Urteilskopf
120 III 143
49. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 20 juillet 1994 dans la cause X. et consorts et Y. contre Z. SA et Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais (recours de droit public)
Regeste
Art. 87 OG, 207 SchKG; Einstellung eines Zivilprozesses gegenüber dem Streitberufenen.
Zulässigkeit der staatsrechtlichen Beschwerde gegen einen Entscheid betreffend Einstellung eines Verfahrens (E. 1).
Einstellung eines Zivilprozesses im Sinne von Art. 207 SchKG bei einer Streitverkündung nach der Walliser Zivilprozessordnung (E. 3 und 4).
A.- Par demandes des 30 octobre et 8 novembre 1990, X. et consorts, d'une part, Y., d'autre part, ont ouvert action en paiement contre G. Snc en liquidation. Les causes ont été jointes.
Par exploit des 10/11 janvier 1991, la défenderesse a appelé en garantie Z. SA, laquelle a accepté.
B.- Le 9 mars 1994, le Juge II du district de Martigny a prononcé la faillite de Z. SA.
Par décision du 11 avril 1994, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan a ordonné la suspension du procès civil pendant, en application de l'art. 207 LP.
C.- Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, X. et consorts et Y. demandent l'annulation de cette décision.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
Extrait des considérants:
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du recours de droit public (
ATF 119 Ia 321 consid. 2 p. 324 et les arrêts cités).
a) Selon l'
art. 87 OJ, le recours de droit public pour violation de l'
art. 4 Cst. n'est recevable que contre une décision finale; il n'est recevable contre une décision incidente que s'il en résulte un préjudice irréparable pour l'intéressé. De jurisprudence constante, la décision finale est celle qui met un terme au procès, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'action judiciaire pour un motif tiré des règles de la procédure. Est, en revanche, une décision incidente celle qui est rendue en cours de procès et qui ne constitue qu'une étape vers la décision finale; elle peut avoir pour objet soit une question de procédure, soit une question de fond, jugée préalablement à la décision finale (
ATF 117 Ia 396 consid. 1 p. 398 et les arrêts cités).
En l'espèce, la cour cantonale a ordonné la suspension du procès en vertu de l'
art. 207 LP, aux termes duquel, sauf les cas d'urgence, les procès civils intentés par le débiteur ou contre lui sont suspendus et ne peuvent être continués qu'après les dix jours qui suivent la seconde assemblée des créanciers (al. 1). Selon la jurisprudence, une telle décision est incidente, et ne peut faire l'objet d'un recours de droit public que si elle cause un dommage irréparable au recourant (
ATF 116 Ia 154 consid. 2a p. 157).
b) Les recourants ne se plaignent pas uniquement de l'application arbitraire des
art. 48 ss CPC val.; ils prétendent que l'autorité cantonale s'est également rendue coupable d'un retard injustifié au sens des
art. 4 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Or, le Tribunal fédéral renonce à l'exigence d'un préjudice irréparable lorsqu'est allégué un retard injustifié, constitutif d'un déni de justice formel (
ATF 117 Ia 336 consid. 1a p. 337/338 et l'arrêt cité).
Selon une jurisprudence récente, l'
art. 87 OJ n'est pas davantage applicable au recours formé contre une décision ordonnant la suspension d'une procédure. Celui qui demande en vain une décision peut, en effet, agir par la voie du recours de droit public pour déni de justice, même si l'autorité cantonale ne se refuse pas expressément à statuer (
ATF 119 Ia 28 consid. 1 p. 30 et les arrêts cités); cette protection doit aussi lui être offerte par analogie lorsque, comme en l'espèce, l'autorité décide formellement de reporter son jugement (arrêts non publiés de la Ie Cour de droit public en la cause Ville de Genève du 1er mars 1993, consid. 1b, et Hoirs N. du 29 janvier 1985, consid. 1b; arrêt non publié de la IIe Cour civile en la cause dame Sch. c. Sch. du 2 mars 1994, consid. 1c). Dans un tel cas, le recourant se trouve dans la même situation que si l'autorité était demeurée inactive sans avoir rendu formellement une décision de
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suspension (arrêt A. AG du 13 mars 1981, Zbl 82/1981 p. 554 consid. 1); le fait qu'une pareille décision ait été prise ne saurait dès lors aggraver sa position procédurale. Cela étant, il y a lieu d'entrer en matière.
3. Contrairement à l'opinion des recourants, l'
art. 207 al. 1 LP ne s'applique pas uniquement lorsque le débiteur a formellement qualité de demandeur ou de défendeur au procès civil pendant au moment de l'ouverture de la faillite. JAEGER (n. 3 ad
art. 207 LP) affirme à juste titre que la suspension a lieu également lorsque le failli prend part au procès comme intervenant principal (Hauptintervenient). Selon SANDOZ, "si le tiers intervenant est considéré comme une véritable partie au procès, c'est-à-dire si le jugement en découlant aboutit à sa condamnation, il y aura lieu de suspendre la procédure même à l'égard des autres parties". En revanche, lorsque "le garanti est seul condamné et qu'il doive, par la suite, exercer son recours dans une action séparée contre le garant, lequel ne prend part au procès que par une intervention accessoire se ramenant à une simple assistance, la faillite du garant ne suspendra pas ipso jure les procès" (De l'effet de la faillite sur les procès du débiteur, thèse Lausanne 1938, § 4 p. 65 ss, spéc. 66/67). Cet auteur mentionne en outre le cas des codes cantonaux dans lesquels le garant, même s'il prend fait et cause pour la partie principale qui lui abandonne le soin de mener le procès, n'est considéré que comme un représentant. Et de conclure que, dans cette hypothèse, "la faillite du dénoncé ne suspend pas les procès auxquels ce dernier peut participer" (op.cit., p. 67).
a) Il appartient à la procédure cantonale de régler la dénonciation d'instance, quant à la forme et à la manière de procéder (
ATF 90 II 404 consid. 1a p. 407); le droit judiciaire indique, notamment, si et comment le dénoncé peut intervenir au procès (RVJ 1986 p. 175/176 consid. 3a) et à qui incombent les frais et dépens (RVJ 1986 p. 176 consid. 3a in fine).
Selon la jurisprudence valaisanne, l'appel en garantie et son acceptation "n'entraînent pas, par eux-mêmes, un changement de parties quant au procès sur le fond". L'appelé qui accepte la garantie, au sens de l'
art. 51 al. 1 CPC val., est un "simple représentant de l'appelant-garanti", celui-ci "restant donc partie au procès contre la partie adverse". Le jugement rendu entre l'appelant-garanti et sa partie adverse ne jouit de l'autorité de la chose jugée et de la force exécutoire qu'entre les parties au procès, c'est-à-dire "contre ou en faveur de l'appelant-garanti même si le procès est conduit par l'appelé-garant à ses risques et périls"; il "portera
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uniquement sur le rapport de droit entre la partie adverse et l'appelant-garanti", et ne sera "qu'opposable" à l'appelé-garant "dans la liquidation ultérieure du contentieux interne ainsi laissé intact par l'acceptation de l'appel en garantie" (RVJ 1976 p. 266 ss, 1982 p. 57 ss, 1986 p. 173 ss et 179 ss; FUX, Die Walliser Zivilprozessordnung, p. 72 ss).
b) Selon la jurisprudence, c'est le droit matériel, non la procédure cantonale, qui détermine les effets que la dénonciation d'instance et son acceptation exercent sur les rapports entre le dénonçant et le dénoncé; ce principe vaut, non seulement lorsque la loi le prévoit expressément (p. ex.
art. 193 CO), mais dans tous les cas d'action en garantie ou en dommages-intérêts; le jugement rendu en défaveur du dénonçant est opposable au dénoncé lorsque la dénonciation découle d'un rapport juridique ou des règles de la bonne foi, qu'elle a eu lieu en temps utile et que l'issue défavorable n'est pas imputable au dénonçant (
ATF 100 II 24 consid. 1c p. 29,
ATF 90 II 404 consid. 1b p. 408/409 et les citations). La jurisprudence valaisanne se fonde expressément sur cette opinion, en particulier le dernier arrêt cité, pour interpréter les
art. 48 ss CPC val. (RVJ 1976 p. 271, 1982 p. 58, 59 et 60, 1986 p. 175/176 consid. 3a).
4. Vu les principes qui précèdent, l'application de l'
art. 207 al. 1 LP doit être examinée sous un double aspect:
a) Le jugement sur le fond n'aurait aucun effet entre Z. SA et les recourants; ces derniers ne pourraient rien lui réclamer, car la condamnation éventuelle n'est prononcée qu'à l'égard de la défenderesse G. Snc. Sous cet angle, il n'y a donc pas lieu de suspendre le procès; la suspension ne concerne en effet que les procès dont l'issue peut influer sur la composition de la masse (GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 3e éd., p. 295). Or, tel n'est précisément pas le cas dans les relations entre les demandeurs et la faillie Z. SA.
b) La question est plus délicate, s'agissant des relations entre l'appelant (G. Snc) et l'appelé en garantie (Z. SA).
En cas de refus de la garantie, la décision rendue entre les parties principales n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'appelé (
ATF 90 II 404 consid. 4 p. 412 et les références); le fait que celui-ci l'ait acceptée (cf.
art. 51 al. 1 CPC val.) n'entraîne pas non plus cette conséquence (RVJ 1986 p. 176 consid. 3a; GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 314; STRÄULI/MESSMER, Kommentar zur Zürcherischen Zivilprozessordnung, 2e éd., n. 4 ad § 47). L'acceptation de la garantie n'emporte aucune reconnaissance de l'existence de la prétention
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que l'appelant pourrait exercer contre l'appelé en cas d'issue défavorable (cf. RVJ 1976 p. 273, 276, 282 et 283); cette question est au contraire réservée à un accord ou à un procès ultérieurs entre l'appelant et l'appelé (RVJ 1986 p. 178, 1982 p. 60).
c) L'
art. 207 al. 1 LP ne vise que les procès déjà pendants lors de l'ouverture de la faillite (
ATF 118 III 40 consid. 5b p. 42,
ATF 116 V 284 consid. 3d p. 287); il faut que l'action soit introduite en première instance à ce moment-là (
ATF 116 V 284 consid. 3d p. 287). S'agissant des procès non encore ouverts, à savoir des droits litigieux qui pourraient donner lieu à un procès dont l'issue influerait sur la composition de la masse, les prétentions des tiers sont prises en considération dans la procédure de collocation (
art. 244 ss LP; GILLIÉRON, op.cit., p. 296/297).
Or, on l'a vu, l'acceptation de la garantie laisse intacte la liquidation du contentieux interne entre l'appelé et l'appelant, laquelle n'intervient qu'une fois rendu le jugement au fond entre les parties principales. Cette question influe, certes, sur la composition de la masse; mais elle ne sera débattue, à moins d'un accord entre les intéressés, que dans le cadre d'un procès qui ne serait, en tout état de cause, pas pendant à l'ouverture de la faillite.