147 V 146
Chapeau
147 V 146
15. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause vitems contre A. (recours en matière de droit public)
9C_52/2020 du 1er février 2021
Regeste
Art. 34a LPP et art. 24 OPP 2 dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016; détermination, dans le cadre d'un calcul de surindemnisation, du montant d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle eu égard à une rente du premier pilier calculée en fonction d'une durée incomplète de cotisations.
La disposition du règlement d'une institution de prévoyance, qui reprend la notion légale de surindemnisation mais prévoit de prendre en considération une rente du premier pilier calculée en fonction d'une durée complète de cotisations - nonobstant le montant effectif versé à l'assuré - est contraire au but qu'elle recherche (éviter un avantage injustifié) et viole le principe de l'égalité de traitement (consid. 5.2-5.4).
A.
A., née en 1959, travaillait comme infirmière. A ce titre, elle était affiliée au Fonds de prévoyance des EMS (FP-EMS) pour la prévoyance professionnelle et à la VAUDOISE GENERALE, Compagnie d'Assurances SA (ci-après: la Vaudoise) pour la perte de gain en cas de maladie. Totalement incapable de travailler depuis le 5 avril 2005, elle a perçu des indemnités journalières de la Vaudoise sur la base du contrat collectif de son employeur, jusqu'à son licenciement au 31 janvier 2006, puis d'un contrat individuel. Par décision du 3 avril 2008, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) lui a accordé une rente entière de l'assurance-invalidité, assortie de rentes complémentaires pour ses trois enfants dès le 1
er
avril 2006.
Le 4 juin 2008, le FP-EMS a également reconnu le droit de l'assurée à des rentes d'invalidité (minimum LPP dès le 1
er
janvier 2007 et réglementaires dès le 1
er
mai 2007) pour elle et ses enfants. (...)
Le 14 janvier 2010, le FP-EMS a demandé à l'assurée qu'elle lui restitue la somme de 37'989 fr. 95 (allouée à tort selon lui du 1
er
mai 2007 au 31 janvier 2010 en raison d'une erreur dans le calcul de surindemnisation en lien avec l'échelle de rente appliquée par
BGE 147 V 146 S. 148
l'assurance-invalidité) et lui a proposé de la compenser par le paiement de rentes réglementaires réduites jusqu'en juin 2012. (...) A. a contesté les calculs de surindemnisation.
B.
L'assurée a ouvert action contre l'institution de prévoyance devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, le 29 janvier 2013. Il ressort de ses différentes écritures, en particulier de sa demande et de sa réplique, qu'elle réclamait le paiement de rentes mensuelles réglementaires de 2'305 fr. pour elle et de 768 fr. pour chacun de ses enfants depuis le 1
er
février 2010 ainsi que d'un montant de 96'016 fr. 25 (comprenant un arriéré de rente de 77'035 fr. qui résultait de la différence entre les prestations qu'elle estimait être dues et celles effectivement octroyées depuis la date indiquée ainsi que les 18'981 fr. 25 remboursés à la Vaudoise pour la période d'avril à décembre 2006). Le FP-EMS a indiqué durant la procédure qu'il renonçait à compenser les 18'981 fr. 25 versés à l'assureur perte de gain.
La juridiction cantonale a partiellement admis la demande par jugement du 26 novembre 2019. Elle a condamné vitems (nouveau nom du FP-EMS depuis 2018) à verser à A. le montant de 80'972 fr. 90, avec intérêts moratoires réglementaires, correspondant au solde des prestations dues à cette dernière et à ses enfants pour la période du 1
er
février 2006 au 1
er
septembre 2016.
C.
L'institution de prévoyance a interjeté un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, principalement, au rejet de la demande et, subsidiairement, au renvoi de la cause au tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
A. conclut au rejet du recours en se ralliant entièrement au jugement cantonal. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(extrait)
Extrait des considérants:
2.
Le litige porte sur le montant des rentes d'invalidité de la prévoyance professionnelle que l'intimée peut prétendre pour elle et chacun de ses enfants pour la période du 1
er
février 2006 au 1
er
septembre 2016, compte tenu des prestations des autres assurances sociales perçues, soit sur le calcul de surindemnisation. Il s'agit plus
BGE 147 V 146 S. 149
particulièrement de savoir si, dans le calcul de surindemnisation, l'institution de prévoyance recourante était en droit de prendre en considération les rentes de l'assurance-invalidité calculées en fonction d'une échelle de rente 44 au lieu de l'échelle de rente 28 appliquée concrètement par l'assurance-invalidité en raison d'une durée incomplète de cotisations dans le premier pilier.
3.2
Conformément à la délégation de compétence de l'art. 34a al. 1 LPP (dans sa teneur en vigueur du 1
er
janvier 2003 au 31 décembre 2016), le Conseil fédéral a édicté l'art. 24 de l'ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2; RS 831.441.1), dont l'al. 1 prévoit que "l'institution de prévoyance peut réduire les prestations d'invalidité et de survivants dans la mesure où, ajoutées à d'autres revenus à prendre en compte, elles dépassent 90 % du gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé" (teneur en vigueur du 1
er
janvier 2003 au 31 décembre 2016). L'art. 24 OPP 2 al. 2 définit les revenus à prendre en compte, à savoir les prestations d'un type et d'un but analogues qui sont accordées à l'ayant droit en raison de l'événement dommageable, notamment les rentes provenant d'assurances sociales.
A l'art. 26 du Règlement du FP-EMS du 2 mai 2005 (dans sa teneur en vigueur dès le 1
er
janvier 2005; ci-après: le règlement de prévoyance), sous le titre "Cumul des prestations en cas d'invalidité et de décès; coordination", l'institution de prévoyance recourante a en substance repris les prescriptions légales concernant le seuil de surindemnisation de 90 % et les prestations devant être prises en compte dans le calcul de surindemnisation. Ainsi, selon l'art. 26 ch. 1, "la rente de conjoint survivant et les rentes d'orphelin, la rente d'invalidité et les rentes d'enfant d'invalide, à elles seules ou ajoutées aux prestations énumérées à l'alinéa 2, ne doivent pas dépasser le 90 % du dernier salaire cotisant en vigueur lors de la survenance du risque assuré; en cas de réduction chaque rente est diminuée dans la même proportion." Le ch. 2 (ou al. 2 selon les termes du ch. 1) prévoit que "les prestations prises en compte pour le calcul de la réduction sont: - les prestations de l'assurance-vieillesse et survivants fédérale (AVS) et de l'assurance-invalidité fédérale (AI) (allocation pour impotent non comprise); - les prestations servies en application de la loi fédérale sur l'assurance-accidents (LAA) (allocation pour impotent et indemnité pour atteinte à l'intégrité non comprises); - les prestations de l'assurance militaire (AM); - les prestations d'autres assurances sociales ou institutions de prévoyance professionnelle suisses et
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étrangères; - le salaire éventuellement payé par l'employeur ou les indemnités qui en tiennent lieu; - le revenu provenant d'une activité lucrative exercée par l'assuré invalide ou le revenu qu'il pourrait encore retirer en vertu de sa capacité de gain partielle". Aux termes du ch. 3, "le fonds ne compense pas le refus ou la réduction de prestations que l'AVS/AI, l'assurance-accidents ou l'assurance-militaire a décidé parce que le cas d'assurance a été provoqué par la faute de l'ayant droit. Il en va de même lorsque le bénéficiaire des prestations de l'AVS/AI n'a pas droit à des prestations complètes parce que l'assuré compte une durée incomplète de cotisations selon l'art. 29ter LAVS".
3.3
Bien que les parties ne contestent pas le droit applicable ratione temporis sur lequel s'est fondé le Tribunal cantonal - règles en vigueur au 5 avril 2005, date à laquelle a débuté l'incapacité de travail ayant entraîné l'invalidité de l'intimée -, on précisera qu'en cas de changement des bases légales en matière de surindemnisation, ce ne sont pas les dispositions en vigueur au moment du début de l'incapacité de travail déterminante qui s'appliquent mais les dispositions en vigueur au moment où est effectué le nouveau calcul de surindemnisation (
ATF 134 V 64
consid. 2.3.3 p. 68;
ATF 122 V 316
consid. 3c p. 319). Il en va de même des dispositions réglementaires pour autant que le règlement ne comprenne pas une règle excluant une modification correspondante ou qu'une assurance donnée à titre individuel ne s'oppose à la modification (cf. arrêts 9C_404/2008 du 17 novembre 2018 consid. 4.2, in SVR 2009 BVG n° 11 p. 34; B 82/06 du 19 janvier 2007 consid. 2.2, in SVR 2007 BVG n° 35 p. 125), ce qui n'est pas le cas en l'occurrence (cf. art. 33 du règlement de prévoyance dans sa teneur en vigueur dès le 1
er
janvier 2005; art. 34 du règlement dans sa teneur en vigueur depuis le 1
er
janvier 2008) respectivement n'a pas été invoqué par l'intimée. Cela n'a toutefois pas d'incidence en l'espèce dans la mesure où, bien que l'art. 24 al. 2 OPP 2 et le règlement de prévoyance aient subi des modifications, leur contenu matériel n'a pas changé quant aux aspects déterminants en l'occurrence (cf. en particulier art. 27 du règlement de prévoyance dans sa teneur en vigueur depuis le 1
er
janvier 2008).
(...)
5.2.1
Comme l'ont indiqué les premiers juges, les institutions de prévoyance qui participent à l'application du régime obligatoire de la
BGE 147 V 146 S. 151
prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP) mais il leur est loisible de prévoir des prestations supérieures à ces exigences minimales (art. 49 LPP). Le Tribunal fédéral a aussi considéré que les institutions de prévoyance restaient libres d'édicter des dispositions statutaires ou réglementaires plus restrictives que la loi, en particulier en ce qui concerne la limite de surindemnisation, mais que de telles dispositions ne s'appliquaient qu'à la prévoyance professionnelle plus étendue (cf. arrêt B 56/98 du 12 novembre 1999 consid. 4, in SVR 2000 BVG n° 6 p. 31).
La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l'art. 49 al. 2 LPP n'implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu'elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d'évaluation, elles doivent se conformer, dans l'application des critères retenus, aux conceptions de l'assurance sociale ou aux principes généraux (soit notamment l'égalité de traitement). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d'une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d'assurance (
ATF 120 V 106
consid. 3c p. 108; arrêt 9C_644/2014 du 13 juillet 2015 consid. 7.3, in SVR 2016 BVG n° 35 p. 142; voir également arrêt B 33/03 du 17 mai 2005 consid. 3.2).
5.2.2
Il n'est en l'occurrence pas contesté que l'institution de prévoyance recourante est une institution de prévoyance dite "enveloppante" qui a décidé d'étendre la prévoyance au-delà desdites exigences minimales (prévoyance surobligatoire ou plus étendue) et qu'elle est par conséquent libre de définir dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui lui convient pour autant qu'elle respecte les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (
ATF 140 V 145
consid 3.1 p. 148 s. et les références).
5.3.1
Dans le cadre général de la coordination des prestations prévu par les art. 34a al. 1 LPP et 24 OPP 2 (dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016), l'art. 26 du règlement de prévoyance règle le cumul des prestations en cas d'invalidité et de décès en reprenant une limite de surindemnisation de 90 % (du dernier salaire cotisant en vigueur lors de la survenance du risque assuré; ch. 1) et l'énumération des revenus à prendre en considération (ch. 2). Le
BGE 147 V 146 S. 152
but en est d'empêcher "un avantage injustifié" pour l'assuré au sens de l'art. 34a al. 1 LPP; il s'agit d'éviter que le cumul des prestations de but et de type analogues ne conduise à une indemnisation de l'ayant droit supérieure à la limite de 90 % fixée par l'art. 26 ch. 1 du règlement, au-delà de laquelle il y a "avantage injustifié" parce que le bénéficiaire de rente réaliserait un revenu net plus élevé que sans le cas de prévoyance (sur l'interdiction de la surindemnisation de manière générale, MICHAEL E. MEIER, Das Anrechnungsprinzip in der beruflichen Vorsorge, 2020, p. 36 s.).
L'art. 26 ch. 3, première phrase, du règlement de prévoyance prévoit l'exemption du FP-EMS de compenser le refus ou la réduction de prestations décidés par l'AVS/AI, l'assurance-accidents ou l'assurance militaire en raison de la faute de l'ayant droit. La seconde phrase de l'art. 26 ch. 3 assimile à cette éventualité, celle dans laquelle le bénéficiaire de prestations de l'AVS/AI compte une durée incomplète de cotisations selon l'art. 29
ter
LAVS. L'absence de "compensation" de la part du FP-EMS revient à prendre en considération la prestation du premier pilier perçue par l'assuré comme si elle avait été calculée selon une durée complète de cotisations au sens de l'art. 29
ter
LAVS, soit selon une échelle de rente 44 (rente complète). L'application de la disposition réglementaire implique donc de tenir compte dans le calcul de surindemnisation d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité à hauteur d'un montant plus élevé que celui effectivement perçu par le bénéficiaire de la prestation.
5.3.2
En l'espèce, la situation visée par l'art. 26 ch. 2, seconde phrase, du règlement de prévoyance - où le bénéficiaire d'une rente du premier pilier perçoit une prestation calculée en fonction d'une durée incomplète de cotisations - ne constitue pas un cas de figure correspondant à un "avantage injustifié" que l'art. 26 a précisément pour but d'éviter. Il ne s'agit pas de la situation dans laquelle l'assuré perçoit effectivement une prestation d'assurance sociale (assurance-invalidité, assurance-accidents ou assurance militaire) dont le montant additionné à celui de la prestation d'invalidité du FP-EMS dépasserait la limite de surindemnisation, de sorte que l'ayant droit disposerait d'une indemnisation supérieure au gain perçu avant la survenance du risque assuré. Il n'est pas non plus question d'une réduction ou d'un refus de versement de la part de l'assurance sociale en raison du comportement de l'ayant droit, lorsque la prétention en tant que telle à la prestation est réduite pour faute du bénéficiaire (cf. p. ex. art. 37 LAA).
BGE 147 V 146 S. 153
Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le remarquer - sans examiner la question de manière détaillée -, lorsque l'ayant droit compte une durée incomplète de cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants/assurance-invalidité, on ne voit pas pourquoi l'institution de prévoyance, auprès de laquelle l'assuré ou le défunt a régulièrement cotisé, ne devrait pas être mise à contribution dans ce cas précis (
ATF 116 V 189
consid. 3b p. 194 s.). Si cette considération a été exprimée dans le cadre de la prévoyance professionnelle obligatoire, comme le fait valoir le recourant, elle reste cependant pertinente dans le cadre de la prévoyance plus étendue, lorsque le règlement de l'institution de prévoyance instaure des règles empêchant la surindemnisation au sens où l'entend la loi, soit éviter que le cumul de prestations ne procure un avantage injustifié à l'assuré ou à ses survivants, comme le prévoit en l'espèce l'art. 26 du règlement de prévoyance.
5.3.3
En fait, les art. 29 ss LAVS - également applicables aux rentes de l'assurance-invalidité (art. 36 al. 2 LAI) - définissent les modalités de calcul de la rente du premier pilier, en distinguant entre les rentes complètes (fondées sur une durée complète de cotisations [art. 29 al. 2 let. a LAVS] au sens de l'art. 29
ter
LAVS) et les rentes partielles (fondées sur une durée incomplète de cotisations [art. 29 al. 2 let. b LAVS]). Ils prévoient dès lors les modalités pour déterminer concrètement le droit à la prestation et non pas les conditions auxquelles la prétention pourrait ou devrait être réduite pour un motif particulier. Il ne peut être question ici d'un avantage injustifié puisque la prestation versée à hauteur du montant déterminé correspond aux conditions légales prévues pour définir le droit en tant que tel à la rente du premier pilier. Il ne s'agit pas d'une situation de réduction de la prestation que la prévoyance professionnelle aurait ou n'aurait pas à combler. La détermination du droit à la prestation en tant que tel ("Leistungsgestaltung") ne peut pas entrer en collision avec la problématique de la surindemnisation (FRANZ SCHLAURI, Die Überentschädigungsabschöpfung in der weitergehenden beruflichen Vorsorge, in Berufliche Vorsorge, Probleme, Lösungen, Perspektiven, 2002, p. 83 ss, p. 99 et note de bas de page 24).
Peu importe à cet égard les termes utilisés lors des travaux préparatoires de la LPP, selon lesquels: "On admettra l'existence d'un avantage injustifié au sens de la loi alors même que la limite de 90 pour cent n'est pas atteinte. Ce sera notamment le cas lorsque l'une ou l'autre des autres assurances alloue à l'ayant droit des prestations
BGE 147 V 146 S. 154
réduites [...] lorsqu[e l'ayant droit] ne peut se prévaloir d'une durée entière d'assurance" (Message du 19 décembre 1975 à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité, FF 1976 I 117 ss, 215 ch. 521.6 ad art. 35; Commentaire à l'appui du projet de l'OPP 2 relatif à l'art. 20 Projet OPP 2 [Projet 2.8.83, p. 41], selon lequel "la commission OPP est d'avis que le deuxième pilier n'a pas à combler des lacunes créées volontairement par les autres assurances sociales", dont "la durée incomplète de cotisations dans l'AVS/AI [séjour à l'étranger, par exemple]"). La formulation peut prêter à confusion dans la mesure où on pourrait en déduire que le versement d'une prestation du premier pilier calculée selon une durée incomplète de cotisations conduirait à "un avantage injustifié". Elle ne saurait cependant être déterminante puisqu'elle ne repose pas sur une motivation soigneuse et détaillée (cf. SCHLAURI, op. cit.) et correspond à l'avis d'une sous-commission qui n'a pas été repris par la suite. En particulier, au regard du système du premier pilier et de ses caractéristiques sous l'angle notamment du cercle des assurés et de son financement, on ne voit pas en quoi la prise en considération d'une durée partielle de cotisations pour calculer le montant de la rente correspondrait à une "lacune créée volontairement par" l'assurance du premier pilier (cf. dans ce sens, ERICH PETER, Die Koordination von Invalidenrenten im Sozialversicherungsrecht, 1997, p. 368).
La doctrine est du reste d'avis qu'une durée incomplète de cotisations dans le premier pilier ne peut pas entraîner une réduction correspondante des prestations de la prévoyance professionnelle, l'institution de prévoyance étant tenue de prester jusqu'à hauteur complète du droit résultant du salaire assuré; une lacune de cotisations dans le premier pilier ne doit dès lors pas se répercuter sur l'étendue des prestations de la prévoyance professionnelle (MARC HÜRZELER, Invaliditätsproblematiken in der beruflichen Vorsorge, 2006, n. 919 ss;
le même
, in Commentaire LPP et LFLP, 2
e
éd. 2020, n° 43 ad art. 34a LPP; PETER, op. cit., p. 366 ss). Une telle répercussion ne serait par ailleurs compatible ni avec la conception de la réduction de la prestation de la prévoyance professionnelle au sens de l'art. 35 LPP, ni avec le principe de la congruence matérielle et temporelle (PETER, op. cit., p. 367 s.).
5.3.4
En conséquence de ce qui précède, il convient de retenir, à la suite des premiers juges, que la seconde phrase de l'art. 26 ch. 3 du règlement de prévoyance ne saurait être appliquée en l'espèce. Elle
BGE 147 V 146 S. 155
apparaît en effet étrangère au but visé par l'art. 26 du règlement de prévoyance en s'écartant de la signification usuelle et reconnue en matière d'assurance de la notion d'avantage injustifié (supra consid. 5.2.1) et relève en ce sens d'une règle insolite (sur cette notion,
ATF 144 V 376
consid. 2.2 p. 378 et les arrêts cités).
5.4
Par ailleurs, en ce qui concerne le second grief du recourant, relatif à la violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) en relation avec les art. 1c et 1f OPP 2 , il est, en tout état de cause, mal fondé. Ce principe, qui consiste à traiter de façon identique les situations semblables et de façon différente les situations dissemblables (cf. notamment
ATF 141 I 153
consid. 5.1 p. 157;
ATF 137 V 334
consid. 6.2.1 p. 348 s.), s'applique en matière de prévoyance professionnelle obligatoire et en matière de prévoyance professionnelle plus étendue. Il est respecté lorsque les assurés appartenant à un même collectif sont soumis à des conditions réglementaires identiques dans le plan de prévoyance (
ATF 132 V 149
consid. 5.2.5 p. 154 s.).
Or comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale, la disposition réglementaire en cause contrevient à ce principe, dans la mesure où deux personnes appartenant à la même collectivité d'assurés, présentant les mêmes caractéristiques du point de vue de la prévoyance professionnelle (même âge, même durée de cotisations, même situation familiale, même salaire, même prestation de libre-passage) et devenant invalides au même moment, mais l'une percevant une rente du premier pilier inférieur à celle de l'autre en raison d'une durée incomplète de cotisations, se verraient allouer des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle différentes dans le cadre du calcul de surindemnisation. L'assuré bénéficiant d'une rente du premier pilier fondée sur une durée de cotisations partielle se verrait confronté à la prise en considération de cette prestation à un montant hypothétique (en fonction d'une échelle de rente complète), ce qui abaisserait d'autant le seuil de surindemnisation prévu par l'art. 26 ch. 1 du règlement de prévoyance.
L'argumentation du recourant, selon laquelle de manière générale une lacune de cotisations dans le premier pilier entraînerait une lacune dans le deuxième pilier, ne remet pas en cause l'inégalité de traitement constatée par les premiers juges, qu'elle semble du reste admettre en alléguant que la "différence de durée de cotisations justifie indiscutablement un traitement différent". L'art. 26 ch. 3, seconde phrase, du règlement de prévoyance conduit effectivement à
BGE 147 V 146 S. 156
ce que deux assurés affiliés au recourant à des conditions identiques et ayant cotisé de la même manière pour la prévoyance obligatoire et plus étendue seraient confrontés au versement d'une prestation d'invalidité de la prévoyance professionnelle différente, en raison du seuil de surindemnisation appliqué de manière différente à chacun d'eux, alors même que les "caractéristiques" de leur assurance pour le risque d'invalidité de la prévoyance professionnelle seraient identiques. Soumis à des conditions réglementaires identiques sous l'angle de la prévoyance professionnelle, les deux assurés ne seraient pas traités de manière identique du point de vue des prestations de la prévoyance professionnelle plus étendue.