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Chapeau

113 Ia 62


10. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 mai 1987 dans la cause Association X. contre dame H. (recours de droit public)

Regeste

Art. 58 Cst. et 6 par. 1 CEDH; droit à une juridiction indépendante et impartiale; revision atypique en procédure civile genevoise.
La procédure civile genevoise offre aux justiciables des garanties suffisantes quant à l'impartialité de l'autorité appelée à statuer sur une demande en revision fondée sur l'un des motifs prévus par l'art. 316 LPC gen.

Faits à partir de page 63

BGE 113 Ia 62 S. 63
Par écriture du 2 décembre 1986, l'Association X. a requis la revision d'un arrêt rendu le 17 octobre 1986 par la Cour de justice du canton de Genève dans la cause civile la divisant d'avec dame H. A l'appui de sa requête, elle soutenait que cette autorité avait prononcé sur choses non demandées.
La demande en revision a été soumise aux trois juges qui avaient statué le 17 octobre 1986.
Le 28 janvier 1987, l'Association X. a sollicité la récusation de ces trois juges en invoquant les art. 91 lettres a et c et 92 OJ gen.
Par décision du 16 février 1987, la Cour de justice, siégeant en plenum, a rejeté la requête.
Alléguant une violation des art. 4 et 58 Cst., ainsi que de l'art. 6 par. 1 CEDH, l'Association X. a interjeté contre cette décision un recours de droit public que le Tribunal fédéral a rejeté.

Considérants

Extrait des considérants:

3. La recourante soutient, par ailleurs, que l'organisation judiciaire genevoise n'est en soi pas compatible avec les garanties déduites directement des art. 58 Cst. et 6 par. 1 CEDH, dans la mesure où, s'agissant de la revision motivée par des vices de procédure, elle assigne au tribunal qui a déjà connu du différend le rôle d'une autorité de cassation. Elle y voit un danger objectif de manque d'impartialité tenant au fait que les magistrats, appelés à statuer sur leur propre erreur, pourraient être contraints, le cas échéant, de se déjuger.
a) L'art. 58 Cst. confère à chacun le droit d'être jugé par un juge indépendant et impartial. La garantie du juge naturel ainsi offerte par cette disposition a une portée tout aussi étendue que celle assurée par l'art. 6 par. 1 CEDH. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral examine librement si l'application non arbitraire du droit cantonal est compatible avec cette garantie.
L'impartialité peut s'apprécier selon une démarche subjective, qui conduit à déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective, qui consiste à rechercher si ce juge offrait des garanties suffisantes pour exclure tout
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doute légitime à cet égard. La démarche dite objective implique la prise en compte de considérations de caractère formel et organique. Elle conduit à mettre l'accent sur l'importance que les apparences mêmes peuvent revêtir. Doit dès lors se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d'impartialité (sur cette distinction et, plus généralement, sur le problème de la garantie du juge naturel relativement au cumul des fonctions, cf. l'arrêt de principe S., du 4 juin 1986, ATF 112 Ia 292 ss consid. 3).
En l'occurrence, la recourante ne met pas en cause l'impartialité personnelle des juges dont elle demande la récusation. Partant, il y a lieu de restreindre le présent examen à la question de savoir si, objectivement, la procédure civile genevoise offre au justiciable des garanties suffisantes quant à l'impartialité du juge ou du tribunal appelé à statuer sur une demande en revision.
b) A juste titre, la recourante ne conteste pas la constitutionnalité des dispositions topiques de la loi de procédure civile genevoise en tant qu'elles s'appliquent à une revision qualifiée par elle de "classique", soit dans l'hypothèse où le requérant invoque des éléments nouveaux par rapport à ceux dont disposait le tribunal qui a rendu le jugement faisant l'objet de la demande en revision (pour des exemples de ces éléments nouveaux, cf. SCHWEIZER, Le recours en revision, spécialement en procédure civile neuchâteloise, thèse Neuchâtel 1985, p. 84). Le Tribunal fédéral a du reste déjà eu l'occasion de reconnaître la conformité à l'art. 58 Cst. d'une disposition du droit de procédure cantonal laissant à l'autorité de jugement le soin de statuer sur une demande tendant à la revision de sa propre décision (ATF 107 Ia 18 /19 et l'arrêt cité). La procédure de revision, tant civile que pénale, ne tombe, au demeurant, pas sous le coup de l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 104 Ia 180 consid. 3 et les références; Commission européenne des droits de l'homme, Décisions et rapports, vol. 14, p. 171/172).
c) Il faut concéder à la recourante que les cas énumérés à l'art. 316 LPC gen., parmi lesquels figure celui qu'elle a invoqué dans sa demande en revision, sortent du cadre naturel de cette procédure et s'apparentent en réalité aux cas ouvrant la voie du recours en nullité dans la plupart des autres lois de procédure civile (SJ 1981, p. 84; voir aussi GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 532, ch. 4; dans le même sens, cf. ATF 110 Ia 137 /138 et les références). Est-il dès lors conforme à l'art. 58 Cst. d'assimiler cette pseudo-revision à la revision
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classique et, conséquemment, de confier au juge ou au tribunal a quo le soin de traiter la demande en revision, nonobstant la nature particulière du moyen invoqué par le requérant?
A cette dernière question, le Tribunal fédéral a déjà répondu par l'affirmative, en relevant que l'on ne saurait empêcher le législateur cantonal d'adopter la même réglementation que celle de la loi fédérale d'organisation judiciaire (art. 136 ss; voir aussi art. 66 à 68 PA; arrêt K. AG, du 15 novembre 1978, consid. 2, ZBl 80/1979, p. 538). L'argument n'est certes pas décisif en soi, du moment que le Tribunal fédéral n'a pas toujours appliqué cette réglementation à la lettre (cf. ATF 96 I 280 consid. 2) et qu'il ne peut de toute manière pas en contrôler la constitutionnalité (art. 113 al. 3 Cst.). En revanche, il n'est pas indifférent de constater que le législateur genevois n'a pas été le seul à opter pour la solution critiquée, que l'on retrouve tant au niveau fédéral que dans d'autres cantons (p.ex.: art. 216 CPC zoug., art. 289 CPC appenz. Rh.I., art. 340 et 341 al. 2 CPC tessin.) ou encore à l'étranger (p.ex.: par. 579 et 580 CPC all., art. 480 ancien CPC fr.). Cette circonstance devrait exclure, à tout le moins, une condamnation anticipée et définitive de ladite solution, dont il convient au contraire d'examiner plus avant les mérites.
Il y a lieu de remarquer, préliminairement, que le parallèle que la recourante tente d'établir entre la présente affaire et celle qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour européenne De Cubber du 26 octobre 1984 (série A, vol. 86), cité par elle, n'est guère susceptible d'apporter quelque lumière sur la question à débattre. Il est en effet impossible de transposer, tels quels, au plan de la procédure civile, les principes régissant la procédure pénale. Preuve en est d'ailleurs le fait que la revision d'un jugement pénal n'est généralement pas confiée au tribunal qui a rendu ce jugement, même lorsque c'est la règle contraire qui s'applique en matière de procédure civile (cf. art. 136 ss OJ et art. 232 al. 1 PPF; art. 328 al. 2 LPC gen. et art. 359 CPP gen.; par. 580 CPC all. et par. 140 a OJ all.). Aussi apparaît-il nécessaire d'examiner la question litigieuse au regard des seuls principes applicables dans le domaine de la procédure civile.
Considérée in abstracto, la solution consistant à laisser à un juge ou à un tribunal le soin de rectifier ses propres erreurs n'est peut-être pas la plus satisfaisante de toutes. Cependant, dès lors qu'on la replace dans le contexte particulier de l'organisation judiciaire et de la procédure civile genevoises, cette solution ne se révèle pas
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incompatible avec la garantie constitutionnelle d'un juge impartial. L'analyse des dispositions topiques, fondée sur la ratio legis et la systématique du code, enseigne en effet que la pseudo-revision, au sens de l'art. 316 LPC gen., constitue moins une voie de recours en nullité qu'une voie de rétractation, telle que la connaît, par exemple, le droit français en vigueur (art. 464 CPC; cf. VINCENT/GUINCHARD, Procédure civile, 20e éd., p. 128), et que ce moyen de droit extraordinaire vient en réalité s'ajouter aux autres voies ordinaires ou extraordinaires qui assurent déjà une protection suffisante au justiciable genevois. De fait, comme le souligne à juste titre la cour cantonale, le législateur genevois a estimé que certains vices de procédure apparents pouvaient être corrigés sans inconvénient, et même avec quelque avantage, par le juge ou le tribunal qui en était responsable (cf. Exposé des motifs de la LPC gen. par P.-F. BELLOT, 4e éd., 1877, p. 98/99). Il ressort en outre de l'examen systématique de la loi de procédure civile genevoise que la revision atypique y fait double emploi avec l'appel en ce qui concerne les jugements de première instance (art. 338 et 339 LPC gen.). En revanche, dans la mesure où elle a trait aux jugements d'appel (art. 365 et 366 LPC gen.), elle offre aux plaideurs la possibilité d'obtenir de la cour cantonale qu'elle rectifie elle-même ses propres erreurs. Elle leur accorde ainsi une faculté dont ne bénéficient pas les ressortissants des cantons qui, tel celui de Genève, ne possèdent pas de cour de cassation civile, et qui, contrairement à ce dernier, n'ouvrent pas la voie de la revision dans les cas prévus à l'art. 316 LPC (le canton du Valais, p.ex). Il s'agit bien là d'une faculté supplémentaire, puisque, dans cette hypothèse, la décision d'irrecevabilité ou de rejet de la demande en revision peut encore être entreprise par un recours de droit public fondé, notamment, sur une application arbitraire du droit cantonal de procédure (cf. arrêt non publié Föllmi, du 16 novembre 1984, consid. 1).
Moyen de droit extraordinaire et voie de rétractation, la pseudo-revision apparaît dès lors comme une arme spécifique dans l'arsenal que la législation genevoise fournit aux plaideurs. Que la demande en revision soit, dans ce cas également, traitée par le juge ou le tribunal qui a rendu le premier jugement, ce n'est là que la conséquence logique de la nature particulière de cette institution. Partant, si l'on tient compte, comme il se doit, de sa spécificité, la revision sui generis de l'art. 316 LPC gen. satisfait aux exigences de l'art. 58 Cst., puisqu'elle tend en définitive à renforcer la protection du justiciable dans un
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domaine où le droit fédéral ne l'impose pas (cf. ATF 109 Ia 107 ss; SCHWEIZER, op.cit., p. 310/311).

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Etat de fait

Considérants 3

références

ATF: 112 IA 292, 107 IA 18, 104 IA 180, 110 IA 137 suite...

Article: Art. 58 Cst., art. 316 LPC, art. 6 par. 1 CEDH, art. 113 al. 3 Cst. suite...