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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
2C_1036/2013  
 
{T 0/2}  
   
   
 
 
 
Arrêt du 5 novembre 2014  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président, 
Aubry Girardin, Donzallaz, Stadelmann et Kneubühler. 
Greffière: Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Sedrac, 
représenté par Me Clémence Girard, avocate, 
intimé, 
 
Commission foncière rurale, 
 
Z.________. 
 
Objet 
Acquisition d'immeubles agricoles en remploi par la collectivité publique, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la 
République et canton du Jura, Cour administrative, 
du 30 septembre 2013. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La Société d'équipement de la région d'Ajoie et du Clos du Doubs (ci-après: la SEDRAC) est une association de droit public, dont peuvent être membres la République et canton du Jura, ainsi que les communes du district de Porrentruy. Son objectif consiste dans l'achat, l'équipement et la mise à disposition d'immeubles industriels propres à assurer un développement économique harmonieux dans le district de Porrentruy.  
 
Pour pallier la pénurie de terrains équipés et bien situés, cette association a décidé de développer une nouvelle zone d'activités d'intérêt cantonal à C.________. Les propriétaires des terrains concernés sont a priori d'accord de céder les surfaces nécessaires, mais demandent d'autres terres en compensation. Une promesse de vente a ainsi été signée avec Z.________, propriétaire de l'immeuble feuillet n° **** du ban de D.________, d'une surface de 133'744 m2. Cette parcelle est en zone agricole et prise à ferme par X.________, agriculteur. La SEDRA entend acquérir ce terrain dans le but de l'échanger avec les terres agricoles qui passeraient en zone à bâtir dans le cadre de la réalisation de la nouvelle zone d'activités d'intérêt cantonal. Dans ce but, elle a adressé à la Commission foncière rurale du canton du Jura (ci-après: la Commission foncière) une demande tendant à constater que l'acquisition de ce bien pourrait être autorisée pour servir de remploi en cas de réalisation de la nouvelle zone d'activités. 
 
A.b. Par décision du 6 juillet 2012, la Commission foncière a constaté, d'une part, que la vente de l'immeuble en cause n'était pas soumise à l'interdiction de partage matériel du droit foncier rural et, d'autre part, que la SEDRAC pourrait être autorisée à acquérir l'immeuble en question pour l'échanger, ceci sous réserve de différentes conditions (liées à la localisation de la nouvelle zone d'activités, au prix convenu, à la qualité des nouveaux propriétaires et à l'obligation d'une éventuelle revente).  
 
Le 26 février 2013, statuant sur opposition de X.________, fermier de la parcelle en question, la Commission foncière a partiellement modifié sa décision et a rejeté l'opposition pour le surplus. Elle a ainsi constaté que la SEDRAC ne pourrait être autorisée à acquérir l'immeuble en question. En substance, elle a retenu que, selon l'art. 65 al. 1 let. b de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR ou la loi sur le droit foncier rural; RS 211.412.11), l'acquisition par la collectivité publique ou par ses établissements est autorisée quand elle sert au remploi en cas d'édification d'un ouvrage; or, le "dézonage" de terrains agricoles en zone à bâtir ne constituait pas un ouvrage. 
 
B.   
Par arrêt du 30 septembre 2013, le Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a admis le recours de la SEDRAC et a annulé la décision sur opposition du 26 février 2013. Il a jugé que la SEDRAC souhaitait équiper une future zone industrielle, ce qui devait être considéré comme un ouvrage prévu conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire au sens de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR. En outre, le projet de zone correspondait à un objectif précis et à une procédure réalisable. Toutes les conditions légales étaient donc réalisées. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 30 septembre 2013 du Tribunal cantonal. 
 
La SEDRAC et le Tribunal cantonal proposent, sous suite de frais et dépens, le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt attaqué. La Commission foncière a renoncé à se déterminer sur le recours. Après avoir consulté l'Office fédéral de la justice et l'Office fédéral de l'agriculture, l'Office fédéral du développement territorial conclut que l'autorisation requise ne saurait être accordée, les conditions d'application de l'art. 65 al.1 let. b LDFR n'étant pas satisfaites. Z.________ n'a pas déposé d'observations. 
 
Les parties se sont encore prononcées par écriture du 30 avril 2014 et du 24 juin 2014 pour X.________ respectivement du 28 mai 2014 pour la SEDRAC. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué, fondé sur le droit public, soit sur la loi sur le droit foncier rural, peut être entrepris par la voie du recours en matière de droit public en vertu de l'art. 82 let. a LTF, aucune des exceptions de l'art. 83 LTF n'y faisant obstacle (cf. aussi art. 89 LDFR).  
 
1.2. Le recourant est le fermier qui exploite la parcelle convoitée par la SEDRAC. Il dispose à ce titre, à certaines conditions, d'un droit de préemption (art. 47 LDFR). Le Tribunal cantonal a constaté que la parcelle pourrait être acquise par la SEDRAC dans le but de l'échanger, la création d'une zone d'activités d'intérêt cantonal constituant un ouvrage au sens de l'art. 65 al.1 let. b LDFR, soit un ouvrage d'intérêt public. Or, dans un tel cas, soit lors de la vente entre le propriétaire de la parcelle et la SEDRAC, le bail à ferme peut être résilié (art. 15 de la loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole [LBFA; RS 221.213.2]) et le fermier perd son droit de préemption (art. 216c al. 2 CO). Le recourant est, dès lors, particulièrement touché par la décision entreprise de sorte qu'il a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF).  
 
1.3. Au surplus, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), le recours, qui a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF), est, en principe, recevable comme recours en matière de droit public.  
 
1.4. Le recourant n'a formulé que des conclusions cassatoires, alors que le recours en matière de droit public n'est pas un recours en cassation mais un recours en réforme; le recourant doit ainsi également prendre des conclusions sur le fond du litige (art. 107 al. 2 LTF; cf. ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 383; 133 III 489 consid. 3.1 p. 489). Il ressort cependant du mémoire que le recourant invoque une violation de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR en tant que les juges précédents ont jugé que le "dézonage" de terrains agricoles en zone à bâtir constitue un ouvrage et qu'il entend dès lors demander une décision constatant que le terrain, dont il est le fermier, ne peut pas servir au remploi envisagé. Interprétées à la lumière de la motivation du recours (cf. arrêt 8C_466/2013 du 3 juin 2014 consid. 2), ces conclusions cassatoires ne s'opposent pas à l'entrée en matière.  
 
2.   
Le Tribunal cantonal a retenu que la SEDRAC voulait acquérir l'immeuble feuillet n° **** du ban de D.________ pour l'échanger contre des parcelles situées dans le périmètre qui l'intéressait pour créer une nouvelle zone d'activités d'intérêt cantonal, étant précisé que les zones industrielles existantes en Ajoie étaient pratiquement épuisées. Il s'agissait là d'un intérêt public. De plus, la prénommée souhaitait équiper une zone industrielle, ce qui devait être considéré comme un ouvrage. Pour être autorisée, l'acquisition devait aussi être conforme aux plans du droit de l'aménagement du territoire, soit, selon le Tribunal cantonal, aux plans directeurs au sens des articles 6 ss de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (ci-après: LAT ou la loi sur l'aménagement du territoire; RS 700). Compte tenu du plan directeur cantonal approuvé par les autorités compétentes et des préavis favorables des différents services cantonaux et des communes, le projet de zone correspondait à un objectif précis et à une procédure réalisable. Toutes les conditions de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR étaient donc réalisées. 
 
Pour sa part, le recourant prétend que les juges précédents ont donné à la notion d'ouvrage de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR une définition et en ont fait une application que le législateur n'a pas voulues: le "dézonage" de terrains agricoles en zone à bâtir ne devrait pas être considéré comme un "ouvrage" au sens de cette disposition. 
 
2.1. La décision de constatation (art. 84 let. b LDFR), qui est à distinguer de la décision d'autorisation (art. 61 LDFR), permet à celui qui y a un intérêt légitime de, notamment, "faire constater par l'autorité compétente en matière d'autorisation si l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole peut être autorisée".  
 
L'art. 65 al. 1 LDFR, qui traite des acquisitions par les pouvoirs publics, prévoit: 
 
 "L'acquisition par la collectivité ou par ses établissements est autorisée quand: 
 
a. elle est nécessaire à l'exécution d'une tâche publique prévue conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire; 
b. elle sert au remploi en cas d'édification d'un ouvrage prévu conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire et que la législation fédérale ou cantonale prescrit ou permet la prestation d'objets en remploi." 
 
L'art. 65 al. 1 LDFR distingue ainsi deux hypothèses: d'une part, l'acquisition avec affectation directe à une tâche d'intérêt public (al. 1 let. a); d'autre part, l'achat dans le but du remploi (al. 1 let. b). 
 
2.2. La situation en cause relève de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR. Il s'agit de déterminer si le déclassement d'une zone agricole, afin de créer une zone d'activités d'intérêt cantonal avec, pour finalité, l'agrandissement de la zone industrielle existante peut être considéré comme un "ouvrage prévu conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire".  
 
2.3. Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 139 III 478 consid. 6 p. 479 s.; 138 II 440 consid. 13 p. 453), étant précisé que le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 p. 273; 139 V 250 consid. 4.1 p. 254).  
 
3.  
 
3.1. La notion d' "ouvrage" est une notion juridique dont le sens est vague et qui varie selon les domaines du droit; en l'occurrence, la loi sur le droit foncier rural se réfère au droit de l'aménagement du territoire qui sera examiné ci-après (consid. 3.4.1 ss)  
 
L'art. 65 al. 1 let. b LDFR mentionne qu'il doit s'agir de l' "édification" d'un ouvrage, terme défini par le Grand Robert, comme étant l'action d'édifier, de construire un édifice. Cette précision conduit donc à penser que sont visées des réalisations matérielles déterminées. 
 
Ainsi, si l'interprétation littérale ne permet pas à elle seule de définir si le déclassement d'une zone agricole pour en faire une zone d'activités d'intérêt cantonal constitue un ouvrage au sens de l'art. 65 LDFR, elle irait plutôt dans le sens d'une réponse négative. 
 
3.2.  
 
3.2.1. La volonté à la base de cette disposition, rendant possible l'acquisition d'immeubles agricoles par la collectivité ou par ses établissements, était de permettre une alternative à la procédure d'expropriation. Bien que cette disposition ait donné lieu à de nombreuses discussions aux Chambres fédérales (il s'agissait dans le Message du 19 octobre 1988 à l'appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural, FF 1988 III 889, de l'art. 63 al. 1 let. g LDFR qui est devenu, par la suite, l'art. 64b LDFR pour finalement entrer en vigueur sous l'art. 65 LDFR), les travaux préparatoires ne définissent pas plus précisément la notion d'ouvrage contenue dans cette norme, si ce n'est qu'ils citent en exemple Rail 2000 (BO 1991 CN 144ss).  
 
3.2.2. Cependant, le recourant tire un argument, explicité ci-dessous, des débats parlementaires qui ont porté, non pas sur l'art. 65 LDFR, mais sur l'art. 63 LDFR (art. 64 LDFR lors des débats) relatif aux motifs de refus de l'acquisition.  
 
Le texte adopté prévoyait: 
 
 "L'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole est refusée lorsque: 
... 
c. l'acquéreur dispose déjà juridiquement ou économiquement de plus d'immeubles agricoles qu'il n'en faut pour offrir à une famille paysanne des moyens d'existence particulièrement bons; 
..." 
 
Le conseiller national Peter Hess a alors proposé d'ajouter à cette disposition un alinéa 2, dont la teneur était la suivante (BO 1991 CN 865) : 
 
 "Le motif du refus prévu à la lettre c ne s'applique pas à la collectivité ni à ses établissements ou institutions d'utilité publique lorsque l'acquisition sert au remploi pour des immeubles libérés en vue de la construction." 
 
Cette proposition a été écartée (BO 1991 CN 867). Le recourant voit dans ce rejet et dans les débats parlementaires qui l'ont précédé la preuve que l'art. 65 al. 1 let. b LDFR ne permet pas l'acquisition de la parcelle en cause par la SEDRAC 
 
Une telle conclusion ne peut être tirée de ce refus. Il apparaît, en effet, que les débats aux chambres n'ont pas porté sur la notion d'ouvrage (l'alinéa 2 proposé ne contenait d'ailleurs même pas le terme "ouvrage" mais mentionnait celui de "construction" ["Grundstücke" dans la version allemande), telle qu'elle doit être ici définie et on ne peut donc rien en déduire d'utile pour le présent cas. La lecture des débats démontre que si les parlementaires ont refusé la proposition Hess c'était par volonté de ne pas octroyer des privilèges à l'Etat qui auraient permis à celui-ci d'acquérir librement des terrains: lorsque la collectivité publique agissait à l'instar d'un propriétaire privé et non pas dans un but d'intérêt public, elle ne devait pas être traitée autrement qu'un particulier et n'avait pas à être favorisée. Les parlementaires voulaient éviter que la collectivité publique ne fasse l'acquisition de terrains situés en zone agricole pour les thésauriser (BO 1991 CN 865-867). Il s'agissait d'empêcher que la collectivité publique, arguant de la possibilité d'éventuels remplois, effectue des acquisitions importantes, voire se lance dans des achats qui feraient grimper les prix (Beat Stalder, Die verfassungs- und verwaltungsrechtliche Behandlung unerwünschter Handänderungen im bäuerlichen Bodenrecht, 1993, p. 184). Ne se présente pas ici un tel cas de figure. On ne peut donc rien déduire pour la présente affaire du rejet de la proposition Hess, tout en gardant à l'esprit que les parlementaires ont eu une approche restrictive de l'acquisition de terrains par la collectivité publique, y compris dans le cadre du remploi. 
 
En conclusion, l'interprétation historique ne se révèle pas concluante. 
 
3.3. Selon l'art. 1 al. 1 let. b LDFR, la loi sur le droit foncier rural a pour but de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d'acquisition d'entreprises et d'immeubles agricoles. Si ce but ne donne pas de renseignement sur l'art. 65 al. 1 let. b LDFR, il permet cependant de considérer que cette disposition doit être interprétée de façon restrictive.  
 
En effet, la loi sur le droit foncier rural préserve le fermier en ceci que, lors de l'aliénation d'un immeuble ou d'une entreprise agricole, celui-ci bénéficie, à certaines conditions, d'un droit de préemption légal (art. 47 LDFR). Or, lorsque des parcelles sont acquises en remploi, le fermier perd ce droit (art. 216c al. 2 CO; FF 1988 III 1017 ad art. 216c CO). Ainsi, si l'on devait interpréter extensivement la notion d'ouvrage au sens de l'art. 65 LDFR, on réduirait les cas où le fermier peut faire valoir son droit de préemption et l'on irait à l'encontre d'un des buts de la loi. 
 
L'analyse téléologique n'est donc pas déterminante mais elle va dans le sens d'une interprétation restrictive de la notion en cause. 
 
3.4. Avant de procéder à l'interprétation systématique de la loi sur le droit foncier rural, il y a lieu de préciser que cette loi ne concerne pas, au premier plan, les collectivités publiques puisque celle-ci vise avant tout les propriétaires terriens et les entreprises familiales (art. 1 al. 1 let. a LDFR), ainsi que les exploitants à titre personnel (art. 1 al. 1 let. b LDFR); elle ne contient donc que peu de dispositions touchant les collectivités publiques. L'art. 65 LDFR a été introduit pour permettre aux pouvoirs publics - qui ne peuvent, par définition, remplir la condition de l'exploitant à titre personnel de l'art. 63 al. 1 let. a LDFR - d'acquérir des immeubles ou des entreprises agricoles pour la réalisation de tâches publiques. Il a été complété par l'art. 64 LDFR, dont certaines lettres de l'alinéa 1 tiennent compte des besoins plus spécifiques de l'Etat (cf. al. 1 let. a, d et e; Beat Stalder/Christoph Bandli, in Das bäuerliche Bodenrecht, 2e éd., 2011, n° 18 ad art. 64 p. 861).  
 
3.4.1. En mentionnant l'édification d'un "ouvrage prévu conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire", l'art. 65 al. 1 let. b LDFR renvoie directement à la loi sur l'aménagement du territoire. Le terme d' "ouvrage" ne figure pas dans cette loi. Il est en revanche présent dans l'ordonnance fédérale du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1) : l'art. 1 al. 2 let. b OAT mentionne que la Confédération, les cantons et les communes exercent des activités qui ont des effets sur l'organisation du territoire notamment lorsqu'ils élaborent ou réalisent des projets de construction ou de transformation de bâtiments, d'ouvrages ou d'installations publics ou d'intérêt public.  
 
La notion d'ouvrage est ainsi proche de celle de "construction" qui est elle présente dans la loi sur l'aménagement du territoire. Le Tribunal fédéral en a donné une définition dans le cadre de l'art. 22 al. 1 LAT; il a retenu que sont considérés comme des constructions ou installations tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 113 Ib 314 consid. 2b p. 315; 123 II 256 consid. 3 p. 259). Cette définition s'applique aussi bien aux ouvrages publics qu'aux ouvrages privés (Piermarco Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n° 489 p. 214). 
 
3.4.2. Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur l'art. 65 al. 1 let. b LDFR: il a retenu que lorsque cette disposition prévoit que, pour être autorisée, l'acquisition par une collectivité publique doit être conforme aux plans du droit de l'aménagement du territoire, il s'agit en réalité d'une autre manière d'affirmer que l'acquisition doit répondre à un but d'intérêt public (RNRF 87 p. 278, 5A.33/2004 consid. 3.1 et les auteurs cités). En aménagement du territoire, les "constructions et installations d'intérêt public" sont celles qui sont érigées par des particuliers ou des entreprises non concessionnaires qui exercent des activités dont bénéficient ensuite une partie ou la totalité de la population (Département fédéral de justice et police, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, n° 57 ad art. 3 p. 104).  
 
On peut ainsi déduire de ce qui précède que le législateur vise, à l'art. 65 al. 1 let. b LDFR, des ouvrages concrets édifiés dans l'intérêt public, tels que des routes, des voies de chemins de fer, des conduites, des installations de production d'énergie et autres projets ayant des effets significatifs sur l'organisation du territoire (Beat Stalder/ Christoph Bandli, op. cit., n° 9 ad art. 65, p. 886). 
 
3.4.3. Pour la doctrine, le renvoi de l'art. 65 LDFR "aux plans du droit de l'aménagement du territoire" exclut les plans d'affectation des art. 14 ss LAT. En effet, avec l'adoption d'un plan d'affectation, les parcelles concernées sont colloquées en zone à bâtir et, par conséquent, ne sont pas soumise à la loi sur le droit foncier rural (art. 2 al. 1 let. a LDFR; seule application de cette loi en zone à bâtir: art. 2 al. 2 let. a LDFR).  
 
Toujours selon la doctrine, dans la mesure où sont en jeu des infrastructures de l'Etat, le renvoi aux plans du droit de l'aménagement du territoire désigne les plans sectoriels au sens de l'art. 13 LAT, tels notamment les plans de la circulation, d'infrastructure aérienne ou de transmission par câbles. A l'échelon cantonal, ce renvoi concerne des ouvrages qui sont la plupart du temps prévus dans les plans directeurs cantonaux au sens de l'art. 8 LAT (Yves Donzallaz, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural, 1999, nos 556 ss, p. 214; Beat Stalder/ Christoph Bandli, op. cit., n° 7 et n° 9 ad art. 65, p. 884 ss; Beat Stalder, op. cit., p. 184). 
 
On peut encore mentionner qu'en matière d'aménagement du territoire sont notamment admis dans les zones réservées aux constructions publiques les immeubles administratifs, les constructions scolaires, sportives et hospitalières, les constructions ecclésiales, les cimetières, les places de parc (Alexander Ruch, in Aemisegger/Moor/Ruch/ Tschannen (éd.), Commentaire LAT, 2010, no 79 ad art. 22 LAT p. 40; Piermarco Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, nos 526 ss p. 238). Ainsi, la construction de tels ouvrages ne tombe en principe pas sous le coup de l'art. 65 LDFR, puisqu'ils ne peuvent être réalisés que sur une parcelle constructible ou bénéficiant d'une dérogation hors zone (art. 24 LAT). 
 
3.4.4. Il ressort de cette interprétation que les ouvrages prévus conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR doivent répondre aux exigences des plans directeurs cantonaux ou des plans sectoriels et que, dans ce cadre, seuls sont visés des ouvrages concrets déterminés édifiés dans l'intérêt public.  
 
3.5.  
 
3.5.1. Au regard de ce qui précède, on ne peut considérer le déclassement d'une zone agricole pour en faire une zone d'activités d'intérêt cantonal comme étant un ouvrage d'intérêt public. En effet, la création d'une zone ne saurait être considérée comme un ouvrage tel que défini ci-dessus. Ce seul élément suffit pour admettre le recours. On peut encore ajouter que, si la planification en général est une tâche publique et si une zone d'activités d'intérêt cantonal, avec l'implantation d'entreprises, a des répercussions indirectes économiques et sociales positives pour la collectivité, notamment avec la création d'emplois et les retombées fiscales, une telle zone sert au premier plan des intérêts privés. Comme le mentionne la fiche 1.06 "Zones d'activités d'intérêt cantonal" versée à la procédure, avec la création de cette zone, "le canton vise la constitution de sites sur lesquels les grandes entreprises, ouvertes sur le marché de l'emploi et tournées vers l'économie suisse et internationale, peuvent obtenir des droits de construire dans des délais courts...". Ainsi, au contraire de voies de chemins de fer, de routes ou de lignes électriques qui servent directement la collectivité, une zone d'activités d'intérêt cantonal est destinée à des entreprises privées agissant dans leur propre intérêt.  
 
3.5.2. En conclusion, une zone d'activités d'intérêt cantonal n'est pas un ouvrage au sens de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR et sa création ne servirait qu'indirectement et qu'éventuellement l'intérêt public; partant, une telle zone ne remplit pas les conditions de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR.  
 
Le recours doit ainsi déjà être admis sous cet angle. Par conséquent, la question, soulevée par les parties, de la relation entre la zone d'activités d'intérêt cantonal et le plan directeur, ainsi que celle de savoir si une mesure de planification est un projet concret, peuvent rester ouvertes. 
 
4.   
Compte tenu de ce qui précède, le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. Il doit être constaté que la SEDRAC ne pourra pas être autorisée à acquérir l'immeuble feuillet n° **** du ban de D.________, celui-ci ne pouvant servir de remploi. 
 
La SEDRAC, association de droit public dont les membres sont la République et canton du Jura et les communes du district de Porrentruy, dont l'intérêt pécuniaire n'est qu'indirectement en cause, n'a pas à supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). En revanche, elle versera une indemnité de dépens au recourant qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
L'affaire sera renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale (cf. art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. Il est constaté que la SEDRAC ne pourra pas être autorisée à acquérir l'immeuble feuillet n° **** du ban de D.________. 
 
2.   
Il n'est pas prélevé de frais judiciaires. 
 
3.   
La SEDRAC versera au recourant la somme de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5.   
Le prése nt arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au mandataire de la SEDRAC, à Z.________, à la Commission foncière rurale et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 5 novembre 2014 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Zünd 
 
La Greffière : Jolidon