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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_163/2023  
 
 
Arrêt du 19 octobre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Bovey et De Rossa. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par Me Julie Vaisy, avocate, 
recourants, 
 
contre  
 
1. Banque C.________ SA, 
représentée par Mes Hubertus Hillerströme et Albane De Ziegler, avocats, 
 
2. D.________, 
3. E.________, 
4. F.________, 
5. G.________, 
6. H.________, 
7. I.________, 
8. J.________, 
9. K.________, 
10. L.________, 
11. M.________, 
12. N.________, 
13. O.________, 
14. P.________, 
représentés par Me Arnaud Martin, avocat, 
 
15. Q.________, 
intimés. 
 
Objet 
mesures provisionnelles (action en reddition de comptes, succession), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 17 janvier 2023 (C/7494/2021 ACJC/78/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. R.________, né en 1924, est décédé en 2020.  
A teneur du certificat d'héritier établi le 22 mars 2021, le défunt n'a pas rédigé de dispositions testamentaires connues et a laissé pour seul héritier son fils unique, S.________, né en 1949 de son premier mariage avec T.________, dissous par le divorce en 1954. 
Par déclaration du 22 janvier 2021, enregistrée le 25 janvier 2021 par la Justice de paix du canton de Genève, S.________ a répudié la succession de son père et a sollicité l'application de l'art. 575 CC, soit que ses enfants, A.________ et B.________, soient mis en demeure de se prononcer avant la liquidation de la succession. 
A.________ et B.________ ont accepté la succession de leur défunt grand-père le 15 février 2021. 
 
A.b. En 1981, R.________ a épousé en troisièmes noces U.________. Les époux R.________ et U.________ se sont mariés sous le régime de la séparation de biens, puis ont adopté le régime de la participation aux acquêts par contrat de mariage du 22 juillet 1997. Ils ont, une nouvelle fois, modifié leur régime matrimonial par contrat de mariage du 20 juillet 2007 et ont adopté le régime de la communauté universelle de biens.  
U.________ est décédée en 2012. Feu U.________ a eu trois enfants, issus d'une précédente union: I.________, H.________ et M.________, eux-mêmes parents de G.________, J.________, D.________, O.________, F.________, K.________, L.________, N.________ et E.________. Par testament du 19 juillet 2007, feu U.________ a légué sa part relative aux relations bancaires dont elle était titulaire avec son mari à raison de 60 % à ses enfants et de 40 % à ses neuf petits-enfants. 
 
A.c. A la suite d'un accident vasculaire cérébral, feu R.________ a été placé sous curatelle de portée générale le 7 décembre 2017. Son fils S.________ a été nommé curateur.  
 
B.  
 
B.a. S.________ a, dans le cadre de sa mission de curateur, procédé à des recherches dans les archives de son père. Ses enfants, A.________ et B.________, ont allégué qu'il avait ainsi découvert qu'une grande partie des avoirs et revenus de feu R.________ ne figurait pas dans ses déclarations de revenus et patrimoine et que ce dernier avait procédé à des libéralités en faveur des enfants de sa dernière épouse sans respecter toutes les obligations fiscales (donations mobilières).  
Cela est confirmé par des courriers et par une attestation du 20 avril 2021 de la fiduciaire V.________ SA. Il est admis que les bénéficiaires de ces libéralités sont les enfants de feu U.________, ses petits-enfants ainsi que P.________, veuve de son frère, et Q.________, veuve du frère cadet de feu R.________. 
Le montant des libéralités est également admis, à l'exception des montants allégués au bénéfice de I.________, H.________ et M.________. 
 
B.b. Feu R.________ et/ou son épouse étaient titulaires de plusieurs relations auprès de différentes banques, dont Banque C.________ SA (ci-après également: la Banque). De 2007 à 2012, ils ont effectué un certain nombre d'opérations bancaires.  
Il résulte notamment des informations transmises par Banque C.________ SA que des valeurs patrimoniales ont été retirées en espèces en 2008. En avril 2012, les époux R.________ et U.________ ont procédé à trois transferts identiques, de titres, lingots d'or et espèces provenant de comptes, dont les ayants droit sont les trois enfants de feu U.________, mais sur lesquels feu R.________ et U.________ bénéficiaient d'une procuration en faveur d'un autre compte. 
 
B.c. Par courrier du 26 juin 2012, suite au décès de U.________, feu R.________ a instruit Banque C.________ SA d'ouvrir neuf comptes pour les petits-enfants de feu U.________, afin d'exécuter les dernières volontés de celle-ci. Il a émis le souhait que la part lui revenant soit virée en faveur des mêmes bénéficiaires et dans les mêmes proportions.  
Fin 2012, des avoirs provenant d'un compte des époux R.________ et U.________ ont été transférés sur les comptes des enfants et petits-enfants de feu U.________. A.________ et B.________ ont par ailleurs soutenu qu'entre avril 2012 et avril 2013, les fonds déposés sur ce même compte des époux R.________ et U.________, soit 664'422 euros, auraient également été transférés sur les comptes des enfants et petits-enfants de feu U.________. 
 
C.  
 
C.a. Entre le 24 janvier 2018 et le 28 mai 2020, S.________ a adressé plusieurs demandes de renseignements à Banque C.________ SA concernant les relations bancaires de son père, en faisant valoir qu'il devait établir un rapport d'entrée en fonction au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève, auquel devait être joint un inventaire des biens et des dettes éventuelles de son protégé.  
Dans ce cadre, Banque C.________ SA a notamment fourni à S.________, à plusieurs reprises, des documents et informations concernant différentes relations, les copies du testament de feu U.________ ainsi que de la lettre du 26 juin 2012 signée par feu R.________. Elle a toutefois refusé de transmettre des éléments concernant certaines relations, dont les époux R.________/U.________ n'étaient ni les titulaires, ni les ayants droit économiques. Interpellée directement par le Tribunal de protection, elle a transmis l'identité des ayants droit économiques de douze relations, sur lesquelles feu R.________ était au bénéfice d'une procuration. 
 
D.  
 
D.a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance de Genève le 22 avril 2021, A.________ et B.________ ont conclu, sur mesures provisionnelles, à ce qu'interdiction soit faite à Banque C.________ SA de détruire de quelque manière que ce soit tout document relatif aux relations bancaires dont feu R.________, feu U.________ ainsi que I.________, H.________, M.________, G.________, J.________, D.________, O.________, F.________, K.________, L.________, N.________, E.________, P.________ et Q.________ étaient ou avaient été titulaires, ayants droit économiques ou sur lesquelles ils disposaient ou avaient disposé d'une procuration auprès de la Banque et à ce que soit ordonnée la saisie conservatoire de 9'202'866 fr. 55 sur les comptes ouverts dans les livres de Banque C.________ SA dont les précités étaient titulaires, respectivement ayants droit économiques.  
 
D.b. Par ordonnance du 22 avril 2021, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a fait interdiction à Banque C.________ SA de détruire de quelque manière que ce soit tout document relatif aux relations bancaires dont feu R.________ et feu U.________ mais également ainsi que I.________, H.________, M.________, G.________, J.________, D.________, O.________, F.________, K.________, L.________, N.________, E.________, P.________ et Q.________ sont ou étaient titulaires, ayants droit économiques, ou sur lesquelles ils disposent ou disposaient d'une procuration, auprès de Banque C.________ SA. Il a rejeté la requête pour le surplus, retenant notamment que la conclusion tendant au prononcé d'une saisie conservatoire consistait en un " séquestre déguisé ".  
 
D.c. Par ordonnance du 12 octobre 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a notamment rejeté la requête formée par A.________ et B.________ (ch. 1 du dispositif) et révoqué l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 22 avril 2021 (ch. 2).  
 
D.d. Par acte expédié le 25 octobre 2021 à la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice), A.________ et B.________ ont formé appel contre cette ordonnance, dont ils ont sollicité l'annulation.  
Cela fait, ils ont principalement conclu (conclusions 2 à 14) à ce que la Cour de justice fasse interdiction à Banque C.________ SA de détruire tout document relatif à plusieurs relations bancaires ouvertes auprès de Banque C.________ SA, dont soit feu R.________ et/ou feu U.________, soit les intimés, étaient titulaires et/ou ayants droit économiques, pour la période allant de l'ouverture des relations jusqu'à leur clôture ou à ce jour. 
Les conclusions 15 à 22 ont été rédigées de manière incomplète. Dans leurs déterminations du 3 décembre 2021, A.________ et B.________ ont soutenu qu'une erreur de plume s'était glissée dans leur rédaction. Par ces conclusions, ils sollicitaient, comme pour les conclusions 2 à 14, qu'il soit fait interdiction à la Banque de détruire les documents listés. Ils ont, pour le surplus, persisté dans leurs conclusions d'appel. 
 
D.e. Par arrêt du 17 janvier 2023, expédié le 24 suivant, la Cour de justice a confirmé l'ordonnance attaquée et débouté les parties de toutes autres conclusions.  
 
E.  
Par acte posté le 24 février 2023, A.________ et B.________ exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 17 janvier 2023, assorti d'une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, subsidiairement d'effet suspensif. Sur le fond, ils concluent principalement à l'annulation de l'arrêt attaqué et à sa réforme dans le sens de leurs conclusions prises dans leur appel du 25 octobre 2021. Subsidiairement, ils sollicitent le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Des réponses n'ont pas été requises. 
 
F.  
Par ordonnance du 28 février 2023, le Président de la Cour de céans a admis la requête de mesures superprovisionnelles des recourants. 
Par ordonnance du 23 mars 2023, il a admis la requête de mesures provisionnelles en ce sens qu'il est fait interdiction à la Banque de détruire les documents relatifs aux relations bancaires énumérées aux chiffres 25 à 45 de la requête. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 III 395 consid. 2.1; 138 I 435 consid. 1). 
 
1.1. Les décisions en matière de mesures provisionnelles sont incidentes, au sens de l'art. 93 LTF, lorsque l'effet des mesures en cause est limité à la durée d'un procès en cours ou à entreprendre par la partie requérante dans le délai qui lui est imparti, sous peine de caducité des mesures ordonnées (art. 263 CPC; ATF 137 III 324 consid. 1.1; 134 I 83 consid. 3.1). Cette nature incidente prévaut non seulement lorsque la décision attaquée accorde ce type de mesures provisionnelles, mais aussi lorsqu'elle les refuse (arrêts 4A_234/2023 du 8 août 2023 consid. 1.1; 4A_137/2020 du 24 mars 2020 consid. 7; 4A_281/2018 du 12 septembre 2018 consid. 1.1 et les arrêts cités).  
Le recours porte en l'espèce sur une décision de mesures provisionnelles rejetant les conclusions des recourants visant à faire interdire à la Banque de détruire des documents bancaires jusqu'à droit jugé sur le fond dans des actions en reddition de comptes et en obtention de renseignements, ainsi qu'en réduction et en restitution de libéralités du de cujus lésant les réserves héréditaires des recourants. Dite décision étant dépendante des actions au fond, l'arrêt entrepris relève de l'art. 93 al. 1 LTF.  
La recevabilité du recours suppose en conséquence que la décision querellée soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF étant d'emblée exclue s'agissant de mesures provisionnelles (ATF 144 III 475 consid 1.2; 138 III 333 consid. 1.3). 
 
1.2. Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de la disposition précitée que s'il cause un inconvénient de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable (ATF 144 III 475 consid 1.2; 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2 et les références). L'exception doit être interprétée de manière restrictive (ATF 144 III 475 consid 1.2; 138 III 94 consid. 2.2; ATF 134 III 188 consid. 2.2). Il appartient à la partie qui recourt d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un tel dommage (ATF 144 III 475 consid 1.2; 134 III 426 consid. 1.2), à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (art. 42 al. 2 LTF; ATF 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 46 consid. 1.2; 137 III 522 consid. 1.3).  
 
1.3. En l'occurrence, les recourants ont méconnu la nature incidente de la décision entreprise, de sorte que leur acte de recours ne contient aucune argumentation relative à la recevabilité de leur écriture au regard de l'art. 93 al. 1 LTF. L'existence d'un préjudice irréparable n'apparaît par ailleurs pas d'emblée évidente.  
Une lecture du recours ne permet en effet pas de considérer que les documents mentionnés par les recourants seraient nécessaires pour sauvegarder leurs droits dans le cadre du procès au fond et, partant, que leur éventuelle destruction leur serait préjudiciable. Il résulte notamment de l'arrêt attaqué que si les recourants avaient rendu vraisemblable une importante planification patrimoniale du défunt dès 2007, ils n'avaient en revanche pas rendu vraisemblable que cette planification avait pour but manifeste de léser leur réserve successorale ni expliqué comment elle était susceptible d'atteindre cet objectif. À cet égard, la cour cantonale a en particulier constaté que les intimés alléguaient que les recourants avaient eux-mêmes obtenu des actifs provenant du patrimoine du défunt, notamment des avoirs auprès de W.________ et d'établissements bancaires en X.________, ainsi que des immeubles, dont ils taisaient l'existence. Or, les recourants ne répondaient pas à cet allégué et persistaient à affirmer qu'" il ne fait aucun doute " que les libéralités entre vifs consenties par le défunt en faveur des intimés portaient atteinte à leur réserve au regard de la fortune de celui-ci. En se focalisant exclusivement sur les libéralités dont les intimés avaient bénéficié, tout en omettant d'alléguer les libéralités dont ils auraient eux-mêmes bénéficié et la totalité des actifs successoraux du défunt à partager, ils ne rendaient pas vraisemblable une atteinte à leur réserve et, partant, leur droit aux renseignements sur des avoirs appartenant à des tiers conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 du 18 juillet 2019. Devant le Tribunal fédéral, les recourants n'apportent pas davantage d'explications sur l'existence d'une possible atteinte à leurs droits successoraux, dans la mesure où ils se limitent à relever qu'une démonstration " exhaustive " de l'ampleur de la lésion ne pouvait pas être exigée de bonne foi de leur part à ce stade et à affirmer que les libéralités du défunt étaient propres à porter atteinte à leurs réserves, sans étayer plus avant leur propos en démontrant que tel serait effectivement le cas compte tenu notamment des libéralités qu'ils avaient eux-mêmes reçues. Le fait qu'ils relèvent avoir allégué dans leur requête de mesures provisionnelles plusieurs libéralités propres à léser leurs réserves successorales - ce qui au demeurant ne ressort pas de l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF) sans que les exigences de motivation accrue d'un grief d'arbitraire soient satisfaites (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 147 I 73 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1) - n'y change rien, étant donné qu'ils ne prétendent de toute manière pas ni ne démontrent que cette requête contiendrait une telle démonstration, respectivement que les documents déjà en leur possession seraient insuffisants à cette fin. 
Au demeurant, dût-on admettre que les documents visés par la présente procédure étaient nécessaires à la sauvegarde des droits des recourants qu'il n'est pas établi que leur destruction serait concrètement à craindre, les recourants ne faisant qu'alléguer dans leur mémoire (p. 30) que ces documents avaient " des chances d'être définitivement détruits " sans en préciser les raisons. 
Il suit de là que la condition de préjudice irréparable posée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF n'est pas réalisée et que le recours doit ainsi être déclaré irrecevable. 
 
1.4. Les frais doivent être mis à la charge des recourants, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Les intimés n'ont pas été invités à déposer des réponses; par ailleurs, les intimés no 1 à 14 ont conclu sans succès au rejet de la requête de mesures provisionnelles et d'effet suspensif déposée par les recourants et l'intimée no 15 ne s'est pas déterminée sur dite requête. Partant, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 19 octobre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin