Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
4A_709/2014
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Arrêt du 21 mai 2015
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges Kiss, présidente, Hohl et Niquille.
Greffier: M. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Marc Oederlin,
recourante,
contre
B.________ Sàrl,
représentée par Mes Francis Nordmann et Chloé Terrapon Chassot,
intimée.
Objet
arbitrage international,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 14 novembre 2014 par l'arbitre unique ad hoc.
Faits :
A.
A.a. Le 20 novembre 2012, la société de droit luxembourgeois B.________ Sàrl (ci-après: B.________), en tant que maître de l'ouvrage, d'une part, et la société de droit suisse A.________ SA (ci-après: A.________), en qualité d'entrepreneur général, d'autre part, ont signé un contrat d'entreprise générale, pour un prix forfaitaire de 5'085'000 fr., en vue de la rénovation d'un immeuble locatif sis à Bienne. Une année plus tôt, le maître de l'ouvrage avait conclu un contrat d'architecte, relativement au même projet, avec la société C.________ SA, dont le dénommé D.________, est le président du conseil d'administration.
L'art. 2 du contrat d'entreprise générale listait, selon un ordre de priorité déterminé, une série de documents formant partie intégrante de cet accord; il déclarait applicables, dans la même mesure, les dispositions du Code suisse des obligations (CO). A l'art. 16 dudit contrat, une clause arbitrale prévoyait ce qui suit:
"Tous les différends qui pourraient survenir au sujet du présent contrat, y compris concernant l'interprétation ou l'application du présent contrat, seront exclusivement réglés par un arbitre unique. Les parties désignent D.________ en tant qu'unique arbitre, qui décidera selon le principe ex aequo et bono, et déclarent qu'ils (sic) reconnaîtront son jugement comme final et obligatoire, sans possibilité de recours à un autre arbitre ou à un tribunal. "
A.b. Par lettre recommandée de son mandataire, envoyée le 3 avril 2014 à A.________, B.________, invoquant l'art. 366 CO, s'est départie du contrat d'entreprise générale avec effet immédiat. Un litige entre les parties, quant à l'exécution de leurs obligations respectives, en est résulté.
B.
B.a. Le 9 avril 2014, B.________, se fondant sur la clause arbitrale insérée dans le contrat d'entreprise générale, a adressé une requête d'arbitrage à D.________, l'arbitre unique ad hoc (ci-après: l'arbitre) désigné dans ladite clause, lequel l'a communiquée à A.________.
En date du 15 avril 2014, l'arbitre a notifié aux parties une "ordonnance procédurale n° 1". Selon cette ordonnance, d'ailleurs modifiable en tout temps par l'arbitre, Genève serait le siège et le français la langue de l'arbitrage. La procédure serait, en principe, écrite, forme sous laquelle les témoins déposeraient, l'arbitre conservant toutefois la possibilité de tenir une audience pour permettre à la partie adverse d'interroger les témoins. Les faits et moyens de preuve nouveaux ne seraient pas admis après le dépôt de la première écriture de la partie les invoquant. Enfin, l'autre partie devrait se substituer à la partie défaillante pour payer la part de l'avance de frais incombant à celle-ci.
A.________, qui n'a pas versé sa part de l'avance de frais, s'est plainte, à plusieurs reprises, après avoir reçu le mémoire de demande le 6 mai 2014, de prétendus vices affectant l'ordonnance procédurale n° 1. Le 16 mai 2014, elle a requis formellement l'arbitre de se récuser, après avoir saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève, mis en oeuvre comme juge d'appui, d'une requête similaire.
Par sentence incidente du 2 juin 2014, l'arbitre a rejeté la demande de récusation. Le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la requête similaire par jugement du 23 septembre 2014. En bref, il a retenu que la requérante était déjà consciente, lorsqu'elle avait signé le contrat d'entreprise générale incluant la clause arbitrale précitée, du rôle que le futur arbitre allait jouer dans l'exécution du chantier, du fait que cet architecte n'avait pas de connaissances juridiques et des liens que celui-ci entretenait avec les parties et diverses sociétés proches de ces dernières. Pour le surplus, le juge d'appui a considéré que la requérante avait par trop tardé à agir à réception de l'ordonnance procédurale n° 1, si bien qu'elle était forclose à invoquer le contenu de cet acte comme motif de récusation.
Cet incident réglé, la procédure arbitrale a continué suivant des modalités qui ne seront évoquées, plus loin, que dans la mesure où elles revêtent de l'importance eu égard aux griefs articulés dans le recours soumis à la Cour de céans.
A la demande de A.________, l'arbitre a tenu, le 31 octobre 2014, une audience destinée à l'audition des témoins de B.________ ainsi qu'aux plaidoiries des parties. Au terme de cette audience, il a gardé la cause à juger.
Dans une lettre du 13 novembre 2014, A.________ a repris plusieurs griefs qu'elle avait déjà formulés antérieurement et sollicité la rectification du procès-verbal de la susdite audience.
B.b. Par sentence finale du 14 novembre 2014, l'arbitre a condamné A.________ à payer à B.________ la somme de 2'459'324 fr. 08, avec intérêts à 5% l'an dès le 9 avril 2014, de même que la somme de 70'000 fr. à titre de dépens. Les frais de la procédure arbitrale, arrêtés à 70'000 fr. également, ont été mis à la charge de A.________, les parties étant déboutées de toutes autres conclusions.
C.
Le 17 décembre 2014, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif. Se plaignant, tout d'abord, de la manière dont le Tribunal arbitral a été composé (art. 190 al. 2 let. a LDIP), elle reproche, en outre, à l'arbitre d'avoir statué au-delà des demandes dont il était saisi (art. 190 al. 2 let. c LDIP), d'avoir violé son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP) et d'avoir rendu une sentence incompatible avec l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP). La recourante demande au Tribunal fédéral d'annuler la sentence finale du 14 novembre 2014.
L'arbitre, qui a produit son dossier, a indiqué, dans une lettre du 21 janvier 2015, qu'il estime infondés les griefs articulés par la recourante.
Dans sa réponse du 9 février 2015, B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
La recourante a confirmé ses conclusions en tête de sa réplique du 25 février 2015, tandis que l'intimée a renoncé à déposer une duplique, tout en soulignant, dans une lettre du 12 mars 2015, qu'elle conteste entièrement les observations formulées dans la réplique.
Considérant en droit :
1.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou encore des motifs de recours invoqués, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des différents griefs articulés dans le mémoire de recours. Il sied de préciser, au demeurant, que l'hypothèse d'une renonciation au recours, à laquelle la fin du texte de la clause arbitrale susmentionnée pourrait éventuellement donner corps, n'entre pas en ligne de compte en l'espèce, dès lors que l'une des parties a son siège en Suisse (cf. art. 192 al. 1 LDIP).
2.
2.1. Pour qu'un grief admissible et dûment invoqué dans le recours en matière civile soit recevable, encore faut-il qu'il soit motivé, ainsi que le prescrit l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition correspond à ce que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal. A l'instar de cet article, elle institue le principe d'allégation (
Rügeprinzip ) et exclut, par là même, la recevabilité des critiques appellatoires. De plus, le recourant ne peut se servir de la réplique ni pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'il n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF), ni pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_199/2014 du 8 octobre 2014 consid. 3.1 et le précédent cité).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Aussi bien, sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non (arrêt 4A_199/2014, précité, consid. 4).
Il convient d'examiner, à la lumière des principes rappelés ci-dessus, la recevabilité et le bien-fondé des moyens soulevés dans le recours.
3.
3.1. La recourante soutient, en premier lieu, que la sentence attaquée a été rendue en violation de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, étant donné qu'elle émane de deux arbitres - à savoir, l'architecte D.________ et l'avocat genevois E.________ -, lesquels ont été épaulés, de surcroît, par un secrétaire (Me F.________, avocat à Genève), alors que la clause arbitrale, insérée dans le contrat d'entreprise générale, ne prévoyait qu'un seul arbitre, nommément désigné, i.e. D.________, et ne réservait pas la possibilité de désigner un secrétaire. Selon elle, l'audience du 31 octobre 2014, qui a duré plus de quatre heures, aurait été conduite intégralement par Me E.________, lequel, à l'inverse de l'arbitre D.________, aurait pris de nombreuses notes. Et la recourante d'ajouter qu'elle a dénoncé sans succès cette manière de procéder dans une lettre adressée le 13 novembre 2014 à l'arbitre.
Dans sa réponse, l'intimée affirme, à l'inverse de la recourante, que les avocats E.________ et F.________ n'ont apporté qu'un soutien administratif à l'arbitre D.________, sans participer d'aucune façon à la prise de décision, de sorte que leur rôle peut être assimilé à celui de secrétaires juridiques. Elle précise que, si la recourante s'était opposée à la participation de ces deux avocats à la susdite audience, c'était de mauvaise foi et dans le seul but de torpiller la procédure arbitrale, d'autant qu'elle savait, depuis le début de celle-ci, que l'arbitre avait décidé de constituer, à ses propres frais, un secrétariat juridique, puisqu'il en avait informé les parties dans une lettre du 21 mai 2014.
3.2.
3.2.1. En vertu de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international peut être attaquée lorsque l'arbitre unique a été irrégulièrement désigné ou le tribunal arbitral irrégulièrement composé.
Selon la jurisprudence, l'art. 190 al. 2 let. a LDIP couvre deux griefs: la violation des règles - conventionnelles (art. 179 al. 1 LDIP) ou légales (art. 179 al. 2 LDIP) - sur la nomination des arbitres, d'une part; le non-respect des règles touchant l'impartialité et l'indépendance des arbitres (art. 180 al. 1 let. b et c LDIP), d'autre part (arrêt 4A_146/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2). Le grief tiré de la composition irrégulière du tribunal arbitral inclut aussi l'hypothèse dans laquelle le tribunal a été constitué en violation de la convention des parties. Ainsi en va-t-il du non-respect du nombre d'arbitres indiqué dans la convention d'arbitrage (ATF 139 III 511 consid. 4 p. 515). Au demeurant, pour ce qui est de la récusation, lorsque le juge d'appui a statué sur une requête ad hoc selon l'art. 180 al. 3 LDIP, sa décision ne peut être attaquée indirectement dans le cadre d'un recours dirigé contre une sentence ultérieure et fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP (ATF 138 III 270 consid. 2).
3.2.2. La mission juridictionnelle confiée à l'arbitre est éminemment personnelle, et le contrat d'arbitre est conclu
intuitu personae. Cela implique que l'arbitre doit accomplir lui-même sa mission, sans la déléguer à un tiers, fût-il un confrère travaillant dans le même cabinet que lui s'il est avocat ( THOMAS CLAY, L'arbitre, 2001, n. 422, 632, 785 et 895). Il importe donc, au stade de la prise de décision, que l'arbitre connaisse le dossier, délibère et participe à la formation de la volonté du tribunal arbitral; pour cela, le président doit conserver la maîtrise intellectuelle de l'issue du litige et le coarbitre contribuer au processus décisionnel ( KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, Arbitrage international, 2e éd. 2010, n. 678). La sentence rendue en violation de cette règle non écrite, qui est parfois méconnue dans la pratique arbitrale ( CLAY, op. cit., n. 785), pourra être annulée par la voie d'un recours en matière civile fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP ( BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 3e éd. 2015, n. 975).
Cette interdiction de déléguer la tâche d'arbitrer à autrui n'exclut pas nécessairement le recours à l'assistance de tiers ( BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 1007). Ainsi est-il généralement admis que la possibilité, offerte par l'art. 365 al. 1 CPC (RS 272) au tribunal arbitral, de désigner un secrétaire dans un arbitrage interne vaut aussi en matière d'arbitrage international, quand bien même le chapitre 12 de la LDIP ne la mentionne pas ( BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 1008; TARKAN GÖKSU, Schiedsgerichtsbarkeit, 2014, n. 883). Comme le souligne le dernier auteur cité, le projet du Conseil fédéral soumettait la désignation d'un secrétaire à l'accord des parties (FF 2006 7103), mais cette condition a été abandonnée à l'instigation du Conseil des Etats pour favoriser l'autonomie organisationnelle du tribunal arbitral et éviter des retards (BO 2007 CE 641). Doit cependant être réservée la volonté commune des parties, exprimée dans la convention d'arbitrage ou dans un accord ultérieur, d'exclure la désignation d'un secrétaire ( GÖKSU, op. cit., n. 880). Les tâches du secrétaire juridique sont comparables à celles d'un greffier en procédure étatique: organisation des échanges d'écritures, préparation des audiences, tenue du procès-verbal, établissement des décomptes de frais, etc. Elles n'excluent pas une certaine assistance dans la rédaction de la sentence, sous le contrôle et conformément aux directives du tribunal arbitral ou, s'il n'est pas unanime, des arbitres majoritaires, ce qui suppose que le secrétaire assiste aux audiences et aux délibérations du tribunal arbitral. Il lui est, en revanche, interdit, sauf convention contraire des parties, d'exercer des fonctions de nature judiciaire, lesquelles doivent demeurer l'apanage des seuls arbitres ( GÖKSU, op. cit., n. 879; voir aussi: KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, ibid.).
Le recours aux services d'un secrétaire n'est du reste pas la seule faculté offerte à un tribunal arbitral d'obtenir un appui externe, puisqu'aussi bien l'assistance requise peut provenir de diverses autres sources ( BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 1013). C'est toujours sous la réserve, formulée plus haut, que le tribunal arbitral n'abandonne pas aux auxiliaires commis par lui les prérogatives inhérentes à sa mission, en particulier celle de trancher lui-même le différend qui lui a été soumis. Ainsi, dans les arbitrages complexes de nature technique ou commerciale, le tribunal arbitral fait souvent appel à des consultants externes afin qu'ils l'aident à traiter des questions pointues, de caractère non juridique, qu'il ne serait pas à même de saisir complètement sans être épaulé par des spécialistes du domaine considéré, démarche qui comporte évidemment des avantages mais aussi des risques (cf., parmi d'autres: BERNHARD F. MEYER/JONATAN BAIER, Arbitrator Consultants - Another Way to Deal with Technical or Commercial Challenges of Arbitrations, in Bulletin de l'Association Suisse de l'Arbitrage [ASA], 2015, p. 37 ss). Pour le reste, il est admis que, si les parties n'ont pas réglé la procédure, le tribunal arbitral, qui la fixe lui-même en vertu de l'art. 182 al. 2 LDIP, a le droit de désigner un consultant de sa propre initiative, sans requérir leur consentement préalable ( MEYER/BAIER, op. cit., p. 44).
3.3. L'examen du moyen pris de la violation de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP suppose que soient relatés, au préalable, les faits procéduraux pertinents de ce point de vue.
Par lettre du 20 mai 2014, faisant suite à une demande analogue contenue dans un courrier qu'elle lui avait envoyé le 16 du même mois, la recourante déclarait à l'arbitre attendre avec intérêt ses explications détaillées sur "les avocats de l'ombre" qui l'assistaient, ne fût-ce que pour se convaincre que rien ne lui avait été suggéré par le cabinet d'avocats de l'intimée.
L'arbitre lui a répondu ce qui suit dans un courrier du 21 mai 2014: "Je confirme être assisté par un conseil juridique indépendant disposant d'une grande expérience en matière d'arbitrage qui n'est pas le conseil de l'une des parties et dont je prends personnellement et entièrement en charge la rémunération".
La recourante n'est apparemment plus revenue à la charge jusqu'à l'audience d'instruction et de plaidoiries du 31 octobre 2014. Selon le procès-verbal de cette audience, l'arbitre était assisté de Mes F.________ et E.________, susnommés, en qualité, respectivement, de secrétaire et de conseil. Il en appert que l'avocat de la recourante s'est opposé en vain à la présence de Me E.________, "avocat conseil de l'arbitre", lors de l'audition des témoins à laquelle il a été procédé au cours de cette audience. En revanche, il ne ressort pas du procès-verbal, non plus que d'autres éléments du dossier de l'arbitrage, que le rôle joué à cette occasion par les deux avocats genevois, et singulièrement par Me E.________, ait été au-delà d'un simple soutien administratif et juridique dans le traitement des questions de procédure qui se posaient à l'arbitre. Du moins, rien ne vient étayer les allégations de la recourante tendant à démontrer que l'avocat genevois aurait pris la direction effective des opérations en lieu et place de l'arbitre, lequel n'aurait fait qu'assister passivement à l'audience sans y prendre la moindre note. Sans doute la recourante s'est-elle plainte, dans une lettre du 13 novembre 2014, du caractère lacunaire du procès-verbal sur ce point en invitant l'arbitre à rectifier ce document. Toutefois, cette requête, à laquelle il n'a semble-t-il pas été donné suite, ne suffit manifestement pas à prouver la véracité des dires de l'intéressée.
Le 14 novembre 2014, l'arbitre a rendu la sentence attaquée. Dans le chapitre 2 de celle-ci, il indique avoir été désigné par les parties comme arbitre unique, avant de formuler la remarque suivante:
"Compte tenu de l'attitude ouvertement hostile à son égard adoptée par A.________ SA, le Tribunal arbitral a choisi de se faire assister par MMes E.________ et F.________ de l'Etude G.________ à Genève, à ses frais et aux seules fins de tenir le procès-verbal d'audience, de conseiller le Tribunal arbitral lors de l'audience au sujet des innombrables objections soulevées notamment par A.________ SA et d'assister le Tribunal arbitral dans la rédaction de la sentence. Ces deux hommes de loi ont tenu le procès-verbal et ont conseillé le Tribunal arbitral afin que les règles élémentaires de procédure arbitrale, avec lesquelles le non-juriste arbitre unique n'était pas nécessairement entièrement familier, soient respectées. Ce faisant, MMes E.________ et F.________ n'ont agi qu'à la demande du Tribunal arbitral, dans le cadre de l'art. 365 CPC, sans participer à la prise de décision ou à l'issue de la sentence que le Tribunal arbitral assume seul, sans influence ni conseil. "
Enfin, dans sa prise de position adressée au Tribunal fédéral le 21 janvier 2015, l'arbitre a encore indiqué ce qui suit:
"Je tiens toutefois à préciser que la clause arbitrale m'oblige à statuer
ex aequo et bonoet que j'ai pris l'initiative de me faire assister par une Etude d'avocats uniquement afin de garantir le respect des règles impératives de procédure. Cela étant, je tiens à souligner que j'ai rendu la sentence arbitrale disputée selon mon intime conviction et après audition des parties ainsi que de leurs témoins sans que les avocats consultés ne m'aient influencé dans la prise de décisions."
3.4. Appliqués aux faits procéduraux qui viennent d'être exposés, les principes juridiques rappelés plus haut appellent les remarques formulées ci-après.
Par jugement du 23 septembre 2014, le Tribunal de première instance du canton de Genève a déclaré irrecevable la demande de récusation de l'arbitre formée par la recourante. Il n'est plus possible de revenir sur cette décision, même indirectement, dans le cadre du recours fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP. Aussi bien, la recourante ne le fait-elle pas. Le jugement en question ne s'oppose pas, en revanche, à ce qu'elle dénonce, sur la même base, les vices dont serait entachée la procédure conduite par l'arbitre, étant donné qu'ils résideraient essentiellement, à l'en croire, dans la manière dont s'est déroulée l'audience du 31 octobre 2014, soit dans une circonstance postérieure audit jugement.
Affirmer, comme le fait la recourante, que le Tribunal arbitral était composé "de deux arbitres" - D.________ et E.________ - n'est pas conforme à la réalité. Il résulte bien plutôt des remarques formulées plus haut que D.________ a bel et bien statué en tant qu'arbitre unique, même s'il a bénéficié des conseils d'un avocat (Me E.________) pour la mise en oeuvre de la procédure arbitrale et qu'il a eu recours aux services d'un secrétaire juridique en la personne de Me F.________. Contrairement à l'avis de l'intéressée, ce dispositif procédural ne violait nullement les prescriptions de la clause arbitrale insérée dans le contrat d'entreprise générale.
On peut se demander, à la suite de l'intimée (réponse, n. 80), si la recourante n'a pas adopté une attitude incompatible avec les règles de la bonne foi en attendant la tenue de l'audience du 31 octobre 2014 pour se plaindre de l'aide externe sollicitée par l'arbitre, alors que celui-ci l'en avait déjà formellement informée, quelque cinq mois plus tôt, par lettre du 21 mai 2014.
Quoi qu'il en soit, rien ne s'opposait, en l'espèce, à ce que l'arbitre unique nommé par les parties pour trancher leur différend en équité, à savoir un architecte que sa formation ne prédisposait pas à régler des questions de procédure délicates dans un arbitrage pour le moins conflictuel, s'attachât les services d'un avocat-conseil et d'un secrétaire pour l'épauler dans la conduite de la procédure arbitrale. S'agissant de la fonction de secrétaire, dévolue à Me F.________, elle n'appelle pas de commentaires particuliers. Plus singulier déjà était le rôle confié à Me E.________, que l'intimée assimile à tort à un secrétaire du Tribunal arbitral (réponse, n. 83). On peut le comparer à celui d'un consultant, évoqué plus haut (cf. consid. 3.2.2, 3e §), sauf à préciser qu'à l'inverse du cas ordinaire susmentionné, le consultant dont il est ici question n'a pas été choisi pour son expertise technique dans la branche où le litige est né (la construction), l'arbitre étant déjà un homme de l'art, mais pour les connaissances spécifiques qu'il possédait dans le domaine de la procédure arbitrale. Par ailleurs, comme les parties n'avaient pas réglé elles-mêmes la procédure à suivre, l'arbitre était en droit de désigner de son propre chef les personnes chargées de l'épauler. Il l'a d'ailleurs fait à ses propres frais, sans qu'il en coûtât quoi que ce fût aux parties. Du reste, la recourante ne prétend pas qu'elle aurait eu des motifs de demander la récusation du secrétaire ou du consultant, et elle n'a d'ailleurs entrepris aucune démarche dans ce sens. Enfin, comme on l'a déjà souligné, rien ne permet d'affirmer, sur le vu du dossier de l'arbitrage, que l'un ou l'autre des deux auxiliaires choisis par l'arbitre ait outrepassé ses pouvoirs et se soit transformé en arbitre de fait.
Dans ces conditions, le grief de la recourante se rapportant à la constitution du Tribunal arbitral tombe à faux.
4.
En second lieu, la recourante reproche à l'arbitre d'avoir statué
ultra petitaen la condamnant à payer 2'459'324 fr. 08, plus intérêts, à l'intimée, alors que celle-ci avait pris, dans sa dernière écriture (un mémoire complémentaire daté du 7 octobre 2014), des conclusions sur le fond tendant à ce que son adverse partie fût condamnée à lui payer 599'794 fr. 82, plus intérêts, du chef des factures impayées de sous-traitants et de fournisseurs, ainsi que 316'990 fr., intérêts en sus, au titre du gain manqué.
4.1. L'art. 190 al. 2 let. c LDIP permet d'attaquer une sentence, notamment, lorsque le tribunal arbitral a statué au-delà des demandes dont il était saisi. Tombent sous le coup de cette disposition les sentences qui allouent plus ou autre chose que ce qui a été demandé (
ultra ou
extra petita ). Cependant, selon la jurisprudence, le tribunal arbitral ne statue pas au-delà des demandes s'il n'alloue en définitive pas plus que le montant total réclamé par la partie demanderesse, mais apprécie certains des éléments de la réclamation autrement que ne l'a fait cette partie ou encore lorsque, étant saisi d'une action négatoire de droit qu'il estime infondée, il constate l'existence du rapport juridique litigieux dans le dispositif de sa sentence plutôt que d'y rejeter cette action. Le tribunal arbitral ne viole pas non plus le principe
ne eat iudex ultra petita partium s'il donne à une demande une autre qualification juridique que celle qui a été présentée par le demandeur. Le principe
jura novit curia, qui est applicable à la procédure arbitrale, impose en effet aux arbitres d'appliquer le droit d'office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties. Il leur est donc loisible de retenir des moyens qui n'ont pas été invoqués, car on n'est pas en présence d'une nouvelle demande ou d'une demande différente, mais seulement d'une nouvelle qualification des faits de la cause. Le tribunal arbitral est toutefois lié par l'objet et le montant des conclusions qui lui sont soumises, en particulier lorsque l'intéressé qualifie ou limite ses prétentions dans les conclusions elles-mêmes (arrêt 4A_440/2010 du 7 janvier 2011 consid. 3.1 et le précédent cité).
4.2. Appliqués au cas particulier, ces principes commandent de rejeter le grief de la recourante fondé sur le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. c LDIP.
Contrairement à ce que soutient la recourante, les dernières conclusions de l'intimée ne sont pas celles qui ressortent du mémoire complémentaire du 7 octobre 2014. En effet, au n. 6.2.4 de sa sentence, l'arbitre constate, de manière à lier le Tribunal fédéral (cf. consid. 2.2 ci-dessus), que l'intéressée a précisé ses conclusions lors de l'audience du 31 octobre 2014, en réclamant le paiement de 599'794 fr. 82, de 30'695 fr., de 1'301'331 fr. 06, de 483'317 fr. et de 44'186 fr. 20, soit d'un total de 2'459'324 fr. 08, intérêts non compris. Et c'est bien à ce montant-ci qu'il a ramené la somme due selon lui par la recourante (2'895'691 fr. 63), afin de ne pas statuer au-delà des demandes dont il était saisi (sentence, n. 9.3 et 9.4).
La recourante se demande en vain comment l'arbitre a pu finalement aboutir aux montants retenus par lui, car une éventuelle contradiction entre les considérants et le dispositif de la sentence attaquée resterait sans incidence sur le traitement du grief examiné. Il en va de même de son affirmation selon laquelle la modification des conclusions de la demande au stade des débats principaux contrevenait à l'une des dispositions arrêtées dans l'ordonnance procédurale n° 1. Aussi bien, décider si l'arbitre est resté, oui ou non, dans les limites des conclusions qui lui ont été effectivement soumises ne dépend pas du point de savoir si ces conclusions ont été prises en temps utile au regard de la procédure applicable.
5.
La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue à maints égards dans un troisième moyen.
5.1. Tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, le droit d'être entendu n'a en principe pas un contenu différent de celui consacré en droit constitutionnel (ATF 127 III 576 consid. 2c; 119 II 386 consid. 1b; 117 II 346 consid. 1a p. 347). Ainsi, il a été admis, dans le domaine de l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral (ATF 127 III 576 consid. 2c; 116 II 639 consid. 4c p. 643).
Le droit d'être entendu en procédure contradictoire, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, n'exige certes pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et les références). Il impose, toutefois, aux arbitres un devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248 et les arrêts cités). Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartient de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral. Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).
5.2. En l'espèce, la recourante rappelle, certes, ces principes dans son mémoire. Elle n'en fait, toutefois, plus grand cas dans ses explications subséquentes, censées constituer "quelques exemples" illustrant la violation de son droit d'être entendue, lesquelles explications revêtent un caractère manifestement appellatoire et tendent, en réalité, à remettre en cause, sous le couvert de la garantie procédurale invoquée, les constatations de fait retenues dans la sentence finale et leur appréciation juridique par l'arbitre. Cette remarque d'ordre général mise à part, les griefs articulés dans le cadre du moyen traité se révèlent infondés, dans la mesure de leur recevabilité, pour les motifs indiqués ci-après.
5.2.1. Tout d'abord, la recourante reproche à l'arbitre de ne pas avoir examiné les faits et les moyens de preuve pertinents invoqués régulièrement par elle. A l'en croire, l'arbitre n'aurait pas évoqué la question des retards avec lesquels l'intimée avait payé ses factures, alors qu'elle-même avait développé, "dans [s]es écritures", ce point central formant l'objet de "la pièce 40 DEF". La recourante souligne, en outre, qu'aucune des dépositions écrites produites par elle n'a été prise en compte par l'arbitre, quand bien même il en ressortait qu'aucune date d'achèvement des travaux n'avait été convenue, que de nombreux travaux supplémentaires avaient fait l'objet d'une demande expresse de l'architecte D.________ et que ni la toiture ni la façade ne présentaient le moindre défaut.
Ainsi formulé, le grief n'apparaît pas suffisamment motivé. La recourante n'y indique pas à quel endroit de ses écritures elle avait développé la question prétendument centrale des retards imputés à l'intimée, pas plus qu'elle n'explique en quoi la pièce invoquée par elle revêtait de l'importance au regard des questions juridiques à traiter par l'arbitre. Il n'appartient pas à la Cour de céans de suppléer d'office à la motivation lacunaire du mémoire de recours sur ces points-là. Quant aux brèves explications complémentaires fournies par l'intéressée en page 8 de sa réplique, elles ne sauraient être prises en considération, eu égard à la jurisprudence relative à l'objet limité d'un tel mémoire (cf. consid. 2.1 ci-dessus). Pour le reste, la recourante ne fait que remettre en cause l'appréciation des preuves qui a permis à l'arbitre de procéder aux constatations de fait incriminées par elle.
5.2.2. La recourante reproche ensuite à l'arbitre de ne pas être entré en matière sur ses conclusions préalables, en particulier sur ses demandes d'un transport sur place et d'une expertise.
S'agissant du transport sur place, l'arbitre a jugé la requête ad hoc tardive, pour avoir été déposée le 10 juin 2014 seulement, alors qu'il avait fixé aux parties, le 11 avril 2014, un délai au 22 avril 2014 pour solliciter un état des lieux contradictoire du chantier. La recourante tente en vain de remettre en cause, à ce stade de la procédure, la fixation d'un tel délai et elle ne saurait déduire du droit à la preuve, en tant qu'élément constitutif de la garantie du droit d'être entendu, l'obligation pour l'arbitre d'administrer un moyen de preuve qui ne lui a pas été présenté en temps utile. De surcroît, l'arbitre a encore énoncé deux autres motifs à l'appui de son refus d'ordonner l'inspection des lieux requise à laquelle l'intimée s'opposait, motifs que la recourante laisse intacts: le premier tenait au fait que cette dernière n'avait pas exposé les raisons pour lesquelles un transport sur place serait indispensable à la résolution du litige; le second, au fait que la requête en question allait à l'encontre de la volonté des parties de désigner l'arbitre en raison de sa parfaite connaissance du dossier et du chantier (sentence, n. 7.7.3.3 et 7.7.3.4).
Quant à l'expertise, l'arbitre l'a estimée contraire à la volonté des parties, manifestée lors de la conclusion du contrat d'entreprise générale, de nommer l'architecte du projet comme arbitre unique dans le but d'éviter de devoir recourir à une expertise en cas de litige (sentence, n. 7.8.3.3). Cette constatation souveraine quant à la volonté concordante des parties au sujet de ce moyen de preuve s'oppose à l'admission du grief tiré de la violation du droit à la preuve.
Il va de soi, sur un plan plus général, que le choix, pour le moins singulier, des parties de désigner l'architecte même du projet en tant qu'arbitre unique ne s'explique guère autrement que par le souci de limiter l'administration des preuves dans toute la mesure du possible et d'éviter ainsi une procédure longue et coûteuse. Que la recourante ne soit pas satisfaite de l'issue du litige n'est pas une raison pour l'autoriser à venir contester a posteriori un tel choix, dont les conséquences, voire les risques, ne pouvaient lui échapper.
5.2.3. On ne perçoit guère où la recourante veut en venir lorsqu'elle fait grief à l'arbitre de ne pas avoir pris en considération sa lettre du 13 novembre 2014. Il est constant que ce courrier a été adressé à l'arbitre après que celui-ci avait gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 31 octobre 2014. La recourante n'était donc plus en droit de requérir l'administration de preuves à ce stade de la procédure.
5.2.4. La recourante reproche, par ailleurs, à l'arbitre d'avoir rejeté sa demande d'audition de ses propres témoins, tout en permettant à l'intimée de poser des questions aux siens, et d'avoir ainsi traité les parties de manière inégale. Il n'en est rien.
C'est le lieu de rappeler, en préambule, que, selon la jurisprudence, l'art. 182 al. 3 LDIP ne confère pas aux parties le droit de poser ou de faire poser oralement des questions aux auteurs de dépositions écrites (arrêt 4A_199/2014 du 8 octobre 2014 consid. 6.2.3 et l'arrêt cité). La recourante ne peut donc pas se plaindre, au titre de la violation de son droit d'être entendue, du fait que l'arbitre n'a pas donné suite à sa demande d'audition de ses témoins ayant fait des déclarations écrites (
witness statements ). Sous l'angle de l'égalité de traitement, elle fustige l'arbitre pour avoir accordé à l'intimée le droit d'interroger ses propres témoins. En réalité, l'arbitre, conformément à une procédure utilisée en matière d'arbitrage international, a permis à la recourante, en sa qualité de partie ayant requis le contre-interrogatoire (
cross-examination ) des témoins de l'autre partie, auteurs de déclarations écrites, d'interroger ceux-ci à l'audience du 31 octobre 2014; puis il a autorisé l'intimée à poser des questions à ces mêmes témoins, c'est-à-dire aux siens, en fonction des réponses qu'ils venaient de faire aux questions de la recourante, ceci à la seule fin de sauvegarder son droit d'être entendue. Un traitement inégal de la recourante n'aurait pu intervenir, dès lors, que si l'intimée avait requis le contre-interrogatoire des témoins de son adverse partie ayant fait des déclarations écrites et que l'arbitre n'eût pas octroyé à la recourante la faculté de poser des questions complémentaires à ces témoins-là, à savoir aux siens. Or, semblable hypothèse ne s'est pas vérifiée
in casu, faute pour l'intimée d'avoir requis l'audition des témoins de la recourante ayant délivré des
witness statements.
Pour le surplus, et comme on l'a déjà relevé, la recourante s'en prend à l'appréciation des preuves, ce qu'elle n'est pas en droit de faire, lorsqu'elle soutient que l'arbitre n'a pas tenu compte, dans sa sentence finale, des dépositions écrites produites par elle.
5.2.5. Si l'on en croit la recourante, l'arbitre aurait fondé sa sentence sur des constatations arbitraires touchant l'état des travaux réalisés, sans fournir aux parties l'occasion de se déterminer à ce propos.
L'intéressée s'en prend, une fois de plus, à l'appréciation des preuves, lorsqu'elle qualifie d'arbitraires les constatations faites dans la sentence attaquée au sujet de l'état des travaux réalisés, ce qui n'est pas admissible dans un recours dirigé contre une sentence arbitrale internationale.
Pour le reste, il n'appert pas du dossier de l'arbitrage que les parties n'auraient pas eu la possibilité de présenter leurs arguments à l'arbitre dans les écritures qu'elles ont échangées et lors de l'audience du 31 octobre 2014.
Enfin, la recourante s'écarte des faits constatés dans la sentence attaquée quand elle affirme que l'arbitre avait commandé lui-même, en tant qu'architecte du projet, la plupart des travaux de plus-values.
5.2.6. En dernier lieu, la recourante se plaint du "rythme de procédure effréné" auquel l'arbitre aurait soumis les parties, en ne leur accordant que de brefs délais pour déposer leurs écritures et en leur imposant une date d'audience qu'elles n'avaient pas proposée. Ce faisant, elle aurait été empêchée de faire valoir ses moyens de manière satisfaisante, notamment de "solliciter la déposition des entreprises de Macédoine qui sont intervenues d'une manière ou d'une autre sur le chantier".
Tel qu'il est présenté, ce moyen ne saurait prospérer. D'abord, il n'en ressort nullement que les parties n'auraient pas été traitées sur un pied d'égalité en ce qui concerne les délais qui leur ont été accordés pour déposer leurs mémoires. Ensuite, comme le souligne avec raison l'intimée, le délai de 20 jours fixé à la recourante pour le dépôt de sa réponse n'avait rien d'extraordinaire au regard du délai de réponse fixé dans une procédure étatique. Enfin, on peut se demander, toujours avec l'intimée, pourquoi la recourante a eu de la peine à observer les délais qui lui avaient été imposés, alors que son adverse partie a pu les tenir sans problème.
Cela étant, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu se révèle infondé dans toutes ses branches.
6.
Dans un ultime moyen, la recourante soutient que la sentence attaquée viole l'ordre public matériel et procédural, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
6.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 132 III 389 consid. 2.2.3). On distingue un ordre public procédural et un ordre public matériel.
Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes civilement incapables (même arrêt, consid. 2.2.1).
L'ordre public procédural, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, qui n'est qu'une garantie subsidiaire (ATF 138 III 270 consid. 2.3), assure aux parties le droit à un jugement indépendant sur les conclusions et l'état de fait soumis au Tribunal arbitral d'une manière conforme au droit de procédure applicable; il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, ce qui conduit à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit (ATF 132 III 389 consid. 2.2.1).
6.2. En l'espèce, ignorant totalement ces définitions qu'elle cite pourtant dans son mémoire, la recourante s'emploie à démontrer que l'arbitre aurait fait montre d'une "mauvaise foi crasse" dans le traitement des questions factuelles et juridiques que soulevait le cas concret, en particulier s'agissant du coût de l'ouvrage et des prétendus défauts affectant ce dernier, de la créance pour perte de gain, ainsi que des frais et dépens de l'arbitrage. Il appert des explications fournies par elle au sujet de ces différents postes que l'intéressée confond manifestement le Tribunal fédéral avec une cour d'appel, voire dans l'hypothèse qui lui est la plus favorable, avec une juridiction chargée de sanctionner l'arbitraire dans les constatations de fait et l'application du droit. Cette confusion apparaît encore plus nettement dans le mémoire de réplique où la recourante propose une démonstration nouvelle, déjà irrecevable pour cette seule raison (cf. consid. 2.1 ci-dessus), qui vise à démontrer, poste par poste, que les considérations émises par l'arbitre seraient insoutenables.
Il en résulte l'irrecevabilité totale de cet ultime grief.
7.
Le recours devant être rejeté, en tant qu'il est recevable, la requête d'effet suspensif présentée par son auteur devient sans objet.
8.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 17'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre unique ad hoc.
Lausanne, le 21 mai 2015
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Kiss
Le Greffier: Carruzzo