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133 V 288


38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause G. contre Fondation Patria pour le développement de l'assurance en faveur du personnel ainsi que Tribunal des assurances du canton de Vaud (recours de droit administratif)
B 60/06 du 9 mai 2007

Regeste

Art. 122 et 124 CC; art. 5 et 22 LFLP: Survenance du cas d'assurance en raison de la retraite anticipée; partage de la prestation de sortie ou indemnité équitable?
Lorsque le cas de prévoyance "vieillesse" est survenu parce que les conditions de la naissance du droit aux prestations de vieillesse - dont celle de la déclaration de l'époux quant à la retraite anticipée - sont réalisées, le partage de la prestation de sortie au sens de l'art. 122 CC n'est plus possible. Tel est le cas même si l'époux a fait de fausses déclarations, notamment quant à son état civil, et que l'institution de prévoyance n'a pas requis le consentement de l'ex-épouse (consid. 4.3).

Faits à partir de page 288

BGE 133 V 288 S. 288

A. A l'issue d'une procédure de divorce ouverte en 1998, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a, par jugement du 3 novembre 2004, prononcé le divorce de G. et E., mariés depuis 1975. Il a par ailleurs ordonné que la moitié de la
BGE 133 V 288 S. 289
prestation de sortie de l'époux soit transférée sur le compte de libre passage de l'épouse auprès du Fonds Interprofessionnel de prévoyance (ch. VI du dispositif). Il a encore jugé que E. était débiteur de G. de la somme de 100'000 fr. à titre d'indemnité équitable au sens de l'art. 124 CC à la condition suspensive que le versement de la somme due par la caisse de pension de E. à celle de G. fût impossible (ch. VII du dispositif).

B. Après l'entrée en force du jugement de divorce le 25 novembre 2004 et le transfert du dossier au Tribunal des assurances du canton de Vaud pour exécution du partage, celui-ci a procédé à diverses mesures d'instruction. C'est ainsi que la Fondation Patria pour le développement de l'assurance en faveur du personnel (ci-après: la fondation), à laquelle l'ex-époux avait été affilié du 1er septembre 1976 au 31 janvier 2002, a indiqué qu'elle avait reçu un formulaire "annonce de sortie", daté du 14 octobre 2002 et signé par E. et son employeur, l'informant de la fin des rapports de travail au 31 janvier 2002. Après lui avoir fait remplir le formulaire "prestation complémentaire avec questionnaire sur l'état de santé" (daté du 4 novembre 2002), la fondation avait versé à E. le montant de 159'229 fr. 15 (valeur au 31 janvier 2002) au titre de paiement de l'avoir de vieillesse en capital en raison de la retraite anticipée à 61 ans. Ce montant correspondait aux prestations dues en vertu, d'une part, du contrat de prévoyance n° 15319.1.20 conclu le 1er janvier 1985 sous forme de rente (par 145'008 fr. 80) et, d'autre part, du contrat de prévoyance n° 37711.4.20 conclu le 1er janvier 1995 sous forme de capital (par 14'220 fr. 35). (...)
Statuant le 30 janvier 2006, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a jugé qu'il ne pouvait être procédé au partage et a rayé la cause du rôle.

C. G. a interjeté un recours de droit administratif contre le jugement cantonal, en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que la fondation fût condamnée à lui verser "le capital de compensation accordé" par le jugement de divorce.
Par détermination du 17 août 2006, la fondation a conclu au rejet du recours. Le Fonds interprofessionnel de prévoyance, auquel est affiliée l'ex-épouse, ne s'est pas prononcé sur le recours, tandis que E. n'a pas fait usage de la possibilité de se déterminer. De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a préavisé pour l'admission du recours.
BGE 133 V 288 S. 290

Considérants

Extrait des considérants:

2. Le litige porte sur le partage par moitié de la prestation de sortie acquise par E. durant le mariage, en exécution du jugement de divorce des époux G. et E. du 3 novembre 2004. Singulièrement il s'agit d'examiner si le partage conformément à l'art. 122 al. 1 CC est possible. A défaut - la condition prévue par le ch. VII du dispositif du jugement de divorce étant alors réalisée -, la recourante a droit à l'indemnité équitable au sens de l'art. 124 CC fixée par le juge du divorce. (...)

3.

3.1 Considérant qu'un cas de prévoyance était survenu avec la naissance du droit à des prestations de vieillesse en raison de la retraite anticipée de l'assuré, la juridiction cantonale a retenu que les versements effectués par la fondation intimée au titre de paiement de l'avoir de vieillesse en capital à E., les 25 octobre et 5 décembre 2002, soit antérieurement à l'entrée en force du jugement de divorce, avaient rendu impossible le partage d'une prestation de sortie de cet assuré. Examinant par ailleurs si ces versements avaient été effectués valablement au regard du devoir de diligence de l'institution de prévoyance, elle en a admis la validité: ces versements n'étaient pas soumis à l'exigence (légale ou réglementaire) du consentement du conjoint et le délai de trois ans dans lequel devait intervenir la déclaration de l'assuré quant au versement sous forme de capital au lieu de rente au sens de l'art. 37 al. 3 LPP n'était pas impératif. Enfin, même si l'ex-époux avait menti à la fondation quant à son état civil et s'était affilié comme indépendant tout en indiquant avoir pris une retraite anticipée, on ne pouvait qualifier son comportement d'abus de droit, ni reprocher à l'institution de prévoyance une violation de son devoir de diligence dès lors que des investigations plus poussées auraient excédé le cadre légal et statutaire. En conclusion, celle-ci n'avait pas à verser la prestation de libre passage à l'ex-épouse et le partage ne pouvait être exécuté.

3.2 Invoquant la mauvaise foi de l'intimée, qui avait connaissance "des agissements frauduleux" de E., la recourante soutient que la fondation est tenue de verser une seconde fois la moitié du capital de libre passage en ses mains.
De son côté, l'intimée conteste tout abus de sa part. Dès lors que le versement de prestations de vieillesse au sens de l'art. 37 LPP en
BGE 133 V 288 S. 291
cas de pré-retraite n'était pas soumis à l'exigence de l'accord du conjoint, elle n'avait pas à vérifier l'état civil de E.
Pour sa part, l'OFAS est d'avis qu'au regard du comportement abusif de l'assuré, la fondation aurait dû soit traiter l'annonce de pré-retraite comme une demande de versement en espèces au sens de l'art. 5 LFLP et requérir le consentement du conjoint, soit refuser le versement de plus de la moitié de la prestation de sortie. A défaut, elle s'exposait au risque de prester une seconde fois. En tout état de cause, le versement des prestations relatifs au contrat n° 15319.1.20 devait être considéré comme nul, puisque la déclaration de l'assuré au sens de l'art. 37 al. 3 LPP ne respectait pas le délai de trois ans prévu par la disposition réglementaire y relative, qui ne prévoyait pas une dérogation au délai légal.

4.

4.1

4.1.1 Selon la jurisprudence, la survenance du cas de prévoyance au sens des art. 122 et 124 CC se produit au moment où l'assuré perçoit réellement des prestations de vieillesse de son institution de prévoyance professionnelle, et non pas dès l'instant où il pourrait prendre une retraite anticipée selon le règlement de son institution de prévoyance (ATF 130 III 297 consid. 3.3.1 p. 301).

4.1.2 Selon d'autres arrêts, par survenance du cas de prévoyance au sens des art. 122 et 124 CC, il faut entendre la naissance d'un droit concret à des prestations de la prévoyance professionnelle, qui rend impossible le partage des avoirs de prévoyance à la base des prestations servies (RSAS 2004 p. 572, B 19/03, consid. 5.1). Dès lors, la survenance du cas de prévoyance "vieillesse" ne se produit pas au moment où l'assuré pourrait prendre une retraite anticipée selon le règlement de prévoyance, mais dès que les conditions de la naissance du droit à de telles prestations sont réalisées et que l'ayant droit fait valoir ses prétentions. Ce moment peut coïncider avec celui où l'assuré touche effectivement les prestations, mais un certain décalage temporel entre la naissance du droit concret à des prestations et le versement de celles-ci a souvent lieu en pratique. En ce sens, la formulation de l' ATF 130 III 297 consid. 3.3 p. 300 (reprise dans la RSAS 2006 p. 39, B 19/05), selon laquelle la survenance du cas de prévoyance "vieillesse" se produit au moment où l'assuré "perçoit réellement/touche" des prestations de vieillesse de son institution de prévoyance, ne peut pas être comprise en ce sens
BGE 133 V 288 S. 292
que serait déterminant pour la survenance du cas de prévoyance le moment du versement effectif des prestations. Une telle interprétation, trop restrictive, ne tiendrait pas compte du fait que la survenance du cas de prévoyance ne saurait dépendre du moment où l'institution de prévoyance verse effectivement les prestations, mais de la réalisation des conditions posées pour la naissance du droit à celles-ci et du moment à partir duquel elles sont dues.

4.1.3 En l'espèce, la question n'a pas besoin d'être tranchée définitivement. En effet, que l'on prenne en considération la date du versement effectif de la prestation de vieillesse ou celle de la naissance du droit à la prestation, celles-ci se situent plus de deux ans avant l'entrée en force du jugement de divorce.

4.2 Une fois que le cas de prévoyance est survenu, un partage n'est techniquement plus possible, dès lors que cette circonstance a pour effet de supprimer toute prétention à une prestation de sortie. Dans ce cas, comme dans celui de l'impossibilité de procéder au partage, seule une indemnité équitable peut être fixée (ATF 130 III 297 consid. 3.3.1 p. 300; ATF 129 V 444 consid. 5.1 p. 446 et les références; RSAS 2004 p. 572, B 19/03, consid. 5.1).

4.3

4.3.1 Les dispositions réglementaires de la fondation applicables aux deux contrats de prévoyance en cause prévoient qu'un assuré a la possibilité de demander des prestations de prévoyance "vieillesse" au plus tôt cinq ans avant l'âge terme (fixé, pour les hommes, au premier jour du mois qui suit la date où l'âge de 65 ans révolus a été atteint; art. 3.1 ["plan de prévoyance"] du règlement de la fondation et 4.3 des "dispositions générales", version janvier 1995, applicables au contrat n° 15319.1.20, respectivement art. 5 du règlement de la fondation, version janvier 1995, applicable au contrat n° 37711.4.20, en relation avec l'art. 13 al. 2 LPP).
En l'espèce, la naissance du droit à des prestations de vieillesse au titre de retraite anticipée suppose donc, en plus de la cessation des rapports de travail avant l'âge réglementaire normal maximal de la retraite et la survenance de l'âge terme, une déclaration de volonté correspondante de l'assuré (voir aussi l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 38/00 du 24 juin 2002, auquel renvoie l' ATF 129 V 381 consid. 4.6 p. 387).

4.3.2 Comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges, en déclarant vouloir recevoir des prestations de la part de l'institution de
BGE 133 V 288 S. 293
prévoyance, au moyen du formulaire "annonce de sortie" signé le 14 octobre 2002, E., âgé alors de 61 ans, a fait usage de la possibilité prévue par les règlements de la fondation de demander le versement de prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle. Certes, il apparaît qu'avec les indications données dans le formulaire, l'assuré visait à bénéficier d'une prestation de sortie au sens de l'art. 5 LFLP (en évitant, par la mention "divorcé", que l'institution ne requière le consentement de la recourante). L'intimée a toutefois considéré au vu des circonstances concrètes du cas (âge de l'assuré et fin des rapports de travail) que la demande ne pouvait concerner que le cas de la retraite anticipée et le versement de prestations de vieillesse, ce que l'assuré n'a pas contesté; à cet égard, la correspondance échangée entre l'intimée et l'assuré se réfère aux prestations de vieillesse ensuite d'une retraite anticipée au 1er février 2002.
Outre l'âge de l'assuré et la cessation des rapports de travail (au 31 janvier 2002), la déclaration de E. constituait une condition suffisante au regard des dispositions légales et réglementaires applicables pour entraîner la survenance du cas de prévoyance et, partant, ouvrir le droit à des prestations de vieillesse, sous forme de rente ou, si les conditions en étaient remplies, de capital.
Que E. ait alors donné de fausses informations sur son état civil et sur le commencement d'une activité lucrative indépendante ne portait pas à conséquence quant à la naissance du droit aux prestations de vieillesse, puisque ce droit ne dépendait ni de l'état civil de l'ayant droit, ni de l'absence de toute activité lucrative (indépendante ou salariée auprès d'un nouvel employeur). On ne saurait pas non plus reprocher à la fondation intimée, comme le font la recourante et l'autorité de surveillance, de n'avoir pas bloqué les avoirs de vieillesse de son assuré. Dès lors que les conditions du droit aux prestations de vieillesse étaient remplies et que le cas de prévoyance était survenu, l'institution de prévoyance n'avait pas à différer l'allocation de ses prestations, du moins pas en l'absence de mesures judiciaires lui en interdisant le versement, sous une forme ou une autre. On ne voit pas non plus quelle obligation de diligence aurait imposé à l'intimée de vérifier l'indication de l'assuré sur son état civil, puisque ni la loi, ni les dispositions réglementaires ne font du consentement du conjoint une condition de la naissance du droit aux prestations de vieillesse.
BGE 133 V 288 S. 294

4.3.3 Cela étant, à la date de l'entrée en force du jugement de divorce, le 25 novembre 2004 - jour déterminant pour décider si le partage des prestations de sortie de E. était possible conformément à l'art. 122 CC (ATF 132 III 401) -, le cas de prévoyance vieillesse était survenu. Cette circonstance excluait donc le partage des avoirs de prévoyance entre les époux, ceux-ci devant servir à verser des prestations de vieillesse à E.
Dans cette mesure et dès lors que seule l'application de l'art. 124 CC entrait en ligne de compte, la forme des prestations de vieillesse - rente ou capital - versées à l'assuré ne jouait aucun rôle du point de vue du partage des prestations de prévoyance entre les époux G. et E. dans le cadre du divorce. Ainsi, à supposer que les conditions du versement en capital des prestations de vieillesse relatives au contrat n° 15319.1.20 n'eussent pas été remplies, celles-ci n'auraient de toute façon pas pu être partagées en tant que prestations de sortie au sens de l'art. 122 CC. Il n'est par conséquent pas nécessaire de se prononcer sur une éventuelle application par analogie, dans le cas où, comme en l'espèce, l'assuré demande le versement de sa prestation de vieillesse sous forme de capital selon l'art. 37 al. 3 LPP (dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004), de l'exigence du consentement du conjoint prévue par l'art. 5 al. 2 LFLP pour le paiement en espèces de la prestation de sortie (question laissée ouverte dans l' ATF 125 V 165 et à laquelle la doctrine apporte une réponse négative [SUZETTE SANDOZ, Prévoyance professionnelle et consentement du conjoint à propos de l' ATF 125 V 165, in SJ 2000 II 449]).
Il en va de même de la problématique évoquée par l'OFAS relative au respect du délai de trois ans avant la naissance du droit, dans lequel l'assuré doit faire connaître sa volonté d'exiger les prestations de vieillesse en capital au lieu d'une rente conformément à l'art. 37 al. 3 2e phrase LPP.

4.4 Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que la juridiction cantonale a nié le droit de la recourante au versement de la moitié de la prestation de sortie de son ex-époux à son institution de prévoyance, tandis qu'elle a droit à une indemnité équitable au sens de l'art. 124 CC, fixée à 100'000 fr. par le juge du divorce.
Le recours apparaît dès lors mal fondé.

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 2 3 4

références

ATF: 130 III 297, 125 V 165, 129 V 444, 129 V 381 suite...

Article: Art. 122 et 124 CC, art. 122 CC, art. 37 al. 3 LPP, art. 5 LFLP suite...