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Urteilskopf

39765/98


Waridel Paul Eduard c. Svizzera
Decisione d'irricevibilità no. 39765/98, 12 avril 2001

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 5 par. 3 CEDH. Durée de la détention préventive (2 ans, 9 mois et 11 jours).

Pour prolonger la détention provisoire et rejeter les demandes de mise en liberté du requérant, les juridictions internes ont retenu la persistance de graves indices de culpabilité, le risque de fuite et de récidive, ainsi que les nécessités de l'instruction.
Ces motifs étaient pertinents et la conduite de la procédure dans cette affaire complexe de trafic international de stupéfiants impliquant plusieurs personnes et de très nombreux actes d'instruction s'est déroulée à un rythme soutenu sans aucun temps de latence. Dès lors, la durée de la détention préventive du requérant n'a pas dépassé le délai raisonnable.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 6 par. 1 CEDH. Durée d'une procédure pénale (3 ans, 8 mois et 23 jours).

L'affaire présentait une complexité particulière puisqu'elle impliquait un trafic international de stupéfiants, et l'enquête a nécessité de très nombreux actes d'instruction. La défense a encore demandé un complément d'instruction de plus d'une centaine de requêtes sur de nouveaux moyens de preuve et le procureur public a fait suite à une majorité d'entre elles, y compris une expertise psychiatrique du requérant.
Quant à la durée de la procédure de recours, qui s'étendit sur une période de moins de neuf mois, elle n'apparaît pas déraisonnable. La durée totale de la procédure n'était dès lors pas excessive.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 8 CEDH. Droit au respect de la vie privée dans le cadre de l'intervention d'un agent infiltré.

L'intervention d'un agent provocateur ne constitue ni en soi ni en combinaison avec une surveillance téléphonique une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 2 Prot. n° 7 CEDH. Pouvoir d'examen limité à l'arbitraire de l'autorité judiciaire de deuxième instance.

Le requérant a pu contester sa condamnation auprès de la cour d'appel qui s'est déterminée dans un arrêt très circonstancié. Il a ensuite déposé un recours de droit public et un pourvoi en cassation au Tribunal fédéral. Le fait que le pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance soit limité à l'arbitraire ne saurait porter atteinte à la substance même du droit de recours.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.





Sachverhalt

DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 39765/98
présentée par Paul Eduard WARIDEL
contre la Suisse
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant le 12 avril 2001 en une chambre composée de
MM.    C.L. Rozakis, président,
        A.B. Baka,
        L. Wildhaber,
    Mme    V. Strážnická,
    MM.    P. Lorenzen,
        M. Fischbach,
        A. Kovler, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l'Homme le 7 décembre 1997 et enregistrée le 9 février 1998,
Vu l'article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
Le requérant, ressortissant suisse né en 1941, est incarcéré au centre pénitentiaire cantonal La Stampa à Lugano. Il est représenté devant la Cour par Me P. Tamagni, avocat au barreau de Bellinzona. 
A.  Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
En 1985, le requérant a été reconnu coupable de violation aggravée à la loi fédérale sur les stupéfiants et condamné à une peine de 13 ans de réclusion. Le 20 mars 1995, il obtint une libération conditionnelle.
Le 1er août 1995, le requérant fut arrêté à Zurich, car il avait participé à un trafic de stupéfiants. Une enquête masquée avec un agent infiltré italien avait permis de soupçonner le requérant d'avoir organisé un trafic international d'environ 100 kg d'héroïne, dont environ 23 kg avaient été saisis le jour de son arrestation à Milan. Le requérant fut immédiatement placé en détention préventive dans le canton du Tessin pour une durée de six mois.
1.  Prolongations de la détention préventive
Le 17 janvier 1996, le procureur public demanda au juge d'instruction la prolongation de la détention préventive pour une durée supplémentaire de quatre mois, en raison d'un risque de fuite, de récidive et compte tenu de la nécessité d'actes d'instructions complémentaires à effectuer en Italie. Le 29 janvier 1996, le juge d'instruction accorda la prolongation jusqu'au 1er juin 1996.
Le 20 mai 1996, le procureur requit une deuxième prolongation de la détention préventive pour six mois, pour les mêmes raisons que la précédente demande de prolongation. La requête fut accordée le 23 mai 1996 et la détention préventive prolongée jusqu'au 1er décembre 1996.
Le 4 novembre 1996, la défense présenta au procureur public 102 requêtes de complément d'instruction.
Le 19 novembre 1996, le procureur requit une troisième prolongation de la détention pour une durée de six mois, en raison d'un risque de fuite, de récidive et vu la nécessité d'un complément d'instruction en faveur de la défense. Le 22 novembre 1996, le juge d'instruction accorda la prolongation jusqu'au 1er juin 1997.
Le 20 mai 1997, le procureur public du canton du Tessin demanda au juge d'instruction de prolonger jusqu'au 1er juillet 1997 la détention préventive du requérant en raison notamment du fait que ce dernier avait requis une expertise psychiatrique. Le 26 mai 1997, la requête fut acceptée en raison d'un risque de fuite et de récidive. Le 30 mai 1997, le requérant recourut contre cette décision auprès de la chambre des recours pénaux du tribunal d'appel. Cette autorité, par décision du 19 juin 1997, rejeta le recours.
Le 19 juin 1997 également, le procureur demanda une cinquième prolongation de la détention préventive pour une durée de trois mois. Par décision du juge d'instruction du 24 juin 1997, confirmée sur recours par la chambre des recours pénaux du tribunal d'appel le 24 juillet et le 4 août 1997, la détention préventive fut prolongée en raison d'indices graves de culpabilité et d'un danger de fuite.
Le 17 septembre 1997, sur demande du procureur public, le juge d'instruction prolongea la détention préventive du requérant jusqu'au 1er décembre 1997 afin de pouvoir terminer l'enquête. Le requérant recourut contre cette décision le 25 septembre 1997 auprès de la chambre des recours pénaux du tribunal d'appel du canton du Tessin qui rejeta le recours le 24 octobre 1997.
2.  Demandes de mise en liberté
Le 21 avril 1997, le requérant présenta au ministère public du canton du Tessin une demande de libération provisoire. Le même jour, il réitéra au ministère public sa demande de complément d'instruction, déjà formulée le 4 novembre 1996, et demanda de faire l'objet d'une expertise psychiatrique. Par décision du 25 avril 1997, le juge d'instruction du canton du Tessin rejeta la demande de libération provisoire en raison d'un risque de fuite et de récidive. Le 9 mai 1997, le requérant recourut contre cette décision à la chambre des recours pénaux du tribunal d'appel qui se prononça le 19 juin 1997 et justifia la détention en raison des graves indices de culpabilité à charge du requérant, l'existence concrète d'un danger de fuite et pour les besoins de l'enquête. Elle se prononça notamment en ces termes :
 
« (...) Quand [le requérant] fut mis en liberté conditionnelle, il ne ressort pas qu'il ait entrepris une activité professionnelle. Après s'être rendu à Zurich, il fut d'abord logé par un citoyen grec chez lequel il a été arrêté, a obtenu des prêts au comptant et des marchandises à crédit par des amis grecs et turcs. Il connaît diverses langues et a des contacts dispersés dans le monde, comme il ressort des contrôles téléphoniques effectués au cours de sa brève liberté. (...)
Il a en outre manifesté la propre intention de s'établir en Amérique latine après la conclusion de la première vente d'héroïne, d'autant plus que les paiements successifs pour les fournitures prévues auraient dû être versés auprès d'une banque d'une île des Caraïbes à disposition de Waridel(...) » (traduction)
Le 25 août 1997 et le 14 septembre 1997, le requérant interjeta un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral contre les décisions de la chambre des recours pénaux du tribunal d'appel du 19 juin et du 24 juillet 1997 afin de contester la légalité de la durée de la détention préventive. Le 17 septembre et le 3 octobre 1997, le Tribunal fédéral rejeta les recours. Dans ces deux décisions, il se prononça notamment en ces termes :
« Le danger de fuite a été motivé de façon détaillée par la Cour cantonale. Le recourant risque une peine de détention sévère si les accusations seront confirmées par la Cour qui jugera l'affaire, vu leur gravité, et compte tenu qu'il est récidiviste dans le trafic organisé d'héroïne. Le recourant est citoyen suisse, mais, né en Turquie et avec sa femme et ses enfants résidant en Grèce, il n'a pas de solides liens avec notre pays. (...) Il est en outre à relever que, le 1er août 1995, quand il a été arrêté, le recourant avait avec lui un passeport belge falsifié et un faux permis de conduire. Il avait été condamné en 1985 à Lugano à 13 ans de réclusion pour trafic de stupéfiants et, au cours de l'expiation de sa peine, profitant d'un congé extraordinaire, n'était pas rentré en prison, restant en Grèce du 12 août 1991 au 5 juin 1992, date où il a été arrêté à Athènes aux fins d'extradition. » (traduction)
3.  Jugement
Le 14 novembre 1997, le procureur clôtura l'instruction formelle. Le requérant fut ensuite maintenu en détention conformément au code de procédure pénal du canton du Tessin jusqu'au 11 mai 1998, date de son jugement par la Cour d'assises criminelles de Lugano. Il fut condamné à une peine de neuf ans de réclusion pour trafic illicite de stupéfiants et falsification de documents. Le 30 juin 1998, le requérant interjeta un recours contre cette décision auprès de la cour de cassation et de révision pénale cantonale qui le rejeta le 7 octobre 1998. Il déposa ensuite un recours de droit public et un recours en cassation auprès du Tribunal fédéral. Cette dernière autorité rejeta les recours le 23 avril 1999.
B.  Le droit interne pertinent
Aux termes du Code de procédure pénale du canton du Tessin :
Article 288 :
Motifs de cassation
« Le recours de cassation est admis :
a) pour une application erronée du droit substantiel aux faits posés à la base de la décision ;
b) pour des vices essentiels de procédure, pourvu que le recourant ait soulevé l'irrégularité dès que possible ;
c) pour arbitraire dans la constatation des faits. » (traduction)
GRIEFS
1.  Le requérant se plaint, en invoquant l'article 5 § 3 de la Convention, de la durée de sa détention préventive.
2.  Invoquant les articles 5 § 1 c) et 5 § 4 de la Convention, le requérant se plaint également de ce que les autorités l'ont maintenu en détention préventive et ont refusé sa libération conditionnelle exclusivement en raison d'un risque de fuite.
3.  Le requérant dénonce la durée de la procédure pénale en invoquant une violation de l'article 6 § 1 de la Convention. Il relève les inexplicables modalités qui ont retardé la clôture de la phase de l'instruction et reproche aux autorités tessinoises de n'avoir pas respecté le principe de la célérité de la procédure.
4.  Il allègue également une violation du principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6 § 2 de la Convention du fait que les autorités suisses ont prolongé sa détention préventive notamment en raison de la gravité de la faute commise et du fait que le requérant risquait une peine de détention sévère si les accusations portées contre lui étaient confirmées.
5.  Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant se plaint de ce que les autorités suisses ont commis des ingérences injustifiées et disproportionnées dans sa sphère privée, car il a fait l'objet d'une enquête masquée avec un agent infiltré et qu'il a été mis sous surveillance téléphonique.
6.  Le requérant invoque enfin la violation de l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention en raison du fait qu'il n'existe pas dans le canton du Tessin une voie de recours d'appel contre une décision de première instance. Le pouvoir de cognition et de cassation de la cour de cassation et de révision pénale du canton du Tessin, instance judiciaire de deuxième degré est restreint et cette autorité ne dispose pas de la pleine faculté de vérification et d'appréciation des faits ou des preuves.
 


Erwägungen

EN DROIT
1.  D'après le requérant, la longueur de sa détention préventive a méconnu l'article 5 § 3 de la Convention, qui se lit ainsi :
« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. »
Selon la jurisprudence des organes de la Convention, la détention à partir du 11 mai 1998 doit être considérée comme une détention après condamnation, relevant de l'article 5 § 1 a) de la Convention (arrêt B. c. Autriche du 28 mars 1990, série A n°175, p. 15, § 39).
En l'espèce, la période à prendre en considération a débuté le 1er août 1995, date de l'arrestation de W., pour s'achever le 11 mai 1998 avec la condamnation de celui-ci par la cour d'assises criminelles de Lugano. Elle s'étend donc sur deux ans, neuf mois et onze jours.
La Cour rappelle les principes qui se dégagent de sa jurisprudence : il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire ne dépasse pas la limite du raisonnable. A cette fin, il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou à écarter l'existence d'une véritable exigence d'intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d'innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et d'en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d'élargissement. C'est essentiellement sur la base des motifs figurant dans lesdites décisions, ainsi que des faits non controuvés indiqués par l'intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s'il y a eu ou non violation de l'article 5 § 3 de la Convention.
La persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, mais au bout d'un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à justifier la privation de liberté. Quand ils se révèlent « pertinents » et « suffisants », elle cherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (cf. notamment arrêt I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, pp. 2978-2979, § 102).
En l'espèce, pour prolonger la détention provisoire et rejeter les demandes de mise en liberté du requérant, les juridictions internes avancèrent les motifs suivants : la persistance de graves indices de culpabilité à charge du requérant, l'existence concrète d'un danger de fuite et de récidive et les nécessités de l'instruction.
Sur le premier point, la Cour relève que les charges pesant sur le requérant étaient fondées en l'espèce, étant donné que l'enquête masquée et l'agent infiltré avaient permis d'obtenir des indices sérieux et concrets de la culpabilité du requérant qui avait organisé un trafic de stupéfiants très important, puisqu'il portait sur environ 100 kg d'héroïne. La Cour rappelle toutefois que l'existence d'indices graves de culpabilité à l'égard d'un inculpé ne justifie pas, à elle seule, le maintien en détention provisoire. En effet, jusqu'à sa condamnation, un accusé est présumé innocent et l'objet de l'article 5 § 3 est « d'imposer la mise en liberté provisoire du moment où le maintien en détention cesse d'être raisonnable » (arrêts Neumeister c. Autriche du 27 juin 1968, série A n° 8, p. 37, § 4, et Tomasi c. France du 27 août 1992, série A n° 241-A, p. 35, § 84).
S'agissant du deuxième motif, la Cour rappelle que le danger de fuite ne peut s'apprécier sur la seule base de la gravité de la peine encourue ; il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de données supplémentaires propres soit à en confirmer l'existence, soit à le faire apparaître à ce point réduit qu'il ne peut légitimer une détention provisoire (voir arrêt W. c. Suisse du 26 janvier 1993, série A n° 254-A, p. 16, § 33). Dans ce contexte, il échet d'avoir égard notamment au caractère de l'intéressé, à sa moralité, à ses ressources, à ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi qu'à ses contacts internationaux (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Neumeister précité, série A n° 8, p. 39 § 10).
Dans leurs décisions scrupuleusement motivées, les magistrats cantonaux et fédéraux s'appuyèrent sur des caractéristiques précises de la situation du requérant : le requérant était citoyen suisse, et n'avait pas de solides liens avec la Suisse, ni familiaux, ni professionnels. Son épouse et ses enfants résidaient en Grèce depuis plusieurs années. Les autorités nationales ont relevé que, lorsqu'il a été mis en libération conditionnelle en mars 1995, le requérant n'a entrepris aucune activité professionnelle et vivait grâce aux prêts et crédits que lui octroyaient des amis grecs ou turcs. Il connaissait plusieurs langues, il avait des contacts dans le monde entier et avait manifesté l'intention de s'établir en Amérique latine après la vente de la première partie de l'héroïne. Les versements successifs du produit de la vente des stupéfiants devaient être versés auprès d'une banque d'une île des Caraïbes à la disposition du requérant. Enfin, les juridictions nationales ont précisé que durant l'exécution de la précédente peine de 13 ans de réclusion, le requérant avait profité d'un congé extraordinaire, octroyé pour lui permettre de se rendre en Grèce en raison de motifs familiaux, pour disparaître du 12 août 1991 au 5 juin 1992, date de son arrestation à Athènes. La Cour considère que ces motifs pouvaient constituer une raison pertinente de maintien en détention préventive du requérant.
Concernant le troisième motif, la Cour observe que le requérant a bénéficié d'une libération conditionnelle le 20 mars 1995 après avoir purgé une peine de 10 ans de réclusion pour infraction aggravée à la loi fédérale sur les stupéfiants. Le 1er août 1995, soit un peu plus de quatre mois seulement après sa libération, il a été à nouveau arrêté, car il avait organisé un trafic international d'héroïne. La Cour estime dès lors que le danger de récidive justifiait le maintien du requérant en détention.
Quant aux besoins de l'instruction, la Cour constate, qu'outre le fait que le trafic de stupéfiants était international et nécessitait notamment une collaboration étroite entre la Suisse et l'Italie, le requérant a demandé plus d'une centaine de compléments d'instruction et en particulier de faire l'objet d'une expertise psychiatrique. La Cour considère donc que ce motif apparaît suffisamment caractérisé.
La Cour doit en dernier lieu examiner la conduite de la procédure. Elle rappelle que la célérité particulière à laquelle un accusé a droit dans l'examen de son cas ne doit pas nuire aux efforts des magistrats pour accomplir leurs tâches avec soin (arrêt Tomasi c. France du 27 août 1992, série A n° 241-A, p. 39, § 102).
La Cour observe qu'il s'agissait d'une affaire complexe concernant un trafic international de stupéfiants, dans lequel plusieurs personnes ont été mises en cause, et qui a nécessité de très nombreux actes d'instruction (interrogatoires, confrontations, commissions rogatoires nationales et internationales). Par ailleurs, la Cour relève que l'instruction s'est déroulée à un rythme soutenu et n'a connu aucun temps de latence.
Dans ces circonstances, la Cour considère que la durée de la détention provisoire du requérant n'a pas dépassé le « délai raisonnable » prévu par l'article 5 § 3 de la Convention.
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
2.  Le requérant se plaint du fait que les autorités suisses ont refusé sa libération provisoire et l'ont maintenu en détention préventive particulièrement en raison d'un risque de fuite. Il allègue une violation des articles 5 § 1 c) et 5 § 4 de la Convention, ainsi libellés :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
c)  s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ; (...)
4.  Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.(...) »
La Cour constate que, le grief, tel qu'il a été présenté par le requérant, ne révèle aucune apparence de violation de l'article 5 § 4 puisque le requérant se plaint uniquement du motif invoqué par les autorités pour refuser sa libération provisoire.
Concernant le grief de la violation de l'article 5 § 1 c) de la Convention, la Cour remarque que le requérant se fonde sur le fait que les autorités internes auraient uniquement rejeté sa demande de libération provisoire en raison d'un risque de fuite. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce étant donné qu'aussi bien le juge d'instruction, que la chambre des recours pénaux du tribunal d'appel du canton du Tessin et le Tribunal fédéral ont motivé leur décision de maintien en détention préventive par de graves indices de culpabilité, un risque de récidive et de fuite. Ayant procédé à l'examen des motifs exposés par les juridictions nationales pour décider du refus de la libération provisoire (voir supra), la Cour est d'avis que les trois autorités qui se sont prononcées ont analysé et argumenté de façon détaillée le refus de la requête.
Ainsi, les motifs de maintien en détention préventive étaient suffisants et justifiés et la Cour estime qu'il y a lieu de rejeter ce grief comme étant manifestement mal fondé en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3.  Le requérant dénonce la durée de la procédure pénale et allègue une violation de l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.(...) »
La période à considérer a débuté à la date de l'arrestation pour s'achever lors de la décision interne définitive du Tribunal fédéral le 23 avril 1999. Elle couvre donc une durée de trois ans, huit mois et vingt-trois jours.
Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d'autres, l'arrêt Pelissier et Sassi c. France, 25444/94, § 67, CEDH 1999-II et l'arrêt Manzoni c. Italie du 19 février 1991, série A n° 195-B, p. 29, § 17).
La Cour rappelle que l'affaire présentait une complexité particulière étant donné qu'elle impliquait un trafic international d'héroïne, que l'enquête a nécessité de très nombreux actes d'instruction, à savoir de multiples interrogatoires, des confrontations ainsi que des commissions rogatoires nationales et internationales. Outre les constatations déjà faites ci-avant à l'article 5 § 3 de la Convention, la Cour relève que, le 4 novembre 1996, la défense a demandé un complément d'instruction de plus d'une centaine de requêtes portant sur la recherche de nouveaux moyens de preuve, notamment l'acquisition de documents et rapports, la demande de commissions rogatoires internationales, la transcription et l'enregistrement d'appels téléphoniques, l'audition et l'interrogatoire de témoins supplémentaires ainsi qu'une expertise calligraphique comparative avec la calligraphie du requérant. Le procureur public a fait suite à une majorité de ces requêtes. Le 21 avril 1997, le requérant a par ailleurs demandé de faire l'objet d'une expertise psychiatrique, expertise qui fut effectuée le 11 juin 1997, sur la demande du procureur public.
 
Par ailleurs, la Cour remarque que suite à sa condamnation, le requérant a fait appel le 30 juin 1998 auprès de la cour de cassation et de révision pénale cantonale qui s'est prononcée dans un délai d'un peu plus de trois mois, soit le 7 octobre 1998. Il a ensuite interjeté deux recours auprès du Tribunal fédéral qui a rendu sa décision définitive le 23 avril 1999. Dès lors, la durée de la procédure de recours qui s'étend sur une période de moins de neuf mois n'apparaît pas déraisonnable.
Compte tenu de la complexité de l'affaire, la Cour estime par conséquent qu'il y a lieu de considérer comme « raisonnable » une durée globale de plus de trois ans et huit mois.
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
4.  Mettant en cause les motifs allégués pour refuser la libération provisoire, le requérant allègue la violation de la présomption d'innocence garantie par l'article 6 § 2 de la Convention, qui est ainsi rédigé :
« Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
La Cour rappelle que la présomption d'innocence garantie par cette disposition se trouve enfreinte si « une décision judiciaire concernant un prévenu reflète le sentiment qu'il est coupable, alors que sa culpabilité n'a pas été préalablement légalement établie » (arrêt Allenet de Ribemont c. France du 10 février 1995, série A n° 308, p. 16, § 35).
En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que les autorités saisies de l'affaire auraient méconnu cette exigence, notamment dans la motivation de leurs décisions. Par ailleurs, la Cour observe que la culpabilité du requérant a été légalement établie par le tribunal compétent.
Dès lors, ce grief est également manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
5.  Le requérant dénonce, sans plus de précision, les moyens de surveillance utilisés par la police, en particulier le recours à un agent infiltré et les écoutes téléphoniques, et relève une méconnaissance de l'article 8 de la Convention ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
La Cour rappelle que dans l'affaire Lüdi c. Suisse, elle a estimé que le recours à un agent infiltré ne touchait ni en soi, ni par sa combinaison avec les écoutes téléphoniques, à la sphère de la vie privée au sens de l'article 8 de la Convention (arrêt Lüdi c. Suisse du 15 juin 1992, série A n° 238, § 40). En l'espèce, la Cour relève que le requérant n'a pas fait valoir des éléments spéciaux de nature à mettre en cause pareil constat.
Par conséquent, ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
6.  Enfin, le requérant se plaint du fait que, selon l'article 288 du code de procédure pénale tessinois, le canton du Tessin ne connaît pas de voie de recours d'appel objective, en raison du fait que le pouvoir de cognition et de cassation de la cour de cassation et de révision pénale, instance judiciaire de deuxième degré, est limité au contrôle de l'arbitraire. Il invoque une violation de l'article 2 § 1 du Protocole N° 7 à la Convention qui dispose :
« 1.  Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.(...) »
La Cour rappelle que les Etats contractants disposent en principe d'un large pouvoir d'appréciation pour décider des modalités d'exercice du droit prévu par l'article 2 du Protocole N° 7 à la Convention. Ainsi, l'examen d'une déclaration de culpabilité ou d'une condamnation par une juridiction supérieure peut soit porter tant sur des questions de fait que de droit soit se limiter aux seuls points de droit ; par ailleurs, dans certains pays, le justiciable désireux de saisir l'autorité de recours doit quelquefois solliciter une autorisation à cette fin. Toutefois, les limitations apportées par les législations internes au droit de recours mentionné par cette disposition doivent, par analogie avec le droit d'accès au tribunal consacré par l'article 6 § 1 de la Convention, poursuivre un but légitime et ne pas porter atteinte à la substance même de ce droit (arrêts Haser c. Suisse, n° 33050/96, décision [Section II] du 27 avril 2000, Krombach c. France, n° 29731/96 décision [Section III] du 13 février 2001, § 96).
En l'espèce, la Cour relève que le requérant a eu la possibilité de contester sa condamnation du 11 mai 1998 auprès de la cour de cassation et de révision pénale du tribunal d'appel du canton du Tessin qui s'est déterminée dans un arrêt très complet et très circonstancié. Par la suite, il a pu déposer un recours de droit public ainsi qu'un recours en cassation auprès du Tribunal fédéral. La Cour estime que l'intéressé a eu l'occasion de faire réexaminer sa cause par deux juridictions suite à sa condamnation en première instance. Le fait que le pouvoir de cognition et de cassation de l'autorité de deuxième instance soit limité au contrôle de l'arbitraire ne saurait être considéré comme portant atteinte à la substance même du droit de recours.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
    Erik Fribergh    Christos Rozakis
    Greffier    Président

Referenzen

Artikel: Art. 5 par. 3 CEDH, Art. 6 par. 1 CEDH, Art. 8 CEDH