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18990/91


Nideröst-Huber c. Suisse
18890/91, 18 février 1997




Faits

En l'affaire Nideröst-Huber c. Suisse , [1]
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement B [2], en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM. R. Bernhardt, président,
Thór Vilhjálmsson,
R. Macdonald,
C. Russo,
J. De Meyer,
N. Valticos,
R. Pekkanen,
L. Wildhaber,
K. Jungwiert,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 28 septembre 1996 et 27 janvier 1997,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1. A son origine se trouve une requête (n° 18990/91) dirigée contre la Confédération suisse et dont un ressortissant de cet Etat, M. Armin Nideröst-Huber, avait saisi la Commission le 17 octobre 1991 en vertu de l'article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration suisse reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46), la requête du Gouvernement aux articles 45, 47 et 48 (art. 45, art. 47, art. 48). Elles ont pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1).
2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 35 par. 3 d) du règlement B, le requérant a exprimé le désir de participer à l'instance et a désigné son conseil (article 31).
3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. L. Wildhaber, juge élu de nationalité suisse (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour (article 21 par. 4 b) du règlement B). Le 21 février 1996, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. Thór Vilhjálmsson, R. Macdonald, C. Russo, J. De Meyer, N. Valticos, R. Pekkanen et K. Jungwiert, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 5 du règlement B) (art. 43).
4. Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 par. 6 du règlement B), M. Bernhardt a consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du Gouvernement, l'avocat du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 39 par. 1 et 40). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les 26 et 29 juillet 1996 les mémoires du Gouvernement et du requérant. Le 7 août 1996, la Commission lui a fourni diverses pièces qu'il lui avait demandées sur les instructions du président de la chambre.
5. Ainsi qu'en avait décidé celui-ci, les débats se sont déroulés en public le 24 septembre 1996 au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
MM. P. Boillat, chef de la section du droit européen et des affaires internationales,
Office fédéral de la justice, agent,
A. von Kessel, section du droit européen et des affaires internationales, Office fédéral de la justice,
J.-M. Piguet, service de la révision de la loi fédérale d'organisation judiciaire,
Office fédéral de la justice, conseillers;
- pour la Commission
M. N. Bratza, délégué;
- pour le requérant
Mes M. Ziegler, avocat à Lachen, conseil,
H. Marty, avocate à Lachen,conseillère.
La Cour a entendu M. Bratza, Me Ziegler et M. Boillat.
EN FAIT
I. Les circonstances de l'espèce
6. Citoyen suisse né en 1940, M. Armin Nideröst-Huber réside à Rickenbach (Suisse).
7. Le 9 décembre 1985, il fut révoqué sans préavis de ses fonctions de président du conseil d'administration (Verwaltungsratspräsident) et de directeur général (Geschäftsführer) d'une société anonyme (Aktiengesellschaft) familiale de droit suisse, à la suite d'un changement de majorité parmi les actionnaires.
8. Le 29 juillet 1986, il intenta une action contre la société en paiement d'arriérés de salaire et d'une indemnité de départ (Abgangsentschädigung). Le tribunal de district (Bezirksgericht) de Schwyz le débouta le 22 septembre 1988.
9. Le 19 juin 1990, le tribunal cantonal (Kantonsgericht) de Schwyz rejeta l'appel (Berufung) du requérant. Souscrivant aux motifs du premier juge, il estima justifiée la révocation litigieuse: dans la lutte qui avait opposé M. Nideröst-Huber aux actionnaires minoritaires, celui-ci aurait négligé les intérêts de la société au profit des siens propres. Il aurait ainsi détruit la confiance de la nouvelle majorité en ses capacités de gestion loyale de la société.
10. L'intéressé saisit alors le Tribunal fédéral d'un recours en réforme (Berufung) qu'il déposa le 12 octobre 1990 auprès du tribunal cantonal. Celui-ci le transmit le 22 octobre à la haute juridiction et y joignit le dossier et une page d'observations (Stellungnahme zur Berufung), lesquelles ne furent pas communiquées au requérant. Elles concluaient au rejet du recours, dont elles réfutaient certains des motifs, soulignant entre autres que la révocation litigieuse était la conséquence légitime du comportement réfractaire et illégal que M. Nideröst-Huber avait manifesté pendant des années à la tête de la société.
11. Celle-ci présenta le 12 décembre 1990 des conclusions (Berufungsantwort) qui furent communiquées à M. Nideröst-Huber.
12. Le 1er mars 1991, le Tribunal fédéral écarta le recours en réforme. D'après lui, c'est à juste titre que le tribunal cantonal avait estimé justifiée la révocation sans préavis de l'intéressé, dès lors que celui-ci avait abusé de sa majorité dans la société pour servir ses intérêts personnels, bafouant systématiquement ceux de la minorité, même en violation de décisions de justice obligatoires; la nouvelle majorité avait donc valablement pu le limoger sur-le-champ.
13. L'arrêt fut signifié au requérant le 30 avril 1991. Le même jour, celui-ci demanda au Tribunal fédéral le texte des observations du tribunal cantonal (paragraphe 10 ci-dessus). Il l'obtint le 2 mai 1991.
II. Le droit interne pertinent
14. L'article 56 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 dispose:
"L'autorité cantonale avise immédiatement la partie adverse des conclusions du recours, même si celui-ci paraît tardif, et adresse au Tribunal fédéral, dans le délai d'une semaine, les actes de recours, une copie de la décision finale et des décisions incidentes qui l'ont précédée, ainsi que le dossier complet et, s'il y a lieu, ses observations; elle indique en outre au Tribunal la date de la notification de la décision attaquée, la date à laquelle l'acte lui est parvenu ou a été remis à la poste et celle à laquelle il a été communiqué à la partie adverse."
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
15. Dans sa requête du 17 octobre 1991 à la Commission (n° 18990/91), M. Nideröst-Huber se plaignait de ce qu'au mépris de l'article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1), il n'avait pas obtenu communication des observations adressées par le tribunal cantonal de Schwyz au Tribunal fédéral et s'était donc vu privé de la possibilité de les commenter avant que celui-ci ne statuât.
16. La Commission a retenu la requête le 17 janvier 1995. Dans son rapport du 23 octobre 1995 (article 31) (art. 31), elle conclut, par vingt-six voix contre quatre, à la violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1). Le texte intégral de son avis et des deux opinions dissidentes dont il s'accompagne figure en annexe au présent arrêt [3].
CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR
17. Dans son mémoire, le Gouvernement "invite la Cour à dire que la Suisse n'a pas violé la Convention européenne des Droits de l'Homme à raison des faits qui ont donné lieu à la requête introduite par M. Nideröst-Huber".
18. De son côté, le requérant prie la Cour de "constater qu'il y a eu violation de l'article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1)".
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE DE MEYER
En cette affaire, il suffisait de constater que le droit à un procès équitable implique nécessairement (et pas seulement "en principe"), pour les parties à un procès, celui "de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter" [4], et qu'il avait donc été manifestement violé en ce que les observations transmises au Tribunal fédéral par le tribunal cantonal n'avaient pas été communiquées à M. Nideröst-Huber 5.
Nous n'avions pas à nous attarder à répondre aux mauvais arguments par lesquels on essayait de justifier ce qui s'était passé en l'espèce.
Les développements que nous avons cru devoir leur consacrer nous ont ainsi amenés à dire certaines choses que nous aurions mieux fait de ne pas dire.
Tout d'abord, il n'est pas du tout certain que les Etats jouiraient, en la matière dont il s'agit, "d'une latitude plus grande" dans le domaine civil "que dans le domaine pénal" [6]. Ce n'est pas parce que cela avait déjà été affirmé, au demeurant sans justification suffisante, dans des arrêts antérieurs qu'il fallait encore une fois le répéter cette fois-ci.
Par ailleurs, il n'était aucunement nécessaire de concéder que "le dépôt d'observations du genre de celles en question en l'espèce poursuit un but d'économie et d'accélération de la procédure" [7]. Nous nous étions déjà montrés assez (et peut-être un peu trop) compréhensifs en admettant qu'"en soi", il "ne se heurte pas aux exigences du procès équitable" 8.


Considérants

EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 6 PAR. 1 DE LA CONVENTION (art. 6-1)
19. M. Nideröst-Huber allègue une violation de l'article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1), aux termes duquel
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)"
Malgré une demande expresse, le Tribunal fédéral ne lui aurait pas communiqué, avant de statuer, les observations du tribunal cantonal de Schwyz, le privant ainsi de toute possibilité d'en prendre connaissance et, le cas échéant, de les commenter en temps utile. Pourtant, leur transmission se serait révélée d'autant plus nécessaire qu'elles auraient complété le jugement attaqué et que le Tribunal fédéral en aurait clairement repris certains passages dans son arrêt. Bref, il y aurait eu violation du principe de l'égalité des armes et du droit à un procès équitable.
20. D'après le Gouvernement, les observations en question ne contenaient rien qui n'apparût pas déjà explicitement et de façon plus circonstanciée dans le jugement du tribunal cantonal du 19 juin 1990. En effet, si elles avaient présenté des éléments nouveaux et sérieux que le Tribunal fédéral eût voulu prendre en considération, il aurait dû procéder à un échange ultérieur d'écritures ou ordonner des débats, ce qu'il n'a pas fait.
En réalité, la faculté prévue à l'article 56 de la loi fédérale d'organisation judiciaire (paragraphe 14 ci-dessus) viserait uniquement, dans un but d'économie de la procédure, à permettre aux juridictions cantonales de défendre leurs jugements contre la critique dont ils font l'objet. En aucun cas, celles-ci ne pourraient en profiter pour compléter leurs décisions.
En l'espèce, l'absence de transmission des observations à M. Nideröst-Huber n'aurait aucunement porté à conséquence puisque la société défenderesse, elle non plus, n'en aurait pas obtenu copie. Même dans le cas contraire, une communication n'aurait jamais pu se faire qu'à titre d'information, car le contenu des observations n'appelait aucune réaction des parties, lesquelles avaient en effet déjà eu tout loisir de défendre leur cause, l'une en formant le recours en réforme, l'autre en y répondant.
Bref, considéré à la lumière de l'ensemble de la procédure, le défaut de communication des observations litigieuses n'aurait en rien aggravé la situation de l'intéressé.
21. La Commission n'aperçoit aucune méconnaissance du principe de l'égalité des armes. En revanche, elle voit dans la non-transmission des observations au requérant et dans l'impossibilité pour lui de les commenter en temps utile, une violation du droit à un procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).
22. La Cour estime d'abord qu'en soi le dépôt d'observations du genre de celles en cause ne se heurte pas aux exigences du procès équitable, même s'il s'agit d'une pratique peu répandue parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe. Seule pose problème en l'espèce la non-communication des observations au requérant.
23. Le principe de l'égalité des armes - l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable - requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi d'autres, l'arrêt Ankerl c. Suisse du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, pp. 1567-1568, par. 38).
En l'occurrence, les observations du tribunal cantonal ne furent communiquées à aucune des parties au litige devant le Tribunal fédéral: ni au requérant ni à la société défenderesse. De son côté, le tribunal cantonal, juridiction indépendante, ne saurait passer pour l'adversaire de l'une d'elles. Aucun manquement à l'égalité des armes ne se trouve donc établi.
24. Toutefois, la notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter (voir les arrêts Lobo Machado c. Portugal et Vermeulen c. Belgique du 20 février 1996, Recueil 1996-I, respectivement p. 206, par. 31, et p. 234, par. 33).
25. D'après le Gouvernement, cette règle s'applique aux cas où, comme dans les affaires Lobo Machado et Vermeulen précitées ainsi que dans l'affaire Bulut c. Autriche (arrêt du 22 février 1996, Recueil 1996-II), une autorité a pris l'initiative de présenter des conclusions ou des observations destinées à conseiller ou à influencer une juridiction. Or ici, le tribunal cantonal se serait limité à répondre aux attaques dont faisait l'objet son jugement dans le recours en réforme. Pour ce faire, il n'aurait invoqué aucun élément qui ne figurât pas déjà dans la décision entreprise.
26. La Cour note que, même limitées à une page, les observations en cause n'en contenaient pas moins un avis motivé sur le bien-fondé du recours en réforme, dont elles proposaient explicitement le rejet. Comme le relève le délégué de la Commission, elles visaient donc manifestement à influencer la décision du Tribunal fédéral.
27. Peu importe, à cet égard, leur effet réel sur celle-ci. De toute façon, comme les observations émanaient d'une juridiction indépendante qui, de surcroît, connaissait parfaitement le dossier pour l'avoir examiné au fond, il paraît peu vraisemblable que la haute juridiction ne leur ait pas prêté attention. Il convenait donc d'autant plus d'offrir au requérant une possibilité de les commenter s'il le désirait.
28. Peu importe aussi que l'affaire relève du contentieux civil où, comme le rappelle à juste titre le Gouvernement, les autorités nationales jouissent d'une latitude plus grande que dans le domaine pénal (voir les arrêts Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas du 27 octobre 1993, série A n° 274, p. 19, par. 32, et Levages Prestations Services c. France du 23 octobre 1996, Recueil 1996-V, p. 1544, par. 46). En effet, il ressort des arrêts Lobo Machado et Vermeulen précités qu'en la matière, les exigences découlant du droit à une procédure contradictoire sont les mêmes au civil comme au pénal (respectivement p. 206, par. 31, et p. 234, par. 33).
29. Il n'en va pas non plus autrement quand, de l'avis des juridictions concernées, les observations ne présentent aucun fait ou argument qui ne figure pas déjà dans la décision attaquée. Cette appréciation, en réalité, appartient aux seules parties au litige: c'est à elles de juger si un document appelle des commentaires. Il y va notamment de la confiance des justiciables dans le fonctionnement de la justice: elle se fonde, entre autres, sur l'assurance d'avoir pu s'exprimer sur toute pièce au dossier.
30. Sans doute le dépôt d'observations du genre de celles en question en l'espèce poursuit-il un but d'économie et d'accélération de la procédure. Comme en témoigne sa jurisprudence, la Cour attache une grande importance à cet objectif, lequel toutefois ne saurait justifier de méconnaître un principe aussi fondamental que le droit à une procédure contradictoire. De fait, l'article 6 par. 1 (art. 6-1) vise avant tout à préserver les intérêts des parties et ceux d'une bonne administration de la justice (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Acquaviva c. France du 21 novembre 1995, série A n° 333-A, p. 17, par. 66).
31. En l'espèce, le respect du droit au procès équitable, garanti par l'article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1), exigeait que M. Nideröst-Huber fût informé de l'envoi d'observations par le tribunal cantonal et qu'il eût la possibilité de les commenter.
Telle est d'ailleurs, comme le Gouvernement l'a expliqué à l'audience devant la Cour, la pratique habituelle du Tribunal fédéral. Elle n'a pas été suivie dans le cas présent.
32. Partant, il y a eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).
II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 50 DE LA CONVENTION (art. 50)
33. Aux termes de l'article 50 de la Convention (art. 50),
"Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
A. Dommage
34. Pour dommage matériel, M. Nideröst-Huber réclame 8 500 francs suisses (CHF) en compensation de la réparation (Entschädigung) de 5 000 CHF que le Tribunal fédéral l'a condamné à payer à la partie adverse, somme à laquelle il ajoute 3 500 CHF d'intérêts. Il sollicite en outre 3 000 CHF pour dommage moral.
35. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces prétentions, estimant qu'il n'appartient pas à celle-ci de rejuger l'affaire à la place des autorités nationales.
36. Le délégué de la Commission renvoie aux décisions prises en la matière par la Cour dans les affaires Lobo Machado et Vermeulen précitées.
37. La Cour relève l'absence de lien de causalité entre la violation dénoncée et le préjudice matériel allégué; on ne saurait en effet spéculer sur l'issue d'une procédure conforme aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).
Quant au dommage moral, la Cour l'estime suffisamment compensé par le constat de violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).
B. Frais et dépens
38. M. Nideröst-Huber demande aussi 18 500 CHF au titre des frais et dépens occasionnés par les procédures menées devant le Tribunal fédéral (7 725 CHF) puis les organes de la Convention (10 775 CHF).
39. Le délégué de la Commission se réfère aux arrêts Vermeulen et Bulut précités.
40. La Cour rappelle que d'après sa jurisprudence, pour avoir droit à l'allocation de frais et dépens, la partie lésée doit les avoir supportés afin d'essayer de prévenir ou faire corriger une violation de la Convention, d'amener la Commission puis la Cour à la constater et d'en obtenir l'effacement. Il faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, parmi d'autres, l'arrêt Philis c. Grèce (n° 1) du 27 août 1991, série A n° 209, p. 25, par. 74).
Elle note que les frais afférents à l'instance devant le Tribunal fédéral ne sauraient avoir été engagés pour prévenir ou faire corriger une violation affectant la procédure devant cette même juridiction. Avec le Gouvernement, elle estime donc devoir rejeter cette partie de la demande.
Quant aux frais entraînés par la représentation de M. Nideröst-Huber à Strasbourg, la Cour alloue la somme demandée, à savoir 10 775 CHF.
C. Intérêts moratoires
41. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal applicable en Suisse à la date d'adoption du présent arrêt s'établit à 5 % l'an.


Disposition

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITE,
1. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1);
2. Dit que le présent arrêt constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral éventuellement subi;
3. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 10 775 (dix mille sept cent soixante-quinze) francs suisses pour frais et dépens;
b) que ce montant sera à majorer d'un intérêt simple de 5 % l'an à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 18 février 1997.
Signé: Rudolf BERNHARDT
Président
Signé: Herbert PETZOLD
Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 par. 2 de la Convention (art. 51-2) et 55 par. 2 du règlement B, l'exposé de l'opinion concordante de M. De Meyer.
Paraphé: R. B.
Paraphé: H. P.
1.
Notes du greffier: L'affaire porte le n° 104/1995/610/698. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
2.
Le règlement B, entré en vigueur le 2 octobre 1994, s'applique à toutes les affaires concernant les Etats liés par le Protocole n° 9 (P9).
3.
Pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1997-I), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.
4.
Paragraphe 10 de l'arrêt.
5.
Paragraphe 24 de l'arrêt.
6.
Paragraphe 28 de l'arrêt.
7.
Paragraphe 22 de l'arrêt.
8.
Paragraphe 30 de l'arrêt.