43874/98
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 43874/98) dirigée contre la Confédération suisse et dont un ressortissant de cet Etat, Raphael Linnekogel (« le requérant ») avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 28 septembre 1998 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Me P.A. Schaerz, avocat à Forch (Suisse). Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Philippe Boillat, Sous-directeur de l'Office fédéral de la justice.
3. Le requérant alléguait en particulier, sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention, qu'il n'avait pas eu accès à un tribunal pouvant décider dans le cadre d'une procédure publique des contestations sur ses droits de caractère civil, notamment sur ses droits patrimoniaux.
4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d'entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11).
5. La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.
6. Par une lettre du 11 juillet 2002, le requérant a retiré sa demande concernant l'anonymat de sa requête.
7. Par une décision du 25 novembre 2003, la Cour a déclaré la requête partiellement recevable.
8. Le 1er novembre 2004 la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la quatrième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
9. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).
10. En 1997, le requérant reçut d'Allemagne un paquet qui contenait en tout quatre disques compacts, six titres enregistrés (singles) et un livre. Dans une ordonnance du 23 septembre 1997, la police fédérale suisse ( Schweizerische Bundespolizei ) informa le requérant qu'elle avait saisi deux disques compacts et trois singles car ils servaient de support à « de la publicité d'extrême droite ». L'ordonnance énonçait notamment :
11. L'ordonnance énonçait également que le seul recours disponible était un recours hiérarchique ( Aufsichtsbeschwerde ) au Département fédéral de justice et police ( Eidgenössisches Justiz- und Polizeidepartement ). Une liste jointe énumérait les groupes ou interprètes ainsi que les titres de chacun des articles envoyés au parquet fédéral ( Bundesanwaltschaft ) pour examen avant d'être soit saisis soit restitués au requérant :
12. Le 24 juin 1998, le requérant se plaignit au Département fédéral de justice et police de la saisie de ces documents. Il fit valoir que l'énumération des recours légaux dans l'ordonnance du 23 septembre 1997 était incorrecte, que l'affaire mettait en jeu ses « droits et obligations de caractère civil » au sens de l'article 6 de la Convention et qu'il n'avait pas eu accès à un tribunal. Il soutint en outre qu'il n'y avait pas de base légale suffisante justifiant l'atteinte à ses droits, puisque l'arrêté fédéral de 1948 constituait une législation d'urgence.
13. Par la suite, le requérant apprit que le parquet fédéral avait informé la direction générale des douanes ainsi que la police du canton de Zurich de la confiscation ; il présenta alors, le 17 juillet 1998, une autre plainte devant le Département de justice et police dans laquelle il dénonçait une atteinte à son droit au respect de sa vie privée au sens de l'article 8 de la Convention.
14. Par décision du 26 juin 1998, le Conseil fédéral ( Bundesrat ) décida de confisquer définitivement les documents saisis. Le requérant ne reçut pas copie de cette décision.
15. Le 31 août 1998, le Département fédéral de justice et police informa le requérant de ce qui suit :
16. Dans une lettre du 4 septembre 1998, la police fédérale suisse s'adressa au requérant dans les termes suivants :
17. Dans des lettres datées des 9 et 11 septembre 1998, adressées respectivement à la police fédérale suisse et au Département fédéral de justice et police, le requérant demanda notamment une copie de la décision du Conseil fédéral du 26 juin 1999 ainsi que la possibilité de consulter le dossier.
18. Dans une lettre du 14 septembre 1998, la police fédérale suisse informa le requérant que :
19. Dans une lettre du 10 novembre 1998, le Département fédéral de justice et police informa le requérant qu'il était possible de consulter le dossier d'une procédure terminée uniquement s'il existait un intérêt particulier appelant une protection. Il était souligné que le dossier du requérant, dans la mesure où il avait trait à la procédure de confiscation proprement dite, ne contenait pas d'autres documents que ses observations et la correspondance avec le Département fédéral de justice et police.
20. Le 15 décembre 1999, le Département fédéral de justice et police rejeta la plainte présentée le 17 juillet 1998 par le requérant, qu'il qualifia de recours hiérarchique. Le Département fédéral estima que la base légale pour toute atteinte éventuelle aux droits de la personnalité du requérant figurait à l'article 24 de la loi sur la protection des données, alors applicable, qui permettait le traitement des données à caractère personnel relativement à des questions liées à la lutte contre la criminalité ; et que l'on pouvait considérer que certains groupes appartenant au mouvement skinhead appelaient à un extrémisme violent au sens de cette disposition. Les informations en question avaient été transmises à la police du canton de Zurich en raison du fait que celle-ci était appelée à protéger le droit et l'ordre public, et eu égard également aux violations éventuelles du droit pénal.
21. L'article 1 de l'arrêté du 29 décembre 1948 du Conseil fédéral visant la propagande subversive ( Bundesratsbeschluss betreffend staatsgefährliches Propagandamaterial ), en vigueur au moment des faits, énonce :
22. Les articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire ( Bundesrechtspflegegesetz ) règlent la recevabilité du recours de droit administratif ( Verwaltungsgerichtsbeschwerde ) au Tribunal fédéral ( Bundesgericht ). L'article 98 est ainsi libellé :
23. L'article 100 de la même loi est libellé de la manière qui suit :
24. Dans trois affaires, le Tribunal fédéral avait conclu que le droit international pouvait primer sur des lois fédérales suisses contradictoires : affaire ATF 117 (1991) Ib 367 concernant l'article 6 § 2 de la Convention et la responsabilité pénale d'héritiers, ATF 122 (1996) II 485 concernant l'effet du droit international sur les opérations d'extradition ainsi qu'ATF 118 (1992) Ib 277 concernant l'article 8 de la Convention et le droit de consulter des fichiers de police. Dans cette dernière affaire, le Tribunal fédéral a explicitement statué que le recours de droit administratif n'était pas recevable contre les décisions rendues par le préposé spécial au traitement des documents établis pour assurer la sécurité de l'Etat ( Sonderbeauftragter für die Behandlung von Staatsschutzakten des Bundes ), eu égard au texte clair de l'article 100 lettre a) de la loi fédérale d'organisation judiciaire.
25. Plus tard, le Tribunal fédéral a confirmé, dans une décision du 26 juillet 1999 ( Arrêts du Tribunal fédéral [ATF] 125 II 417), qui a conduit à l'affaire Kaptan c. Suisse portée devant la Cour (no 55641/00, 12 avril 2001), que la loi fédérale d'organisation judiciaire exclut en principe la possibilité de présenter un recours de droit administratif contre des décisions du Conseil fédéral dans des affaires ayant trait à des mesures prises pour des motifs liés à la sécurité de l'Etat. Dans le cas d'espèce, il s'agissait d'une confiscation de matériel de propagande du Parti des travailleurs du Kurdistan.
26. Le requérant se plaint de ne pas avoir eu accès à un tribunal pouvant décider des contestations sur ses droits de caractère civil, notamment sur ses droits patrimoniaux. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, dont les passages pertinents se lisent ainsi :
27. Selon le Gouvernement défendeur, le requérant n'a pas fait valoir son grief devant le Tribunal fédéral au moyen d'un recours de droit administratif et n'a donc pas épuisé les voies de recours internes comme le requiert l'article 35 § 1 de la Convention. Pour étayer cet argument, le Gouvernement renvoie à l'affaire Kaptan ( ATF 125 II 417 ) dans laquelle le Conseil fédéral, statuant à la même date qu'en l'espèce, avait pris une décision similaire : le requérant dans l'affaire Kaptan avait par la suite présenté un recours de droit administratif qui fut examiné par le Tribunal fédéral, eu égard à l'importance primordiale que revêt l'article 6 § 1 de la Convention dans le droit interne suisse. Le Gouvernement allègue que, comme dans l'affaire Kaptan , le Tribunal fédéral aurait sans aucun doute également examiné les griefs du requérant en l'espèce.
28. Le Gouvernement souligne que le Tribunal fédéral a déjà tranché des conflits entre le droit interne et le droit international en faveur de ce dernier. Il invoque diverses décisions du Tribunal fédéral, citées ci-dessus (voir la partie « Droit et pratique internes pertinents »). Le cas échéant, le Tribunal fédéral a également donné effet aux arrêts de la Cour en n'appliquant pas le droit interne afin d'éviter une violation de la Convention. Sur le fondement de cette jurisprudence, le requérant aurait pu et aurait dû présenter un recours au Tribunal fédéral, après avoir été informé le 4 septembre 1998 des motifs de la décision du Conseil fédéral. Le Gouvernement invoque à cet égard l'affaire Akdivar et autres c. Turquie , aux termes de laquelle « le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d'un recours donné qui n'est pas de toute évidence voué à l'échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la non-utilisation de recours internes » (arrêt du 16 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, p. 1212, § 71).
29. De l'avis du requérant, les procédures relatives à la confiscation devant le Département fédéral de justice et police et devant le Conseil fédéral, ainsi que sa plainte concernant une atteinte à sa vie privée, n'étaient pas de nature juridictionnelle et n'étaient pas conformes aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention. En outre, il n'a pas pu consulter le dossier de l'affaire et, en particulier, n'a pas pu accéder à la décision du Conseil fédéral du 26 juin 1998. Il n'a donc pas été informé des motifs de la décision du Conseil fédéral et n'était donc pas en mesure de présenter en bonne et due forme un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral. En fait, à cette date, le requérant n'était pas en possession des faits dont découlaient les mesures prises par l'Etat, en particulier la saisie et la confiscation des documents en question. En outre, il n'était pas informé que le recours de droit administratif lui était ouvert. Le Gouvernement l'a sciemment laissé dans l'ignorance et doit donc encourir une responsabilité pour son manque de bonne foi.
30. Dans le cas d'espèce, la Cour a estimé, dans le cadre de la décision sur la recevabilité du 25 novembre 2003, que la question de savoir si le requérant aurait pu et aurait dû présenter un recours de droit administratif au Tribunal fédéral était étroitement liée au fond du grief et ne pouvait pas être détachée de celui-ci, dans la mesure où le Gouvernement défendeur soutient que le requérant aurait eu, dans l'hypothèse de l'épuisement des voies de recours internes, accès à un tribunal conformément à l'article 6 § 1 de la Convention.
31. Selon la jurisprudence de la Cour, l'article 6 de la Convention garantit à chacun le droit à ce qu'un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil ( Golder c. Royaume-Uni , arrêt du 21 février 1975, série A no 18, p. 18, § 36).
32. Par ailleurs, la Cour rappelle que des impératifs de souplesse et d'efficacité peuvent justifier, en matière civile ou pénale, l'intervention d'organes non juridictionnels ne satisfaisant a priori pas aux garanties de l'article 6 ( Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique , arrêt du 23 juin 1981, série A no 43, p. 23, § 51). Dans cette hypothèse, le justiciable doit disposer d'un recours devant un organe judiciaire indépendant, doté de la plénitude de juridiction et offrant les garanties de l'article 6 § 1 (voir, notamment, les arrêts Albert et Le Compte c. Belgique , arrêt du 10 février 1983, série A no 58, p. 16, § 29 ; Öztürk c. Allemagne , arrêt du 21 février 1984, série A no 73, p. 21 et s, § 56 ; Fischer c. Autriche , arrêt du 26 avril 1995, série A no 312, p. 17, § 28 ; Schmautzer c. Autriche , arrêt du 23 octobre 1995, série A no 328-A, p. 15, § 34 ; Riepan c. Autriche , no 35115/97 , § 39, CEDH 2000-XII).
33. La Cour rappelle que c'est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu'il incombe d'interpréter la législation interne. Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. Cela est particulièrement vrai s'agissant de l'interprétation par les tribunaux de règles procédurales ( Bulena c. République tchèque , no 57567/00, § 28, 20 avril 2004).
34. Or, la Cour rappelle sa jurisprudence pertinente selon laquelle il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour qu'un recours était effectif et disponible à l'époque des faits, tant en théorie qu'en pratique ; c'est-à-dire qu'il était accessible et susceptible d'offrir au requérant la réparation de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès (voir, entre autres, Çetin et autres c. Turquie , nos 40153/98 et 40160/98, § 37, CEDH 2003-III, qui fait référence à l'affaire V. c. Royaume-Uni [GC], no 24888/94 , § 57, CEDH 1999-IX).
35. En l'occurrence, la Cour constate d'abord qu'il ressort clairement des dispositions pertinentes de la loi fédérale d'organisation judiciaire, en particulier des articles 98 et 100, qu'à l'époque des faits, le recours de droit administratif n'était pas disponible contre la décision du Conseil fédéral en date du 26 juin 1998. A ce sujet, il convient de rappeler que la police fédérale suisse a communiqué au requérant, dans une lettre du 4 septembre 1998, qu'« (...) aucun recours ordinaire ne peut être présenté contre les décisions judiciaires du Conseil fédéral - l'une des plus hautes instances de justice administrative de la Confédération. »
36. Ensuite, la Cour constate que l'arrêt du Tribunal fédéral (arrêt Kaptan, ATF 125 II 417 ), invoqué par le Gouvernement à l'appui de sa thèse selon laquelle le recours de droit administratif au Tribunal fédéral aurait été disponible, est intervenu le 26 juillet 1999, soit après les événements pertinents pour la présente affaire. En tant que tel, il ne peut pas être pris en compte dans l'appréciation de la question de savoir si le requérant a épuisé les voies de recours internes.
37. En même temps, la Cour estime que les trois autres affaires invoquées par le Gouvernement ne sont pas non plus pertinentes en l'espèce, étant donné qu'elles concernaient la question plus générale de la primauté du droit international sur le droit interne, mais n'abordaient pas celle de la recevabilité du recours de droit administratif dirigé à l'encontre des décisions du Conseil fédéral (voir « Le droit et la pratique internes pertinents »). De surcroît, dans l'affaire ATF 118 Ib 277 du 28 juillet 1992, le Tribunal fédéral a explicitement confirmé l'irrecevabilité du recours de droit administratif contre les décisions du Gouvernement fédéral touchant à la sécurité de l'Etat, en raison du libellé clair de l'article 100 lettre a) de la loi fédérale d'organisation judiciaire.
38. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le Gouvernement n'est pas parvenu à démontrer que le recours de droit administratif était disponible à l'époque des faits pertinents pour la présente affaire et qu'on ne saurait reprocher au requérant de ne pas avoir saisi le Tribunal fédéral d'un recours de droit administratif à l'encontre de la décision du Conseil fédéral du 26 juin 1998.
39. Dès lors, il échet de constater que l'exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement ne saurait être retenue.
40. Il s'ensuit que le requérant n'a pas joui du droit d'accès à un tribunal, étant donné que la contestation sur ses droits civils n'a fait l'objet d'un contrôle que de la part des autorités administratives, à savoir du Département fédéral de justice et police et, en dernier lieu, du Conseil fédéral, autorité directoriale et exécutive suprême de la Confédération.
41. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
42. Pour ce qui est du dommage matériel, le requérant prétend à un montant de 50 EUR correspondant au matériel confisqué et détruit.
43. Quant à la réparation du dommage matériel, le Gouvernement suisse observe qu'il n'existe de toute évidence aucun lien de causalité entre le préjudice matériel et la violation de la Convention alléguée puisque la violation porterait sur l'absence d'accès à un tribunal et non pas sur la légalité de la confiscation du matériel litigieux.
44. S'agissant de la réparation du préjudice moral, le Gouvernement défendeur, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, estime que le simple constat de violation du droit à un procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention, constituerait une satisfaction équitable ( F.R. c. Suisse , no 37292/97 , § 46, 28 juin 2001). Dès lors, la prétention portant sur le préjudice moral avancée par le requérant doit être rejetée.
45. La Cour estime que la base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable réside en l'espèce dans le fait que le requérant n'a pas pu exercer son droit d'accès à un tribunal, composante du droit à un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Elle ne relève aucun lien de causalité entre le préjudice matériel allégué par le requérant et la violation constatée de l'article 6. Elle ne saurait davantage spéculer sur ce qu'eût été l'issue du procès si le requérant avait pu saisir le Tribunal fédéral (voir, mutatis mutandis , Bulena c. République tchèque , no 57567/00, § 41, 20 avril 2004).
46. De plus, la Cour est d'avis que le constat de violation suffit à réparer un éventuel préjudice moral subi par le requérant ( Beles et autres c. République tchèque , no 47273/99, §§ 76 et 77, CEDH 2002-IX).
47. En ce qui concerne les frais et dépenses, le requérant demande le remboursement de la somme totale de 9 753,40 CHF (environ 6 389,40 EUR) pour les honoraires d'avocat relatifs à la procédure nationale et à la procédure devant les organes de Strasbourg.
48. Le Gouvernement soutient que les honoraires d'avocat à prendre en considération seraient, d'une part, ceux relatifs à la procédure nationale à compter des activités effectuées en vue de la rédaction du recours du 24 juin 1998 adressé au Département fédéral de justice et police et, d'autre part, ceux relatifs à la procédure engagée devant la Cour. Il convient également de prendre en considération, d'après le Gouvernement, le fait que seul un des quatre griefs soulevés par le requérant a été retenu par la Cour dans sa décision sur la recevabilité du 25 novembre 2003. Il s'ensuit que le montant des frais d'avocat du requérant ne devrait couvrir que les frais exposés pour faire redresser la violation alléguée eu égard au grief déclaré recevable par la Cour ( Olsson c. Suède (no 2) , arrêt du 27 novembre 1992, série A no 250, § 113).
49. La Cour rappelle que, lorsqu'elle constate une violation de la Convention, elle peut accorder aux requérants le remboursement des frais et dépens qu'ils ont engagés devant les juridictions nationales pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation ( Zimmermann et Steiner c. Suisse , arrêt du 13 juillet 1983, série A no 66, § 36 ; Hertel c. Suisse , arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, § 63). Il faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux ( Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97 , § 30, CEDH 1999-V).
50. Dans le cas d'espèce, le requérant est habilité à demander le paiement des frais et dépens relatifs, d'une part, à ses plaintes adressées au Département fédéral de justice et police en date des 24 juin et 17 juillet 1998 ainsi qu'à ses courriers datés des 9 et 11 septembre 1998, adressés respectivement à la police fédérale suisse et au Département fédéral de justice et police. D'autre part, le requérant a droit au remboursement des frais et dépens se rapportant aux procédures devant la Commission et la Cour. Quant à celles-ci, la Cour considère, à l'instar du Gouvernement, que pour le remboursement des frais et dépens, il y a lieu de tenir compte du fait que les griefs du requérant ont été en partie déclarés irrecevables.
51. La Cour juge les prétentions du requérant excessives. Compte tenu des éléments en sa possession et des critères dégagés dans sa jurisprudence, la Cour, statuant en équité, octroie au requérant la somme globale de 3 000 EUR pour ses frais et dépens.
52. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.