Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
Retour à la page d'accueil Imprimer
Ecriture agrandie
 
Chapeau

99 Ia 294


31. Arrêt du 28 mars 1973 dans la cause Rossier contre Grand Conseil du canton du Valais.

Regeste

Responsabilité des membres du Conseil d'Etat.
1. Examen de la validité de la loi valaisanne de 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat (consid. 3). Cognition du Tribunal fédéral (consid. 2).
2. Examen, par le Grand Conseil, des chances de succès d'une action en responsabilité contre les membres du Conseil d'Etat; refus d'autoriser l'ouverture d'action (consid. 5).

Faits à partir de page 294

BGE 99 Ia 294 S. 294

A.- En 1968, Me Jacques Rossier a soumis à la commune de Sion un avant-projet pour la construction d'un immeuble
BGE 99 Ia 294 S. 295
locatif et commercial sur la parcelle no 604, propriété de sa mère et de lui-même. L'Etat du Valais, propriétaire de la parcelle voisine no 581, sise à l'ouest de la parcelle 604, y a fait opposition. Le Conseil communal de Sion a admis cet avantprojet, en imposant certaines conditions, mais la Commission cantonale des constructions a refusé de l'approuver, la distance légale à la limite ouest n'étant pas respectée. Contre cette décision, Jacques Rossier a recouru auprès du Conseil d'Etat du canton du Valais, et formé également un recours de droit public au Tribunal fédéral.
A la suite de pourparlers engagés entre Rossier et les services compétents de l'administration cantonale, une convention du 4 février 1970, approuvée par le Conseil d'Etat et ratifiée par la Municipalité de Sion, a réglé la question de la distance à la limite ouest de la parcelle 604. Rossier a alors retiré son recours de droit public, puis déposé une demande définitive d'autorisation de construire, sur la base de nouveaux plans fixant la distance à l'ouest à 3 m de la limite, comme convenu dans la convention du 4 février 1970.
La Commission cantonale des constructions a cependant refusé d'approuver ce nouveau projet, les distances aux limites n'étant pas conformes aux exigences sur la police du feu. Rossier a recouru contre cette décision auprès du Conseil d'Etat, qui a admis partiellement le recours, en ce sens que la distance à la limite ouest devait être fixée en conformité de la convention du 4 février 1970, alors que les distances aux limites nord et est devaient être conformes aux prescriptions cantonales sur la police du feu.
Jacques Rossier et son frère René, qui était devenu entretemps copropriétaire de l'immeuble, ont formé contre cette décision un recours de droit public, que le Tribunal fédéral a rejeté dans la mesure où il était recevable, par arrêt du 7 décembre 1971.

B.- Par exploit du 22 mars 1972, Jacques et René Rossier ont cité en conciliation, devant le juge de la Commune de Sion, les cinq Conseillers d'Etat valaisans Lorétan, von Roten, Bender, Genoud et Zufferey, les rendant personnellement responsables du prétendu dommage subi à la suite de la décision du Conseil d'Etat du 30 juin 1971. En séance du 14 avril 1972, un acte de non-conciliation a été délivré aux instants. A cette même audience, le Chancelier de l'Etat du Valais, mandaté par les Conseillers d'Etat, a relevé que l'action introduite
BGE 99 Ia 294 S. 296
devait être au préalable autorisée par le Grand Conseil, en vertu des dispositions de la loi sur la responsabilité du Conseil d'Etat du 21 mai 1840.
Le 10 mai 1972, les frères Rossier ont demandé au Grand Conseil de les autoriser à introduire une action en dommagesintérêts contre les Conseillers d'Etat en fonction, en vue de leur réclamer réparation du dommage résultant du refus de l'autorisation de construire sur l'immeuble 604. Ils contestaient toutefois, à titre préjudiciel, toute validité à la loi du 21 mai 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat, soutenant que cette loi devait être considérée comme abrogée par l'art. 21 de la Constitution cantonale de 1907.
Statuant dans sa séance du 17 novembre 1972, le Grand Conseil a refusé l'autorisation sollicitée par les frères Rossier, en se fondant sur les art. 15 et 16 al. 2 de la loi du 21 mai 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat. Il a relevé en particulier qu'une réclamation en dommages-intérêts contre les Conseillers d'Etat ne pouvait être autorisée que s'il y avait eu violation manifeste et volontaire d'une loi ou d'un décret, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce, aucune loi ou aucun décret n'ayant été violé. Il ajoutait qu'il se justifiait de protéger les magistrats de l'Exécutif contre des réclamations inconsidérées, afin de ne pas les paralyser dans l'exercice de leur fonction.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public, les frères Rossier prennent devant le Tribunal fédéral les conclusions suivantes:
"Principalement.
1. Le recours est admis et la décision du Grand Conseil du canton ton du Valais, prise en séance du 17 novembre 1972, est annulée.
2. Il est constaté que la loi du 21 mai 1840, sur la responsabilité du Conseil d'Etat est contraire à la Constitution du canton du Valais du 8 mars 1907 et à la Constitution fédérale; elle n'a plus aucune force légale.
3. Le droit d'actionner les membres du Conseil d'Etat en dommages-intérêts ne peut être subordonné à une autorisation du Grand Conseil.
Subsidiairement.
1. Le recours est admis et la décision du Grand Conseil du canton du Valais, prise en séance du 17 novembre 1972, est annulée.
2. Le dossier est retourné au Grand Conseil avec invitation à délivrer aux recourants l'autorisation sollicitée d'intenter action en dommages-intérêts contre les Conseillers d'Etat Lorétan, von Roten, Bender, Genoud et Zufferey.
BGE 99 Ia 294 S. 297
En tout état de cause, l'Etat du Valais est condamné aux frais ainsi qu'à payer une équitable indemnité, à titre de dépens, au mandataire du recourant."
Les recourants soutiennent que la loi de 1840 est tombée depuis fort longtemps en désuétude et que de toute manière elle doit être considérée comme contraire à la Constitution cantonale de 1907, notamment à son art. 21. Même si cette loi n'a jamais été formellement abrogée, elle doit être considérée comme caduque dès l'entrée en vigueur de la Constitution de 1907. De toute manière, l'art. 15 de cette loi doit être considéré comme contraire à la Constitution cantonale et à l'art. 4 de la Constitution fédérale et doit donc être déclaré nul et de nul effet.
Les arguments des recourants seront repris ci-après dans la mesure nécessaire.
Le Grand Conseil a déposé une réponse tardive.

Considérants

Considérant en droit:

1. Le recours de droit public ne peut tendre en principe qu'à l'annulation de la décision attaquée. Cependant, lorsqu'il s'en prend à une décision refusant une autorisation, le recourant peut requérir le Tribunal fédéral d'inviter l'autorité cantonale à accorder l'autorisation qui aurait été refusée à tort. Dans la mesure où le présent recours va au-delà de telles conclusions, il est irrecevable (RO 98 I a 38 consid. 1 et les arrêts cités).

2. Dans la décision attaquée, le Grand Conseil applique exclusivement les art. 15 et 16 al. 2 de la loi du 21 mai 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat. Mais les recourants soutiennent que cette loi n'est plus en vigueur et qu'elle est en tout cas en contradiction avec l'art. 21 de la Constitution cantonale de 1907.
Le Tribunal fédéral revoit en principe librement l'application du droit cantonal de niveau constitutionnel; il ne s'écarte toutefois pas sans nécessité de l'interprétation que donne de la constitution la plus haute autorité du canton, sans toutefois se confiner sur le terrain de l'arbitraire (RO 95 I 531, 97 I 32 consid. 4 a). Il n'examine en revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire l'application et l'interprétation des dispositions légales cantonales.

3. a) L'art. 37 de la Constitution valaisanne du 3 août 1839 avait la teneur suivante: "Le Conseil d'Etat est responsable de
BGE 99 Ia 294 S. 298
sa gestion. La loi règle tout ce qui concerne cette responsabilité." En exécution de cette disposition constitutionnelle, le Grand Conseil a édicté la loi du 21 mai 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat. Après la mise en vigueur de cette loi, plusieurs constitutions se sont succédé. La Constitution du 10 janvier 1848 reprend quasi littéralement, à l'art. 38, le texte de l'art. 37 de la Constitution de 1839. De plus, dans ses dispositions additionnelles, cette Constitution dispose à l'art. 72 que les lois, décrets et arrêtés portés dès le 1er mai 1844 jusqu'au 30 novembre 1847 et qui concernent la politique sont abrogés, alors que les autres lois, décrets, arrêtés et règlements, non contraires à la Constitution, demeurent en vigueur "jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé". Cette clause de nonabrogation, contenue à l'art. 72 al. 1, ne s'explique que par la présence de la clause d'abrogation - figurant à l'alinéa 1 de ce même article - des mesures politiques prises de 1844 à 1847; elle n'était pas absolument nécessaire, mais renforçait l'idée que seules ces dernières mesures étaient abrogées. Une telle clause de non-abrogation n'a pas été reprise dans les constitutions ultérieures, où elle était inutile. Mais ces trois constitutions (celles du 23 décembre 1852, du 26 novembre 1875 et du 8 mars 1907) ont maintenu le principe de la responsabilité du Conseil d'Etat pour sa gestion, sans cependant faire expressément référence à la loi pour délimiter cette responsabilité. Mais on ne saurait prétendre que l'abandon de cette référence a entraîné par le fait même l'abrogation de la loi du 21 mai 1840. On ne pourrait l'admettre que si le constituant s'était clairement exprimé sur cette question. Or, ni la constitution, ni les travaux préparatoires n'en font état. Dès lors, la simple omission de la référence en question dans les constitutions postérieures à celle de 1848 ne saurait constituer un critère décisif permettant de conclure que la loi de 1840 a été de ce fait abrogée.
b) La constitution actuelle (celle de 1907) ne se borne cependant pas à rendre le Conseil d'Etat responsable de sa gestion (art. 54), mais elle institue encore à l'art. 21 la responsabilité des autorités et des fonctionnaires pour les actes qu'ils accomplissent dans l'exercice de leur fonction. Le texte constitutionel place ainsi sur le même pied fonctionnaires et autorités, et parmi celles-ci le Conseil d'Etat et ses membres. Avec raison d'ailleurs, car tant les fonctionnaires que les autorités sont liés à l'Etat par un rapport de droit public et agissent pour son compte. Il
BGE 99 Ia 294 S. 299
est dès lors juste qu'en principe elles répondent au même titre de leurs actes accomplis dans l'exercice de leur fonction et au nom de l'Etat, actes qui, le cas échéant, peuvent être arbitraires ou même délictueux et porter préjudice à l'Etat lui-même ou à des tiers.
Toutefois, même si l'art. 21 de la Constitution de 1907 instaure le principe de la responsabilité des autorités, dans lesquelles sont inclus le Conseil d'Etat et ses membres, rien ne permet de dire que cette disposition constitutionnelle a eu comme effet d'abroger la loi de 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat. Le Tribunal fédéral s'est déjà déterminé sur la portée juridique de cet art. 21 Cst. val. dans un arrêt du 9 novembre 1927 (RO 53 II 414): ledit article n'énonce, précise-t-il, que le principe tout général selon lequel les autorités et les fonctionnaires publics sont responsables des actes qu'ils accomplissent dans l'exercice de leurs fonctions; il ne fournit aucun critère pour trancher le point de savoir selon quels principes cette responsabilité doit s'apprécier dans un cas concret. On ne voit dès lors pas en quoi la loi de 1840 serait contraire à l'art. 21 de la Constitution cantonale, comme le soutiennent les recourants, ni pour quels motifs la mise en vigueur de cette disposition constitutionnelle l'aurait abrogée.
D'ailleurs, les auteurs qui se sont préoccupés de la loi du 21 mai 1840 se sont aussi prononcés dans le même sens et n'ont pas hésité à admettre que cette loi est encore en vigueur (cf. E. GAY, La responsabilité civile des fonctionnaires publics en droit valaisan, thèse Berne 1932, p. 121 s.; M. DE RIEDMATTEN, Les juridictions civile et administrative en droit valaisan, thèse Berne 1933, p. 77). Dans un avis de droit donné au Conseil d'Etat valaisan le 29 avril 1933, l'ancien juge fédéral A. COUCHEPIN aboutit à la même conclusion.
Tous ces éléments permettent de conclure que la loi de 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat est demeurée en force après l'entrée en vigueur des constitutions subséquentes et qu'elle l'est toujours. Le fait qu'elle n'a pas figuré dès le départ dans le Recueil des lois de la République et canton du Valais, dont la publication échelonnée a commencé en 1954, ne saurait être considéré comme un facteur déterminant pour la validité de la loi, la Chancellerie d'Etat ayant déclaré expressément, dans l'avant-propos, qu'un tel Recueil n'est qu'une mise à jour provisoire de la législation cantonale et n'a pas une portée telle
BGE 99 Ia 294 S. 300
que tout ce qui n'y figure pas serait de nul effet. Le grief des recourants consistant à prétendre que cette loi est tombée en désuétude et n'est plus valable n'est donc pas fondé.

4. Les recourants soutiennent, d'autre part, que même si la loi de 1840 devait être considérée comme toujours en vigueur, son art. 15 doit être tenu pour contraire à la Constitution cantonale, en particulier à son art. 21. Selon eux, cette dernière disposition déclarerait les autorités responsables, sans limitation ni réserve, pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Cette interprétation n'est pas soutenable. L'art. 21 n'institue qu'un principe, mais ne fixe nullement ses conditions d'applicabilité ni ne détermine dans quelle mesure la responsabilité notamment des membres du Conseil d'Etat peut fonder une action en dommages-intérêts. Dans l'arrêt déjà cité (RO 53 II 414), le Tribunal fédéral a souligné clairement que l'art. 21 Cst. cant. n'énonce qu'un principe tout général et ne fournit aucun élément de solution pour trancher le point de savoir selon quels critères cette responsabilité doit s'apprécier dans un cas concret. Cette question est précisément réglée par l'art. 15 de la loi du 21 mai 1840, qui ne retient la responsabilité des membres du Conseil d'Etat que dans le cas d'un dommage évident causé à l'Etat ou à un citoyen "par l'effet de l'acte qui aurait donné lieu à une condamnation pénale ou de la violation manifeste et volontaire d'une loi ou d'un décret". Ces conditions fixées par l'art. 15 de la loi de 1840 ne sont donc nullement en contradiction avec l'art. 21 de la Cst. cant., puisque celui-ci ne pose que le principe tout général de la responsabilité des autorités pour les actes qu'elles accomplissent dans l'exercice de leurs fonctions. Plus précisément, le caractère limité de l'action en responsabilité des membres du Conseil d'Etat tel qu'il résulte de l'art. 15 de la loi de 1840 n'est pas incompatible avec le principe fondamental consacré par l'art. 21 Cst. cant., comme il n'est pas incompatible avec les exigences de l'art. 4 Cst. féd. Les recourants se bornent d'ailleurs à prétendre que l'art. 15 de la loi de 1840 est également contraire à l'art. 4 de la Cst. féd., sans préciser en quoi consiste ce grief. Il n'y a donc pas lieu de l'examiner davantage.

5. Les recourants prétendent que même si les art. 15 ss. de la loi de 1840 sont toujours en vigueur, il n'appartenait pas au Grand Conseil de se prononcer sur l'existence des conditions légales d'une condamnation; seul le juge est compétent,
BGE 99 Ia 294 S. 301
disent-ils, pour apprécier les faits et le droit justifiant une prétention en dommages-intérêts. La décision du Grand Conseil devrait dès lors, selon les recourants, être considérée comme arbitraire.
Selon l'art. 16 de la loi de 1840, l'action en dommagesintérêts contre les membres du Conseil d'Etat ne peut être intentée qu'en vertu d'une autorisation du Grand Conseil. Il s'agit de l'autorisation de prise à partie, institution généralement admise dans un Etat de droit et qui tend à restreindre la responsabilité des autorités en général lorsqu'elles agissent dans l'exercice de leurs fonctions. Le Tribunal fédéral, dans un arrêt non publié du 19 mars 1937, Badet c. Fribourg, a effectivement souligné qu'en subordonnant l'action en dommages-intérêts contre les magistrats de l'ordre judiciaire, à raison d'actes commis dans l'exercice de leurs fonctions, à une autorisation de prise à partie, le législateur cantonal a marqué sa volonté de n'accorder cette action que dans des cas d'une certaine gravité, qu'il s'agisse de la gravité de la faute ou de celle du dommage. S'il en était autrement, précise le Tribunal fédéral, l'obligation d'obtenir l'autorisation préalable serait une pure formalité et n'aurait plus aucun sens. Si l'on confronte l'art. 15 de la loi valaisanne de 1840 sur la responsabilité du Conseil d'Etat avec cette jurisprudence, également applicable lorsqu'est en jeu la responsabilité des magistrats de l'Exécutif, on doit constater que cette disposition légale ne s'écarte pas de l'opinion généralement admise en cette matière, en imposant des limites bien déterminées à l'exercice de l'action en dommagesintérêts dirigée contre les membres du Gouvernement et en n'autorisant la prise à partie que si l'on est en présence d'un dommage évident, résultant d'un acte de caractère pénal ou de la violation manifeste et volontaire d'une loi ou d'un décret. Quoi qu'en disent les recourants, le Grand Conseil doit, avant de prendre sa décision, examiner si les conditions fixées notamment par l'art. 15 de la loi sont réalisées dans le cas concret, sans pour autant préjuger le fond. Dans l'arrêt Badet précité, le Tribunal fédéral relève à ce sujet que l'autorité saisie d'une demande de prise à partie doit pouvoir se livrer à un examen provisoire portant sur le mérite de l'action que se propose d'intenter le requérant. Si, au vu des principes qui régissent cette action, celle-ci ne paraît avoir aucune chance d'aboutir, l'autorité refusera d'accorder la permission sollicitée (cf. aussi
BGE 99 Ia 294 S. 302
RO 83 I 165/66). On ne saurait donc en l'espèce reprocher au Grand Conseil d'avoir procédé à cet examen.
Il faut de surcroît constater que le Grand Conseil n'est pas tombé dans l'arbitraire en concluant, à la suite de l'examen en question, au rejet de la demande de prise à partie déposée par les frères Rossier. En effet, après la convention passée avec l'Etat du Valais au sujet de la limite ouest, ces derniers ont présenté un nouveau projet de construction dans le courant de 1970, projet que la Commission cantonale des constructions a refusé d'approuver. Le Conseil d'Etat a rejeté par la suite le recours des frères Rossier, par décision du 30 juin 1971, et sanctionné l'opinion de la Commission cantonale dans la mesure où il s'agissait de l'application des prescriptions cantonales sur la police du feu pour les distances aux limites nord et est. A son tour le Tribunal fédéral a rejeté, par arrêt du 7 décembre 1971, le recours de droit public formé par les recourants contre la décision du Conseil d'Etat. Au vu de cet échec des frères Rossier devant le Tribunal fédéral, il n'était en tout cas pas insoutenable de la part du Grand Conseil d'admettre, dans la décision attaquée, que les membres du Conseil d'Etat n'avaient violé ni loi ni décret, en maintenant l'application des règles sur la police du feu pour les distances aux limites nord et est. La conclusion à laquelle il aboutit, à savoir que les conditions fixées par l'art. 15 de la loi de 1840 n'étaient pas réalisées, échappe en conséquence manifestement au grief d'arbitraire.

Dispositif

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.