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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_119/2011 
 
Arrêt du 20 avril 2011 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, 
Reeb et Merkli. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représentée par Me Stephen Gintzburger, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
1. A.________, 
représenté par Me Isabelle Jaques, avocate, 
2. B.________, 
3. C.________, 
tous deux représentés par Me François Besse, avocat, 
intimés, 
4. Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Procédure pénale; non-lieu, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 19 janvier 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
B.________, A.________ et C.________ ont constitué une société simple ayant pour actif un immeuble commercial situé à D.________ en Inde. L'Office des poursuites et faillites de l'arrondissement de Morges-Aubonne a adjugé à X.________ la part de B.________ dans ladite société, suite à un litige survenu en Suisse entre les deux prénommés. Il a délivré un certificat dans ce sens daté du 27 septembre 2004. Suite à cette adjudication, X.________ a ouvert une action en dissolution de ladite société simple devant la Cour civile de D.________. Dans le cadre de cette procédure, les trois propriétaires ont déposé des écritures auprès de l'autorité précitée, dans lesquelles ils allèguent notamment que le certificat du 27 septembre 2004 aurait été obtenu "by fraud". 
 
Les 9 janvier 2008 et 5 novembre 2009, X.________ a porté plainte contre B.________, A.________ et C.________ pour calomnie (art. 174 CP), subsidiairement diffamation (art. 173 CP). Elle soutient que les termes "obtain by fraud" signifient "obtenu par escroquerie". 
 
B. 
Par ordonnance du 26 novembre 2010, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte, saisi de cette plainte, a prononcé un non-lieu. Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a confirmé ce non-lieu, par arrêt du 19 janvier 2011, notifié le 10 février 2011. Il a considéré en substance que le contexte général des écritures litigieuses ne permettait pas d'interpréter le terme anglais "fraud" comme signifiant "escroquerie". Il a retenu en outre que l'objectif desdites écritures était de démontrer que le certificat du 27 septembre 2004 n'était pas valable dans le cadre de la procédure indienne et qu'un éventuel transfert de propriété n'était pas conforme au droit indien. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, X.________ demande au Tribunal fédéral principalement de réformer l'arrêt du Tribunal cantonal en ce sens que les prévenus sont inculpés de calomnie, subsidiairement de diffamation, et sont renvoyés en jugement devant le tribunal compétent. A titre plus subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants. Elle requiert en outre l'assistance judiciaire. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 V 141, consid. 1 p. 142). 
 
1.1 La décision attaquée confirme le non-lieu en faveur des intimés. Rendue en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF), elle met fin à la procédure pénale (art. 90 LTF). Partant, elle peut faire l'objet d'un recours en matière pénale selon les art. 78 ss LTF. La recourante devait donc agir par cette voie et non par celle du recours constitutionnel subsidiaire. En soi, cette dénomination inexacte ne lui porte pas préjudice, pour autant que les conditions de recevabilité du recours en matière pénale soient réunies (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382 et les arrêts cités). 
 
1.2 L'arrêt attaqué a été rendu le 19 janvier 2011. La qualité pour recourir de l'intéressée s'examine par conséquent au regard de l'art. 81 LTF dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2011 (art. 132 al. 1 LTF). 
1.2.1 Aux termes de l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci, sous peine d'irrecevabilité. Il incombe notamment au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier de la cause (cf. ATF 133 II 353 consid. 1 p. 356, 249 consid. 1.1 p. 251). 
1.2.2 A teneur de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. 
 
Constituent des prétentions civiles au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et en tort moral au sens des art. 41 ss CO
 
Lorsque la partie plaignante n'a pas eu la possibilité de prendre des conclusions civiles, soit parce que cela n'était légalement pas possible à ce stade de la procédure, soit parce que le dommage et le tort moral n'étaient pas encore suffisamment définis, elle a un devoir particulier de motivation. Elle doit, dans de telles circonstances, indiquer quelles conclusions civiles elle entendrait faire valoir et exposer en quoi la décision attaquée pourrait avoir une incidence négative sur le jugement de celles-ci (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). 
 
Cette exigence vaut particulièrement lorsque la partie plaignante, invoquant une atteinte au droit de la personnalité au sens de l'art. 28 CC, pourrait obtenir une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO. Cette disposition prévoit que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une réparation (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704; 125 III 70 consid. 3a p. 75). L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose en effet que l'atteinte ait une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (cf. ATF 131 III 26 consid. 12.1 p. 29; arrêt 4A_128/2007 du 9 juillet 2007 consid. 2.3). 
 
La jurisprudence admet toutefois que le mémoire ne contienne pas formellement de prétentions civiles dans la mesure où, compte tenu notamment de la nature de l'infraction, l'on peut discerner d'emblée et sans ambiguïté, quelles prétentions civiles pourraient être élevées par le plaignant et en quoi la décision attaquée est susceptible de les influencer négativement (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). 
1.2.3 En l'espèce, la recourante se prévaut d'un intérêt juridique à l'application correcte des art. 173 et 174 CP "en particulier à une décision judiciaire qui parte d'une définition exacte de la notion d'atteinte à l'honneur et qui applique correctement cette notion à la situation de fait". Partant, elle n'indique pas, comme il lui incombait en pareil cas, quelles prétentions civiles elle entendrait faire valoir et en quoi la décision attaquée pourrait avoir une incidence négative sur le jugement de celle-ci. L'intéressée, assistée au demeurant d'un mandataire professionnel, n'explique pas en quoi résiderait le préjudice moral subi, lequel en matière d'atteinte à l'honneur doit apparaître d'une importance suffisante pour justifier une indemnisation. La jurisprudence précise en effet à cet égard qu'il faut se placer d'un point de vue objectif et non raisonner en fonction de la sensibilité personnelle et subjective du lésé (arrêt 6P.44/2007 du 19 avril 2007 consid. 3.1 et les références citées; Cédric Mizel, La qualité de victime LAVI et la mesure actuelle des droits qui en découlent, in JdT 2003 IV 38, note 143 ad ch. 66, p. 68). Dans ces conditions, la nature des infractions en discussion ainsi que les lésions alléguées ne permettent pas de comprendre sans ambiguïté quelles prétentions civiles pourraient être élevées. 
 
Par conséquent, faute d'en motiver le fondement, la recourante n'a pas la qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a ch. 5 LTF. 
1.2.4 Pour le surplus, la recourante ne soutient pas que le Tribunal cantonal aurait commis un déni de justice formel à son endroit et ne peut se prévaloir de la qualité pour recourir ancrée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF. Elle se plaint en effet exclusivement d'une violation de l'art. 29 al. 2 Cst. par l'abstention de toute décision cantonale sur le sens du mot "fraud" et par «l'omission de retenir que les intimés ont publiquement diffusé l'allégation que la recourante aurait commis une "fraud"». Ces moyens, indissociables du jugement au fond, sont irrecevables. Il en va de même de la violation de la prohibition de l'arbitraire dans l'interprétation de la notion d'honneur et dans l'application de l'art. 173 CP au présent état de fait, dont se prévaut l'intéressée. 
 
2. 
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable. Cette issue, d'emblée prévisible, implique le rejet de la demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Vu les circonstances, il convient cependant de statuer sans frais (art. 66 al. 4 LTF). Il n'est pas non plus alloué de dépens, les intimés n'ayant pas été invités à se déterminer (art. 68 al. 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours, traité comme recours en matière pénale, est irrecevable. 
 
2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens. 
 
3. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 20 avril 2011 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Juge présidant: La Greffière: 
 
Aemisegger Tornay Schaller