Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
Retour à la page d'accueil Imprimer
Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_248/2023  
 
 
Arrêt du 19 septembre 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Heine et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Helsana Assurances SA, 
avenue de Provence 15, 1007 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (prestation de soins), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 9 mars 2023 (A/2808/2022 - ATAS/154/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1971, travaillait comme auxiliaire agricole lorsqu'il a été victime, le 7 octobre 1993, d'un accident causé par une scie circulaire ayant entraîné la perte du troisième doigt et une diminution de la mobilité des quatrième et cinquième doigts de la main gauche. Helsana Assurances SA (ci-après: Helsana), auprès de laquelle le prénommé était assuré contre le risque d'accidents, a pris en charge le cas. Par décision du 18 avril 1996 confirmée sur opposition le 14 octobre 1997, Helsana a mis un terme à ses prestations au 30 avril 1996, au motif que l'état de santé était stabilisé. Le recours formé contre la décision sur opposition a été rejeté par jugement du 26 mai 1998 du Tribunal administratif du canton de Genève et le recours interjeté contre ce jugement rejeté par arrêt du 8 octobre 1999 du Tribunal fédéral des assurances.  
Par décision sur opposition du 12 novembre 1999, Solida, assureur pour les prestations à long terme, a alloué à l'assuré une rente d'invalidité fondée sur un taux de 35 % ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) de 15 %. Cette décision est entrée en force. 
 
A.b. En 2019, l'assuré a annoncé une rechute de l'accident du 7 octobre 1993. Il sollicitait la prise en charge d'une intervention chirurgicale (aponévrotomie) en raison d'une fibrose palmaire. Par décision du 26 novembre 2019, confirmée sur opposition le 30 avril 2020, Helsana a refusé tout droit aux prestations ensuite de la rechute annoncée, au motif de l'absence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'atteinte à la santé, qui découlait d'une maladie concomitante surajoutée (maladie de Dupuytren). Par arrêt du 17 décembre 2020, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre des assurances sociales) a déclaré irrecevable - pour cause de tardiveté - le recours déposé contre la décision sur opposition du 30 avril 2020. Par arrêt du 23 avril 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable - faute de motivation topique - le recours formé contre cet arrêt cantonal.  
 
A.c. En mai 2022, l'assuré a requis d'Helsana la prise en charge d'une nouvelle opération de la main gauche (arthrodèse secondaire de la métacarpo-phalangienne du quatrième rayon) envisagée par la doctoresse B.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Par décision du 9 juin 2022, confirmée sur opposition le 25 août 2022, Helsana a refusé de prendre en charge les soins liés à l'intervention chirurgicale prévue, motif pris que celle-ci ne permettait pas d'obtenir une amélioration notable sur le plan fonctionnel pouvant entraîner une augmentation de la capacité de gain.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition du 25 août 2022, la Chambre des assurances sociales l'a rejeté par arrêt du 9 mars 2023. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que l'intimée prenne en charge le traitement en lien avec l'arthrose secondaire, en particulier l'arthrodèse. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour instruction complémentaire. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
L'intimée conclut au rejet du recours. Le recourant a brièvement répliqué. La juridiction cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en confirmant le refus de l'intimée de prendre en charge les frais de traitement en lien avec l'arthrodèse.  
 
2.2. Les prestations pour soins en cas d'accident, en particulier les traitements médicaux (art. 10 LAA), sont des prestations en nature (cf. art. 14 LPGA [RS 830.1]), de sorte que l'exception prévue par l'art. 105 al. 3 en relation avec l'art. 97 al. 2 LTF ne s'applique pas (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 140 V 130 consid. 2.1). Par conséquent, le Tribunal fédéral ne peut contrôler les constatations de fait de l'instance précédente que dans les limites de l'art. 105 al. 1 et 2 LTF (en relation avec l'art. 97 al. 1 LTF). Concrètement, cela signifie que le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente. Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 I 73 consid. 2.2; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF.  
Si la partie recourante entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, elle doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2). Selon la jurisprudence, il y a arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1). 
 
3.  
 
3.1. Aux termes de l'art. 21 al. 1 LAA, lorsque - comme en l'espèce - la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13) sont accordées à son bénéficiaire dans les cas suivants: lorsqu'il souffre d'une maladie professionnelle (let. a); lorsqu'il souffre d'une rechute ou de séquelles tardives et que des mesures médicales amélioreraient notablement sa capacité de gain ou empêcheraient une notable diminution de celle-ci (let. b); lorsqu'il a besoin de manière durable d'un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c); lorsqu'il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration (let. d). Selon la jurisprudence, l'art. 21 al. 1 let. d LAA s'applique uniquement aux bénéficiaires d'une rente d'invalidité qui présentent une incapacité totale de travail (ATF 124 V 52 consid. 4; arrêt 8C_39/2023 du 14 juillet 2023 consid. 5.1 et les arrêts cités).  
 
3.2. Lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis motivé d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis. Il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6).  
 
4.  
Se fondant sur l'avis du docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de l'intimée, les juges cantonaux ont considéré qu'un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'accident du 7 octobre 1993 et les troubles de la main gauche n'était pas établi, ce d'autant moins que la découverte de la présence d'une maladie génétique dégénérative (maladie de Dupuytren) était de nature à expliquer les troubles actuels du recourant. De surcroît, l'intervention chirurgicale dont le recourant demandait la prise en charge n'était pas apte à améliorer sa capacité de travail, comme retenu tant par le médecin-conseil de l'intimée que par les médecins traitants du recourant. Certes, la doctoresse B.________ ne s'était prononcée que sur la capacité de travail dans l'activité habituelle et non dans une activité adaptée; il n'était néanmoins pas nécessaire d'instruire davantage cette question, dès lors que le lien de causalité entre les atteintes à la santé et l'accident de 1993 n'était de toute façon pas établi. 
 
5.  
 
5.1. Se plaignant d'un établissement arbitraire des faits, le recourant reproche aux premiers juges d'avoir conduit leur raisonnement en constatant que l'opération dont il sollicitait la prise en charge visait à traiter la maladie de Dupuytren, alors qu'en réalité, l'arthrodèse envisagée avait pour but de soulager une arthrose secondaire, dont le lien de causalité avec l'accident du 7 octobre 1993 ne serait pas contesté. La cour cantonale aurait par ailleurs violé l'art. 21 al. 1 let. b LAA. La doctoresse B.________ aurait en effet indiqué que l'arthrodèse soulagerait les douleurs et permettrait la prise d'objets de taille modérée grâce à la récupération de l'enroulement du quatrième rayon. Cette intervention serait ainsi susceptible d'empêcher une notable diminution de la capacité de gain, respectivement d'améliorer la capacité de gain dans une activité adaptée. Or l'instance précédente n'aurait pas instruit cette question.  
 
5.2.  
 
5.2.1. Selon la doctoresse B.________, l'opération prévue consiste en une "arthrodèse de la métacarpo-phalangienne du quatrième rayon en légère flexion", en vue de soulager des "douleurs au niveau de la quatrième articulation métacarpo-phalangienne de [la main] gauche et une perte progressive de la flexion de son quatrième rayon". Dans une appréciation du 16 mai 2022, le docteur C.________ a relevé que cette intervention chirurgicale répondait au diagnostic d'"arthrose secondaire MCP du quatrième rayon post plaie avec scie circulaire + mauvais enroulement du doigt en raison d'une déviation cubitale". Ni la chirurgienne traitante du recourant ni le médecin-conseil de l'intimée n'ont fait allusion à la maladie de Dupuytren. Il semblerait donc que l'opération vise à traiter l'arthrose secondaire, et non la maladie de Dupuytren, qui a fait l'objet de la première annonce de rechute en 2019 (cf. let. A.b supra). En tout état de cause, cette question peut demeurer indécise, dès lors que même à admettre un lien de causalité naturelle entre l'accident du 7 octobre 1993 et l'intervention planifiée, la juridiction cantonale n'a pas violé l'art. 21 al. 1 LAA.  
 
5.2.2. Dans son avis du 16 mai 2022, le docteur C.________ a considéré que l'arthrodèse ne permettrait probablement pas une amélioration notable de l'état de santé du recourant. Il a précisé qu'en 2009, cette opération avait déjà été évoquée, et qu'il n'y avait pas eu d'aggravation nette depuis lors. Il n'était pas démontré que l'intervention allait rendre la main gauche plus fonctionnelle sur le plan professionnel. Invitée par l'intimée à se prononcer spécifiquement sur la possibilité pour le recourant d'exercer une activité professionnelle avec ou sans l'opération envisagée, la doctoresse B.________ a répondu que l'intervention ne permettrait pas à l'intéressé de récupérer une main complètement fonctionnelle, de sorte qu'un travail manuel avec cette main ne paraissait pas envisageable, même ensuite de l'opération. Celle-ci devait lui permettre une meilleure préhension des gros objets uniquement, avec possiblement un peu de récupération de force, et avait pour but principal de soulager les douleurs en rapport avec l'arthrose. Sur le plan professionnel, l'amélioration fonctionnelle serait relativement modérée et il n'y aurait probablement pas une amélioration suffisante permettant au recourant de retrouver son ancienne activité professionnelle. Selon l'avis du 27 mai 2009 d'un autre médecin traitant, à savoir le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur à U.________ (à l'étranger), il était "évident que nous n'obtiendrons pas d'amélioration sur le plan fonctionnel malgré [l'arthrodèse]". Ce médecin ajoutait qu'avec ou sans intervention, le patient ne pourra en aucun cas effectuer un travail manuel.  
Compte tenu de ce qui précède, c'est à raison que la cour cantonale a retenu que le médecin-conseil de l'intimée et les médecins traitants du recourant étaient unanimement d'avis que l'opération prévue n'était pas de nature à améliorer notablement la capacité de gain ou à empêcher une notable diminution de celle-ci, au sens de l'art. 21 al. 1 let. b LAA. Dès lors que le recourant n'a produit aucun avis médical évoquant la perspective d'une incidence notable de l'intervention sur la capacité de gain dans une activité professionnelle quelle qu'elle soit, on ne saurait faire grief aux premiers juges de ne pas avoir instruit la cause plus avant, par exemple en mettant en oeuvre une expertise (cf. consid. 3.2 supra a contrario). Il ne résulte pas des faits constatés par le tribunal cantonal que l'un des autres cas de figure - exhaustifs (arrêt 8C_601/2022 du 31 mars 2023 consid. 5.1.1 et la référence) - prévus à l'art. 21 al. 1 LAA se présenterait, étant entendu que l'art. 21 al. 1 let. d LAA (cf. consid. 3.1 in fine supra) ne trouverait de toute manière pas application, le tribunal cantonal n'ayant pas constaté que le recourant était en incapacité totale de travail. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours, mal fondé, doit être rejeté. Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires doivent être mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci a cependant sollicité l'assistance judiciaire pour l'instance fédérale. Dès lors que les conditions de son octroi sont réalisées en l'espèce (art. 64 al. 1 et 2 LTF), l'assistance judiciaire requise sera accordée. L'attention du recourant est attirée sur le fait qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal fédéral s'il devient en mesure de le faire ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 19 septembre 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny