103 V 55
Chapeau
103 V 55
14. Arrêt du 19 septembre 1977 dans la cause Schaller contre Caisse de compensation MEROBA et Tribunal des assurances du canton de Vaud
Regeste
Rentes complémentaires pour enfants recueillis (art. 49 al. 1 RAVS).
- Normes applicables pour fixer le montant déterminant des frais d'entretien et d'éducation des enfants recueillis (consid. 1b).
- Le statut de l'enfant recueilli doit être apprécié à la date de la réalisation du risque assuré, compte tenu toutefois de l'évolution probable de la situation à long terme (modification de la jurisprudence; consid. 1c).
A.- Joseph Schaller a sollicité - en même temps qu'une rente d'AVS pour couple - une rente complémentaire pour un enfant recueilli. Il s'agit de Michel S., né le 6 septembre 1960, que les époux Schaller élèvent depuis novembre 1962, en raison du divorce de ses parents. Le père de l'enfant a versé pour lui une pension de 170 fr. par mois jusqu'en juin 1976. Il fait l'objet de poursuites pénales pour les mensualités subséquentes.
Le 9 février 1976, la Caisse de compensation MEROBA mit l'assuré au bénéfice d'une rente ordinaire de vieillesse pour couple depuis le 1er février 1976 mais lui refusa la rente complémentaire requise, vu la pension payée par le père de Michel S.
B.- Joseph Schaller recourut, en alléguant que la contribution qu'il recevait était beaucoup trop modique pour couvrir les frais d'entretien et d'éducation de son protégé. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud le débouta le 8 juin 1976. Selon les premiers juges, le recourant n'assumait pas lesdits frais à titre gratuit, au sens de l'art. 49 al. 1 RAVS et de la jurisprudence.
C.- Joseph Schaller a formé en temps utile un recours de droit administratif contre le jugement cantonal. Il argue en substance de ce qu'il est le seul véritable soutien de Michel S. et conclut à l'octroi de la rente complémentaire requise pour cet enfant.
La caisse de compensation conclut au rejet du recours que, dans sa réponse, l'Office fédéral des assurances sociales propose au contraire d'admettre.
Considérant en droit:
1. a) En vertu de la première phrase de l'art. 22ter al. 1 LAVS, les personnes auxquelles une rente de vieillesse a été allouée ont droit à une rente pour chacun des enfants qui, au décès de ces personnes, auraient droit à une rente d'orphelin. C'est notamment le cas, par rapport aux parents adoptifs, des enfants adoptés jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 18 ans ou, s'ils font des études ou un apprentissage, de 25 ans au plus tard (art. 28 al. 1 et 25 al. 2 LAVS). Aux termes de l'art. 28 al. 3 de la loi, le Conseil fédéral peut, sous certaines conditions,
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assimiler les enfants recueillis aux enfants adoptés. Il l'a fait à l'art. 49 RAVS, dont l'alinéa 1, première phrase, s'exprime ainsi: "Les enfants recueillis ont droit à une rente d'orphelin au décès des parents nourriciers, si ceux-ci en ont assumé gratuitement et de manière durable les frais d'entretien et d'éducation."b) Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral des assurances, la condition de la gratuité de l'entretien et de l'éducation d'un enfant recueilli est réalisée lorsque les subsides fournis par une tierce personne ne dépassent pas un quart des frais encourus (v. ATF 98 V 253 consid. 1, ATFA 1967 p. 156 et 1966 p. 232, arrêt non publié Rey du 8 février 1977).
En 1972, le tribunal a approuvé une juridiction de première instance qui avait estimé à 300 fr. par mois les frais d'entretien et d'éducation dans des circonstances normales d'une enfant de 12 ans dans le canton des Grisons, à la campagne (ATF 98 V 254 consid. 3). Au début de 1975, il a approuvé de même une estimation selon laquelle des filles de 12 à 15 ans coûtaient 350 fr. par mois en zone urbaine (RCC 1976 p. 92). Mais, dans un arrêt non publié Roth du 9 avril 1976, il s'est référé aux tables contenues dans une thèse zurichoise de 1974 (H. WINZELER, Die Bemessung der Unterhaltsbeiträge für Kinder), qui fournissent des chiffres sensiblement plus élevés.
La Cour plénière du Tribunal fédéral des assurances examinant la question à l'occasion du présent litige a finalement décidé que c'est bien sur les normes définies par H. WINZELER en collaboration avec l'Office de la jeunesse du canton de Zurich - normes publiées par ledit office et adaptées périodiquement au taux de renchérissement - qu'il faut se baser. Or, ces chiffres se fondent sur l'indice du coût de la vie dans les grandes villes de Suisse, d'une part, et tiennent compte de frais autres que ceux qui sont strictement nécessaires à l'entretien de l'enfant, d'autre part. Lesdites données ne peuvent par conséquent être utilisées telles quelles. Au système qui consisterait à les adapter à l'indice du coût de la vie au domicile de l'enfant, la Cour plénière a préféré une solution uniformément applicable sur l'ensemble du territoire suisse, soit leur réduction dans la mesure d'un quart, les ramenant ainsi à un niveau qui, selon H. WINZELER, correspond approximativement aux dépenses strictement nécessaires à l'entretien.
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c) A quel moment le statut de l'enfant recueilli doit-il être apprécié? Dans l'arrêt ATF 98 V 253, le Tribunal fédéral des assurances compare les frais d'entretien à la date de l'ouverture du droit à la rente avec le subside du père au même moment (consid. 4 p. 254). Dans l'arrêt ATFA 1967 p. 158 (consid. 3), le tribunal compare frais et subsides à une date donnée, mais aussi en moyenne pendant toute la période d'entretien. Les arrêts antérieurs sont clairs: pour apprécier l'ampleur relative des prestations provenant de tiers, il faut envisager toute la durée de l'entretien (v. p.ex. ATFA 1966 p. 235 consid. 3, 1957 p. 260). Cette dernière solution semble être la plus conforme au texte légal, mais elle présente toutefois l'inconvénient de n'être guère applicable dans la pratique, en raison des difficultés qui surgissent lorsqu'on doit évaluer l'importance de subsides versés plusieurs années auparavant. Aussi la Cour plénière a-t-elle estimé qu'il faut désormais apprécier le statut de l'enfant recueilli à la date de la réalisation du risque assuré. L'adoption stricte de ce nouveau principe peut toutefois conduire à des résultats insatisfaisants lorsque le statut de l'enfant est susceptible de se modifier. La règle susmentionnée doit donc être nuancée en ce sens qu'il y a lieu, tout en examinant la situation au moment de la réalisation du risque assuré, de tenir compte également du statut probable à long terme de l'enfant recueilli, postérieurement au moment déterminant. En particulier, pour que le droit à des prestations soit donné, il faut donc non seulement que le statut soit gratuit au moment déterminant, mais encore qu'à ce moment on puisse admettre que ledit statut restera vraisemblablement gratuit de façon durable.
2. Les époux Schaller ont assumé de manière durable les frais d'entretien et d'éducation de Michel S. Reste à savoir si le statut de l'enfant peut être considéré comme gratuit, de sorte que les parents nourriciers auraient droit à la rente complémentaire.
Il s'agit dès lors d'établir si au moment de la réalisation du risque assuré la contribution du père par le sang représentait moins du quart des frais d'entretien et d'éducation déterminés d'après les normes posées au consid. 1b, tout en examinant comment, à la date en question, on pouvait prévoir l'évolution probable de la situation.
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Le recourant pense qu'il devrait suffire qu'un assuré assume de manière prépondérante les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant qu'il a recueilli pour avoir droit à une rente complémentaire. Cette opinion est certes défendable, mais le juge ne saurait l'adopter alors que, statuant un règlement dans les limites des pouvoirs que lui a conférés l'autorité législative, le Conseil fédéral a fait de la gratuité de l'entretien une condition de la rente. Comme il l'a relevé à l'occasion, le Tribunal fédéral des assurances est déjà allé loin dans la voie de l'interprétation en assimilant à la gratuité pure et simple une "gratuité" partielle des trois quarts.
En janvier 1976, date à laquelle Joseph Schaller atteignit l'âge de l'AVS, Michel S. était dans sa 16e année et son père avait jusque-là contribué à son entretien à raison de 170 fr. par mois. Selon les tables de WINZELER adaptées aux conditions économiques postérieures à leur parution par l'Office de la jeunesse du canton de Zurich, les frais d'entretien et d'éducation d'un enfant unique de 7 à 16 ans s'élevaient en janvier 1976 à 710 fr. par mois, d'où après réduction d'un quart, un montant déterminant de 535 fr.
Force est donc de constater qu'à la date de la réalisation du risque assuré les prestations mensuelles versées à Joseph Schaller étaient supérieures au quart de cette dernière somme. Par conséquent, le statut de Michel S. en janvier 1976 n'était pas gratuit; et rien ne permettait alors de penser qu'à l'avenir le père par le sang contribuerait à l'entretien de l'enfant dans une moindre mesure, de manière à entraîner une modification dudit statut. Dans ces conditions le droit à une rente complémentaire n'était pas donné.
3. Joseph Schaller allègue en son mémoire de recours la photocopie d'une plainte pénale pour violation de l'obligation d'entretien contre le père par le sang, adressée le 15 septembre 1976 par son avocat au juge informateur en raison du défaut de paiement de la pension dès fin juin 1976. Il ne ressort pas des pièces du dossier si le père du sang a repris ses paiements par la suite ou s'il a persisté à se soustraire à son obligation. A supposer qu'il omette toujours de verser la pension et que, selon toute vraisemblance, cette situation doive durer, on peut se demander s'il ne faudrait pas admettre que le statut de l'enfant recueilli est devenu gratuit
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postérieurement au moment de la réalisation du risque assuré et, dans cette hypothèse, si une telle circonstance permet de revoir le cas.La Cour plénière du Tribunal fédéral des assurances a laissé indécise la question de savoir si, et dans quelles conditions, l'on pourrait alors entreprendre une procédure de revision ensuite d'une éventuelle demande de l'intéressé, l'examen de ce point étant prématuré en l'occurrence.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours de droit administratif est rejeté.