Urteilskopf
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2. Extrait de l'arrêt de la IIIe Cour de droit public dans la cause Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS contre A. (recours en matière de droit public)
9C_643/2021 du 17 janvier 2023
Regeste
Art. 15 Abs. 1 des Bundesgesetzes vom 25. September 2020 über die gesetzlichen Grundlagen für Verordnungen des Bundesrates zur Bewältigung der Covid-19-Epidemie (rückwirkend in Kraft getreten am 17. September 2020; in der vom 1. April 2021 bis 31. Dezember 2022 in Kraft stehenden Fassung); Art. 2 Abs. 3bis der Verordnung vom 20. März 2020 über Massnahmen bei Erwerbsausfall im Zusammenhang mit dem Coronavirus (Covid-19; in der zwischen dem 17. September 2020 bis 16. Februar 2022 in Kraft stehenden Fassung); Art. 25 Abs. 1 und 2 der Verordnung vom 23. Juni 2021 über Massnahmen in der besonderen Lage zur Bekämpfung der Covid-19-Epidemie (in der vom 26. Juni bis 19. Dezember 2021 in Kraft stehenden Fassung); Erwerbsausfall in Zusammenhang mit der Homeoffice-Empfehlung des Bundesrats.
Die Homeoffice-Empfehlung des Bundesrats, welche nach der Aufhebung der Homeoffice-Pflicht aufrechterhalten wurde, stellt eine durch eine Behörde angeordnete Massnahme zur Bekämpfung der Covid-19-Epidemie dar. Eine selbständigerwerbende Person, welche durch die Umsetzung dieser Empfehlung (Homeoffice der Arbeitnehmer) durch einen Arbeitgeber, mit welchem sie vertraglich verbunden ist, einen bedeutenden Rückgang ihres Umsatzes erleidet, kann eine Erwerbsausfallentschädigung beanspruchen. Aufgrund der ausdrücklich vorgesehenen Zusammenarbeit zwischen der betroffenen Person und dem Arbeitgeber liegt ein ausreichender Kausalzusammenhang vor zwischen der Empfehlung, deren Umsetzung durch den Arbeitgeber und dem Rückgang der Einnahmen des selbständigerwerbenden Leistungsansprechers (E. 5.1-5.3).
A. A. exploite depuis 2011 un cabinet de shiatsu à B. Le 27 septembre 2021, elle a déposé une demande d'allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus (Covid-19) pour le mois de septembre 2021. Par décision du 1er octobre 2021, la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la caisse) a rejeté la demande, motif pris de l'absence de lien entre la diminution du chiffre d'affaires et une mesure actuelle destinée à la lutte contre le Covid-19. A. s'est opposée à cette décision, en faisant valoir que depuis fin 2012, elle avait développé une collaboration avec le département santé de l'école C., dans le cadre de laquelle elle offrait ses services au personnel de cette institution sur le campus de l'école C., à raison de plusieurs jours par semaine. En raison des instructions de la direction de l'école C. sur l'activité en télétravail d'au minimum 50 % des collaborateurs, elle subissait une limitation de son taux
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d'activité et de ses revenus. Par décision sur opposition du 8 octobre 2021, la caisse a confirmé le refus de prestations.
B. Statuant le 5 novembre 2021 sur le recours de A., la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a admis; elle a annulé la décision sur opposition et renvoyé la cause à la caisse pour nouvelle décision au sens des considérants.
C. La caisse interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont elle demande l'annulation. A titre principal, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouveau jugement "considérant que le télétravail recommandé par l'école C. n'est pas une mesure de lutte ordonnée par une autorité cantonale ou fédérale au sens de l'art. 2, al. 3bis, let. a, de l'Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 et ne peut pas justifier l'octroi d'une allocation corona-perte de gain". Elle requiert subsidiairement le renvoi de la cause à la juridiction de première instance pour instruction complémentaire et nouveau jugement.
Après avoir indiqué au Tribunal fédéral qu'elle avait écrit à la caisse pour annuler sa demande d'allocation pour perte de gain, A. s'est déterminée sur le recours en concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) s'est prononcé en faveur de l'admission du recours.
A. a déposé des observations sur celles de l'autorité de surveillance.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Extrait des considérants:
5.1 Le droit à l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 pour les personnes indépendantes qui ont été touchées indirectement par les mesures de lutte contre la pandémie a été introduit par l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19; ordonnance sur les pertes de gain COVID-19; RS 830.31; modification du 16 avril 2020, entrée en vigueur avec effet au rétroactif au 17 mars 2020; RO 2020 1257). Selon cette disposition (première phrase), les personnes considérées comme indépendantes au sens de l'art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l'al. 3 ont droit à l'allocation pour autant qu'elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le
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coronavirus et que leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l'année 2019 se situe entre 10'000 fr. et 90'000 fr. Il s'agissait d'une compensation pour les personnes indépendantes qui n'étaient pas touchées par la fermeture de leur entreprise ou l'interdiction ou l'annulation de manifestations (cf. art. 6 al. 1 et 2 de l'ordonnance 2 COVID-19; RS 818.101.24; dans sa version en vigueur du 17 mars au 19 avril 2020; RO 2020 783) mais subissaient néanmoins une perte de gain en raison des mesures du Conseil fédéral destinées à lutter contre le Covid-19. Le Conseil fédéral entendait éviter des cas de rigueur - personnes dont les revenus soumis à l'AVS étaient situés entre 10'000 fr. et 90'000 fr. - en élargissant le droit à l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 pour indemniser les personnes en difficulté qui étaient confrontées à la paralysie de l'économie et voyaient leurs revenus diminuer alors que leur activité n'était pas interdite. Ainsi, les chauffeurs de taxi, les hôteliers, les cameramen, les fournisseurs ou les physiothérapeutes comptaient parmi les ayants droit (Commentaire en ordre chronologique de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 [commentaire des modifications du 16 avril 2020, ad art. 2 al. 3bis] consulté le 11 janvier 2023 sur le site internet de l'OFAS [www.bsv.admin.ch sous Publications & Services/Lois et ordonnances/APG Législation/ Coronavirus: perte de gain/Documents]).Lors de l'adoption de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (loi COVID-19; RS 818.102), la nécessité de prévoir une allocation pour "indemniser également les indépendants indirectement touchés" a été clairement reconnue (Message du 12 août 2020 concernant la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 [loi COVID-19], FF 2020 6363, 6383 ch. 2.3.7 et 6408 ch. 3). Pour le Conseil fédéral, il s'agissait alors des personnes qui n'étaient pas touchées par la fermeture d'établissements publics ou affectées par l'interdiction des manifestations, mais qui devaient interrompre leur activité à cause de mesures prises pour surmonter l'épidémie de Covid-19 (art. 10 al. 1 P-Loi COVID-19; FF 2020 6426). Selon le gouvernement fédéral, les indépendants qui n'étaient pas obligés d'interrompre leur activité n'avaient pas droit à l'allocation (message cité, 6409 ch. 3). Le Parlement fédéral a toutefois étendu le droit au versement des allocations pour perte de gain également aux personnes qui devaient "limiter de manière significative leur activité lucrative" à cause de telles mesures (art. 15 al. 1,
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première phrase, de la loi COVID-19, dans sa teneur en vigueur à partir du 17 septembre 2020; RO 2020 3842). Au cours des débats parlementaires, la situation des personnes indépendantes qui n'avaient pas été obligées d'interrompre leur activité mais qui avaient néanmoins subi une perte de gain en raison des mesures du Conseil fédéral a été évoquée. Ainsi, le Conseiller national de Courten a mentionné que même après la levée des mesures, la reprise des affaires n'intervenait pas du jour au lendemain et de nombreuses personnes continuaient à subir une limitation de leur perte de gain dont l'origine remontait au "Lockdown" (BO 2020 CN 1338). De même, au Conseil des Etats, la discussion a porté sur le cas des indépendants qui n'avaient pas dû formellement fermer leur entreprise mais qui s'étaient retrouvés pratiquement dans la même situation, comme avant tout les agences de voyage, les coiffeuses ou les physiothérapeutes, soit des personnes qui avaient à nouveau pu travailler mais dont la perte de gain n'était pas prise en considération (déclaration de la Conseillère aux Etats Carobbio Guscetti, BO 2020 CE 881). La condition d'un lien suffisant entre les mesures prises par le Conseil fédéral et la perte de gain subie a été soulignée à plusieurs reprises ("Covid-bedingte[r] Einbruch", BO 2020 CE 783; BO 2020 CN 1335 s.; BO 2020 CE 879 s.; BO 2020 CN 1500 ss).Le droit aux allocations pour perte de gain correspondantes a dès lors été maintenu à partir du 17 septembre 2020 à l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (modification du 4 novembre 2020, entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 novembre 2020; RO 2020 4571). La définition de la perte de gain significative a cependant été modifiée (cf. art. 2 al. 3ter de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19): les cas de rigueur avec la limite supérieure de revenu de 90'000 fr. ont été remplacés par la condition de la limitation significative de l'activité lucrative, définie comme une baisse du chiffre d'affaires, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen des années 2015 à 2019, d'au moins 55 % du 17 septembre au 18 décembre 2020 (RO 2020 4571), de 40 % du 19 décembre 2020 au 31 mars 2021 (RO 2020 5829) et de 30 % à partir du 1er avril 2021 (RO 2021 183; à partir du 17 février 2022, ch. 3 de l'annexe à la modification de l'ordonnance COVID-19 situation particulière du 16 février 2022 [RO 2022 97]).
5.2.1 A partir du 26 juin 2021, le Conseil fédéral a levé l'obligation du travail à domicile, tout en recommandant celui-ci. Il a ainsi
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déclaré que le télétravail obligatoire est abrogé et est remplacé par une recommandation de télétravail (communiqué de presse du 23 juin 2021 consulté le 11 janvier 2023 sur le site internet du Conseil fédéral [www.admin.ch sous Documentation/Communiqués/Communiqué du 23 juin 2021 intitulé Coronavirus: le Conseil fédéral décide d'un nouvel assouplissement d'envergure et facilite l'entrée en Suisse]). Ainsi, chaque employeur a la latitude de prendre les dispositions judicieuses pour son entreprise ou son établissement: le travail à domicile reste un bon outil pour protéger les employés. Ceux-ci doivent veiller à la sécurité et à la protection de la santé des membres de leur personnel, ce qui peut signifier, par exemple, que le port du masque demeure obligatoire dans certains cas ou qu'une partie du personnel reste en travail à domicile (FAQ - Mesures, document de l'Office fédéral de la santé publique du 23 juin 2021, consulté le 11 janvier 2023 sur le site internet du Conseil fédéral [www.admin.ch sous Documentation/Communiqués/Communiqué du 23 juin 2021 intitulé Coronavirus: le Conseil fédéral décide d'un nouvel assouplissement d'envergure et facilite l'entrée en Suisse/Documents]).
5.2.2 Comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale, la recommandation faite par le Conseil fédéral aux employeurs s'inscrit dans le prolongement des mesures prévues par l'art. 25 al. 2 de l'ordonnance du 23 juin 2021 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière; RS 818.101.26; en vertu de la délégation prévue à l'art. 4 al. 1 de la loi COVID-19). Du point de vue systématique, cette disposition fait partie de la section 5 "Mesures de protection des employés" et prévoit la possibilité de prendre "d'autres mesures" de prévention en vertu du principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel), notamment la possibilité de travailler à domicile, [...] (consid. 3.2.2 non publié). Le texte de la norme est en principe sans équivoque: le Conseil fédéral prévoit que les employeurs ouvrent à leurs employés la possibilité de travailler à domicile, à titre de mesure de prévention. Cette possibilité constitue l'une des mesures organisationnelles qui concrétisent l'obligation de l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des travailleurs au sens de l'art. 6 LTr (cf. Département fédéral de l'intérieur, Rapport explicatif concernant l'ordonnance du 23 juin 2021 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière [ordonnance COVID-19 situation particulière; RS 818.101.26], p. 29, consulté le
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11 janvier 2023 sur le site internet de l'OFSP [www.bag.admin.ch sous Maladies/Maladies infectieuses: flambées, épidémies, pandémies/Flambées et épidémies actuelles/Coronavirus/Mesures et ordonnances/Anciennes versions du rapport explicatif]). L'employeur qui fait usage de cette possibilité ne fait donc que mettre en oeuvre une mesure prévue par le Conseil fédéral comme mesure de lutte destinée à maîtriser la situation épidémiologique. Cela vaut en tout cas lorsque l'employeur ne va pas plus loin que le gouvernement fédéral mais suit ses recommandations à la lettre, comme l'a fait l'école C. en l'occurrence.
5.3 Quoi qu'en dise la recourante et son autorité de surveillance, la situation particulière de l'intimée entre dans le champ d'application de l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, puisque la thérapeute a été confrontée indirectement à une limitation de son activité lucrative en raison de la mesure appliquée par un employeur en raison de la recommandation correspondante du Conseil fédéral. Selon les constatations des premiers juges, que les parties ne remettent pas en cause (consid. 2 non publié), l'intimée disposait d'un accord contractuel avec l'école C., selon lequel elle offrait les services thérapeutiques au lieu de travail des employés de celui-ci. Comme elle le relève, les modalités convenues - qui ne sont pas contestées par la recourante - facilitaient l'accès de ses services aux employés et en permettaient l'exécution dans un cadre qui ne peut pas être assimilé à celui d'une séance thérapeutique à son cabinet privé (où l'accès facilité pendant les heures de travail et la prise en considération d'une partie de temps de thérapie comme temps de travail font défaut).
En raison de la collaboration spécifiquement prévue par l'école C. et l'intimée, il existe un lien de causalité suffisant entre la recommandation émise par le Conseil fédéral, sa mise en oeuvre par l'école C. et la diminution de revenus invoquée par l'intimée en lien avec son activité sur le site de cet employeur. La situation de l'intimée se distingue par conséquent des exemples abstraits mentionnés par la recourante à l'appui de son argumentation (consid. 4.2 non publié). Dès lors, la condition de l'art. 2 al. 3bis let. a de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 est réalisée.