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Chapeau

117 IV 251


45. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 26 juillet 1991 dans la cause R. c. Ministère public du canton de Fribourg (pourvoi en nullité)

Regeste

Art. 100 CP; Enquête précédant le placement d'un jeune adulte en maison d'éducation au travail.
Ce sont les versions allemande et italienne de l'art. 100 al. 2 CP qui sont correctes dans la mesure où elles prévoient qu'à l'instar des rapports et expertises, les informations sur le comportement, l'éducation et la situation de l'auteur ne doivent être recueillies qu'autant que cela est nécessaire (consid. 2a, b et c).
L'art. 100 al. 2 CP n'impose pas l'audition de tiers (consid. 3d) (confirmation de jurisprudence).

Faits à partir de page 251

BGE 117 IV 251 S. 251
R., né le 7 mars 1964, a été condamné à 15 mois d'emprisonnement pour abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres, infractions commises les 4 février 1987, 11 juin 1987, 24 et 25 avril 1989. L'autorité de première instance n'a pas ordonné un placement en maison d'éducation au travail. Aucune information n'a été prise auprès de tiers concernant son comportement, son éducation et sa situation. R. estime que l'art. 100 CP a été violé. Le Tribunal fédéral a rejeté son pourvoi en nullité.

Considérants

Extrait des considérants:

2. a) Selon l'art. 100 al. 2 CP, "le juge prendra des informations sur le comportement, l'éducation et la situation de l'auteur et, autant que cela est nécessaire, requerra rapports et
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expertises sur l'état physique et mental, ainsi que sur l'aptitude à l'éducation au travail".
Si l'on se réfère cependant aux textes allemand et italien de cette disposition, l'exigence d'une nécessité s'applique aussi bien aux informations qu'aux rapports et expertises, puisque l'alinéa 2 commence par les mots "soweit erforderlich" ou "ove occorra".
Le recourant invoque principalement la divergence entre le texte français d'une part et les textes allemand et italien d'autre part.
Le projet du Conseil fédéral indiquait clairement que l'exigence de nécessité s'appliquait également aux informations, puisqu'il prévoyait que "le juge prendra les informations nécessaires sur la conduite, l'éducation et la situation de l'auteur..." (FF 1965 I 633). La Commission du Conseil des Etats a proposé de modifier ce texte en faisant commencer l'alinéa - conformément aux textes allemand et italien actuels - par les mots "s'il y a lieu"; le rapporteur Zellweger a insisté sur le fait que l'expertise n'était requise qu'en cas de besoin; cette proposition a été adoptée par le Conseil des Etats (BO 1967 CE 81), puis, sans autre discussion, par le Conseil National (BO 1969 CN 172 s.). La Commission du Conseil des Etats a ensuite modifié, pour lui donner sa teneur actuelle, le texte français seulement et le rapporteur Guisan a simplement expliqué, sur cette modification qui ne touchait que le texte français, qu'il s'agissait d'une "rédaction légèrement remaniée" (BO 1970 CE 126). Ce texte français a été définitivement adopté successivement par le Conseil des Etats (BO 1970 CE 126), puis par le Conseil National (BO 1970 CN 533).
La jurisprudence a signalé la divergence entre les textes, mais n'a pas tranché la question de savoir quel était le texte déterminant, estimant, dans le cas qui lui était soumis, que le juge disposait d'informations suffisantes (ATF 101 IV 143 consid. 2). A une autre occasion, le Tribunal fédéral a admis que les renseignements donnés par l'accusé lui-même pouvaient, suivant les circonstances, être considérés comme des informations suffisantes (ATF 101 IV 27). Il a cependant rappelé que les informations n'étaient pas nécessaires seulement lorsqu'une mesure était envisagée, mais déjà pour décider si une mesure entrait ou non en considération (ATF 102 IV 171). Dans un cas plus récent, la Cour pénale fédérale a écarté l'application de l'art. 100bis CP, sans préciser si des informations avaient ou non été recueillies auprès de tiers (ATF 115 IV 16 consid. a).
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La doctrine n'a pas pris position de manière unanime sur cette divergence de texte. Stratenwerth, invoquant la comparaison avec les art. 83 et 90 CP, donne la préférence au texte allemand, tout en estimant que les informations sont nécessaires lorsque la mesure d'éducation au travail n'est pas d'emblée exclue (STRATENWERTH, Allg. Teil II, p. 457 s.). SCHULTZ se borne à indiquer que, selon l'Office fédéral de la justice, le texte français serait déterminant; il estime que des informations doivent être recueillies pour autant que la question d'un placement en maison d'éducation au travail se pose; il mentionne, sans émettre aucune critique, la jurisprudence qui considère que les déclarations de l'accusé peuvent suffire (SCHULTZ, Allg. Teil II, p. 180). LOGOZ pense que les informations doivent être recueillies auprès de tiers; il tente de concilier les textes en affirmant que des informations sont toujours nécessaires, sauf cas bénin (LOGOZ, Commentaire du CPS, Partie générale, p. 496 s.). TRECHSEL prend position en faveur du texte français, mais il estime qu'il faut se laisser guider par le principe de la proportionnalité et que les renseignements généraux requis pour l'application de l'art. 63 CP peuvent suffire (TRECHSEL, Kurzkommentar, n. 5 ad art. 100). REHBERG se borne à citer le texte allemand (REHBERG, Strafrecht II, p. 84). Dans un article, NOLL considère que les informations, tout comme les rapports et les expertises, sont toujours nécessaires (NOLL, die Arbeitserziehung, RPS 1973 (89) p. 156). Dans sa thèse, ROSE reprend LOGOZ en soutenant que les informations doivent être recueillies auprès de tiers; il semble penser qu'elles sont en général nécessaires (ROSE, L'éducation au travail des jeunes adultes délinquants, thèse de Lausanne 1988, p. 45/46). GERMANN ne prend pas clairement position sur la question (GERMANN, Grundzüge der Partialrevision des schweizerischen Strafgesetzbuchs, RPS 1971 (87) p. 363).
b) La question posée est assez théorique. En effet, le juge - lorsqu'il admet la culpabilité - doit toujours se demander s'il y a lieu de prononcer l'une des mesures prévues par la loi et il est indispensable qu'il dispose des données requises pour trancher cette question. Dans cette mesure, les deux textes conduisent au même résultat.
Si, après avoir recueilli les premiers renseignements sur le comportement, l'éducation et la situation de l'auteur, le juge constate qu'il est d'ores et déjà établi qu'une mesure d'éducation au travail n'entre pas en considération, il est évident que d'autres investigations ne sont pas nécessaires, selon les textes allemand et
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italien. On peut cependant aussi considérer que le juge a recueilli les informations prévues par l'art. 100 al. 2 CP et répondu ainsi aux exigences du texte français.
Ce n'est que si l'on admet - avec certains auteurs, mais contrairement à la jurisprudence - que l'art. 100 al. 2 CP impose l'audition de tiers que la différence entre les textes peut avoir des conséquences. Dans ce cas, la formulation française, prise à la lettre, pourrait signifier qu'il faut procéder à des auditions déterminées, quand bien même elles apparaissent d'ores et déjà inutiles sur la base des faits établis.
c) L'art. 100 al. 2 CP exige des mesures d'enquête et empiète ainsi sur le domaine qui est en général réservé à la procédure cantonale; une telle norme ne doit pas être interprétée extensivement. Le projet du Conseil fédéral, puis le texte identique adopté dans les trois langues montraient clairement que l'exigence de la nécessité s'applique à l'ensemble des mesures d'enquête; la modification intervenue ultérieurement pour le texte français a été présentée comme de nature rédactionnelle et limitée à ce seul texte; on ne peut donc pas en déduire que le législateur a voulu modifier de manière substantielle le sens de cette disposition. En principe, des mesures probatoires ne doivent être exécutées que si elles peuvent être utiles à la manifestation de la vérité et permettre d'élucider un point de fait pertinent; rien ne permet de penser que le législateur ait voulu s'écarter de cette règle communément admise.
Les faits à élucider impliquent naturellement une certaine gradation dans les mesures d'enquête. Le juge doit tout d'abord se renseigner sur le comportement, l'éducation et la situation de l'auteur en fonction des moyens de preuves immédiatement disponibles; si le résultat de ces premières mesures n'est pas complet ou convaincant, ou si un placement en maison d'éducation au travail est envisagé, des investigations plus poussées doivent être entreprises.
Le texte français est juste dans la mesure où il met en évidence cette gradation et montre que les informations et les expertises ne se trouvent pas sur le même plan, le législateur n'ayant pas voulu que l'on procède dans tous les cas à des expertises (voir Zellweger BO 1967 CE 81). En revanche, le texte français est faux dans la mesure où sa première partie, interprétée de façon littérale, pourrait donner à croire qu'il faut entendre des tiers, même s'il est d'ores et déjà établi que ces auditions sont inutiles.
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d) En l'espèce, le recourant s'est longuement exprimé sur la situation personnelle de ses parents et sur le cours de sa propre existence, évoquant en particulier les écoles fréquentées et la formation professionnelle acquise; il a décrit dans le détail les places de travail occupées et s'est prononcé sur sa situation actuelle sur le plan familial, professionnel et patrimonial; il a été interrogé à nouveau lors de l'audience de jugement et a donné des informations plus précises sur sa situation actuelle. Le juge a donc pris des informations sur le comportement, l'éducation et la situation de l'auteur, afin de déterminer si un placement en maison d'éducation au travail pouvait entrer en considération.
Certes, ces informations ont été recueillies auprès du recourant lui-même, conformément à la jurisprudence (ATF 101 IV 27). On ne voit pas - et le recourant ne l'indique pas non plus - en quoi ces renseignements pourraient être considérés comme faux ou incomplets. Le recourant soutient en définitive que le juge aurait dû vérifier auprès de tiers des faits d'ores et déjà établis et non contestés; une interprétation aussi extensive et formaliste de l'art. 100 al. 2 CP ne peut pas être suivie.
Il résulte des renseignements recueillis - dont le recourant ne prétend pas qu'ils soient faux ou incomplets - qu'il n'avait pas d'antécédents judiciaires, qu'il avait acquis une formation professionnelle, qu'il avait travaillé régulièrement - même s'il a manifesté une grande instabilité professionnelle -, et qu'il vivait chez sa mère. Sur la base de ces éléments, le juge pouvait, sans violer la loi, en conclure que les infractions n'étaient pas liées à un développement caractériel gravement perturbé ou menacé, à un état d'abandon ou à une vie dans l'inconduite ou la fainéantise (art. 100bis ch. 1 CP). Le recourant ne prétend d'ailleurs pas le contraire. Ainsi, un placement en maison d'éducation au travail était d'emblée exclu sur la base des informations recueillies et il n'y avait pas lieu d'approfondir l'enquête.
L'autorité cantonale n'a donc violé ni l'art. 100 al. 2 CP, ni l'art. 100bis CP.

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 2

références

ATF: 101 IV 27, 101 IV 143, 102 IV 171, 115 IV 16

Article: art. 100 al. 2 CP, Art. 100 CP, art. 100bis CP, art. 83 et 90 CP suite...