 21 mai 2015 [...] ne devraient pas [...] faire partie" de la cour appelée à statuer sur ses nouvelles requêtes; il a également demandé à connaître la composition de la cour, requête à laquelle il a été donné suite le 24 août 2016.  
 
B.   
Le 6 septembre 2016, la Chambre des recours pénale a rejeté dans la mesure de leur recevabilité les demandes de récusation déposées par A.________. 
 
C.   
Par acte du 19 octobre 2016, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à la récusation de l'ensemble des membres du Ministère public vaudois s'agissant de l'instruction de ses plaintes contre la doctoresse B.________ et consorts, ainsi que contre le Procureur Franz Moos. Il demande également que ces deux dossiers soient adressés au Bureau du Grand Conseil vaudois afin que celui-ci désigne un procureur extraordinaire neutre et indépendant du Ministère public vaudois. A titre subsidiaire, le recourant sollicite le renvoi de la cause à l'autorité précédente. 
La cour cantonale a renoncé à déposer des déterminations. Quant au Ministère public, agissant par le Procureur général, il a conclu au rejet du recours. Invité à se déterminer, le recourant n'a pas déposé d'autres observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, dont la demande de récusation a été rejetée, a qualité pour recourir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en instance cantonale unique (art. 80 al. 2 in fine LTF) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant soutient qu'il n'aurait pas eu la possibilité de se déterminer sur les prises de position - au niveau cantonal et fédéral - du Procureur général intimé (cf. ad C p. 5 de son mémoire), se prévalant en substance de violations de son droit d'être entendu (cf. sur cette notion en lien avec l'art. 58 al. 2 CPP, notamment les arrêts 1B_272/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.1 et 1B_233/2016 du 27 juillet 2016 consid. 2.1 et 2.2). 
Il y a lieu cependant de constater que les déterminations du 8 août 2016 du Procureur général lui ont été adressées en copie (cf. p. 5 dudit courrier) et que le recourant y fait expressément référence dans ses observations subséquentes (cf. sa lettre du 16 août 2016). Il en va de même devant le Tribunal fédéral; cette autorité a ainsi transmis en date du 28 novembre 2016 les déterminations du 18 novembre 2016 déposées par le Procureur général (cf. acte 10) et a imparti un délai au 9 décembre 2016 au recourant pour déposer d'éventuelles observations (cf. acte 11). 
Le grief de violation du droit d'être entendu étant manifestement mal fondé, il doit être rejeté. 
 
3.   
Le recourant ne remet pas en cause les constatations de la cour cantonale relatives à l'absence de demande de récusation des juges la composant (cf. ad let. f in fine p. 9 s. du mémoire de recours et le consid. 1.3 de l'arrêt entrepris). 
Il reproche en revanche à l'autorité précédente d'avoir considéré que le Procureur général et les membres du Ministère public vaudois seraient en mesure de traiter de manière impartiale ses deux nouvelles plaintes pénales. 
 
3.1. Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Il l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.1 p. 179; 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 s. et les arrêts cités).  
Selon la jurisprudence, on ne saurait admettre systématiquement la récusation d'un procureur au motif qu'il aurait déjà rendu dans la même cause une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement annulée par l'autorité de recours. En effet, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.3 p. 180; 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146). En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (arrêt 1B_46/2016 du 29 avril 2016 consid. 3.1). 
 
3.2. Au cours de l'instruction, le ministère public n'a pas encore la qualité de partie au sens de l'art. 104 al. 1 let. c CPP (sur cette position, cf. ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 in fine p. 180; 138 IV 142 consid. 2.2.2 p. 145 s.). En tant que direction de la procédure (art. 61 CPP), son attitude et/ou ses déclarations ne doivent donc pas laisser à penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art. 6 et 10 CPP; arrêt 1B_430/2015 du 5 janvier 2016 consid. 3.4). Il est ainsi tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Cela est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 180; 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145).  
 
3.3. En l'occurrence, s'agissant de la plainte déposée contre le Procureur Moos, on ne voit pas quel motif justifierait la récusation du Procureur général, voire au demeurant celle des autres procureurs vaudois. En effet, le Procureur général n'a pas la maîtrise de l'ouverture d'une instruction pénale à l'encontre de son adjoint puisque c'est au Conseil d'Etat qu'il appartient d'autoriser une telle procédure (cf. art. 7 al. 2 let. b CPP et 18 al. 3 de la loi cantonale du 19 mai 2009 d'introduction du Code de procédure pénale suisse [LVCPP; RSV 312.01]). Le Procureur général n'est pas non plus compétent pour nommer le procureur extraordinaire qui sera, le cas échéant, en charge de cette instruction (cf. art. 18 al. 3 et 4 LVCPP).  
Quant à la plainte du 30 juin 2016, à suivre le recourant, elle reposerait sur la découverte, en avril 2016, de sa "grave intolérance à l'Amlodipine", médicament qui aurait été prescrit "par erreur par la Doctoresse B.________" en novembre 2012. Si le recourant reproche à l'autorité précédente de n'avoir pas pris en compte cet élément, il n'explique cependant pas en quoi la découverte d'un fait allégué nouveau - qui peut, le cas échéant, justifier l'ouverture d'une nouvelle instruction - démontrerait la prévention à son encontre du Procureur général ou du procureur que celui-ci entend nommer pour instruire cette plainte; le recourant ne fait de plus valoir aucun grief spécifique à l'encontre de l'un ou l'autre des procureurs vaudois. Un motif de récusation ne découle en tout cas pas de l'existence de l'ordonnance de classement rendue à la suite des premières plaintes. 
Le recourant ne peut pas non plus tirer argument de l'organisation du Ministère public vaudois pour démontrer la prétendue partialité de tous ses membres, notamment du fait qu'ils seraient, telles les personnes dénoncées, également employés par le canton de Vaud. En effet, en vertu de l'art. 21 al. 1 de la loi cantonale du 19 mai 2009 sur le Ministère public (LMPu; RSV 173.21), le secret et l'indépendance du Ministère public sont garantis. Certes, l'art. 21 al. 2 LMPu prévoit la surveillance du Conseil d'Etat. Cela étant, le recourant omet de relever que la loi limite cette surveillance puisque le Conseil d'Etat ne peut donner au Ministère public que des instructions de portée générale en matière d'administration ou de finance (art. 21 al. 3 LMPu). L'art. 21 al. 4 1ère phrase LMPu prévoit de plus expressément que l'activité du Ministère public dans des cas d'espèce n'est pas soumise à la surveillance du Conseil d'Etat; il est encore précisé que l'autorité exécutive ne peut pas donner d'instructions relatives à l'ouverture, au déroulement ou à la clôture de la procédure, à la représentation de l'accusation devant le tribunal ni au dépôt de recours (art. 21 al. 4 2ème phrase LMPu). Le Conseil d'Etat n'a pas non plus accès aux dossiers du Ministère public (art. 21 al. 5 LMPu). Vu ces règles et l'absence de tout élément concret qui pourrait démontrer leur violation, l'indépendance de l'entier du Ministère public vaudois ne paraît pas compromise en l'espèce. 
Quant aux reproches soulevés en août 2014 auprès du Conseil d'Etat à l'encontre du Ministère public, le recourant reconnaît lui-même qu'il "n'a[vait] pas jugé utile de pousser plus cet aspect des choses, du moins à l'époque" (cf. p. 8 de son mémoire). Ce faisant, le recourant a renoncé à se prévaloir de ces éventuels éléments; leur recevabilité serait au demeurant douteuse sous l'angle de l'art. 58 al. 1 CPP. Il est en outre contraire aux règles de la bonne foi de garder un moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable, lorsque l'enquête ne semble ne pas suivre le cours désiré (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275; 139 III 120 consid. 3.2.1 p. 124 s. et les arrêts cités) ou a fortiori pour tenter d'influencer l'instruction d'une nouvelle plainte. 
Vu ces considérations, la Chambre des recours pénale n'a pas violé le droit fédéral en rejetant dans la mesure de leur recevabilité les requêtes de récusation déposées par le recourant. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
  
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 10 janvier 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Kropf