103 II 314
Urteilskopf
103 II 314
51. Arrêt de la Ire Cour civile du 7 novembre 1977 dans la cause Commune de Villars-sur-Glâne contre Cremo S.A.
Regeste
Art. 41 lit. c Abs. 2 OG, Begriff der zivilrechtlichen Streitigkeit.
Art. 41 lit. c Abs. 2 OG bezieht sich nur auf zivilrechtliche Streitigkeiten im engeren Sinne; gleicher Begriff der zivilrechtlichen Streitigkeit wie bei der Berufung (E. 2).
Streit über die Auslegung eines Vertrages betreffend die Lieferung von Wasser durch eine Gemeinde an eine auf ihrem Gebiet niedergelassene Unternehmung; Nichteintreten auf eine Klage im Sinne der Art. 41 lit. c Abs. 2 (E. 3), Art. 118 und 121 OG (E. 4).
Le 29 mai 1959, la commune de Villars-sur-Glâne a vendu à Cremo S.A. un terrain de 32006 m2 destiné à la construction et à l'exploitation d'une usine pour produits laitiers. Sous ch. 6 al. 1 et 2, l'acte de vente disposait ce qui suit:
"La Commune de Villars-sur-Glâne s'engage à fournir à Cremo S.A. toute l'eau potable nécessaire à l'exploitation de l'entreprise qui sera installée sur les immeubles objets des présentes. Cet engagement est valable pour toute la durée de ladite exploitation.
Pour les dix premières années à compter de la mise en exploitation de l'usine, le prix de l'eau est d'ores et déjà fixé à quatorze centimes le mètre cube. Pour les années suivantes, ce prix de gros sera adapté à l'occasion de chaque modification du tarif communal du Service des eaux, mais il sera toujours inférieur de 65% (soixante-cinq pour cent) par rapport au prix de détail facturé aux ménages."
Cremo S.A. a construit son usine sur le terrain acheté et a commencé son exploitation en décembre 1963. Elle a transféré son siège social à Villars-sur-Glâne en 1971. Jusqu'à fin 1969, la commune lui a facturé l'eau consommée au prix de 14 ct./m3 fixé par le ch. 6 al. 2 de l'acte de vente. De 1970 à 1973, elle n'entend facturer à ce prix que les premiers 220000 m3, le surplus étant compté au tarif communal en vigueur. Dès 1974, elle prétend appliquer exclusivement le tarif valable pour les autres abonnés. Cremo S.A. s'en tient aux conditions fixées par l'acte de vente. Elle a payé l'eau qui lui a été fournie au prix de 14 ct. jusqu'en 1973, et de 16 2/3 ct. (1/3 de 50 ct.) en 1974.
Les parties ont passé le 21 février 1974 une convention de prétérition d'instance par laquelle elles sont convenues de saisir directement le Tribunal fédéral selon l'art. 41 litt. c OJ.
Dans sa demande du 5 mars 1976, la commune de Villars-sur-Glâne a pris des conclusions tendant à l'interprétation, selon sa thèse, de la clause de fourniture d'eau du contrat de vente du 29 mai 1959, ainsi qu'au paiement de la somme de
BGE 103 II 314 S. 316
294'206 fr. 60, représentant la différence entre ce qu'elle a reçu de Cremo S.A. pour l'eau fournie et ce qu'elle estime lui être dû.Considérant en droit:
1. Aux termes de l'art. 41 litt. c al. 2 OJ, le Tribunal fédéral connaît en instance unique "d'autres contestations de droit civil (que celles indiquées sous litt. a et b), lorsque les deux parties saisissent le tribunal à la place des juridictions cantonales et que la valeur litigieuse est d'au moins 20'000 francs".
L'action est recevable en ce qui concerne la valeur litigieuse: le minimum exigé de 20'000 fr. est largement dépassé au regard des conclusions de la demande.
Les deux parties ayant saisi le Tribunal fédéral à la place de la juridiction fribourgeoise compétente, il reste à examiner si l'on se trouve en présence d'une contestation civile au sens de l'art. 41 litt. c al. 2
2. a) Les différents cas prévus par l'art. 41 OJ faisaient l'objet, dans la loi sur l'organisation judiciaire fédérale de 1893, des art. 48 al. 1 ch. 1 à 3 (correspondant à l'art. 41 litt. a et b OJ) et 52 (art. 41 litt. c OJ), l'art. 48 ch. 4 étant devenu l'actuel art. 42. Le Message du Conseil fédéral à l'appui d'une nouvelle loi sur l'organisation judiciaire, du 9 février 1943, relève que, pour atteindre le but visé par les art. 48 ss de l'ancienne loi, le Tribunal fédéral s'était vu obligé de donner aux expressions "différends de droit civil" ou "contestations civiles" employées dans ces articles une interprétation sensiblement plus large qu'à la notion des causes civiles figurant aux art. 56 ss sur le recours en réforme, c'est-à-dire qu'il avait dû comprendre sous ces expressions presque toute prétention pécuniaire des particuliers envers l'Etat; à l'occasion de la revision partielle de la loi en 1921, l'art. 52 avait été d'ailleurs expressément déclaré applicable à d'autres causes "même quand le différend sur lequel elles portent n'est pas de pur droit civil"; du fait de l'évolution législative et de la loi sur la juridiction administrative et disciplinaire, poursuit le Message, cette extension ne s'impose toutefois plus dorénavant qu'en ce qui concerne la compétence facultative du Tribunal fédéral en cas de contestations entre cantons d'une part et corporations
BGE 103 II 314 S. 317
ou particuliers d'autre part selon l'art. 48 ch. 4; ces cas de contestations civiles au sens large (art. 42 du projet) s'opposent à ceux de contestations civiles au sens étroit groupés à l'art. 41 (FF 1943, p. 120).b) Le Tribunal fédéral a également déclaré, peu après l'entrée en vigueur de la loi de 1943, que l'art. 41 de cette loi ne concernait plus que les contestations civiles au sens étroit; pour les actions dérivant du droit public formées par la Confédération ou contre elle, ou par un canton contre un autre, la compétence du Tribunal fédéral en tant que juridiction unique résulte des art. 110 et 83 litt. b OJ rev. (actuellement art. 116 et 83 litt. b OJ); la prorogation de juridiction en ce qui concerne les contestations administratives est prévue par l'art. 112 (118), tandis que l'art. 116 (121) vise les différends administratifs en matière cantonale que l'art. 114bis Cst. autorise les cantons, moyennant l'approbation de l'Assemblée fédérale, à porter devant le Tribunal fédéral en qualité de cour administrative; l'extension donnée à la notion de différend de droit civil n'a donc plus d'importance que pour les cas visés par l'art. 48 ch. 4 anc. OJ, c'est-à-dire pour les contestations entre cantons d'une part et corporations ou particuliers d'autre part, qui font l'objet de l'art. 42 OJ rev. (ATF 71 II 173s.). Le Tribunal fédéral a confirmé ce point de vue par la suite (ATF 88 II 385, ATF 77 I 94), en précisant que la notion de contestation civile en matière de recours en réforme était la même qu'à l'art. 41 (ATF 93 II 410 consid. 1b, avec référence à BIRCHMEIER, n. 2 et 9 ad art. 41 OJ).
c) Par contestation civile, au sens des art. 41, 44 et 46 OJ , la jurisprudence entend une procédure qui vise à provoquer une décision définitive sur des rapports de droit civil et qui se déroule en instance contradictoire, devant un juge ou toute autre autorité ayant pouvoir de statuer, entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales agissant comme titulaires de droits privés, ou entre une telle personne et une autorité à laquelle le droit civil confère la qualité de partie (ATF 101 II 359 et les arrêts cités, 369). C'est d'après l'objet du litige qu'il y a lieu de déterminer si l'on se trouve en présence d'une contestation relevant du droit civil ou du droit public (ATF 101 II 369).
3. a) La demanderesse admet que le contrat de fourniture d'eau que passe une commune avec les particuliers relève
BGE 103 II 314 S. 318
généralement du droit administratif. Mais en l'espèce, dit-elle, la clause relève du droit civil, puisqu'elle comporte des engagements pris réciproquement ou unilatéralement dans le cadre d'un contrat de vente où les parties entraient en relation sur un pied d'égalité; c'est donc à la lumière des normes du droit privé que le litige devrait trouver sa solution; même si l'on avait à faire à un contrat de droit administratif, son interprétation devrait se faire en principe selon les mêmes règles que celles applicables à un contrat de droit privé.b) L'acte de vente immobilière du 29 mai 1959 par lequel la demanderesse cédait à la défenderesse le terrain destiné à lui permettre d'installer son entreprise sur le territoire de la commune relève du droit privé. La contestation ne porte toutefois pas sur la vente elle-même, mais concerne exclusivement le ch. 6 des conditions de vente, relatif à la fourniture d'eau. L'engagement contracté par la demanderesse de fournir à la défenderesse "toute l'eau potable nécessaire à l'exploitation de son entreprise" (ch. 6 al. 1) n'est d'ailleurs pas litigieux. Seul est en cause le prix de l'eau fournie en vertu de cet engagement, ce qui fait l'objet du ch. 6 al. 2: alors que la défenderesse s'en tient aux termes de cette disposition, la demanderesse soutient qu'elle ne saurait être tenue, sans limite de temps et de quantité, de fournir l'eau aux conditions prévues.
c) L'accord intervenu entre la commune demanderesse et la défenderesse au sujet de la fourniture de l'eau nécessaire à l'entreprise de cette dernière, à des conditions déterminées, ne vise pas à régir des rapports de droit privé entre personnes placées sur pied d'égalité; il fixe les droits et devoirs de la commune dans le cadre de l'exécution d'une tâche d'intérêt public, à savoir l'approvisionnement en eau de la population et des entreprises installées sur le territoire communal; cet accord constitue un contrat de droit administratif au sens de la jurisprudence et de la doctrine (ATF 102 II 57 et les références citées: ATF 99 Ib 120 consid. 2, ATF 95 I 418 ss, ATF 93 I 509 ss, ATF 87 I 281, ATF 81 I 393, ATF 78 II 27; IMBODEN, RDS 77/1958 II 1a ss; ZWAHLEN, RDS 77/1958 II 461a ss; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 219 ss). La demanderesse a consenti à la défenderesse, par la clause litigieuse, une dérogation au tarif applicable aux autres usagers du service communal de l'eau. L'octroi de ces conditions exceptionnelles,
BGE 103 II 314 S. 319
destiné à favoriser l'implantation d'une nouvelle industrie sur le territoire de la commune et, par là, à accroître les ressources fiscales de celle-ci, justifiait que la fourniture de l'eau fasse l'objet d'une clause contractuelle, insérée dans l'acte de vente immobilière conférant à la défenderesse la propriété des terrains destinés à la construction de son usine. Mais cette clause régit des relations de droit public entre la commune et la défenderesse, en sa qualité d'usager d'un service communal, et relève dès lors non pas du droit civil, mais du droit public (ZWAHLEN, op.cit., p. 563a ss, 573a).Contrairement à ce qu'admet la demanderesse, il n'importe pas que l'interprétation de la clause litigieuse doive "se faire en principe selon les mêmes règles que celles applicables à un contrat de droit privé". Dans la mesure où les règles du droit civil, concernant notamment l'interprétation du contrat et sa revision en cas de modification des circonstances, s'appliquent par analogie au contrat de droit administratif, elles relèvent du droit public (cf. ATF 102 II 58 in fine) et restent sans influence sur la qualification du contrat, laquelle dépend de l'objet de celui-ci (ATF 101 II 369, ATF 99 Ib 120).
d) Le litige portant sur l'interprétation et l'application du ch. 6 al. 2 de l'acte de vente du 29 mai 1959 ne constitue donc pas une contestation civile au sens de l'art. 41 litt. c al. 2 OJ, tel qu'on l'a défini ci-dessus (consid. 2). L'action fondée sur cette disposition est dès lors irrecevable.
4. a) Aux termes de l'art. 118 OJ, le Tribunal fédéral juge en instance unique d'autres contestations administratives (autres que celles définies par les art. 116 à 117) lorsqu'il en est saisi par les deux parties et que, dans les contestations de nature pécuniaire, la valeur litigieuse est de 20'000 fr. au moins. Fondée sur l'art. 114bis Cst., cette compétence vise uniquement, comme les autres dispositions du chapitre II - "du Tribunal fédéral juridiction unique" - du titre cinquième, les contestations relevant du droit administratif fédéral (cf. l'arrêt ATF 75 II 18, rendu à propos de la disposition correspondante de l'art. 112a OJ; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 517 ch. 5). Les différends administratifs en matière cantonale font l'objet du chapitre III, soit de l'art. 121, qui repose sur l'art. 114bis al. 4 Cst.
Le présent litige ressortissant à l'application du droit public du canton de Fribourg et de la commune de Villars-sur-Glâne,
BGE 103 II 314 S. 320
la compétence du Tribunal fédéral ne saurait être fondée sur l'art. 118 OJ.b) Selon l'art. 121 OJ, le Tribunal fédéral connaît en instance unique de certains différends administratifs en matière cantonale portés devant lui en vertu de l'art. 114bis al. 4 Cst. Cette disposition, qui institue à titre exceptionnel la compétence du Tribunal fédéral pour l'application du droit administratif cantonal, réserve l'approbation de l'Assemblée fédérale.
En l'espèce, les parties n'allèguent pas, et rien ne permet de supposer que le canton de Fribourg aurait délégué au Tribunal fédéral des causes administratives du genre de celle qui oppose les parties, ni que l'Assemblée fédérale aurait approuvé une telle attribution. La compétence du Tribunal fédéral ne peut dès lors pas découler non plus de l'art. 121 OJ.
c) Le présent procès relève donc exclusivement des juridictions cantonales, et il n'y a pas lieu de transmettre d'office la cause à la Chambre de droit administratif du Tribunal fédéral (art. 96 al. 1 OJ).
5. La jurisprudence permet d'appliquer par analogie l'art. 60 OJ à des actions dont le Tribunal fédéral est saisi comme juridiction unique; le tribunal peut ainsi décider à l'unanimité, sans débats préparatoires ni délibérations publiques, de ne pas entrer en matière (ATF 92 II 214 consid. 5, ATF 96 II 351 consid. 7; ATF 103 II 224 consid. 5) ou de rejeter l'action (ATF 101 II 303). Le Tribunal fédéral n'étant pas compétent pour connaître du présent litige, la demande doit être déclarée irrecevable (art. 60 al. 1 litt. a OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Déclare la demande irrecevable.