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Chapeau

137 III 113


18. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. et B. contre dame X. (recours en matière civile)
5A_662/2010 du 15 février 2011

Regeste

Art. 216 CC, ancien art. 214 al. 3 CC et art. 10 Tit. fin. CC; contrat de mariage.
L'observation des formes du contrat de mariage est nécessaire et suffisante pour modifier en faveur du conjoint survivant la participation au bénéfice résultant de la liquidation du régime matrimonial. Cette règle vaut aussi bien pour le régime de la participation aux acquêts que pour celui de l'union des biens de l'ancien droit (consid. 4.2 et 4.3).

Faits à partir de page 113

BGE 137 III 113 S. 113

A. X. est décédé le 28 novembre 2006, laissant pour héritiers son épouse, dame X., et leurs deux enfants, A. et B.
Par contrat de mariage du 24 janvier 1973, les époux X., soumis au régime de l'union des biens, ont modifié la répartition du bénéfice
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issu de la dissolution du régime, en ce sens que celui-ci reviendrait entièrement au conjoint survivant. Ce contrat a été ratifié par l'Autorité tutélaire de E. le 5 mars 1973.
Le 26 août 1992, X. a rédigé un testament olographe par lequel, dans l'hypothèse où il décéderait avant son épouse, il a réduit ses enfants à leur réserve héréditaire, institué son épouse héritière de la quotité disponible et grevé la part réservataire revenant à ses enfants d'un usufruit en faveur de son épouse conformément à l'art. 473 CC. Dame X. a rédigé un testament au contenu identique.

B. Le 8 novembre 2007, A. et B. ont formé une demande en justice tendant notamment à l'annulation des dispositions pour cause de mort laissées par leur père et favorisant leur mère à leur détriment. Reconventionnellement, dame X. a conclu, en exécution du contrat de mariage du 24 janvier 1973, à ce que la propriété des biens de feu son époux lui soit transférée.
Par jugement du 8 décembre 2009, le Président de l'Arrondissement judiciaire de Courtelary-Moutier-La Neuveville a rejeté la demande et attribué tous les biens du de cujus à la défenderesse.
Statuant sur appel des demandeurs, la Cour suprême du canton de Berne a confirmé le jugement attaqué par arrêt du 29 juin 2010.

C. Le 20 septembre 2010, A. et B. exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt. Ils invoquent notamment que le contrat de mariage du 24 janvier 1973 est nul en ce qui concerne l'attribution de la totalité du bénéfice de l'union conjugale au conjoint survivant, faute de satisfaire aux exigences de forme du pacte successoral.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(résumé)

Considérants

Extrait des considérants:

4.2

4.2.1 Lorsque les époux ont conclu un contrat de mariage sous l'empire du code civil du 10 décembre 1907, ce contrat demeure en vigueur et leur régime matrimonial reste, sous réserve des dispositions sur les biens réservés, les effets à l'égard des tiers et sur la séparation de biens conventionnelle contenues dans ce titre final, soumis dans son ensemble aux dispositions de l'ancien droit (art. 10 al. 1 Tit. fin. CC).
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A teneur de l'ancien art. 214 al. 3 CC, les époux pouvaient, par contrat de mariage, prévoir une autre répartition du bénéfice et du déficit résultant de la liquidation du régime de l'union des biens que celle prévue par la loi. Selon une jurisprudence constante depuis l'arrêt Nobel (ATF 102 II 313 consid. 4), l'attribution conventionnelle du bénéfice au conjoint survivant constituait une donation pour cause de mort au sens de l'art. 245 al. 2 CO sujette à réduction en cas d'atteinte à la réserve des descendants (ATF 116 II 243 consid. 3; ATF 115 II 321 consid. 3; ATF 106 II 276 consid. 2). Modifiant cela, le nouveau droit de la famille, entré en vigueur le 1er janvier 1988, réserve désormais l'action en réduction aux seuls enfants non communs et à leurs descendants (art. 10 al. 3 Tit. fin. CC). La même règle vaut pour les contrats de mariage conclus entre des époux soumis au régime de la participation aux acquêts (art. 216 al. 2 CC); seule la réserve des enfants non communs et de leurs descendants est protégée (DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, Les effets du mariage, 2009, n. 1677j ss; AEBI-MÜLLER, Die optimale Begünstigung des überlebenden Ehegatten, 2007, n. 06.101). La solution finalement adoptée constitue un compromis par rapport au projet du Conseil fédéral - qui proposait la reprise dans la loi de la jurisprudence Nobel - sans qu'il ne ressorte clairement des débats parlementaires si le législateur visait un retour partiel à la situation prévalant avant cet arrêt ou s'il entendait plutôt supprimer l'action en réduction pour les héritiers réservataires autres que les enfants non communs et leurs descendants (BO 1981 CE 154 ss; BO 1983 CN 673 ss; BO 1984 CE 137 ss; STEINAUER, Le calcul des réserves héréditaires et de la quotité disponible en cas de répartition conventionnelle du bénéfice dans la participation aux acquêts [ci-après: Le calcul], in Mélanges Pierre Engel, 1989, p. 403 ss, spéc. 409 s.).

4.2.2 Sous l'empire de l'ancien droit, à propos du régime de l'union des biens, le Tribunal fédéral a qualifié la modification en faveur du conjoint survivant de la répartition du bénéfice qui résulte de la liquidation du régime matrimonial de disposition pour cause de mort (ATF 116 II 243 consid. 3; ATF 115 II 321 consid. 3; ATF 106 II 276 consid. 2; ATF 102 II 313 consid. 4; du même avis: HAUSHEER/REUSSER/GEISER, Berner Kommentar, 1992, nos 34 ss ad art. 216 CC; PIOTET, Les libéralités par contrat de mariage ou autres donations au sens large et le droit successoral, 1997, p. 30 ss; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, vol. I, 4e éd. 2010, n° 27 ad art. 216 CC; STECK, in Scheidung, Kommentar, 2e éd. 2011, n° 15 art. 216 CC; STETTLER/
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WAELTI, Le régime matrimonial, 2e éd. 1997, n. 437; TERCIER, Les contrats spéciaux, 2009, n. 1841; AEBI-MÜLLER, op. cit., n. 06.23; WILDISEN, Das Erbrecht des überlebenden Ehegatten, 1997, p. 87 s.). Cette qualification est contestée par une partie de la doctrine qui considère cette modification comme une libéralité entre vifs, qui intervient - en cas de décès d'un conjoint - à la dernière seconde de la vie de celui-ci, la liquidation du régime précédant celle de la succession (pour un exposé complet: STEINAUER, op. cit., Le calcul, p. 403 ss; cf. également: DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, op. cit., n. 1351; STEINAUER, Le droit des successions, 2006, n. 285e; RUMO-JUNGO, in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 2007, n° 12 ad art. 216/217 CC; WEIMAR, Berner Kommentar, 2000, n° 106 des remarques préliminaires au titre quatorzième CC; WOLF, Vorschlags- und Gesamtgutszuweisung an den überlebenden Ehegatten, 1996, p. 148 ss; SCHULER, Die Mehrwertbeteiligung unter Ehegatten im Entwurf für eine Änderung des Zivilgesetzbuches, 1984, p. 142).

4.2.3 S'agissant de la forme que doivent revêtir de telles conventions, le Tribunal fédéral ne s'est prononcé explicitement sur la question qu'antérieurement à l'arrêt Nobel, qui les qualifie de dispositions pour cause de mort (ATF 102 II 313 consid. 4). Il avait alors jugé que l'observation des formes prévues à l'ancien art. 214 al. 3 CC, à savoir celles du contrat de mariage, était nécessaire et suffisante sans devoir respecter celles du pacte successoral (ATF 58 II 1). L'arrêt Nobel ne tranche pas la question de la forme; il constate cependant que c'est par contrat de mariage qu'a eu lieu l'attribution du bénéfice au conjoint survivant qualifiée de donation pour cause de mort au sens de l'art. 245 al. 2 CO (ATF 102 II 313 consid. 4d). Depuis lors, et malgré cette nouvelle qualification juridique, la forme du contrat de mariage paraît avoir été jugée suffisante (cf. ATF 127 III 529; ATF 116 II 243 dont l'état de fait indique que les époux avaient conclu un contrat de mariage et non un pacte successoral). Pour le régime de la participation aux acquêts, il ressort du message du Conseil fédéral du 11 juillet 1979 concernant la révision du code civil suisse - dont le projet proposait une reprise de la solution retenue par l'arrêt Nobel dans la loi - que la forme des dérogations conventionnelles est le contrat de mariage, même si elles peuvent renfermer, quant au fond, une disposition pour cause de mort (FF 1979 II 1302 ch. 222. 542). La doctrine, qu'elle soit partisane de la qualification d'acte entre vifs ou de disposition pour cause de mort, partage cet avis (HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op. cit., n° 10 ad art. 216 CC; PIOTET, op. cit.,
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p. 23 et 101; HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, op. cit., n° 10 ad art. 216 CC; STECK, op. cit., n° 15 art. 216 CC; DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, op. cit., n. 1350b; STEINAUER, op. cit., n. 285e; DRUEY, Grundriss des Erbrechts, 2002, n. 50; BADDELEY, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. I, 2003, n° 42 ad art. 245 CO; AEBI-MÜLLER, op. cit., n. 06.24; cf. également LEMP, Berner Kommentar, 1963, nos 81 s. ad ancien art. 214 CC). TERCIER, que citent les recourants à l'appui de leur thèse, qualifie l'attribution du bénéfice de disposition pour cause de mort en se référant à l' ATF 102 II 312 (TERCIER, op. cit., n. 1841). Quant à la forme, il indique de manière générale que la validité d'une donation au décès est subordonnée aux règles applicables aux pactes successoraux, sans se prononcer expressément sur l'attribution du bénéfice issu de la liquidation du régime matrimonial (TERCIER, op. cit., n. 1843).

4.3 Il n'y a pas lieu d'examiner, en l'espèce, la question de la qualification juridique des conventions prévoyant une répartition du bénéfice autre que celle prévue par la loi dès lors que les considérations qui suivent, confirment que la forme du contrat de mariage est suffisante.
En premier lieu, le texte légal lui-même prévoit expressément qu'une dérogation au système de la loi doit intervenir par contrat de mariage (ancien art. 214 al. 3 et art. 216 al. 1 CC). En outre, ces deux dispositions sont comprises, d'un point de vue systématique, dans le titre du Code civil traitant des régimes matrimoniaux et non dans celui relatif aux dispositions pour cause de mort. Quant à leur portée, ces conventions dérogeant au système légal sont, d'une manière générale, prévues en faveur du conjoint survivant, l'art. 217 CC précisant qu'à défaut d'une clause expresse dans le contrat de mariage, elles ne s'appliquent pas en cas de divorce, séparation de corps ou nullité du mariage (pour l'ancien droit, art. 154 al. 3, 155 et 134 al. 2 CC). Aussi, la disposition spéciale (art. 216 al. 1 CC ou, comme en l'espèce, ancien art. 214 al. 3 CC) qui les soumet au contrat de mariage serait pratiquement vidée de son sens si l'on exigeait qu'elles satisfassent aux formes du pacte successoral aussitôt qu'elles visent à favoriser le conjoint survivant. En outre, dès lors que la loi prévoit expressément que les conventions sur la répartition du bénéfice peuvent porter atteinte aux droits des héritiers réservataires à l'exclusion de ceux des enfants non communs et de leurs descendants (art. 216 al. 2 CC et 10 al. 3 Tit. fin. CC), force est d'admettre qu'elle les soumet à des règles spécifiques qui diffèrent de celles prévalant de manière générale en droit successoral. Si tel n'était pas le cas, ces
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conventions ne seraient autorisées que dans les limites de la quotité disponible, seraient sans autre soumises à réduction et il n'aurait pas été nécessaire de prévoir un correctif en faveur des descendants non communs. De telles conventions ne doivent en conséquence pas satisfaire aux formes du pacte successoral même si elles ne produisent leur effet qu'en cas de décès de l'un des conjoints. Les art. 216 al. 1 CC et ancien 214 al. 3 CC constituent des "leges speciales" par rapport aux art. 245 al. 2 CO et 512 CC.
Enfin, un traitement différent des époux soumis au régime de l'union des biens, comme le préconisent les recourants en se référant à BADDELEY - qui pourtant ne se prononce pas sur la question (BADDELEY, op. cit., n° 42 ad art. 245 CO) -, ne se justifie pas. Le législateur a en effet expressément soumis les contrats de mariage passés sous l'ancien droit - comme ceux conclus sous le nouveau droit - à des règles spéciales comparables, notamment en ce qui concerne la protection des héritiers réservataires. Les art. 216 CC et ancien 214 al. 3 CC en relation avec l'art. 10 al. 3 Tit. fin. CC doivent ainsi être interprétés de manière identique (cf. consid. 4.2.1 supra).

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Article: Art. 216 CC, art. 214 al. 3 CC, art. 245 al. 2 CO, art. 10 al. 3 Tit. fin. CC suite...