Intestazione
146 IV 126
12. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause A. contre Ministère public de la République et canton de Genève et B. (recours en matière pénale)
6B_943/2019 du 7 février 2020
Regesto
Art. 179
ter
CP; registrazione di conversazioni senza l'assenso degli altri interlocutori; nozione di conversazione "non pubblica".
Per essere qualificata come "non pubblica" ai sensi degli art. 179
bis
e 179
ter
CP, una conversazione non deve necessariamente riferirsi alla sfera segreta o privata di coloro che vi prendono parte o inserirsi in un contesto di rapporti personali o commerciali. La conversazione non è pubblica se, tenuto conto dell'insieme delle circostanze, i suoi partecipanti s'intrattengono con la legittima aspettativa che i loro discorsi non siano accessibili a chiunque (modifica della giurisprudenza; consid. 2 e 3).
A.
Par jugement du 10 janvier 2019, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a déclaré A. coupable d'enregistrements non autorisés de conversations (art. 179
ter
al. 1 et 2 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans.
B.
Par arrêt du 28 juin 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par A. à l'encontre du jugement du Tribunal de police. Elle s'est fondée en substance sur les faits suivants.
Le 11 juillet 2017, un individu s'est présenté au Poste de police de C. Il avait été sorti d'un parc par des agents de surveillance durant la nuit et souhaitait récupérer les affaires qu'il leur avait laissées. L'agente présente sur place a contacté la société de surveillance F. afin de clarifier les faits. Son interlocutrice, D., épouse de A., directeur de la société, n'ayant pas été en mesure de la renseigner, l'agente a demandé conseil au sergent-chef B., qui a proposé de contacter lui-même la société. Comme il avait expliqué à D. qu'il était important qu'il puisse s'entretenir avec les agents de surveillance, A. l'a rappelé sur sa ligne téléphonique directe quelques minutes plus tard. Au cours de la conversation, A. a indiqué qu'il disposait d'images filmées de l'intervention et a accepté de les remettre à la police. Plus tard dans la matinée, A. a rappelé B. sur sa ligne directe pour lui indiquer qu'il avait visionné les images de vidéosurveillance, qui confirmaient que personne n'était présent sur le site lors du passage de ses agents. Il a ajouté souhaiter porter plainte car il se sentait calomnié. A. a enregistré les deux conversations téléphoniques sans en avertir B.
Le lendemain, A. a adressé un courriel comprenant les enregistrements des conversations à un lieutenant de la Police de la Navigation ainsi qu'à trois autres personnes, dont le responsable du site où les événements seraient intervenus, accompagné du rapport de l'agent de surveillance et d'un compte-rendu établi par lui-même relatif
BGE 146 IV 126 S. 128
notamment aux échanges téléphoniques avec B. Informé de ce courriel par le lieutenant de la Police de la Navigation, B. a porté plainte.
C.
A. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Chambre pénale d'appel et de révision pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
D.
Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre pénale d'appel et de révision et le Ministère public n'ont pas formulé d'observations, ce dernier se référant aux considérants de l'arrêt attaqué, tandis que B. n'a pas présenté d'observations dans le délai imparti.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Extrait des considérants:
2.
Le recourant se plaint de la violation de l'art. 179
ter
CP. Il soutient que les conversations qu'il a enregistrées ressortaient d'une mission officielle du sergent-chef B., de sorte qu'elles ne tombaient pas sous le coup de l'art. 179
ter
CP.
2.1
L'art. 179
ter
CP prévoit que celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part, celui qui aura conservé un enregistrement qu'il savait ou devait présumer avoir été réalisé au moyen d'une infraction visée à l'al. 1, ou en aura tiré profit, ou l'aura rendu accessible à un tiers, sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, n'importe quelle conversation non publique ne bénéficie pas encore de la protection pénale au sens de cette disposition. Il faut qu'elle touche au domaine privé. Il en est ainsi des communications de nature personnelle ou commerciale. La situation est différente s'agissant de questions posées officiellement par un policier ou un juge d'instruction dans le cadre d'une enquête en cours. Une audition conduite conformément à la mission officielle d'un des interlocuteurs ne concerne pas le domaine privé; son enregistrement ne viole pas "le droit de s'entretenir librement avec autrui" (
ATF 108 IV 161
consid. 2a et 2c p. 162 s., in JdT 1983 IV p. 140; voir aussi: arrêt 6B_925/2018 du 7 mars 2019 consid. 1.5). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que lorsque des policiers, agissant dans l'exercice de leurs fonctions, procédaient à un interrogatoire dans le cadre d'une enquête préliminaire et que leurs
BGE 146 IV 126 S. 129
questions ne concernaient pas le domaine privé de leur interlocuteur, l'art. 179
ter
CP n'était pas applicable (
ATF 108 IV 161
consid. 2d p. 163 s.).
2.2
La conception de "conversation non publique" exposée dans l'arrêt publié aux
ATF 108 IV 161
a été largement critiquée par la doctrine majoritaire, qui la juge trop restrictive et estime que les conversations non publiques des fonctionnaires devraient également être protégées par l'art. 179
ter
CP (ANDREAS DONATSCH, Delikte gegen den Einzelnen, Strafrecht, vol. III, 11
e
éd. 2018, p. 423; voir aussi: MICHEL DUPUIS ET AL., CP, Code pénal, Petit commentaire, 2
e
éd. 2017, n° 7 ad
art. 179
bis
CP; STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, in Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil, vol I: Straftaten gegen Individualinteressen, 7
e
éd. 2010, § 12 n. 25; JOSÉ HURTADO POZO, Droit pénal, partie spéciale, 2009, § 81 n. 2203; HENZELIN/MASSROURI, in Commentaire romand, Code pénal, vol. II, 2017, n° 6 ad
art. 179
bis
CP; TRECHSEL/LIEBER, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 3
e
éd. 2018, n° 4 ad
art. 179
bis
CP; RAMEL/VOGELSANG, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. II, 4
e
éd. 2019, n° 13 ad
art. 179
bis
CP; OMAR ABO YOUSSEF, Materielles Strafrecht/Die Nichtöffentlichkeit des Gesprächs i.S.v. Art. 179
ter
Abs. 1 StGB bei polizeilichen Einvernahmen des Beschuldigten, in Festschrift für Andreas Donatsch, 2017, p. 1 ss.; cf. arrêt 6B_925/2018 précité consid. 1.4).
S'il en a pris acte, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé à ce jour sur les critiques de la doctrine (cf. arrêt 6B_925/2018 précité consid. 1.4). Dans cet arrêt, il a jugé que celui qui avait enregistré sa conversation, ne ressortant pas du domaine privé, avec la conseillère d'un office régional de placement, pouvait se fonder sur la jurisprudence en vigueur depuis 1982 pour en déduire qu'aucune violation de droit civil au sens de l'art. 28 CC ne pouvait lui être reprochée, ce qui excluait l'application de l'art. 426 al. 2 CPP (arrêt 6B_925/2018 précité consid. 1.5; dans cette affaire, une condamnation du chef de l'art. 179
ter
CP était exclue dans la mesure où la plainte avait été retirée).
Compte tenu des nombreuses critiques dont l'arrêt publié aux
ATF 108 IV 161
fait l'objet, il convient d'examiner dans le cas présent si un revirement de jurisprudence se justifie.
3.
Un changement de jurisprudence doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, lesquels, sous l'angle de la sécurité du droit, doivent être d'autant plus importants que la pratique considérée comme
BGE 146 IV 126 S. 130
erronée, ou désormais inadaptée aux circonstances, est ancienne. Un changement ne se justifie que lorsque la solution nouvelle procède d'une meilleure compréhension du but de la loi, repose sur des circonstances de fait modifiées, ou répond à l'évolution des conceptions juridiques. Le motif sérieux et objectif d'un changement de jurisprudence peut notamment résulter d'une connaissance plus précise ou complète de la volonté du législateur (
ATF 144 IV 265
consid. 2.2;
ATF 143 IV 1
consid. 5.2. p. 3;
ATF 141 II 297
consid. 5.5.1 p. 303;
ATF 139 V 307
consid. 6.1 p. 313).
3.1
Il convient en premier lieu d'exposer les motifs qui sous-tendent la jurisprudence contestée (cf. consid. 3.2), avant d'examiner les décisions rendues ultérieurement (cf. consid. 3.3), puis les critiques exprimées par la doctrine (cf. consid. 3.4), afin de déterminer s'il se justifie de s'écarter de cette jurisprudence (cf. consid. 3.5 et 3.6).
3.2
Pour interpréter la notion de conversation "non publique" de l'art. 179
ter
CP, le Tribunal fédéral a, dans l'arrêt discuté, commencé par examiner la genèse de la loi. Il a relevé qu'à teneur du Message relatif à l'adoption des art. 179
bis
à 179
septies
CP, seules les conversations non publiques sont protégées, qui font partie du domaine personnel secret (Message du 21 février 1968 du Conseil fédéral à l'Asemblée fédérale concernant le renforcement de la protection pénale du domaine personnel secret, FF 1968 I 609). C'est la loi fédérale du 20 décembre 1968 concernant le renforcement de la protection pénale du domaine personnel secret qui a introduit les art. 179
bis
à 179
septies
dans le Code pénal. Simultanément à l'introduction de ces dispositions, les titres marginaux touchés par la révision ont été modifiés. C'est ainsi que le titre troisième: "Délits contre l'honneur. Violation de secrets privés" est devenu "Infractions contre l'honneur et contre le domaine secret ou le domaine privé". Le sous-titre 2 a reçu la teneur suivante: "Infractions contre le domaine secret ou le domaine privé. Violation de secrets privés". Le Tribunal fédéral d'en conclure que le bien protégé par l'art. 179
ter
CP était le domaine secret et le domaine privé. Il importait peu que seul l'art. 179
quater
CP l'indique expressément. Aussi la protection du droit pénal ne devait-elle pas être accordée à n'importe quelle conversation non publique, mais uniquement à celles touchant au domaine privé. Il en découlait qu'une audition conduite conformément à la mission officielle d'un des interlocuteurs ne concernait pas le domaine privé (
ATF 108 IV 161
consid. 2b et 2c p. 162 s.).
3.3
Dans sa jurisprudence ultérieure, le Tribunal fédéral a indiqué que quand bien même seules des personnes physiques peuvent participer à une conversation, il pouvait arriver qu'elles y prennent part en tant qu'organes, employés ou auxiliaires d'une personne morale, dont la sphère privée peut alors être concernée. Ce type de conversation bénéficiait dès lors également de la protection pénale. Le Tribunal fédéral a cependant laissé ouverte la question de savoir si les
art. 179
bis
ss CP visent à protéger la sphère privée des personnes morales privées à l'exclusion des corporations de droit public, respectivement celle de savoir si une assemblée d'une commune ecclésiastique est une assemblée publique, et donc si la conversation dans le cadre de cette assemblée est publique ou non (
ATF 111 IV 63
consid. 2 p. 66 s.).
Le Tribunal fédéral a par ailleurs constaté que la notion de caractère public dans le Code pénal était utilisée dans plusieurs cas de figure et ne devait pas être interprétée de façon identique pour toutes les infractions. Ainsi, savoir si un acte a été commis publiquement ou non dépendait principalement du bien juridique protégé et du motif pour lequel le caractère public avait été érigé en élémentconstitutif. L'
art. 179
bis
CP protégeait le domaine secret et privé. Un individu devait pouvoir s'exprimer verbalement en toute liberté dans le cercle de ses relations personnelles, sans craindre que ses propos ne soient écoutés à l'aide d'un appareil d'écoute ou enregistrés sur un porteur de son contre sa volonté. Dans ce contexte, il fallait également tenir compte du lieu où se déroule la conversation. Le caractère public ou non public d'une conversation dépendait donc aussi principalement du fait qu'elle avait lieu dans un cercle privé ou accessible à tous (
ATF 133 IV 249
consid. 3.2.2 p. 253 et les références citées).
Dans un arrêt non publié au recueil officiel, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'était pas pertinent, s'agissant de déterminer si la conversation était publique ou non, que celle-ci n'ait pas porté sur le domaine secret ou privé de l'intimé. Les art. 179
bis
et 179
ter
CP s'inscrivaient certes dans le titre troisième du Code pénal concernant les "Infractions contre l'honneur et contre le domaine secret ou privé" (art. 173-179
novies
CP). Cela ne signifiait pas encore qu'une conversation ne tombait dans le champ d'application des art. 179
bis
et 179
ter
CP que lorsqu'elle portait sur le domaine secret ou privé d'un participant qui n'a pas consenti à l'enregistrement. Les art. 179
bis
et 179
ter
CP protégeaient une conversation qui n'était pas publique également
BGE 146 IV 126 S. 132
lorsqu'elle ne contenait aucun élément qui se rapportait au domaine secret ou privé de l'un des interlocuteurs. Les art. 179
bis
et 179
ter
CP se distinguaient ainsi de l'art. 179
quater
CP qui ne visait que le domaine secret ou privé. Aussi la conversation entre la recourante et l'intimé, qui s'était déroulée dans l'appartement privé d'une collègue de la recourante et n'était pas perceptible par un nombre indéterminé et important de personnes, n'était-elle pas publique (arrêt 6B_225/ 2008 du 7 octobre 2008 consid. 2.2).
Plus récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que les art. 179
bis
et 179
ter
CP protégeaient la communication humaine dans la sphère privée, comprise comme composante de la personnalité protégée par le droit, respectivement le droit de s'exprimer de manière spontanée dans cette sphère, autrement dit la confidentialité des conversations privées. L'art. 179
ter
CP protégeait plus spécifiquement la teneur orale de la conversation dans le sens d'une protection contre la retranscription des propos tenus en dehors du cercle des personnes avec lequel l'orateur a choisi de partager ses opinions (arrêt 6B_1128/ 2017 du 23 mai 2018 consid. 1.4.3 et les références citées). Devaient être considérées comme "non publiques" les conversations qui avaient lieu dans un cadre privé, en particulier dans le cadre familial ou dans un groupe d'amis, ou encore dans un environnement de relations personnelles ou empreint d'une confiance particulière. Il convenait également de tenir compte du lieu où la conversation se tenait, car son caractère public ou non dépendait en bonne partie de savoir s'il s'agissait d'un lieu privé ou d'un lieu généralement ouvert au public (arrêt 6B_406/2018 du 5 septembre 2018 consid. 2.3, in SJ 2018 I p. 454).
Il résulte de ce qui précède que la définition de conversation "non publique" retenue dans l'arrêt publié aux
ATF 108 IV 161
, laquelle se rapporte au contenu privé (personnel ou commercial) de la conversation, n'a pas été reprise dans la jurisprudence ultérieure. En effet, l'arrêt publié aux
ATF 133 IV 249
retient que l'
art. 179
bis
CP protège le domaine secret et privé, mais précise que le caractère public ou non public d'une conversation dépend aussi principalement du fait qu'elle a lieu dans un cercle privé ou accessible à tous. L'arrêt 6B_225/ 2008 exprime clairement une conception opposée à celle de l'arrêt publié aux
ATF 108 IV 161
, à savoir que les art. 179
bis
et 179
ter
CP protègent une conversation qui n'est pas publique également lorsqu'elle ne contient aucun élément qui se rapporte au domaine secret ou privé des participants. Enfin, les décisions les plus récentes se
BGE 146 IV 126 S. 133
fondent sur le critère du cercle des personnes avec lequel l'orateur a choisi de partager ses opinions (arrêts 6B_406/2018 et 6B_1128/2017 précités).
3.4
De l'avis généralement partagé en doctrine, il ne s'agit pas d'exiger une conversation à proprement parler privée. Le critère, en termes de "non publique", est en effet plus large. Il convient d'analyser l'ensemble des circonstances (DUPUIS ET AL., op. cit., n° 7 ad
art. 179
bis
CP; cf. aussi: TRECHSEL/LIEBER, op. cit., n° 4 ad
art. 179
bis
CP; DONATSCH, op. cit., § 46 p. 423, STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, op. cit., § 12 n. 25; HURTADO POZO, op. cit., § 81 n. 2202 s.; BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd. 2010, n° 6 ad
art. 179
bis
CP; HENZELIN/MASSROURI, op. cit., n
os
6 et 9 ad
art. 179
bis
CP; RAMEL/VOGELSANG, op. cit., n° 13 ad
art. 179
bis
CP; MARTIN SCHUBARTH, Delikte gegen die Ehre [...], Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, partie spéciale, vol. III, 1984, n
os
20 ss ad art. 179
ter
CP; ABO YOUSSEF, op. cit., p. 7 s.). Par exemple, une discussion à voix normale dans un bus ou un café n'est pas publique. Elle cessera de l'être à partir du moment où les participants la rendent accessible à tout un chacun. Un grand nombre de participants n'exclut pas l'application de l'
art. 179
bis
CP, si une organisation a été mise en place pour éviter la présence de tiers. Inversement, un tout petit nombre pourra parfois suffire à conférer une dimension privée à la discussion, même si les participants ne sont pas des proches (DUPUIS ET AL., op. cit., n° 7 ad
art. 179
bis
CP). La publicité dépend non seulement du contexte dans lequel la conversation a lieu (circonstances concrètes du cas), mais également de l'intention des participants. La conversation n'est pas publique lorsque ses participants s'entretiennent dans l'attente légitime que leurs propos ne soient pas accessibles à tout un chacun (HENZELIN/MASSROURI, op. cit., n° 9 ad
art. 179
bis
CP).
3.5
Comme vu ci-dessus (cf. consid. 3.2), l'interprétation proposée dans l'arrêt publié aux
ATF 108 IV 161
prenait tout d'abord appui sur le Message à teneur duquel les dispositions légales visées avaient pour but de protéger le domaine personnel secret. Le Tribunal fédéral se livrait ensuite à une interprétation systématique de la loi, constatant essentiellement que les art. 179
bis
et 179
ter
figurent dans la deuxième section du titre troisième de la partie spéciale du Code pénal intitulé "Infractions contre le domaine secret ou privé". Il en déduisait que les conversations tombant sous le coup des art. 179
bis
et 179
ter
CP devaient se rapporter au domaine privé ou secret, et non
BGE 146 IV 126 S. 134
à des conversations d'une autre nature. Cette approche peut être nuancée pour deux raisons. D'une part, les termes de domaine secret ou privé ne figurent ni dans le titre marginal ni parmi les éléments constitutifs des art. 179
bis
et 179
ter
CP, à la différence de l'art. 179
quater
CP qui reprend la notion de "violation du domaine secret ou du domaine privé" aussi bien dans son titre marginal que dans son texte. D'autre part, le Message définit le domaine personnel secret en se référant non au contenu de la conversation, mais à sa perceptibilité par des tiers: ainsi, sont exclues de la protection pénale "[...] les déclarations verbales qui peuvent être perçues par un large cercle de personnes qui n'ont pas de rapports personnels entre elles; de telles déclarations ne concernent en effet pas le domaine personnel secret" (Message, op.cit., FF 1968 I 617; dans ce sens également: ABO YOUSSEF, op. cit., p. 8 s.).
A cela, on peut encore ajouter ce qui suit. La jurisprudence retient que l'art. 179
ter
CP poursuit le but qu'un individu puisse s'exprimer verbalement en toute liberté, sans craindre que ses propos ne soient enregistrés contre sa volonté et qu'ainsi des paroles prononcées sans arrière-pensée se trouvent abusivement perpétuées (cf.
ATF 111 IV 63
consid. 2 p. 66). Sous l'angle d'une interprétation téléologique, il importe donc peu de savoir si les propos se rapportent au domaine secret ou privé, ou encore en quelle qualité les interlocuteurs s'expriment. Un fonctionnaire de police est atteint dans sa liberté personnelle de s'exprimer librement et objectivement s'il doit craindre que ses propos soient enregistrés sans son consentement (ABO YOUSSEF, op. cit., p. 11-14). Les auditions menées par la police étant protocolées, il n'y a pas lieu de craindre que leur contenu demeure secret ou encore que les agents de police ne doivent plus rendre de compte sur la manière dont ils procèdent aux interrogatoires. Enfin, la possibilité réservée à l'agent de police dans l'arrêt publié aux
ATF 108 IV 161
d'interrompre l'enregistrement dans l'intérêt de l'enquête n'est pas convaincante, dans la mesure où seuls entrent en ligne de compte, sous l'angle de l'art. 179
ter
CP, des enregistrements effectués sans le consentement des interlocuteurs, ce qui suppose qu'ils le soient à leur insu.
3.6
En conclusion, l'analyse qui précède commande d'abandonner l'interprétation restrictive retenue dans l'arrêt publié aux
ATF 108 IV 161
, à savoir que la conversation "non publique" figurant à l'art. 179
ter
CP devait se rapporter au domaine secret ou privé de ceux qui y prennent part et intervenir dans un contexte de relations personnelles ou
BGE 146 IV 126 S. 135
commerciales, à l'exclusion de l'exercice d'un devoir de fonction. Une interprétation plus large de la disposition légale, plébiscitée unanimement par la doctrine et soutenue par la jurisprudence plus récente, apparaît fondée au regard de la genèse de la loi, de sa systématique, ainsi que des buts qu'elle poursuit. Aussi, on retiendra désormais que pour déterminer si une conversation est "non publique" au sens des art. 179
bis
et 179
ter
CP, il faut examiner, au regard de l'ensemble des circonstances, dans quelle mesure elle pouvait et devait être entendue par des tiers. La conversation n'est pas publique lorsque ses participants s'entretiennent dans l'attente légitime que leurs propos ne soient pas accessibles à tout un chacun. La nature de la conversation peut constituer un indice à cet égard, mais n'est pas seule décisive. Cette solution permet ainsi de protéger l'individu contre la diffusion de ses propos en dehors du cercle des personnes avec lequel il a choisi de partager ses opinions, peu importe en quelle qualité il s'est exprimé.
3.7
Sur le vu de ce qui précède, il faut conclure que les conversations téléphoniques entre l'intimé et le recourant n'étaient pas publiques. En effet, comme la cour cantonale l'a constaté, les paroles échangées entre le recourant et l'intimé l'avaient été dans un contexte dans lequel elles n'étaient pas destinées à être entendues par des tierces personnes. Il est en particulier sans importance que l'intimé ait agi dans le cadre de ses devoirs de fonction, cette circonstance ne permettant pas de lui dénier le droit de pouvoir s'exprimer librement sans craindre que ses propos ne soient enregistrés à son insu. Les conditions objectives de l'art. 179
ter
CP étaient donc réalisées.