Chapeau
137 III 547
81. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. contre Y. et Z. (recours en matière civile)
4A_305/2011 du 7 novembre 2011
Regeste
Art. 269d al. 1 et art. 270 al. 2 CO; rôle de la formule agréée par les autorités cantonales.
La formule agréée par les autorités cantonales (formule officielle) a pour but d'informer le locataire de la possibilité de saisir l'autorité de conciliation pour contester le montant du loyer en lui fournissant toutes les indications utiles à cet effet. L'absence de notification sur formule officielle du loyer initial n'affecte ni la possibilité pour les parties au contrat de bail de résilier ce contrat pour l'échéance ni la convention de celles-ci fixant la date à laquelle le loyer doit être versé. Le vice n'a de conséquence que pour le montant du loyer convenu (consid. 2.3).
Considérants à partir de page 547
Extrait des considérants:
2.3 Les locataires ont contre-attaqué en faisant valoir que le loyer initial (le contrat a été conclu le 22 juillet 2007) ne leur avait pas été notifié sur une formule officielle, comme l'exige le droit cantonal en faisant usage de la faculté offerte par l'
art. 270 al. 2 CO.
Pour saisir la portée de cet argument, il faut rappeler quelques principes essentiels concernant la fixation du loyer.
BGE 137 III 547 S. 548
Les parties peuvent en principe convenir librement du montant du loyer (
art. 1 et 253 CO). Le droit privé ne prévoit pas un contrôle d'office par une autorité des montants convenus. En revanche, pour protéger les locataires contre les loyers abusifs, il est prévu que le locataire pourra saisir la commission de conciliation puis le juge pour contester le loyer initial ou une augmentation du loyer, ou pour demander une baisse de loyer, aux conditions fixées par les art. 269 à 270e CO.
Il appartient cependant toujours au locataire de prendre l'initiative et l'autorité n'intervient pas d'office (art. 270 al. 1, 270a al. 1 et 270b al. 1 CO). Pour assurer la clarté de la situation juridique, un délai strict est imposé au locataire pour agir, faute de quoi il est réputé avoir accepté le loyer proposé et il est déchu du droit de le contester (art. 270 al. 1 et 270b al. 1 CO).
La formule officielle dont il est question ici (art. 269d al. 1 et 270 al. 2 CO) a pour but d' informer le locataire de sa possibilité de saisir l'autorité de conciliation pour contester le montant du loyer, en lui fournissant toutes les indications utiles (sur le contenu de la formule: art. 19 OBLF; RS 221.213.11).
Lorsque - comme en l'espèce - la formule n'a pas été employée pour un loyer initial alors qu'elle était obligatoire, ce vice n'entraîne pas la nullité du contrat de bail en tant que tel, mais influe seulement sur le montant fixé (
ATF 124 III 62 consid. 2a p. 64;
ATF 120 II 341 consid. 5d p. 349).
L'absence de notification sur formule officielle n'affecte donc ni la possibilité pour chacune des parties de résilier le contrat pour l'échéance, ni la convention des parties fixant la date à laquelle le loyer doit être versé. Le vice n'a de conséquence que pour le montant du loyer convenu.
La formule officielle ayant un but d'information, le locataire ne doit pas être désavantagé du fait que cette dernière ne lui a pas été donnée; cependant, dès le moment où il a reçu les informations nécessaires, on doit en principe admettre - conformément au mécanisme général en matière de contestation des loyers - qu'il doit agir sans retard (
ATF 121 III 56 consid. 2c p. 58 s.).
En l'espèce, les locataires ont eu connaissance du vice par leur avocat au cours de la présente procédure. Ils n'ont cependant pas saisi la commission de conciliation d'une contestation du loyer initial. A aucun moment dans le présent procès, ils n'ont contesté le montant du loyer et soutenu qu'il serait abusif. Or, il faut rappeler qu'il
BGE 137 III 547 S. 549
appartient au locataire d'apprécier s'il considère le loyer comme abusif et de décider s'il entend ou non saisir l'autorité de conciliation. En l'espèce, après avoir été informés par leur avocat, les locataires n'ont émis aucune contestation sur le montant du loyer tout au cours de la procédure. On se trouve donc dans une situation identique à celle où les locataires, ayant reçu la formule officielle, n'auraient pas saisi la commission de conciliation dans les trente jours. Faute de toute protestation dans un délai raisonnable, les locataires ont montré qu'ils considéraient le loyer convenu comme non abusif et renonçaient à le contester devant l'autorité. Ils ont ainsi validé le montant convenu et guéri les effets du vice de forme.
L'argument tiré de l'absence de notification du loyer initial sur formule officielle est absolument sans rapport avec le comportement des locataires qui a motivé la résiliation du bail, à savoir les retards dans le paiement du loyer. On ne voit pas comment ces retards pourraient être causés par l'absence de la formule officielle, alors que les locataires, même aujourd'hui, n'émettent aucune critique à l'égard du loyer convenu. L'argument soulevé n'affecte pas l'existence même du contrat de bail, ni la possibilité pour chacune des parties de le résilier à l'échéance, et encore moins la date convenue pour le versement du loyer. Invoquer l'absence de notification sur formule officielle pour s'opposer à une résiliation ordinaire du bail découlant du fait que les locataires n'ont pas rempli ponctuellement leurs obligations pécuniaires revient à utiliser une institution juridique (l'exigence de la formule officielle) d'une manière contraire à son but, dès lors que les locataires ne contestent en rien le montant du loyer.
Il faut donc constater que cette argumentation relève de l'abus de droit (
art. 2 al. 2 CC), puisque les locataires utilisent une institution juridique contrairement à sa finalité (cf.
ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169).
Partant, il faut constater la validité du congé, ce qui entraîne l'admission du recours et l'annulation de l'arrêt attaqué.
Les locataires avaient formé subsidiairement une demande en prolongation du bail (cf. art. 272 ss CO, en particulier le nouvel art. 273 al. 5 CO). En conséquence, la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle statue sur cette question en complétant l'état de fait dans la mesure nécessaire.