103 II 168
Chapeau
103 II 168
29. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 27 octobre 1977 dans la cause X. contre Y.
Regeste
Art. 151 al. 1 CC.
La condition première de l'allocation d'une indemnité (ou d'une pension alimentaire) est que la faute du conjoint qui y prétend soit légère en soi: le juge ne saurait donc procéder à un examen purement comparatif des torts des époux.
Prononçant le divorce des époux X.-Y., le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a alloué à l'épouse une rente d'indemnité de 200 fr. par mois. Saisie par le mari, la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg s'est bornée à réduire l'indemnité à 100 fr. par mois. Elle a maintenu la décision du premier juge dans son principe, pour le motif que les torts de l'époux étaient nettement prépondérants.
Sieur X. a recouru au Tribunal fédéral, qui a dénié à dame Y. tout droit à une indemnité.
Extrait des considérants:
2. Selon la jurisprudence fédérale, le juge doit pouvoir accorder une indemnité, éventuellement réduite, si les conditions de l'espèce font apparaître inéquitable (art. 4 CC) de refuser toute prestation à un conjoint dont la faute, sans être tout à fait secondaire au point qu'elle puisse être tenue pour négligeable, apparaît comme légère au regard de l'ensemble des circonstances et de la faute prépondérante de l'autre époux (ATF 99 II 130, 355). Le Tribunal fédéral a tenu à "laisser la porte ouverte à une solution nuancée", partant de l'idée, exprimée d'abord à propos de la pension alimentaire de l'art. 152 CC puis reprise au sujet de l'indemnité de l'art. 151 al. 1 CC, qu'il ne faut pas faire payer trop durement à un conjoint divorcé des manquements légers, qui, en soi, n'auraient pas conduit au divorce (ATF 98 II 13).
En l'espèce, la Cour d'appel constate que "ni l'un ni l'autre des époux n'est sans reproche". "Mais, poursuit-elle, la question est de savoir si les torts du mari l'emportent à un point tel qu'ils soient qualifiés de prépondérants, l'épouse revêtant alors la qualité de conjoint innocent". Au terme de l'examen du cas, la Cour conclut: "C'est en définitive l'écart de conduite du mari avec dame B. qui, dans la comparaison des torts réciproques des époux, fait pencher la balance en défaveur du mari, au point que les torts de l'épouse, bien que réels, ne la privent pas de la qualité de conjoint innocent."
Alors que le Tribunal fédéral a assoupli le critère indiqué à l'art. 151 CC, les juges d'appel l'ont modifié: à la notion d'époux innocent, ils ont substitué celle du conjoint le moins coupable. L'étude des torts des parties à laquelle ils ont procédé a ainsi été essentiellement comparative: l'intimée a obtenu une indemnité parce que la désunion est surtout imputable au mari. C'est là sortir du cadre de la loi et perdre de vue que la condition première de l'octroi d'une indemnité est que la faute de celui qui y prétend soit légère en soi.
Tel n'est précisément pas le cas en l'occurrence. Dame Y. ne le cédait en rien à son mari sur le plan des injures. Elle s'enivre, devenant ainsi violente, même à l'égard des enfants; selon la Cour d'appel, ces abus d'alcool "ont dû jouer un rôle dans la tension survenue entre les époux". Enfin, elle a eu une
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liaison suspecte avec G. Elle a d'abord dit que G. était "un bon ami auquel elle se confiait", mais, en instance d'appel, elle a reconnu avoir entretenu des relations sexuelles avec lui dès le 7 octobre 1975, date du dépôt de la requête de conciliation, alors que les époux n'étaient pas encore séparés. Cette liaison étant très proche de la suspension de la vie commune, la Cour cantonale n'exclut pas qu'elle ait été un obstacle à une éventuelle réconciliation: la tentative de conciliation a été suspendue lors de la première audience, du 27 octobre 1975, et l'échec n'en a été constaté qu'à une audience postérieure, du 16 décembre 1975. L'intimée s'est ainsi rendue coupable d'un adultère dont elle n'a pas établi qu'il soit sans relation de causalité avec la rupture définitive du lien conjugal.Ayant commis des fautes répétées et caractérisées, dont certaines sont graves, dame Y. ne peut prétendre être l'époux innocent au sens de l'art. 151 al. 1 CC, lors même que les torts du mari apparaissent prépondérants.