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Chapeau

116 IV 254


47. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 11 septembre 1990 dans la cause L. c. Ministère public du canton de Neuchâtel (pourvoi en nullité)

Regeste

Art. 6 et art. 13 al. 1 LPAP, protection des armoiries publiques et autres signes publics.
Contrevient à ces dispositions celui qui fait envoyer, à des fins commerciales, une lettre dont l'aspect tend à faire croire faussement qu'il s'agit d'une communication officielle.

Faits à partir de page 254

BGE 116 IV 254 S. 254

A.- L., directeur d'une société d'édition, fit envoyer à deux ou trois mille habitants de la ville de Neuchâtel un pli publicitaire les invitant à participer à un jeu et à acheter des livres; la publicité se trouvait dans une enveloppe vert pâle, d'apparence neutre, faisant ressortir au recto, en gros caractères (environ 5 mm de haut) dans une fenêtre, le texte suivant:
"COMMUNICATION OFFICIELLE
à tous les habitants de
NEUCHÂTEL
à qui la chance a souri."

B.- Le 12 juillet 1989, le Tribunal de police du district de Neuchâtel a condamné L. à une amende de 500 francs pour infraction aux art. 6 et 13 al. 1 de la loi fédérale pour la protection
BGE 116 IV 254 S. 255
des armoiries publiques et autres signes publics du 5 juin 1931 (ci-après: LPAP; RS 232.21).
Statuant le 11 juillet 1990, la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel a rejeté le pourvoi formé par L.

C.- L. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Alléguant une violation des art. 6 et 13 LPAP ainsi que de l'art. 20 CP, il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.

Considérants

Considérant en droit:

1. a) La LPAP a pour but d'assurer de manière spéciale la protection des signes publics contre le risque d'une utilisation abusive dans le domaine commercial (FF 1929 III 632). En particulier, elle interdit l'emploi, notamment l'apposition sur des enseignes, des annonces, des prospectus ou des papiers de commerce, d'indications qui peuvent faire croire à un rapport officiel avec une collectivité publique, donnant à penser, par exemple, qu'il s'agit d'une entreprise d'Etat ou ayant une concession de l'Etat, de marchandises de régie ou de marchandises contrôlées par l'Etat (FF 1929 III 633 et 638). La violation intentionnelle de ces règles protectrices est sanctionnée pénalement par l'art. 13 LPAP; la preuve de l'intention peut notamment être apportée lorsqu'il y a persistance en dépit d'un avertissement (FF 1929 III 639/640).
D'après la jurisprudence, n'est pas admissible une marque de commerce comportant notamment des armoiries propres à créer une confusion avec les armes d'un canton (ATF 80 I 59). La loi ne prohibe que l'emploi des signes publics à des fins commerciales, lorsqu'il peut en résulter une confusion ou lorsque les collectivités publiques sont déconsidérées; en revanche, elle n'interdit pas l'usage des signes publics à des fins non commerciales (ATF 102 IV 46). Leur utilisation à titre décoratif est admise (ATF 83 IV 108 consid. 3).
b) L'art. 13 al. 1 LPAP réprime notamment celui qui, intentionnellement, en violation des dispositions de la loi, emploie "des armoiries, drapeaux ou autres emblèmes, des signes et poinçons de contrôle ou de garantie ou d'autres signes figuratifs ou verbaux". La formule "autres signes figuratifs ou verbaux" - qui seule entre en considération en l'espèce - semble viser la lettre C précédant l'art. 7 LPAP. Il suffit cependant de lire l'art. 8
BGE 116 IV 254 S. 256
pour constater que les termes "signes figuratifs et verbaux" visent aussi bien l'art. 6 que l'art. 7. L'art. 13 al. 1 LPAP est conçu comme une disposition pénale générale réprimant toute violation intentionnelle de la loi, notamment la violation de l'art. 6.
L'art. 6 LPAP prévoit que les mots "Confédération", "fédéral", "canton", "cantonal", "commune", "communal", ou les expressions susceptibles d'être confondues avec eux ne peuvent être employés ni seuls, ni en combinaison avec d'autres mots, si cet emploi est de nature à faire croire faussement à l'existence de rapports officiels de la Confédération, d'un canton ou d'une commune avec celui qui fait usage de ces mots ou avec la fabrication ou le commerce de produits; il en est de même si l'emploi déconsidère la Confédération, les cantons ou les communes.
L'art. 6 LPAP n'énumère pas de manière exhaustive les termes qui ne peuvent pas être employés; en ajoutant "ou les expressions susceptibles d'être confondues avec eux", il interdit toute formule qui est de nature à faire croire faussement, à des fins commerciales, à l'existence d'un rapport entre une entreprise et la Confédération, un canton ou une commune (voir ATF 102 IV 48 consid. 3).
c) La publicité revêt une grande importance dans la vie commerciale. Nombreux sont ceux qui, recevant une annonce publicitaire dans leur boîte aux lettres, la jettent sans en prendre connaissance. Il existe donc pour le commerçant un intérêt manifeste à prévenir ce réflexe et à inciter le destinataire à lire le message publicitaire.
La présentation de l'enveloppe choisie en l'espèce fait ressortir à l'évidence trois mots en caractères gras et majuscules: "Communication officielle" d'une part et "Neuchâtel" d'autre part. Dans les conditions ordinaires d'examen rapide du courrier lors de la levée d'une boîte aux lettres, ces trois mots étaient de nature à faire croire qu'il s'agissait d'un avis d'une autorité, de sorte que le destinataire était dissuadé de jeter immédiatement le pli sans en prendre connaissance d'une manière plus approfondie.
S'agissant d'un envoi adressé à un grand nombre de personnes (à tous les habitants de Neuchâtel à qui la chance a souri) qui ne l'avaient pas sollicité, les termes de "communication officielle" ne pouvaient être compris, au premier coup d'oeil, que comme une communication faite par une autorité ou approuvée par elle. Cette indication était donc en elle-même trompeuse. Rapprochée par la présentation typographique du mot Neuchâtel, qui désigne un
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canton ou une commune, l'expression choisie faisait croire faussement à un pli émanant d'une autorité du canton ou de la commune de Neuchâtel. En suggérant faussement l'idée d'un rapport avec l'une de ces deux collectivités publiques, le recourant incitait le destinataire à lire le message publicitaire; il éveillait ainsi, à des fins commerciales, l'attention du destinataire au moyen de la confusion créée avec les collectivités publiques et leurs autorités. Il s'agit précisément d'un emploi prohibé par l'art. 6 LPAP et sanctionné pénalement par l'art. 3 al. 1 LPAP.
L'autorité cantonale a constaté que le recourant avait agi dans le but de susciter cette confusion et d'amener ainsi les destinataires à lire son message publicitaire; il s'agit là d'une constatation de fait qui lie le Tribunal fédéral. Il en résulte que le recourant a agi intentionnellement et qu'il a ainsi commis l'infraction prévue à l'art. 13 al. 1 LPAP.
Il est vrai qu'une lecture minutieuse de l'enveloppe, et surtout la prise de connaissance de son contenu, étaient de nature à dissiper toute équivoque. Cette circonstance ne peut cependant jouer un rôle que sur la fixation de la peine, dont la quotité n'est pas remise en cause en tant que telle. Pour la réalisation de l'infraction, il suffit qu'il y ait eu emploi - à des fins commerciales - d'une expression susceptible de confusion, de nature à faire croire faussement à l'existence d'un rapport officiel entre une collectivité publique et l'entreprise; en amenant les destinataires à lire son message publicitaire, le recourant obtenait précisément l'avantage que l'art. 6 LPAP tend à proscrire.

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 1

références

ATF: 80 I 59, 102 IV 46, 83 IV 108, 102 IV 48

Article: Art. 6 et art. 13 al. 1 LPAP, art. 13 al. 1 LPAP, art. 6 et 13 LPAP, art. 20 CP suite...