Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
9C_722/2016
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Arrêt du 17 février 2017
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes les Juges fédérales Pfiffner, Présidente, Glanzmann et Moser-Szeless.
Greffière : Mme B. Hurni.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par PROCAP, Service juridique pour personnes avec handicap,
recourante,
contre
Office AI du canton de Fribourg,
route du Mont-Carmel 5, 1762 Givisiez,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, du 6 septembre 2016.
Faits :
A.
A.a. A.________ a déposé une première demande de prestations de l'assurance-invalidité le 17 juin 1975. Elle indiquait alors avoir travaillé comme vendeuse de mars à juin 1973 et de janvier à décembre 1974 et n'avoir plus exercé d'activité depuis cette date en raison de ses difficultés à marcher, en relation avec lesquelles elle avait subi deux opérations de la colonne vertébrale (excision de lipomes intramédullaires). Le 2 juin 1976, la Commission de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg lui a octroyé une rente entière dès le 1
er décembre 1975.
A la suite de la reprise d'une activité par l'assurée, l'administration a supprimé la rente entière à partir du 30 novembre 1977, mais maintenu le droit à une demi-rente pour cas pénible. Elle a également supprimé ce droit à partir du 31 juillet 1980, en raison du mariage de l'assurée et de l'amélioration des conditions financières qui en résultait.
A.b. Le 7 novembre 2011, A.________ a déposé une nouvelle demande de prestations. Elle a indiqué être femme au foyer et souffrir de différentes atteintes à la santé depuis 1973.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI) a recueilli l'avis des médecins traitants et réalisé une enquête ménagère en mai 2012. Par projet de décision du 22 mai 2012, il a informé l'assurée qu'il prévoyait de rejeter sa demande de prestations, considérant qu'elle était femme au foyer et, selon les résultats de l'enquête ménagère, présentait un taux d'empêchement de 28,3 % dans l'accomplissement des travaux habituels. L'intéressée a présenté ses objections par courrier du 17 juin 2012; elle a notamment informé l'administration qu'elle avait travaillé comme concierge de la paroisse de la commune U.________ durant 25 ans jusqu'à fin 2010 et également produit un rapport du docteur B.________, spécialiste en neurochirurgie, daté du 15 juin 2012.
Sur recommandation de son Service médical régional, l'office AI a interpellé à nouveau les médecins traitants, dont la doctoresse C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui suivait l'assurée en raison d'un trouble dépressif récurrent. Il a également mis en oeuvre une expertise psychiatrique et neurochirurgicale. Dans son rapport du 17 octobre 2013, le docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a retenu comme diagnostics ayant une influence sur la capacité de travail un épisode dépressif majeur récurrent, actuellement de gravité légère à moyenne, et un trouble limite de la personnalité avec des éléments abandonniques, impulsifs et masochiques. Selon le médecin, l'assurée disposait d'une capacité de travail médico-théorique de 0 à 20 % dans toute activité depuis au moins 30 ans. Pour sa part, la doctoresse E.________, médecin au service de neuro-chirurgie de l'hôpital F.________, a diagnostiqué un syndrome lombo-vertébral dans le cadre d'un déconditionnement majeur suite à de multiples chirurgies du rachis; elle a attesté que l'assurée était entravée dans l'exécution de ses tâches ménagères et avait une capacité de travail fortement réduite (rapport du 12 mars 2014). Interpellée par l'office AI, l'experte a précisé par courrier du 5 juin 2014 qu'il était difficile d'évaluer la capacité ménagère de manière précise mais que l'intéressée pouvait au moins accomplir certaines tâches (cuisine, aspirateur, nettoyage des sanitaires). Sur demande de l'administration, le docteur D.________ a également indiqué par courrier du 11 décembre 2014 que l'assurée pouvait réaliser les tâches ménagères en question.
Par décision du 9 janvier 2015, l'office AI a rejeté la demande de l'assurée, considérant que le taux d'incapacité ménagère de 28,3 % n'ouvrait pas le droit à une rente.
B.
Le 9 février 2015, A.________ a formé recours devant le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales. Elle a conclu principalement à la reconnaissance de son droit à une rente entière, subsidiairement au renvoi de la cause à l'office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Par jugement du 6 septembre 2016, le tribunal cantonal a rejeté le recours.
C.
L'assurée interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Elle en demande l'annulation et reprend en substance les conclusions de son recours cantonal. L'office AI et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées (cf. art. 97 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de l'assurance-invalidité, plus particulièrement sur le statut de l'assurée et la méthode d'évaluation de l'invalidité qui en découle.
A la suite de l'office intimé, la juridiction cantonale a en effet appliqué la méthode spécifique d'évaluation de l'invalidité (art. 28a al. 2 LAI), retenant que la recourante était femme au foyer par choix. Celle-ci soutient au contraire qu'elle aurait exercé une activité lucrative si elle n'avait pas été atteinte dans sa santé et que la méthode générale de comparaison des revenus (art. 28a al. 1 LAI) est donc applicable.
2.2. Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels nécessaires à la solution du litige, de telle sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
On rappellera en particulier que pour déterminer la méthode d'évaluation de l'invalidité applicable au cas particulier, il faut se demander ce que l'assuré aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels. L'éventualité de l'exercice d'une activité lucrative partielle ou complète doit être établie au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338 et les références). Le point de savoir si et dans quelle mesure l'assuré exercerait une activité lucrative ou resterait au foyer s'il n'était pas atteint dans sa santé, en tant qu'il repose sur l'évaluation du cours hypothétique des évènements, est une question de fait, pour autant qu'il repose sur une appréciation des preuves, et cela même si les conséquences tirées de l'expérience générale de la vie sont également prises en considération (ATF 133 V 477 consid. 6.1; arrêt 9C_33/2016 du 16 août 2016 consid. 7.2). Dès lors, les constatations du jugement attaqué lient en principe le Tribunal fédéral, sauf si elles sont manifestement inexactes ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF).
3.
Le tribunal cantonal a considéré que la recourante se consacrait à l'entretien de son ménage par choix, plutôt qu'en raison de ses problèmes de santé, ce qui devait conduire à appliquer la méthode spécifique et à rejeter la demande de prestations, compte tenu du taux d'incapacité de 28,3 % déterminé à l'occasion de l'enquête ménagère. Pour parvenir à cette conclusion, il a passé en revue le parcours professionnel de l'assurée (vendeuse et caissière entre 1973 et 1980, avec plusieurs périodes d'interruption en raison de ses atteintes à la santé; concierge à temps partiel [12 %] de 1988 à 2010; marchés artisanaux entre 2007 et 2010). Il a aussi retenu que les déclarations de la recourante relatives à sa situation professionnelle avaient évolué en cours de procédure (elle indiquait être femme au foyer dans sa demande de prestations et avait soutenu pour la première fois qu'elle aurait travaillé à plein temps dans le cadre de son recours). Selon les premiers juges, ces éléments, de même que le manque de proactivité de l'assurée vis-à-vis de son éventuelle réinsertion professionnelle, alors que son fils était indépendant depuis de nombreuses années, et le fait qu'elle avait déposé une demande seulement en 2011, pour des raisons purement financières liées vraisemblablement à la retraite de son mari, laissaient clairement transparaître qu'elle avait volontairement privilégié l'accomplissement de ses tâches ménagères et d'autres activités relevant davantage de l'ordre du hobby et que, même en bonne santé, elle n'aurait pas exercé d'activité lucrative.
4.
4.1. La recourante soutient à juste titre que l'appréciation par la juridiction cantonale de sa situation et de l'activité qu'elle aurait exercée sans invalidité est arbitraire. Comme elle le relève, le tribunal cantonal n'a pas dûment tenu compte du fait que, comme attesté par l'expertise du docteur D.________, mais aussi par les décisions prises par l'office intimé entre 1976 et 1980, l'intéressée souffre d'atteintes à la santé depuis l'adolescence et sa capacité de travail en est diminuée, voire nulle, depuis une trentaine d'années. Il convient donc de se demander non pas si l'assurée aurait chercher à se réinsérer sur le marché du travail au moment du départ à la retraite de son époux, après avoir été inactive pendant plusieurs dizaines années et alors qu'elle était déjà atteinte dans sa santé, mais d'examiner quelle aurait vraisemblablement été son activité au moment du prononcé de la décision litigieuse si elle n'avait pas été atteinte dans sa santé de manière invalidante, et ce depuis 1980 en tout cas.
La question est certainement délicate à résoudre compte tenu de la période relativement courte et remontant loin dans le passé pendant laquelle la recourante jouissait d'une bonne santé, de l'écoulement du temps depuis lors et d'autres facteurs (naissance et éducation d'un enfant, situation financière, etc.) qui auraient pu influencer ses décisions. Il ressort toutefois du jugement cantonal que l'assurée a eu plusieurs emplois entre 1974 et 1980. Alors que son fils était encore en bas âge, elle a repris une activité de concierge à temps partiel, qu'elle a exercée pendant en tout cas vingt ans jusqu'en 2010. Ajouté aux marchés artisanaux auxquels elle participait entre 2007 et 2010, le temps consacré à cette activité correspondait approximativement à sa capacité résiduelle de travail selon l'expert D.________ (entre 0 et 20 % dans une activité adaptée). Les constatations de l'autorité cantonale font donc apparaître que, sous réserve des années suivant immédiatement la naissance de son fils, la recourante a toujours exercé certaines activités malgré ses atteintes à la santé, dans une mesure correspondant à la mise en oeuvre maximale de sa capacité de travail. Contrairement à ce que retient l'autorité cantonale, le faible taux d'activité de la recourante ne s'explique donc pas, ou à tout le moins pas uniquement, par un choix ou par le souhait de privilégier son activité au foyer ou des hobbys. Il reflète également la capacité de travail réduite de la recourante, qui ne lui aurait pas permis de reprendre un emploi à temps plein même après l'indépendance de son fils.
4.2. L'autorité cantonale ne peut non plus être suivie lorsqu'elle écarte les déclarations de la recourante relatives à sa situation professionnelle, au motif que celles-ci auraient évolué au cours de la procédure. L'assurée a certes indiqué être femme au foyer dans sa demande de prestations en 2011, mais l'indication, exacte, correspondait à sa situation d'alors, où elle était atteinte dans sa santé. Interrogée pour la première fois lors de l'enquête ménagère en 2012 sur ce qu'elle aurait fait sans atteinte à la santé, elle a répondu qu'elle exercerait une activité lucrative à 100 %, pour des raisons financières et par choix, et n'a pas varié dans ses déclarations par la suite. Il est donc manifestement inexact de retenir, à l'instar de l'autorité cantonale, que la recourante aurait affirmé qu'elle travaillerait à temps plein pour la première fois lors de la procédure de recours.
Par ailleurs, on ne saurait reprocher à la recourante de ne pas avoir requis des prestations avant 2011. Il est certes possible que, comme le retient le tribunal cantonal, la demande ait été déposée pour des raisons financières liées au départ à la retraite de son mari. On ne voit toutefois pas pour quel autre motif un assuré présenterait une demande de rente d'invalidité, dès lors que cette prestation est précisément prévue pour couvrir une incapacité de gain et pallier un manque financier.
4.3. Compte tenu des éléments qui précèdent, en particulier du fait que la recourante a toujours exercé certaines activités malgré ses atteintes à la santé, on constate qu'elle a rendu plausible, au degré de la vraisemblance prépondérante, que si elle n'avait pas été atteinte dans sa santé, elle aurait exercé une activité lucrative à 100 % au moment du prononcé de la décision litigieuse.
5.
Le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour fixer le taux d'invalidité ne s'impose pas, le Tribunal fédéral disposant d'assez d'éléments pour compléter l'état de faits (art. 105 al. 2 LTF). Il ressort en particulier du rapport d'expertise du docteur D.________, qui diagnostique un épisode dépressif majeur récurrent, actuellement de gravité légère à moyenne, et un trouble limite de la personnalité avec des éléments abandonniques, impulsifs et masochiques, que l'assurée disposait d'une capacité de travail médico-théorique de 0 à 20 % dans toute activité depuis au moins 30 ans. Cette conclusion est également renforcée par l'expertise de la doctoresse E.________, qui retient que la capacité de travail est fortement réduite compte tenu d'un syndrome lombo-vertébral dans le cadre d'un déconditionnement majeur à la suite de multiples chirurgies du rachis, ainsi que par le rapport du docteur B.________ daté du 25 octobre 2012, selon lequel l'assurée présente une incapacité de travail de 100 % dans toute activité. Il découle de l'incapacité de travail de 80 % au moins dans toute activité que la recourante présente une incapacité de gain suffisante pour ouvrir le droit à une rente entière de l'assurance-invalidité (art. 28 al. 2 LAI), et ce dès le 1
er mai 2011 (art. 29 al. 1 LAI; cf. ATF 140 V 2 consid. 5 p. 5).
6.
Vu l'issue du litige, l'office intimé supporte les frais de la procédure. La recourante a droit à une indemnité de dépens à la charge de l'administration pour la procédure fédérale (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. La décision du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, du 6 septembre 2016 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg du 9 janvier 2015 sont réformées en ce sens que la recourante a droit à une rente entière d'invalidité dès le 1
er mai 2011.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 17 février 2017
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Pfiffner
La Greffière : Hurni