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Urteilskopf

55894/00


Fuchser Andreas gegen Schweiz
Urteil no. 55894/00, 13 juillet 2006

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

SUISSE: Art. 5 par. 4 CEDH. Contrôle à bref délai d'un internement psychiatrique.

Le Tribunal de district de Zurich a mis quatre mois et six jours pour se prononcer sur la demande de libération du requérant. La Cour n'est pas convaincue de la nécessité d'ordonner une expertise médicale complémentaire ni de l'existence d'un lien de causalité entre la complexité de l'affaire et le retard à statuer. Elle relève l'inactivité des autorités compétentes, qui d'une part ont attribué le mandat d'expertise à une clinique ne pouvant se prononcer avant trois mois faute de personnel, alors qu'il incombe aux Etats d'organiser leur système judiciaire de manière à permettre aux tribunaux de répondre aux exigences de l'art. 5 par. 4 CEDH, et d'autre part n'ont pas réagi pendant des semaines à plusieurs reprises, renforçant encore l'impression qu'elles n'ont pas fait preuve de la diligence particulière exigée.
Constatant que les retards les plus importants de la présente affaire ne peuvent s'expliquer ni par la complexité du dossier médical, ni par les exigences de la procédure interne ou le comportement du requérant, la Cour ne décèle aucun motif propre à justifier un tel délai à statuer (ch. 46 - 53).
Conclusion: violation de l'art. 5 par. 4 CEDH.





Sachverhalt

En l'affaire Fuchser c. Suisse,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM.B.M.Zupancic, président,
J. Hedigan,
L. Wildhaber,
L. Caflisch,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M.David ThórBjörgvinsson, juges,
et de M. V.Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 9 décembre 2004 et 22 juin 2006,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 55894/00) dirigée contre la Conféderation suisse et dont un ressortissant de cet Etat, M. Andreas Fuchser (« le requérant »), a saisi la Cour le 14 mars 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, était représenté par Me M. Brunner, avocat à Zurich. Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») était représenté par son agent, M. Ph. Boillat, ancien sous-directeur de l'Office fédéral de la justice.

3. Le requérant alléguait que la durée de plus de quatre mois entre sa demande de libération d'un établissement psychiatrique et la décision du tribunal de première instance était excessive à la lumière de l'article 5 § 4 de la Convention.

4. La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.

5. Par une décision du 9 décembre 2004, la chambre a déclaré la requête recevable.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

6. Le requérant est né en 1964 et réside à Meiringen.

7. Par un jugement du 28 novembre 1988, le tribunal du district de Zurich condamna le requérant à huit mois d'emprisonnement notamment pour vols. Toutefois, sur la base d'une expertise de la clinique psychiatrique de Münsingen, il suspendit l'exécution de la peine et ordonna que le requérant suive un traitement ambulatoire en application de l'article 43 §§ 1, alinéa 1, et 2, alinéa 2, du code pénal suisse (ci-après « CPS »).

8. En 1992, le traitement ambulatoire fut remplacé par un traitement dans un établissement hospitalier. Puis, en 1996, suite à une agression contre une infirmière, le requérant fut placé en détention de sécurité à la prison du district de Hinwil. La nécessité de l'internement du requérant fit l'objet de contrôles réguliers par les autorités compétentes.

9. Le 2 décembre 1996, l'Office de l'exécution des peines et mesures du canton de Zurich (ci-après « Office »), se fondant sur une expertise du 21 novembre 1996, rejeta une demande de mise en liberté formulée par le requérant le 23 novembre 1996.

10. Par trois prises de position des 19 mars 1996, 19 décembre 1996 et 26 juin 1997, une commission d'experts pour les questions d'exécution du ministère public du canton de Zurich, un organe interdisciplinaire composé de juristes et d'experts psychiatriques, considéra que le requérant ne constituait plus un danger public. Dans sa prise de position du 26 juin 1997, la commission recommanda de remplacer l'internement par une privation de liberté à des fins d'assistance.

11. L'Office décida le 21 février 1997 le renvoi du requérant, en vertu de la poursuite de l'exécution de la mesure pénale prise en vertu de l'article 43, § 1, alinéa 1, CPS, à la section de sûreté de la clinique psychiatrique de Rheinau (canton de Zurich).
Donnant suite à la recommandation de la direction médicale de la clinique psychiatrique de Rheinau du 2 avril 1997, faisant état d'une attitude coopérative du requérant et qui n'avait donné lieu à aucune récrimination, l'Office décida le même jour le transfert du requérant de la section de sûreté à la section fermée. Elle considéra que le requérant ne constituait plus un danger public et que son traitement serait en même temps plus adéquatement administré dans cette section.

12. Le 24 juin 1997, le requérant demanda à l'Office qu'il soit mis fin à son internement. A cet égard, il allégua que les conditions d'application de l'article 43 § 1, alinéa 1, CPS n'étaient plus remplies. Par ailleurs, dans la mesure où la durée de la privation de liberté qu'il avait subie était sept fois supérieure à la peine prononcée par le tribunal du district de Zurich le 28 novembre 1988, il demanda que la juridiction compétente renonce à l'exécution de la peine d'emprisonnement à laquelle il avait été condamné.

13. Le 8 juillet 1997, l'Office requit une expertise complémentaire du médecin chef de la clinique de Rheinau.

14. Le 23 juillet 1997, l'Office fut informé que cette expertise ne pourrait pas être établie avant le mois d'octobre 1997.

15. Le 25 août 1997, le médecin-chef de la clinique de Rheinau téléphona à l'Office pour lui indiquer qu'en raison du manque de personnel, l'expertise complémentaire ne pouvait pas être faite et qu'il serait judicieux de mandater un expert externe.
Cette information fut confirmée par courrier le 1er septembre 1997.

16. Le 8 septembre 1997, le docteur K., de la clinique psychiatrique de Winterthour, fut mandaté aux fins d'établir l'expertise complémentaire.
Le même jour, le requérant demanda qu'il soit renoncé à l'expertise complémentaire et que les démarches en vue de sa libération soient immédiatement entreprises.

17. Le 11 septembre 1997, l'Office informa le requérant du mandat confié au docteur K. Par ailleurs, il l'avisa qu'en l'absence d'indications concernant les questions de savoir où et sous quelle forme le traitement psychiatrique devait se poursuivre, il ne pouvait pas être mis fin à son internement.

18. Le 26 septembre 1997, invoquant notamment les articles 43 § 1 CPS et 5 § 4 de la Convention, le requérant recourut contre cette décision auprès du tribunal du district de Zurich.

19. L'expertise du docteur K. fut reçue par l'Office le 16 octobre 1997, et par l'avocat du requérant le 22 octobre 1997.

20. Le 30 octobre 1997, le tribunal du district de Zurich mit fin, avec effet au 14 novembre 1997, à l'internement ordonné le 14 octobre 1992 en application de l'article 43 § 1, alinéa 1, CPS et renonça à l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre du requérant le 28 novembre 1988. Pour le surplus, bien qu'ayant exprimé certains doutes à propos du fait que l'Office ne s'était pas interrogé avant le mois de septembre 1997 sur la possibilité de faire établir une expertise plus rapidement, il estima qu'il n'y avait pas eu violation de l'exigence du « bref délai » de l'article 5 § 4 de la Convention.

21. Le 27 août 1998, la cour d'appel du canton de Zurich rejeta le recours interjeté par le requérant contre ce jugement.

22. Le 9 octobre 1998, le requérant adressa un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant l'article 5 § 4 de la Convention, il se plaignit de la durée prétendument excessive entre sa demande de libération (24 juin 1997) et le jugement de première instance (30 octobre 1997), en l'occurrence dix-huit semaines environ.

23. Par un arrêt du 1er septembre, expédié le 15 septembre 1999, le Tribunal fédéral rejeta le recours du requérant, dans la mesure où il le déclara recevable. Il rappela d'abord que la question de savoir si un tribunal saisi d'une demande de mise en liberté avait statué « à bref délai », comme l'imposait l'article 5 § 4 de la Convention, ne pouvait pas être résolue abstraitement, mais que la réponse dépendait des circonstances concrètes de l'espèce ; ainsi, l'exigence du « bref délai » n'était pas méconnue lorsqu'une autorité, au vu des circonstances particulières de l'affaire, ne pouvait pas raisonnablement se prononcer plus rapidement. Il souligna ensuite qu'en l'espèce, l'internement du requérant était fondé sur l'article 43 § 1, alinéa 1, CPS, qu'une telle mesure était ordonnée pour une durée indéterminée, qu'il y était mis fin lorsque la cause en avait disparu et que la décision de lever la mesure ne pouvait être prise qu'après un examen approfondi de tous les éléments. Il en résultait que la durée de dix-huit semaines environ dont se plaignait le requérant ne constituait pas, en soi, une violation de l'article 5 § 4 de la Convention et qu'il convenait de rechercher si, au regard des circonstances concrètes, une décision du tribunal du district de Zurich pouvait être raisonnablement exigée avant le 30 octobre 1997.

24. A ce sujet, le Tribunal fédéral releva que deux semaines environ s'étaient écoulées entre la demande de mise en liberté, le 24 juin 1997, et le mandat donné à l'expert par l'Office, le 8 juillet 1997. Il jugea toutefois que ce délai n'emportait pas, en soi, violation de l'article 5 § 4 de la Convention. Il releva aussi que l'Office n'avait pas immédiatement réagi lorsqu'il avait été informé, le 23 juillet 1997, de ce que le médecin chef de la clinique de Rheinau ne pourrait pas établir l'expertise avant le mois d'octobre 1997. A cet égard, il admit cependant qu'en juillet 1997, l'Office était en droit d'admettre qu'un expert externe qui ne s'était encore jamais occupé du requérant, même s'il était immédiatement mandaté, déposerait son rapport après la date annoncée par la clinique de Rheinau (octobre 1997).

25. En revanche, le Tribunal fédéral jugea qu'il n'était pas compréhensible que l'Office, bien que sachant dès le 25 août 1997 que la clinique de Rheinau n'était pas en mesure d'établir l'expertise complémentaire sollicitée, n'ait pas mandaté un nouvel expert avant le 8 septembre 1997. A cet égard, il reprocha notamment à l'Office d'avoir attendu de recevoir de la clinique de Rheinau certains documents alors qu'il lui incombait, en raison de l'urgence du cas, d'intervenir auprès des médecins pour obtenir le dossier complet du requérant. Ayant formulé ces observations, il estima toutefois que ce retard, en l'occurrence quatre ou cinq jours ouvrables, ne pesait pas lourd au regard de la durée totale de la procédure en cause. Enfin, il ajouta que la commission d'experts pour les questions d'exécution, dans une prise de position datée du 26 juin 1997, avait recommandé, non pas de mettre fin à l'internement du requérant, mais de remplacer cette mesure par une privation de liberté à des fins d'assistance.

26. Sur la base de ces considérations, le Tribunal fédéral conclut que, bien que s'agissant d'un « cas-limite », l'exigence du « bref délai » de l'article 5 § 4 de la Convention n'avait pas été méconnue.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

27. L'article 43 du code pénal suisse est rédigé comme suit dans sa partie pertinente :
« 1. Lorsque l'état mental d'un délinquant ayant commis, en rapport avec cet état, un acte punissable de réclusion ou d'emprisonnement en vertu du présent code, exige un traitement médical ou des soins spéciaux et à l'effet d'éliminer ou d'atténuer le danger de voir le délinquant commettre d'autres actes punissables, le juge pourra ordonner le renvoi dans un hôpital ou un hospice. Il pourra ordonner un traitement ambulatoire si le délinquant n'est pas dangereux pour autrui.
Si, en raison de son état mental, le délinquant compromet gravement la sécurité publique et si cette mesure est nécessaire pour prévenir la mise en danger d'autrui, le juge ordonnera l'internement. Celui-ci sera exécuté dans un établissement approprié.
Le juge rendra son jugement au vu d'une expertise sur l'état physique et mental du délinquant, ainsi que sur la nécessité d'un internement, d'un traitement ou de soins.
2. En cas d'internement ou de placement dans un hôpital ou un hospice, le juge suspendra l'exécution d'une peine privative de liberté.
(...) »


Erwägungen

EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

28. Le requérant se plaint de ce que la période entre sa demande du 24 juin 1997, visant à obtenir qu'il soit mis fin à son internement dans un établissement psychiatrique, et la décision rendue par l'autorité de première instance le 30 octobre 1997 est excessive et ne satisfait pas à l'exigence du « bref délai » de l'article 5 § 4 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
A. Arguments des parties
1. Le requérant

29. D'après le requérant, il ressort clairement des trois prises de position de la commission d'experts pour les questions d'exécution du ministère public du canton de Zurich des 19 mars 1996, 19 décembre 1996 et 26 juin 1997 que le requérant ne devait plus, à ce moment, être considéré comme constituant un danger public. Ainsi, les conditions pour le maintien des mesures au sens de l'article 43 § 1, alinéa 1, CPS n'étaient plus réunies et il n'était pas nécessaire d'ordonner une expertise complémentaire.

30. Le requérant considère comme excessif le laps de temps de deux semaines environ entre le dépôt de la demande de remise en liberté (24 juin 1997) et le jour auquel l'Office a chargé le médecin chef de la clinique psychiatrique de Rheinau de l'expertise complémentaire (8 juillet 1997), rappelant l'opinion du Tribunal fédéral selon laquelle il ne fallait pas procéder, en l'espèce, à des recherches approfondies concernant un expert approprié, mais qu'on aurait pu tout simplement nommer le médecin chef de l'institution dans laquelle le requérant séjournait déjà.

31. En outre, le requérant soutient que la décision de l'Office de ne pas avoir retiré le mandat au médecin-chef de la clinique de Rheinau et de n'avoir même pas essayé de trouver un autre spécialiste capable de livrer une expertise à temps utile, après avoir été informé de ce que la clinique psychiatrique de Rheinau ne serait pas en mesure de livrer une expertise avant le mois d'octobre 1997, constitue une atteinte manifeste au principe de la célérité de la procédure au sens de l'article 5 § 4 de la Convention.

32. Enfin, le requérant estime que le fait de n'avoir rien entrepris, entre la prise de connaissance de la renonciation à son mandat par la clinique psychiatrique de Rheinau (25 août 1997) et l'octroi de celui-ci à la clinique psychiatrique de Winterthour (8 septembre 1997), cadre également mal avec les exigences d'une constatation de la légalité de la privation de liberté « à bref délai ».

33. Compte tenu de ce qui précède, le requérant conclut qu'un laps de temps de quatre mois et six jours entre la demande de remise en liberté et la décision de première instance doit être considéré comme excessif à la lumière de la jurisprudence de la Cour.
2. Le Gouvernement

34. Le Gouvernement conteste les arguments du requérant. Il observe que la situation du requérant, du fait de son évolution d'un point de vue médical, présentait une complexité particulière. Dès lors, la décision de l'Office de demander une expertise complémentaire était opportune afin de pouvoir s'appuyer, pour prendre sa décision, sur une expertise médicale objective lui permettant d'apprécier l'état mental de l'intéressé.

35. La partie défenderesse estime également que les deux semaines environ, entre le 24 juin 1997 et le 8 juillet 1997, qui ont été nécessaires à l'Office pour confier au médecin-chef de la clinique de Rheinau le mandat de l'expertise complémentaire, n'emportent pas, à la lumière de l'ensemble des circonstances, en tant que telles violation de l'exigence de célérité requise par l'article 5 § 4 de la Convention.

36. Selon le Gouvernement, la décision de l'Office de ne pas retirer le mandat à la clinique de Rheinau, en dépit de l'information que l'expertise complémentaire ne pourrait pas être établie avant le mois d'octobre 1997, était justifiée par deux raisons : d'une part, l'Office pouvait alors à ce moment encore légitimement penser que l'expertise lui serait fournie au début du mois d'octobre 1997 et, d'autre part, rien ne permettait de considérer que l'octroi d'un mandat à un autre expert, forcément externe à l'établissement de séjour et à la connaissance médicale du dossier du requérant, aurait contribué à produire l'expertise dans des délais sensiblement plus courts.

37. Le Gouvernement estime, en ce qui concerne enfin le laps de temps entre le 25 août 1997 et le 8 septembre 1997, que même en admettant que l'Office ne soit pas intervenu aussi rapidement que possible auprès de la clinique de Rheinau afin d'obtenir le dossier médical complet du requérant pour mandater un nouvel expert, que cet éventuel manquement n'a conduit qu'à un retard de quelque quatre ou cinq jours.

38. En conclusion, le Gouvernement estime avoir démontré que le déroulement de la procédure litigieuse ne révélait aucune période d'inactivité excessive de la part des autorités compétentes.
B. Appréciation de la Cour
1. Les principes élaborés dans la jurisprudence de la Cour

39. La Cour rappelle d'emblée l'objet et le but de l'article 5, consistant à assurer que nul ne soit arbitrairement dépouillé de sa liberté (Lawless c. Irlande (no 3), arrêt du 1er juillet 1961, série A no 3, p. 52, § 14, et Winterwerp c. Pays-Bas, arrêt du 24 octobre 1979, série A no 33, p. 16, § 37). Elle met également en exergue l'importance du droit à la liberté dans une société démocratique (De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 18 juin 1971, série A no 12, p. 36, § 65).

40. La Cour rappelle également le principe bien établi dans sa jurisprudence selon lequel le but de la Convention consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (R.M.D. c. Suisse, arrêt du 26 septembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, p. 2015, § 51, et Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A no 37, p. 16, § 33).

41. En garantissant un recours aux personnes arrêtées ou de?tenues, l'article 5 § 4 consacre aussi leur droit a? voir rendre dans un « bref de?lai », a? partir de son introduction, une de?cision judiciaire mettant fin a? leur privation de liberte? si elle se re?ve?le ille?gale (Maizit c. Russie, no 63378/00, § 47, 20 janvier 2005, et Van der Leer c. Pays-Bas, arrêt du 21 février 1990, série A no 170-A, p. 14, § 35).

42. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les procédures touchant à des questions de privation de liberté au sens de l'article 5 § 4 requièrent une diligence particulière et que les exceptions au principe d'une constatation « à bref délai » de la conformité de la détention appellent une interprétation stricte (dans ce sens, Hutchison Reid c. Royaume-Uni, no 50272/99, § 79, CEDH 2003-IV).

43. La question de savoir si le principe de la célérité de la procédure a été respecté s'apprécie, non pas dans l'abstrait, mais dans le cadre d'une appréciation globale des données, en tenant compte des circonstances de l'espèce (E. c. Norvège, arrêt du 29 août 1990, série A no 181-A, p. 27 et suiv., § 64, Delbec c. France, no 43125/98, § 33, 18 juin 2002, et Luberti c. Italie, arrêt du 23 février 1984, série A no 75, pp. 15 et suiv., § 33, pp. 17 et suiv., § 37), en particulier à la lumière de la complexité de la présente affaire, notamment du dossier médical, des particularités éventuelles de la procédure interne à suivre ainsi que du comportement du requérant dans celle-ci (Hutchison Reid, précité, § 77, et Boucheras et Groupe Information Asiles c. France, no 14438/88, décision de la Commission du 11 avril 2001, Décisions et rapports (DR) 69, p. 242). En principe cependant, puisque la liberté de l'individu est en jeu, l'Etat doit faire en sorte que la procédure se déroule dans un minimum de temps (Maizit, précité, § 49, et Zamir c. Royaume-Uni, no 9174/80, rapport de la Commission du 11 octobre 1983, DR 40, pp. 42 et suiv., 79, § 108).

44. Par rapport au critère de la complexité du dossier médical, plus spécifiquement, la Cour a statué que même un degré de complexité exceptionnel ne dégage pas les autorités nationales de leurs obligations essentielles sous l'article 5 § 4 de la Convention et que la responsabilité primaire pour les retards provoqués par l'ordonnance d'une expertise pèse sur l'Etat défendeur (Musial v. Poland [GC], no. 24557/94, §§ 46 et suiv., ECHR 1999-II, et Baranowski c. Pologne, no 28358/95, § 72, CEDH 2000-III).
Dans l'affaire Baranowski (précitée, § 73), un laps de temps de six semaines pour obtenir un rapport cardiologique ainsi que de quatre semaines pour recevoir des renseignements d'un neurologue et d'un psychiatre ont été jugés contraires au principe de « diligence particulière », élaboré par la Cour à la lumière de l'article 5 § 4.

45. Compte tenu de ces critères, les organes de la Convention ont constaté un dépassement du « bref délai » au sens de l'article 5 § 4 pour les durées respectives, indiquées entre parenthèses, par exemple dans les affaires suivantes : Koendjbiharie c. Pays-Bas (arrêt du 25 octobre 1990, série A no 185-B, pp. 40 et suiv., § 29) : durée en l'occurrence supérieure à quatre mois ; Van der Leer (précité, p. 15, § 36) : durée de cinq mois, et Maizit (précité, § 50) : durée de quatre mois et quinze jours ; voir aussi Boucheras et Groupe Information Asiles (précité) : durée de près de trois mois jugée a priori excessive.
2. Application des principes au cas d'espèce

46. Se tournant vers les circonstances de l'espèce, la Cour constate que le requérant ne se plaint que de la durée de procédure devant le tribunal de district de Zurich. En l'espèce, il a demandé à être libéré le 24 juin 1997. Cette juridiction a rendu une décision mettant fin à l'internement le 30 octobre 1997. La procédure litigieuse s'est donc étendue sur quatre mois et six jours, sans compter le délai qui s'est écoulé entre cette date et le 14 novembre 1997, date à laquelle le requérant a effectivement été remis en liberté.

47. De prime abord, une telle durée cadre mal avec la notion de brièveté élaborée par la jurisprudence précitée de la Cour et la Commission européenne des droits de l'homme. Il faut donc examiner si, en l'espèce, on se trouve en présence de motifs exceptionnels propres à justifier un retard pour statuer sur la demande de libération du requérant (Musial, précité, § 44, et Hutchison Reid, précité, § 81).

48. La Cour note, à ce sujet, que le motif principal invoqué par le Gouvernement réside dans la complexité du dossier médical qui a prétendument rendu nécessaire une demande d'expertise médicale complémentaire. Elle n'estime pas indispensable de répondre à la question de savoir s'il existait, en effet, un besoin de compléter le dossier médical du requérant, dans la mesure où elle n'est pas convaincue qu'il existait un lien de causalité entre la complexité des questions médicales et le retard à statuer de la part du tribunal de première instance (critère évoqué dans l'affaire Musial, précitée, § 47). A cet égard, elle rappelle que la clinique psychiatrique de Winterthour, institution à laquelle la rédaction de l'expertise a été ultérieurement confiée, a prouvé que celle-ci pouvait être élaborée dans un délai d'un peu plus de cinq semaines (du 8 septembre au 16 octobre 1997).

49. Cela dit, la Cour constate que la partie la plus importante du retard à statuer a été causée par l'inactivité des autorités compétentes. La décision de l'Office, après avoir appris, le 23 juillet 1997, que la clinique psychiatrique de Rheinau ne serait pas en mesure de livrer une expertise avant le mois d'octobre 1997, de ne pas retirer le mandat à celle-ci et le fait de ne pas avoir essayé de trouver un autre spécialiste en la matière pèsent particulièrement lourd dans ce contexte (voir Baranowski, précité, § 73).

50. La Cour rappelle aussi que la raison invoquée par le chef de la clinique de Rheinau pour l'impossibilité de soumettre l'expertise plus rapidement était le manque de personnel. Il échet de souligner que cette raison importe peu dans l'analyse du respect de l'attitude des autorités compétentes, dans la mesure où il incombe aux Etats d'agencer leur système judiciaire de manière à permettre à leurs tribunaux de répondre aux exigences de l'article 5 § 4 (voir, mutatis mutandis, R.M.D. c. Suisse, précité, § 54).

51. De surcroît, les périodes de deux fois deux semaines environ entre, d'une part, le dépôt de la demande de mise en liberté (24 juin 1997) et le jour où l'Office a chargé le médecin-chef de la clinique psychiatrique de Rheinau de l'expertise complémentaire (8 juillet 1997) ainsi que, d'autre part, la prise de connaissance du retrait de celle-ci (25 août 1997) et l'octroi du mandat à la clinique psychiatrique de Winterthour (8 septembre 1997), si elles n'emportent probablement pas, prises isolément, une atteinte à l'article 5 § 4, sont néanmoins susceptibles de renforcer l'impression de la Cour que les autorités internes n'ont en l'occurrence pas fait preuve de la « diligence particulière » exigée par la jurisprudence de la Cour précitée.

52. Compte tenu de ce qui précède, la Cour, constatant que les retards les plus importants dans la présente affaire ne peuvent s'expliquer ni par la complexité de l'affaire ni par les exigences de la procédure interne ou le comportement du requérant, ne décèle aucun motif exceptionnel propre à justifier le retard à statuer sur la demande de libération (Musial, précité, § 44, et Hutchison Reid, précité, § 81).

53. Dès lors, la décision du tribunal de district de Zurich, mettant fin à l'internement du requérant, n'est pas intervenue « à bref délai » comme le prescrit l'article 5 § 4.
Il s'ensuit qu'il y a eu violation de cette disposition.
II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

54. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage

55. Le requérant estime que la procédure portant sur sa remise en liberté aurait pu être achevée dans un laps de temps de quatre semaines. En conséquence, il demande une satisfaction journalière de 200 francs suisses (CHF) pour les cent jours de retard, à savoir 20 000 CHF. En revanche, il renonce à faire valoir un dommage matériel.

56. Le Gouvernement, se référant à la jurisprudence de la Cour (voir, mutatis mutandis, E. c. Norvège, arrêt du 29 août 1990, série A no 181-A, p. 29, § 70), soutient que la publication du présent arrêt fournirait une satisfaction équitable suffisante.

57. La Cour considère que l'intéressé a certainement éprouvé, par l'accumulation de plusieurs éléments de retard, des sentiments de frustration et d'angoisse qui ne sont pas suffisamment réparés par le constat d'une violation ou par la publication du présent arrêt.

58. Estimant que les retards causés par les autorités internes s'élèvent à plusieurs semaines et prenant en compte des affaires comparables (voir, par exemple, G.B. c. Suisse, no 27426/95, § 42, 30 novembre 2000, Baranowski, précité, § 82, et Hutchison Reid, précité, § 87), elle alloue au requérant, statuant en équité comme le veut l'article 41, la somme totale de 3 000 euros (EUR) à titre de préjudice moral.

59. Constatant que le requérant n'a pas demandé le remboursement d'un éventuel dommage matériel, la Cour estime qu'aucun montant n'est dû à ce titre.
B. Frais et dépens

60. Le requérant demande, à titre de frais et dépens, une somme de 877,60 CHF pour la procédure devant le tribunal de district et de 854 CHF pour celle devant la cour d'appel du canton de Zurich. De surcroît, il prétend que la procédure devant la Cour lui a coûté 3 211,45 CHF, dont sont déjà déduits les montants versés par le Conseil de l'Europe au titre de l'assistance judiciaire gratuite, soit 701 EUR.
Dès lors, il demande à la Cour le remboursement de la somme s'élevant à 4 943,05 CHF.

61. Le Gouvernement rappelle que le tribunal de district de Zurich a accordé au conseil du requérant 3 290 CHF au titre de la représentation d'office. Il soutient que les sommes revendiquées par le requérant ne sauraient passer pour raisonnables, mais se déclare prêt à payer 3 000 CHF au titre des frais et dépens.

62. La Cour rappelle que, lorsqu'elle constate une violation de la Convention, elle peut accorder aux requérants le remboursement des frais et dépens qu'ils ont engagés devant les juridictions nationales pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation (Zimmermann et Steiner c. Suisse, arrêt du 13 juillet 1983, série A no 66, § 36, et Hertel c. Suisse, arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, § 63). Il faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 30, CEDH 1999-V, et Linnekogel c. Suisse, no 43874/98, § 49, 1er mars 2005).

63. Dans le cas d'espèce, la Cour estime que le requérant, d'une part, est habilité à demander le paiement des frais et dépens relatifs aux procédures devant les juridictions suisses, et, d'autre part, a droit au remboursement des frais et dépens se rapportant à la procédure devant la Cour.

64. Compte tenu des éléments en sa possession et des critères dégagés dans sa jurisprudence, la Cour, statuant en équité, octroie au requérant la somme globale de 3 000 EUR pour ses frais et dépens.
C. Intérêts moratoires

65. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.


Entscheid

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,
1. Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 4 de la Convention ;
2. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i. 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral ;
ii. 3 000 EUR (trois mille euros) pour frais et dépens ;
iii. tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur lesdites sommes, sommes à convertir dans la monnaie de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 juillet 2006 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Bostjan M. Zupancic
Greffier Président

Referenzen

Artikel: Art. 5 par. 4 CEDH