Intestazione
33050/96
Haser Arman c. Svizzera
Decisione d'irricevibilità no. 33050/96, 27 avril 2000
Regesto
Questo riassunto esiste solo in francese.
DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 6 par. 1 et 3 CEDH . Accès à un tribunal. Irrecevabilité d'un pourvoi en cassation, faute pour le condamné défaillant d'avoir demandé le relief à l'autorité de jugement, devant laquelle il était représenté par son avocat.
La comparution d'un prévenu revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que de la nécessité de contrôler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime ainsi que des témoins. Une procédure se déroulant en l'absence du prévenu n'est pas en soi incompatible avec l'art. 6 CEDH s'il peut obtenir par la suite qu'une juridiction statue à nouveau sur le bien-fondé des accusations en fait et en droit.
En l'espèce, la procédure pénale tessinoise prévoit qu'un condamné défaillant peut faire opposition, ce qui permet à l'autorité de jugement de statuer à nouveau en fait et en droit, après avoir entendu le prévenu, sur les accusations portées à son encontre. Cette réglementation est conforme à l'art. 6 CEDH, de même qu'une législation imposant de relever le défaut avant de faire usage d'une voie de recours ne portant que sur l'application du droit. En outre, l'intérêt à un débat contradictoire devant un tribunal de première instance dont le jugement ne peut pas faire l'objet d'un appel prévaut sur celui du condamné à être dispensé de relever le défaut pour ne pas risquer d'être arrêté, afin de garantir un procès pénal équitable mené dans le respect des droits de la défense.
Dès lors, l'irrecevabilité du pourvoi du requérant n'a pas constitué une sanction disproportionnée à son droit d'accès à un tribunal.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.
DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 2 Prot. n° 7 CEDH. Irrecevabilité d'un pourvoi en cassation, faute pour le condamné défaillant d'avoir demandé le relief à l'autorité de jugement.
Les Etats contractants disposent d'un pouvoir discrétionnaire pour décider des modalités d'exercice du droit prévu à l'art. 2 Prot. n° 7 CEDH. Toutefois, les limitations à ce droit de recours doivent poursuivre un but légitime et ne pas porter atteinte à la substance même de celui-ci.
En l'espèce, le requérant pouvait faire opposition, puis saisir la cour de cassation cantonale et enfin recourir au Tribunal fédéral. L'obligation de faire opposition au préalable poursuit un but légitime car elle permet le réexamen de la cause en fait et en droit en présence de l'intéressé; elle ne saurait dès lors porter atteinte à la substance même du droit de recours.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.
DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 14 combiné avec l'art. 6 par. 1 CEDH et 2 Prot. n° 7 CEDH. Voies de droit cantonales différentes pour le condamné par contumace que pour le condamné en contradictoire. Différence par rapport à d'autres procédures cantonales.
A supposer que le grief ait été soulevé au plan interne, le requérant évoque des situations qui ne sont pas similaires: le cas d'un prévenu condamné par contumace n'est pas comparable à celui d'un prévenu jugé en contradictoire. En Suisse, la procédure devant les autorités cantonales est fixée par ces dernières et varie d'un canton à l'autre; des accusés jugés dans des cantons différents ne peuvent dès lors prétendre comparaître devant les mêmes autorités ni disposer de voies de recours identiques. Le requérant ne saurait dès lors se plaindre d'une discrimination contraire à l'art. 14 CEDH.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.
Fatti
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 33050/96
présentée par Arman HASER
contre la Suisse
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant le 27 avril 2000 en une chambre composée de
M. C.L. Rozakis, président,
M. M. Fischbach,
M. L. Wildhaber,
M. G. Bonello,
Mme V. Strážnická,
M. P. Lorenzen,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l'Homme le 2 août 1996 et enregistrée le 20 septembre 1996,
Vu l'article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, de nationalités turque et canadienne, né en 1938, réside à Toronto au Canada. Il est représenté devant la Cour par Me Marco Broggini, avocat au barreau de Locarno, en Suisse.
A. Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Par un jugement rendu par défaut le 8 mai 1995, la cour d'assises de Bellinzona condamna le requérant à trois ans d'emprisonnement et à l'expulsion du territoire suisse durant dix ans pour escroquerie, faux et usage de faux. En application des articles 59 § 2 et 60 du Code pénal, elle lui ordonna en outre de restituer au lésé, en l'occurrence la société M. Ltd. à Lusaka, en Zambie, un montant de près de 6 400 000 dollars américains (ci-après US$) et alloua, pour garantir l'exécution de ce remboursement, la somme de 4 000 000 US$ séquestrée au cours de la procédure.
Le requérant fut représenté par son avocat durant les débats.
Le 16 juin 1995, le requérant, par l'intermédiaire de son avocat, adressa quatre recours à diverses autorités judiciaires.
Le requérant recourut devant la cour d'appel civile du canton du Tessin contre l'ordre de restitution prononcé en application des articles 59 et 60 du Code pénal. A cette occasion, il contesta la qualité de partie civile de M. Ltd., au motif que son prétendu dommage n'avait pas été prouvé, et la validité des pouvoirs de représentation de l'avocat de cette société.
Le requérant recourut en outre auprès de la cour de cassation du canton du Tessin contre la condamnation du 8 mai 1995, se plaignant de ce que ses droits de la défense avaient été méconnus, d'une part, et de ce que les faits avaient été arbitrairement appréciés et le droit faussement appliqué, d'autre part.
Le requérant adressa également un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral.
Par deux arrêts du 21 juillet 1995, le Tribunal fédéral déclara irrecevables le recours de droit public et le pourvoi en nullité du requérant, au motif que les voies de recours cantonales n'avaient pas été épuisées. Il rappela d'abord que la personne condamnée par défaut devait faire opposition devant l'autorité cantonale compétente, être jugée contradictoirement puis, le cas échéant, saisir les instances de recours cantonales avant de s'adresser au Tribunal fédéral. Il releva ensuite que dans le canton du Tessin, l'opposition (istanza di revoca) était régie par l'article 264 du Code de procédure pénale et que le requérant avait omis de faire usage de cette voie de droit.
Le 1er septembre 1995, la cour de cassation du canton du Tessin déclara irrecevable le pourvoi déposé par le requérant le 16 juin 1995, au motif qu'une condamnation par défaut devait être contestée par la voie de l'opposition conformément à l'article 264 du Code de procédure pénale du canton du Tessin.
Le 6 octobre 1995, le requérant, représenté par deux avocats, adressa un recours de droit public au Tribunal fédéral contre ce jugement, se plaignant de ce que l'obligation de relever le défaut était contraire aux articles 6 de la Convention et 2 du Protocole N° 7 à la Convention. A cette occasion, il allégua que la procédure d'opposition était fondée sur le principe qu'un accusé ne devait pas être condamné s'il n'avait pu faire valoir ses moyens de défense ; or dans la mesure où son conseil avait pris part aux débats devant la cour d'assises de Bellinzona, son droit d'être entendu avait été respecté et il convenait en conséquence de lui reconnaître la faculté de se pourvoir en cassation sans devoir au préalable relever le défaut. Il déclara également que l'opposition était une voie de droit à la disposition du défaillant et qu'il renonçait irrévocablement à s'en prévaloir.
Par un arrêt du 6 février, notifié le 13 février 1996, le Tribunal fédéral rejeta pour défaut de fondement le recours de droit public du requérant. Il rappela d'abord qu'une procédure par défaut n'était pas en soi contraire à la Convention si la personne condamnée disposait par la suite de la possibilité de faire réexaminer, en fait et en droit, après avoir été entendue, le bien-fondé des accusations dirigées contre elle. Il souligna aussi que la Convention laissait aux Etats contractants une large marge de manœuvre en la matière.
Le Tribunal fédéral releva ensuite que la procédure devant les autorités judiciaires du canton du Tessin avait satisfait aux garanties de procédure minimales prévues par l'article 6 de la Convention, en l'occurrence le droit de bénéficier d'une défense effective et de faire opposition à la condamnation par défaut, ce que le requérant ne contestait pas. Il estima également que l'obligation imposée à une personne condamnée par contumace de solliciter la révocation du jugement rendu par défaut préalablement à tout recours n'était pas une limitation contraire à l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention, cette disposition n'exigeant pas d'accorder au condamné par défaut, en plus du droit de faire opposition, la faculté de recourir directement devant l'instance supérieure. A cet égard, il souligna que l'opposition permettait à la personne condamnée par contumace non seulement d'obtenir qu'une juridiction statuât à nouveau, selon une procédure ordinaire, sur le bien-fondé des accusations mais encore, de recourir contre le jugement prononcé dans le cadre de cette seconde procédure et de faire ainsi réexaminer sa condamnation par l'autorité supérieure, conformément à l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention.
Le 4 avril 1996, la cour d'appel civile du canton du Tessin déclara irrecevable l'appel déposé par le requérant le 16 juin 1995, motif pris de ce que les prestations fondées sur les articles 58, 59 et 60 du Code pénal ne relevaient pas du droit privé mais du droit public et que les contestations y relatives devaient en conséquence être portées devant la cour de cassation, et non devant le tribunal civil.
Les 8 et 10 mai 1996, le requérant, représenté par son avocat, adressa au Tribunal fédéral un recours de droit public et un recours en réforme contre ce jugement.
Par un arrêt du 24 juin 1996, la chambre civile du Tribunal fédéral déclara irrecevable le recours en réforme du requérant, aux motifs que seules les décisions portant sur des contestations civiles pouvaient être attaquées par cette voie de droit et que selon sa jurisprudence constante, les réclamations fondées sur l'article 60 du Code pénal ne constituaient pas des prétentions civiles.
Par un arrêt du 8 juillet 1996, la cour de droit public du Tribunal fédéral rejeta le recours de droit public du requérant. En particulier, les juges écartèrent pour défaut de fondement l'argument du requérant selon lequel il n'avait plus la possibilité de contester l'obligation de restituer 6 400 000 US$ à M. Ltd. ordonnée en application des articles 59 § 2 et 60 du Code pénal, aux motifs qu'il lui était loisible, dans les limites de la prescription de l'action pénale, de demander la révocation de la condamnation par défaut et d'engager une procédure ordinaire conformément à l'article 264 du Code de procédure pénale du canton du Tessin.
B. Le droit interne pertinent
Les dispositions pertinentes du Code pénal suisse prévoient :
Article 58bis
« 1. Lorsqu'un tiers peut faire valoir un droit de propriété sur les objets ou valeurs à confisquer ou que, sans avoir eu connaissance de l'infraction, il a acquis le droit d'en devenir propriétaire, les objets ou valeurs lui seront remis (…) »
Article 59
« 1. Les dons et autres avantages qui ont servi ou qui devaient servir à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction sont acquis à l'Etat (…)
2. L'article 58bis est applicable par analogie.
(…) »
Article 60
« 1. Si, par suite d'un crime ou d'un délit, une personne a subi un dommage et s'il est à prévoir que le délinquant ne le réparera pas, le juge pourra allouer au lésé, jusqu'à concurrence du dommage constaté judiciairement ou par accord avec le lésé, les objets et valeurs confisqués, les dons et autres avantages acquis à l'Etat ou le produit de leur réalisation, sous déduction des frais, ainsi que le montant du cautionnement préventif.
(…) »
Article 365
« 1. La procédure devant les autorités cantonales sera fixée par les cantons. »
Les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale du canton du Tessin en vigueur à l'époque des faits disposaient :
Traduction
Article 258
« Si l'accusé ne comparaît pas, la cour d'assises vérifie la régularité de la citation puis procède au jugement en audience publique, sur la base du dossier de l'instruction, après avoir entendu le procureur et la partie civile.
Si elle trouve dans le dossier des preuves suffisantes de culpabilité, la cour prononce un jugement de condamnation. Dans le cas contraire, la procédure est prorogée. »
Article 264
« Lorsque le condamné par contumace est arrêté ou se présente spontanément avant que la peine à laquelle il a été condamné soit prescrite, il peut faire opposition au jugement rendu par contumace et demander qu'il soit procédé selon la procédure ordinaire et que des débats publics aient lieu.
La requête est adressée au président de la Chambre criminelle (…)
Si le condamné est en état d'arrestation, le président doit l'aviser de son droit de faire opposition à la condamnation prononcée par contumace. »
Selon le Code de procédure pénale du canton du Tessin, l'opposition est adressée au tribunal ayant prononcé le jugement par contumace ; dans le cadre de cette procédure, les mêmes juges se prononcent sur les questions de fait et de droit. Le relief peut être demandé indépendamment d'une faute de l'intéressé. La personne condamnée par contumace doit faire opposition avant de se pourvoir en cassation. Le pourvoi en cassation est adressé à la juridiction supérieure ; celle-ci se prononce avec un plein pouvoir d'examen sur les moyens de droit invoqués par le recourant mais ne revoit les faits que sous l'angle restreint de l'arbitraire.
GRIEFS
1. Le requérant soutient que l'obligation de faire opposition devant la cour d'assises à un jugement rendu par défaut avant de se pourvoir en cassation est contraire au droit d'accès à un tribunal et au principe d'équité garantis par l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention. Il souligne en particulier que dans la mesure où il a été représenté par l'avocat de son choix devant les autorités cantonales et a expressément et irrévocablement renoncé dans son recours adressé au Tribunal fédéral le 6 octobre 1995 à relever le défaut, lui imposer cette voie de recours méconnaît ses droits de la défense. Il conteste un système qui, selon lui, veut contraindre le justiciable à comparaître pour l'arrêter.
2. Le requérant se plaint également de ce que l'impossibilité, pour la personne condamnée par défaut, de se pourvoir en cassation, directement et par l'intermédiaire de son avocat, méconnaît l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention.
3. Enfin, le requérant affirme que la distinction établie par le Code de procédure pénale du canton du Tessin quant aux voies de recours pour le justiciable condamné par défaut, d'une part, ou selon une procédure contradictoire, d'autre part, méconnaît l'article 14 de la Convention combiné avec les articles 6 de la Convention et 2 du Protocole N° 7 à la Convention. A cet égard, il souligne en outre que dans d'autres cantons, le condamné par contumace peut se pourvoir en cassation sans devoir préalablement relever le défaut.
Considerandi
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de ce que l'obligation imposée à une personne condamnée par contumace de faire opposition devant l'autorité de jugement avant de pouvoir recourir devant l'autorité supérieure est contraire au droit d'accès à un tribunal et au principe d'équité garantis par l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention lorsque l'intéressé a été représenté par l'avocat de son choix lors des débats puis a expressément renoncé à relever le défaut.
Les passages pertinents de l'article 6 de la Convention disposent :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…) qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…)
(…)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(…)
c. se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix (…) »
Le gouvernement défendeur soutient que cette partie de la requête est manifestement mal fondée. Il rappelle d'abord la jurisprudence de la Cour selon laquelle les juges qui réexaminent en présence de l'accusé une affaire qu'ils ont dû d'abord juger par défaut ne sont pas, de ce seul fait, partiaux (arrêt Thomann c. Suisse du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 815 et 816, §§ 30 à 37). Il rappelle ensuite que le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d'un recours (arrêt Omar c. France du 29 juillet 1998, Recueil 1998-V, p. 1840, § 34), et que la Cour a répété à maintes reprises qu'il ne lui appartenait pas de se substituer aux autorités nationales pour déterminer la meilleure politique pour réglementer l'accès à l'autorité de recours (arrêt Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni du 13 juillet 1995, série A n° 316-B, pp. 78 et 79, § 59).
Il observe par ailleurs que la Cour a laissé ouverte la question de savoir si et à quelles conditions un prévenu peut renoncer à comparaître en personne devant le tribunal (arrêts Colozza et Rubinat c. Italie du 12 février 1985, série A n° 89, p. 14, § 28 et Poitrimol c. France du 23 novembre 1993, série A n° 277-A, p. 13, § 31). Selon lui, toutefois, cette question n'est pas décisive en l'espèce. De surcroît, il est d'avis qu'à supposer même qu'une telle possibilité existe, le juge n'aurait pas l'obligation d'y faire droit dans tous les cas ; il mentionne à titre d'exemple l'article 6 § 3 c) de la Convention, lequel ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction passe outre la renonciation d'un accusé à bénéficier de l'assistance d'un défenseur d'office s'il existe des motifs pertinents et suffisants de juger que les intérêts de la justice le commandent (arrêt Croissant c. Allemagne du 25 septembre 1992, série A n° 237-B, p. 33, § 30).
Le Gouvernement précise qu'en Suisse, le Tessin et Neuchâtel sont les seuls cantons dans lesquels, en matière pénale, le recours « ordinaire » contre les jugements de première instance n'est pas l'appel mais le pourvoi, c'est-à-dire un recours qui ne permet de revoir les faits que sous l'angle - très restreint - de l'arbitraire. L'unique moyen d'obtenir qu'une juridiction statue à nouveau, après avoir entendu l'intéressé, sur le bien-fondé des accusations portées contre lui est donc la procédure de relief. A cet égard, il indique que le requérant a bel et bien voulu contester la façon dont la cour d'assises avait établi et apprécié les faits puisqu'il a fait valoir longuement (pp. 11 à 29) dans son pourvoi du 16 juin 1995 l'évaluation arbitraire des preuves et la constatation manifestement fausse des faits.
Il affirme que la comparution du requérant revêtait une importance capitale en raison tant du droit à être entendu que de la nécessité de contrôler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime (arrêts Poitrimol précité, p. 15, § 35 et Lala c. Pays-Bas du 22 septembre 1994, série A n° 297-A, p. 13, § 33). En outre, le législateur doit pouvoir non seulement décourager les abstentions injustifiées (arrêt Poitrimol précité, p. 15, § 35) mais encore exiger l'achèvement de la procédure ordinaire avant le dépôt d'un recours de par sa nature incomplet. Cette conclusion est corroborée par le fait que dans le canton du Tessin, la procédure ordinaire devant l'autorité de première instance est régie de façon très stricte par le principe de l'immédiateté des débats : en particulier, l'inculpé a l'obligation d'être présent à l'audience ; le tribunal doit procéder à son audition, à celle des témoins et des experts ; des exceptions ne sont admises qu'en cas de décès, de maladie mentale ou lorsque des personnes sont introuvables.
Le Gouvernement ne conteste pas, pour le requérant, le droit de faire usage au mieux des garanties de l'article 6 de la Convention. Toutefois, il est d'avis que le requérant ne saurait réclamer un « Etat de droit à la carte » ni prétendre à un droit de l'accusé de ne pas participer aux débats. Selon lui, le risque d'être placé en détention ne constitue pas une atteinte aux droits de la défense et l'exigence de l'article 264 CPP, en l'occurrence la possibilité pour le condamné arrêté ou se présentant spontanément de demander le relief, s'explique par la nature même des choses ; en d'autres termes, le relief d'un jugement par défaut qui aboutirait à un second jugement par défaut serait dénué de sens.
Il soutient que l'obligation de relever le défaut avant de se pourvoir en cassation vise non seulement à la recherche de la vérité mais aussi au respect de l'égalité de traitement et de la sécurité juridique. A cet égard, il mentionne que le fait d'accorder à la personne condamnée par contumace un libre choix quant au recours risquerait d'entraîner la succession d'une multitude de recours. En effet, cette personne pourrait changer d'avis et demander le relief devant la première instance en cas d'issue défavorable du pourvoi, puis déposer un pourvoi contre le jugement rendu selon la procédure ordinaire ; par ailleurs, en cas d'admission du recours par le Tribunal fédéral et de renvoi du dossier devant l'autorité cantonale, celle-ci devrait se prononcer à nouveau, le cas échéant une seconde fois par défaut, et le condamné pourrait ensuite demander le relief puis derechef déposer un pourvoi.
Enfin, le Gouvernement rappelle que la Cour a déjà jugé contraire à l'article 6 de la Convention une décision d'irrecevabilité d'un pourvoi fondée sur l'absence des condamnés (arrêts Omar et Poitrimol précités). Cependant, il souligne que la présente requête diffère de l'arrêt Omar puisque la seule charge imposée au requérant consistait en l'obligation de faire précéder la procédure de recours de la procédure de relief ; or seule cette dernière conférait la faculté au juge pénal d'examiner librement les faits et le droit, et au requérant de faire valoir de manière efficace ses droits de la défense. De même, l'arrêt Poitrimol ne saurait être comparé au cas d'espèce puisque le pourvoi adressé à la Cour de cassation constituait la seule possibilité de faire réexaminer un jugement rendu par défaut, lequel ne pouvait pas faire l'objet d'un relief.
Le requérant marque son désaccord. Il mentionne d'abord quelques particularités des jugements rendus par défaut dans le canton du Tessin. En particulier, un jugement d'acquittement par défaut est exclu (article 258 CPP) et une demande de relief est subordonnée à la condition que la personne condamnée par défaut soit arrêtée par l'autorité ou se présente spontanément (article 264 CPP). Par ailleurs, il affirme que la voie de l'opposition n'est pas obligatoire ; il s'agit seulement d'une possibilité, et plus précisément d'un droit accordé à la personne condamnée par défaut.
Il rappelle également que suite à sa condamnation à trois ans d'emprisonnement par la cour d'assises de Bellinzona le 8 mai 1995, il devait se constituer prisonnier afin de pouvoir présenter une demande de relief et aurait ensuite été détenu, pour le moins, jusqu'au nouveau procès.
Se référant aux arrêts rendus par la Cour dans les affaires Poitrimol, Lala et Omar ainsi que Khalfaoui c. France (14 décembre 1999 ; troisième section), le requérant est d'avis que son droit d'accès à la cour de cassation a été limité d'une manière et à un point tels qu'il s'en trouve atteint dans sa substance même ; selon lui, cette limitation ne poursuit aucun but légitime et il n'existe aucun rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Il soutient que la décision déclarant irrecevable son pourvoi en cassation déposé le 16 juin 1995 est totalement contraire à l'article 6 de la Convention en raison, d'une part, de l'absence de l'institution de l'appel en matière pénale dans le canton du Tessin et, d'autre part, du déroulement de la procédure devant la cour de cassation. A cet égard, il indique notamment que la procédure devant cette juridiction est en principe écrite, que les audiences sont facultatives, que l'accusé n'a pas l'obligation de comparaître et que la cour statue sur la base du dossier. Il souligne en outre que les griefs qu'il avait invoqués dans son pourvoi concernaient principalement l'application erronée du droit.
Selon le requérant, le principe de l'immédiateté devant l'autorité de première instance a perdu de son importance en raison de la portée croissante attribuée à la phase de l'enquête préliminaire.
Enfin, à l'argument du Gouvernement selon lequel la législation contestée vise au respect de la sécurité juridique, de l'égalité de traitement et à la recherche de la vérité, le requérant rétorque qu'il avait irrévocablement renoncé à faire opposition, que la partie lésée et l'accusateur ont la faculté de déposer un pourvoi contre le jugement par défaut, que la cour d'assises de Bellinzona n'a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui étaient favorables et a mené contre lui un procès à charge.
La Cour rappelle que le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu mais peut donner lieu à des limitations, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d'un recours. Ces limitations ne sauraient toutefois restreindre l'exercice de ce droit d'une manière ou à un point tel qu'il s'en trouverait atteint dans sa substance. De surcroît, elles ne se concilient avec l'article 6 de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Lors de l'examen de la compatibilité des limitations prévues par le droit interne avec les exigences de l'article 6, il convient de prendre en compte aussi bien les particularités de la procédure en cause que l'ensemble du procès mené dans l'ordre juridique interne (arrêts Omar précité, p. 1840, § 34 et Khalfaoui précité, §§ 35 à 37).
Elle rappelle aussi que l'article 6 de la Convention n'astreint pas les Etats contractants à créer des cours d'appel ou de cassation. Néanmoins, un Etat qui se dote de juridictions de cette nature a l'obligation de veiller à ce que les justiciables jouissent auprès d'elles des garanties fondamentales de cette disposition (arrêt Omar précité, p. 1841, § 41).
La Cour a déjà eu l'occasion de préciser que la comparution d'un prévenu revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que de la nécessité de contrôler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins ; dès lors, le législateur doit pouvoir décourager les absences injustifiées aux audiences (arrêt Poitrimol précité, p. 15, § 35). Toutefois, une procédure se déroulant en l'absence du prévenu n'est pas en soi incompatible avec l'article 6 de la Convention s'il peut obtenir ultérieurement qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé des accusations en fait comme en droit (arrêt Poitrimol précité, p. 13, § 31).
Sous réserve des principes susmentionnés, les Etats contractants disposent d'une certaine marge d'appréciation en matière de réglementation des voies de recours ; en particulier, l'article 6 de la Convention ne garantit pas à un accusé le droit de décider lui-même de quelle manière sa défense sera assurée (arrêt Tolstoy Miloslavsky précité, p. 78, § 59 et Comm. eur. D.H., n° 16598/90, décision du 11 décembre 1990, D.R. n° 66, p. 260).
En l'espèce, la Cour souligne d'emblée qu'à la différence des affaires Poitrimol, Omar et Khalfaoui précitées, dans lesquelles l'irrecevabilité des pourvois était fondée sur l'absence des justiciables, la cour de cassation du canton du Tessin, dans son jugement du 1er septembre 1995, n'est pas entrée en matière sur le pourvoi du requérant au motif qu'une condamnation par défaut devait être contestée par la voie de l'opposition conformément à l'article 264 CPP. De surcroît, alors que les requêtes dirigées contre la France concernaient des pourvois adressés à la Cour de cassation, à savoir la plus haute autorité judiciaire nationale, et que les décisions entreprises avaient eu pour conséquence de priver les recourants de ce degré de juridiction, dans la présente cause, le pourvoi du 16 juin 1995 était adressé à un tribunal cantonal dont la décision ne mettait pas un terme à la procédure au plan interne ; le requérant, en effet, conservait la possibilité - jusqu'à la prescription de la peine, conformément à l'article 264 CPP -, de faire opposition devant la cour d'assises de Bellinzona puis, le cas échéant, de déposer un pourvoi devant la cour de cassation cantonale et enfin de recourir au Tribunal fédéral.
La Cour relève en outre que le requérant, absent lors des débats devant la cour d'assises de Bellinzona, a vu sa défense assurée par l'avocat de son choix. C'est donc à juste titre qu'il n'allègue pas que, devant cette juridiction, la garantie d'équité ou le droit d'accès au tribunal aurait été méconnu. Par ailleurs, aux termes du Code de procédure pénale du canton du Tessin, un condamné défaillant devant la cour d'assises a la possibilité, par la voie de l'opposition, d'obtenir de cette autorité qu'elle statue à nouveau en fait et en droit, après l'avoir entendu, sur les accusations portées à son encontre. Or cette réglementation est conforme à l'article 6 de la Convention.
La Cour estime qu'il en va de même d'une législation imposant à un accusé condamné par contumace de relever le défaut avant de se pourvoir en cassation ou, en d'autres termes, de faire réexaminer la cause entièrement, tant en ce qui concerne les points de fait que de droit, avant de faire usage d'une voie de recours ne portant que sur l'application du droit. Il est vrai que selon l'article 264 CPP, le condamné par contumace ne peut relever le défaut qu'à la condition d'être arrêté ou de se présenter, au risque d'être arrêté lorsque, comme en l'espèce, une peine de trois ans d'emprisonnement a été prononcée. De l'avis de la Cour, toutefois, l'intérêt à un débat contradictoire devant un tribunal pénal de première instance dont le jugement ne peut pas faire l'objet d'un appel, mais seulement d'un pourvoi, prévaut sur celui du condamné par contumace par ce tribunal à être dispensé de relever le défaut afin de ne pas encourir le risque d'être arrêté. Dans un tel cas, en effet, la comparution du condamné revêt une importance capitale au regard de l'exigence du procès pénal équitable et juste, mené dans le respect des droits de la défense. La décision par laquelle le pourvoi du requérant fut déclaré irrecevable ne saurait dès lors être considérée comme une « sanction disproportionnée » ayant porté atteinte à son droit d'accès au tribunal ou à son droit à un procès équitable.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
2. Le requérant se plaint aussi de ce que l'impossibilité, pour la personne condamnée par défaut, de se pourvoir en cassation, directement et par l'intermédiaire de son avocat, méconnaît l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention, dont les passages pertinents sont rédigés comme suit :
« 1. Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi. »
La Cour rappelle que les Etats contractants disposent en principe d'un pouvoir discrétionnaire pour décider des modalités d'exercice du droit prévu par l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention. Ainsi, l'examen d'une déclaration de culpabilité ou d'une condamnation par une juridiction supérieure peut porter tant sur des questions de fait que de droit ou se limiter aux points de droit ; par ailleurs, dans certains pays, le justiciable désireux de saisir l'autorité de recours doit dans certains cas solliciter une autorisation à cette fin. Toutefois, les limitations apportées par les législations internes au droit de recours mentionné par cette disposition doivent, par analogie avec le droit d'accès au tribunal consacré par l'article 6 de la Convention, poursuivre un but légitime et ne pas porter atteinte à la substance même de ce droit (Comm. eur. D.H., n° 20087/92, décision du 26.10.95, D.R. n° 83-B, p. 5).
En l'espèce, la Cour relève que le requérant avait la possibilité de contester sa condamnation prononcée par contumace en faisant opposition devant la cour d'assises de Bellinzona, avant de saisir la cour de cassation du canton du Tessin d'un pourvoi et enfin de recourir devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de droit public et du pourvoi en nullité. Elle estime que l'obligation imposée à un accusé condamné par défaut de faire opposition avant de se pourvoir en cassation poursuit un but légitime dans la mesure où elle permet le réexamen de la cause dans son intégralité et en présence de l'intéressé ; une telle obligation ne saurait en outre être considérée comme portant atteinte à la substance même du droit de recours.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
3. Enfin, invoquant l'article 14 combiné avec l'article 6 de la Convention, d'une part, et avec l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention, d'autre part, le requérant se plaint de ce que le Code de procédure pénale du canton du Tessin établit une distinction injustifiée entre la personne condamnée par contumace, qui doit préalablement relever le défaut, et la personne condamnée selon une procédure contradictoire, qui peut directement se pourvoir en cassation. Il souligne en outre que dans certains cantons, un prévenu jugé par défaut n'a pas l'obligation de faire opposition avant de se pourvoir en cassation.
Aux termes de l'article 14 de la Convention :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
La Cour rappelle que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans une situation comparable (arrêt Fredin c. Suède du 18 février 1991, série A n° 192, p. 19, § 60).
Or en l'espèce, à supposer même que ce grief ait été soulevé au plan interne, la Cour observe que le requérant évoque des situations qui ne sont pas similaires. En effet, le cas d'un prévenu condamné par contumace ne saurait être comparé à celui du prévenu jugé contradictoirement. Par ailleurs, elle souligne qu'en Suisse, la procédure devant les autorités cantonales est fixée par ces dernières (article 365 du Code pénal) et varie en conséquence d'un canton à l'autre ; des accusés jugés dans des cantons différents - à l'instar de prévenus condamnés dans des Etats contractants différents - ne peuvent dès lors prétendre comparaître devant les mêmes autorités ni disposer de voies de recours identiques. Dans ces circonstances, elle estime que le requérant ne saurait se plaindre d'une discrimination contraire à l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 6 de la Convention ou avec l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
Disposizione
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE.
Erik Fribergh Christos Rozakis
Greffier Président