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Chapeau
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77. Extrait de l'arrêt du 5 mai 1976 dans la cause Société des grands travaux de Marseille contre République populaire du Bangladesh, Bangladesh industrial development corporation et Genève, Cour de justice
Regeste
Procédure arbitrale. Substitution de parties. Ordre public suisse.
Art. 4 Cst., art. 8, 9, 28, 36 let. b et f, 40 du Concordat intercantonal sur l'arbitrage, art. 17 PCF.
1. Recours en nullité prévu aux art. 36 ss Conc.: caractère purement cassatoire, en principe (consid. 4).
2. Compétence du tribunal arbitral: pouvoir d'examen de l'autorité cantonale de recours (consid. 5).
3. Violation du principe de la bonne foi: pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (consid. 6).
4. Réserve de l'ordre public suisse (consid. 7 et 8).
5. Substitution de parties (consid. 8).
Par contrat du 7 octobre 1965, l'"East Pakistan industrial development corporation" (EPIDC) a chargé la "Société des grands travaux de Marseille" (SGTM) de la construction d'un gazoduc dans une région du Pakistan oriental qui fait aujourd'hui partie de la République populaire du Bangladesh. Le contrat prévoyait que tout différend portant sur une quelconque question relative au contrat serait soumis à l'arbitrage de la Chambre internationale du commerce à Genève.
Un litige ayant surgi au sujet d'un montant de 12'312'772 F. réclamé par la SGTM à l'EPIDC et contesté par celle-ci, les parties ont désigné un arbitre unique domicilié à Londres. Lors d'une conférence avec l'arbitre tenue à Londres le 20 juillet 1970, il fut convenu que le for de l'arbitrage serait a Genève et que l'arbitre appliquerait la procédure civile du canton de Genève. Le compromis arbitral soumis par l'arbitre aux parties a été signé par elles le 7 mai 1972.
Le Pakistan oriental s'est détaché de la République pakistanaise en 1971 pour former la République populaire du Bangladesh, dont l'indépendance a été déclarée le 26 mars 1971 et proclamée le 10 avril 1971.
Par arrêté du 9 mai 1972, le Président du Bangladesh a ordonné la création d'une nouvelle société dénommée "Bangladesh industrial development corporation" (BIDC), destinée à reprendre les actifs de l'EPlDC. L'ordonnance du gouvernement pakistanais du 4 juin 1962, par laquelle avait été fondée cette dernière société, continuait à s'appliquer à la BIDC, sauf dérogation apportée par l'arrêté du 9 mai 1972, lequel stipulait notamment que les dettes étaient considérées comme reprises par la BIDC (à moins que le gouvernement n'en décide autrement), mais que les procédures arbitrales auxquelles l'EPIDC était partie seraient considérées comme devenues caduques, une sentence ou décision rendue dans de telles procédures étant sans effet, que toute clause arbitrale serait considérée comme dépourvue de tout effet juridique, à moins que les litiges faisant l'objet d'une procédure arbitrale puissent être liquidés par un accord avec la BIDC. L'ordonnance présidentielle du 4 juillet 1972 a décrété que l'EPIDC devait être dissoute dès l'entrée en fonction de la BIDC.
Lors des audiences tenues à Genève les 20, 21 et 22 novembre 1972, il se révéla qu'un arrêté présidentiel promulgué le 15 novembre 1972 et entré en force avait prononcé la
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dissolution de la BIDC, attribuant tous les actifs de la société au gouvernement et déclarant que ce dernier examinerait les requêtes alléguant une dette, responsabilité ou obligation de la société et aurait le pouvoir d'effectuer à bien plaire des paiements d'indemnisation, si et dans la mesure où la réclamation apparaîtrait comme justifiée. Quelques jours auparavant, le gouvernement du Bangladesh avait décrété que toute dette, responsabilité ou obligation encourue par la ci-devant EPIDC, résultant de n'importe quel contrat, serait considérée comme n'ayant pas été encourue, assumée ou faite par la BIDC, si elle était l'objet d'un litige.Par décision de procédure du 15 décembre 1972, l'arbitre a autorisé la SGTM à substituer la BIDC à l'EPIDC en qualité de défenderesse et à mettre en cause la République populaire du Bangladesh en qualité de seconde défenderesse.
Saisie d'un recours en nullité formé par les défenderesses, la Cour de justice de Genève a déclaré irrecevable au fond le recours de la BIDC, dépourvue d'existence légale, mais a admis celui de la République populaire du Bangladesh, annulé la sentence arbitrale du 15 décembre 1972 et déclaré que l'arbitre n'avait pas la compétence d'autoriser la mise en cause, dans le présent arbitrage, de la République populaire du Bangladesh, ni la substitution de la BIDC, personne morale inexistante, à l'EPIDC, également dissoute.
Saisi d'un recours de droit public formé par la SGTM, le Tribunal fédéral l'a rejeté dans la mesure où il était recevable.
Extrait des considérants:
4. La recourante se plaint de ce que la Cour de justice ait violé le concordat intercantonal sur l'arbitrage (en abrégé: conc.) en ne se bornant pas à casser la sentence arbitrale, mais en excluant elle-même la compétence de l'arbitre pour étendre l'arbitrage à la BIDC et à la République populaire du Bangladesh.
Il est vrai qu'en principe le recours en nullité prévu aux art. 36 ss conc. n'a qu'un caractère purement cassatoire. Cela découle clairement du texte de l'art. 40, lequel ne prévoit une exception que si la sentence est simplement renvoyée au Tribunal arbitral pour rectification ou complément (art. 40, al. 1 et art. 39), ou lorsqu'il s'agit de la fixation des honoraires des arbitres (art. 40 al. 3 et art. 36 let. i).
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Mais lorsque l'autorité de recours constate que l'arbitre n'est pas compétent pour statuer sur un litige, il lui incombe en général de prendre elle-même les mesures qui s'imposent à la suite de cette constatation. Il en va de même en matière de recours de droit public, dont le caractère en principe purement cassatoire n'empêche pas le Tribunal fédéral d'y faire exception, le cas échéant, et de désigner lui-même l'autorité compétente ou de prendre les mesures qui s'imposent ensuite de la constatation de l'incompétence de l'autorité dont la décision est attaquée (cf. BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, p. 388 let. b).
On observera d'ailleurs que l'arrêt attaqué ne fait que reprendre, dans son dispositif - sans doute pour bien la mettre en évidence - la constatation d'incompétence de l'arbitre telle qu'elle ressort des considérants de droit. L'absence de ce point dans le dispositif n'aurait rien changé au fait que l'arbitre, obligé de s'en tenir aux considérants de l'arrêt de la Cour de justice, ne pouvait plus se déclarer compétent pour autoriser la mise en cause de la BIDC et de la République populaire du Bangladesh dans l'arbitrage en cours, ni la substitution de la BIDC, personne morale inexistante, à l'EPIDC, également dissoute.
5. La recourante reproche à la Cour de justice d'avoir considéré la question qui lui était soumise comme une question de compétence au sens de l'art. 8 conc. (susceptible de faire l'objet d'un recours immédiat: art. 9 et 36 let. b conc.) et d'avoir statué librement sur le recours en nullité, alors qu'il ne s'agirait pas d'une question de compétence, mais de qualité pour défendre - soit une question de fond -, le recours en nullité contre une telle décision ne pouvant être formé que pour arbitraire (art. 36 let. f conc.). Elle reproche donc à la Cour de justice d'avoir statué librement, alors qu'elle n'aurait dû le faire que sous l'angle de l'arbitraire. Elle prétend aussi que l'autorité cantonale aurait dû déclarer irrecevable le recours immédiat fondé sur l'art. 9 conc.; elle reconnaît cependant que le juge peut, selon l'art. 108 de la loi genevoise de procédure civile, se prononcer tout de suite non seulement sur la question de compétence, mais aussi sur tous les autres chefs. Elle semble donc admettre que la sentence arbitrale incidente pouvait faire immédiatement l'objet d'un recours en nullité à la Cour de justice. Finalement, c'est donc uniquement le libre examen exercé par la Cour de justice qu'elle
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qualifie de violation du concordat (art. 8, 9, 36 let. b et f) et qui l'amène à demander l'annulation de la décision attaquée. Elle soutient que la Cour de justice n'aurait jamais qualifié d'arbitraire la sentence incidente du 15 décembre 1972.Il ressort déjà du libellé des art. 8 et 9 conc. et de leur place dans le concordat (chap. II intitulé "Convention d'arbitrage") que la question de compétence de l'arbitre, qui est une condition de recevabilité de la procédure arbitrale (ATF 96 I 338 consid. 2), est étroitement liée à des problèmes relevant du droit matériel. C'est ainsi que la compétence de l'arbitre peut dépendre du point de savoir si les personnes qui ont signé le compromis arbitral disposaient des pouvoirs de représentation nécessaires: mais cette dernière question n'est qu'une question préjudicielle par rapport au problème principal de procédure (ATF 101 II 170 consid. 2). Or, si l'autorité cantonale de recours examine librement la décision de l'arbitre statuant sur sa propre compétence, cela implique qu'elle examine tout aussi librement les questions de droit matériel dont dépend la décision sur la compétence.
En l'espèce, l'arbitre a manifestement voulu trancher, le 15 décembre 1972, un "incident de procédure", à savoir très précisément quelle est la conséquence de la dissolution de la BIDC "sur la présente procédure et sur ma compétence à poursuivre l'arbitrage" (ch. 4 des motifs de sa sentence). Pour répondre à cette question de procédure, il a certes statué, mais à titre préjudiciel, sur des problèmes liés au droit de fond, à savoir ceux qui se posent en relation avec la succession de la BIDC à l'EPIDC et à la dissolution de ces deux entités juridiques. Il est caractéristique à cet égard que la sentence de l'arbitre se réfère expressément à la position comme partie (défenderesse) à la procédure de la BIDC, respectivement de la République populaire du Bangladesh. Il s'agit là d'une notion de procédure, distincte en soi de la question de qualité pour défendre. Admettre une partie (ou autoriser sa mise en cause) comme défenderesse à la procédure n'équivaut nullement à la reconnaître débitrice de la créance invoquée par la demanderesse; cela implique en revanche de la part de l'arbitre, comme l'a exposé la juridiction cantonale, la volonté "d'étendre son pouvoir de décision", ce qui est proprement une décision sur la compétence au sens de l'art. 8 conc. Cela résulte aussi de l'ordonnance de l'arbitre du 12 octobre 1972;
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il en ressort que, pour la BIDC, le seul motif de sa participation aux discussions en vue de l'audience à fixer était d'exposer que l'arbitre n'était pas compétent pour se prononcer sur la requête de la SGTM ni pour rendre aucune autre décision à l'avenir.C'est donc avec raison que la Cour de justice a statué librement sur le recours en nullité qui lui était soumis.
6. La recourante se plaint d'une violation du principe de la bonne foi, qui serait formulé implicitement par l'art. 25 conc. et qui découle de l'art. 4 Cst. C'est bien dans la perspective de l'art. 4 Cst. qu'il faut examiner ce grief.
Le principe de la bonne foi, appliqué à l'activité de tous les services de l'Etat, découle directement de l'art. 4 Cst.; dans la mesure où il constitue une norme pour l'activité des autorités, il revêt en effet le caractère d'un principe constitutionnel et le Tribunal fédéral examine librement s'il a été respecté (ATF 98 Ia 432, ATF 97 I 497, ATF 94 I 520 ss). S'agissant de l'application du principe de la bonne foi en procédure civile, il faut opérer une distinction selon qu'il impose des obligations au juge ou aux parties (cf. GULDENER, Treu und Glauben im Zivilprozessrecht, RSJ 1943, p. 389). Dans la mesure où il fixe une règle de comportement général du juge, il découle directement de l'art. 4 Cst. et le Tribunal fédéral examine librement s'il a été violé. Lorsque, en revanche, on invoque les règles de la bonne foi relativement au comportement des parties dans le cadre du procès civil (c'est l'usage qui en est fait généralement), il ne s'agit plus d'un principe constitutionnel, mais d'une norme de procédure, bien admise aujourd'hui par la jurisprudence et la doctrine, mais dont le Tribunal fédéral saisi d'un recours de droit public ne connaît que sous l'angle restreint de l'arbitraire (cf. ATF 83 II 348 ss).
La recourante semble vouloir invoquer d'une part la violation d'un principe constitutionnel direct, en imputant à la juridiction cantonale de n'avoir elle-même pas respecté le principe de la bonne foi. Mais elle n'allègue rien qui permettrait de dire que la Cour de justice, en instruisant le recours en nullité et en le jugeant, aurait commis un abus de droit manifeste. Si elle s'est trompée, si même elle a versé dans l'arbitraire, cela ne signifierait pas encore qu'elle l'ait fait de mauvaise foi, en usant de procédés inadmissibles et injustifiables. La recourante n'ayant pas prétendu que la juridiction cantonale
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aurait violé ses obligations découlant du principe constitutionnel de la bonne foi au sens de ce qui précède, son grief est irrecevable sur ce point.En réalité, la critique de la recourante porte bien plutôt sur le fait que la Cour cantonale n'aurait pas reconnu que les intimées ont été de mauvaise foi dans toute leur manière d'agir et n'en aurait pas tiré les conséquences dans sa décision. Ce grief est lié étroitement à celui que la recourante adresse à la juridiction cantonale de n'avoir pas opposé l'ordre public suisse à l'application sans réserve, au cas d'espèce, des ordonnances de l'Etat du Bangladesh. Ces deux griefs n'ont pas de portée différente: ils signifient tous deux que la juridiction cantonale a violé l'art. 4 Cst. en tombant dans l'arbitraire.
7. L'arbitre a admis que son pouvoir de décision - sa compétence - soit, sur requête de la SGTM, étendu à la BIDC ainsi qu'à la République populaire du Bangladesh, lesquelles n'étaient formellement pas parties à la convention d'arbitrage. Constatant que les conditions des art. 28 conc. et 17 al. 1 PCF ne sont pas remplies, l'arrêt attaqué nie qu'aux termes du droit du Bangladesh - à l'application duquel on ne saurait opposer l'ordre public suisse - il puisse y avoir une "succession universelle" ou des "dispositions légales spéciales" entraînant une substitution de parties.
La recourante reproche essentiellement à la juridiction cantonale d'avoir appliqué aveuglément des ordonnances du Bangladesh incompatibles - en partie du moins - avec l'ordre public suisse.
a) Les parties et la juridiction cantonale ont admis avec raison que tous les problèmes relatifs à la condition juridique de la personne morale sont régis par le droit de l'Etat dans lequel elle a son siège et auquel elle doit sa personnalité (ATF 95 II 448 consid. 1, ATF 91 II 125). C'est ce même droit qui s'applique lorsqu'il s'agit de personnes morales de droit public (ATF 76 III 62ss).
b) Le Tribunal fédéral a parfois déclaré que le droit public étranger ne saurait, en tant que tel, être pris en considération en Suisse. On peut se dispenser de revoir cette question en l'espèce; il suffit en effet de se fonder sur l'ordre public suisse pour examiner s'il y a lieu d'exclure, le cas échéant, l'application du droit public étranger (cf. F. VISCHER, Droit international privé, in Traité de droit privé suisse, I 4, p. 29/30; LALIVE,
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Sur l'application du droit public étranger, Annuaire suisse de droit international, 1971, p. 103 ss).c) La Cour de justice a déclaré que la clause d'ordre public ne s'appliquait pas en l'espèce, en raison de l'absence de toute relation territoriale de la présente affaire avec la Suisse. On peut se demander si le fait que le for de l'arbitrage est en Suisse - où ont été tenues des audiences du Tribunal arbitral - et que des règles du droit suisse ont été appliquées n'est pas suffisant pour créer une relation territoriale au sens requis par la jurisprudence (ATF 94 II 303 s. et les arrêts cités). La question peut cependant rester indécise, car même si la clause de l'ordre public pouvait s'appliquer en l'espèce, elle ne permettrait pas de faire échec à la solution adoptée par la Cour de justice, ainsi qu'on va le voir.
d) La clause d'ordre public a une fonction essentiellement négative; elle permet au juge d'exclure l'application du droit étranger, lorsqu'elle heurterait de manière intolérable le sentiment du droit tel qu'il existe généralement en Suisse et violerait les règles fondamentales de l'ordre juridique suisse, ce qui n'est pas déjà le cas lorsque la règle étrangère est contraire à une disposition impérative de droit suisse (ATF 97 I 256, ATF 96 I 391 et 397, ATF 93 II 382 consid. 4a, ATF 87 I 194).
Est notamment incompatible avec l'ordre public suisse l'application d'une règle de droit étranger dont le résultat impliquerait une violation manifeste du principe "pacta sunt servanda" (SCHÖNENBERGER/JÄGGI, Kommentar V 1a, 3e éd., Allg. Einleitung, n. 130) ou de la règle de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit (idem, n. 131). La réserve de l'ordre public suisse s'applique également à l'égard de mesures de spoliation, quels que soient les termes dont elles sont désignées (idem, n. 132). Le fait qu'un Etat s'approprie les actifs d'une société qui lui est soumise, sans égard aux passifs dont ils répondent, est incompatible avec l'ordre public suisse (ATF 53 III 58, 51 II 264). Mais les atteintes qu'un Etat ordonne sur des biens situés sur son territoire doivent en principe être reconnues à l'étranger, sauf dans le cas exceptionnel où elles seraient contraires à des règles de droit fondamentales, en particulier si elles revêtent un caractère discriminatoire au détriment de certaines personnes (F. VISCHER, op.cit., p. 165 s. et la jurisprudence citée, p. 168).
8. a) Selon l'art. 28 conc., l'intervention et l'appel en
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cause d'un tiers ne peuvent résulter que d'une convention d'arbitrage entre le tiers et les parties en cause. Selon l'art. 17 al. 3 de la loi fédérale de procédure civile fédérale, du 4 décembre 1947 (PCF), applicable en vertu du renvoi de l'art. 24 al. 2 conc., le changement des personnes n'entraîne pas substitution de parties lorsqu'il s'opère par succession universelle ou en vertu de dispositions légales spéciales.Les arrêtés de l'Etat du Bangladesh des 9 mai et 11 novembre 1972 n'instituent pas une succession universelle, ni ne constituent des dispositions légales spéciales au sens de l'art. 17 al. 3 PCF. Mais on ne saurait nier que, concrètement, ils ont pour effet de priver la recourante de la possibilité de faire valoir ses prétentions conformément à la procédure arbitrale prévue dans le contrat du 7 octobre 1965. Ils ont ainsi un caractère discriminatoire, du fait que la recourante est pratiquement la seule visée par l'exception à la succession universelle contenue dans ces arrêtés.
Si ces mesures discriminatoires devaient s'appliquer directement dans une sentence arbitrale suisse et à l'égard de créanciers suisses, on devrait s'y opposer en vertu de la clause d'ordre public suisse. Cette clause a précisément pour fonction de refuser l'application de règles légales étrangères ayant concrètement des conséquences spoliatrices.
Mais le problème ne se pose pas de cette façon en l'espèce, où il s'agit uniquement de savoir si l'on peut obliger la République populaire du Bangladesh - qui a indirectement repris, par le canal de la BIDC, les actifs de l'EPIDC, signataire du contrat - à se soumettre à la clause arbitrale contenue dans ce contrat et à participer comme défenderesse à une procédure arbitrale à laquelle elle a d'emblée et constamment refusé de se soumettre. A défaut de convention au sens de l'art. 28 conc. et en l'absence de succession universelle ou de dispositions légales spéciales au sens de l'art. 17 al. 3 PCF, un tel refus ne saurait être considéré comme incompatible avec l'ordre public suisse. Aucune règle impérative et bien établie de l'ordre juridique suisse n'oblige quelqu'un à se soumettre contre son gré à une procédure arbitrale. D'ailleurs, en raison de la fonction négative de la clause de l'ordre public suisse, l'arbitre ne pouvait pas se fonder sur cette clause pour contraindre la République populaire du Bangladesh à se soumettre à la procédure arbitrale.
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C'est donc avec raison que la Cour de justice a annulé la sentence incidente du 15 décembre 1972.
b) La négation de la compétence de l'arbitre pour mettre en cause la République populaire du Bangladesh dans la procédure d'arbitrage n'empêche cependant pas la recourante de faire valoir ses prétentions par d'autres voies que celle de l'arbitrage; elle n'implique pas davantage la reconnaissance - et encore moins l'approbation - par les autorités suisses des procédés par lesquels l'intimée viserait à se soustraire aux obligations découlant de la reprise des actifs de l'EPIDC, puis de la BIDC.
9. La recourante invoque encore, en plus de l'ordre public suisse, l'"ordre public international", qui ferait lui aussi obstacle à l'application, en l'espèce, des ordonnances du Bangladesh. Cette notion semble n'avoir jamais été utilisée par le Tribunal fédéral (cf. cependant ATF 101 Ia 530). Il s'agit bien plutôt d'une formule proposée par certains auteurs qui ne lui attribuent d'ailleurs pas une signification bien précise et univoque (cf., par exemple, SCHNITZER, Handbuch des internationalen Privatrechts, 4e éd., I, p. 229 s.; SCHÖNENBERGER/JÄGGI, op.cit., n. 115; LALIVE, ASDI 1971, p. 137; GENTINETTA, Die lex fori internationaler Handelsschiedsgerichte, 1973, p. 264 et 266). On ne voit pas en quoi cet "ordre public international" limiterait l'application du droit étranger davantage, ou d'une autre manière, que ne le fait la réserve de l'ordre public suisse. Comme la recourante ne donne aucune indication dans ce sens, il n'y a pas lieu d'examiner cette question de manière plus approfondie.