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Urteilskopf

32772/02


Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) gegen Schweiz
Arrêt no. 32772/02, 30 juin 2009

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

SUISSE: Art. 10 CEDH. Maintien de l'interdiction de la diffusion d'un spot télévisé après un arrêt de la Cour constatant une atteinte à la liberté d'expression.

La Cour rappelle que ses constats de violation revêtent un caractère essentiellement déclaratoire, le Comité des Ministres étant chargé d'en surveiller l'exécution. Toutefois, l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 avril 2002 ayant rejeté la demande de révision de l'association requérante se fondait sur des motifs nouveaux et doit s'analyser comme un élément nouveau, dont le Comité des Ministres n'avait pas été informé et qui serait soustrait à tout contrôle au titre de la Convention si la Cour ne pouvait pas en connaître.
La liberté d'expression constitue l'une des conditions préalables au bon fonctionnement de la démocratie et l'exercice réel et effectif de cette liberté ne dépend pas simplement du devoir de l'Etat de s'abstenir de toute ingérence, mais peut exiger également des mesures positives. En l'espèce, compte tenu de l'importance de l'exécution effective des arrêts de la Cour dans le système de la Convention, la Suisse avait l'obligation d'exécuter de bonne foi l'arrêt de 2001 en se conformant tant à ses conclusions qu'à son esprit. A cet égard, la réouverture de la procédure interne a certes constitué une démarche importante aux fins de l'exécution de l'arrêt mais elle ne peut certainement pas être considérée comme une fin en soi. En l'absence de motifs nouveaux pouvant justifier le maintien de l'interdiction, les autorités suisses avaient en effet l'obligation d'autoriser la diffusion du spot, sans par ailleurs substituer leur jugement à celui de la société requérante quant à la persistance d'un intérêt du public pour le débat en question (ch. 78 - 98).
Conclusion: violation de l'art. 10 CEDH.

N.B. Cet arrêt de la Grande Chambre fait suite à la décision d'une chambre, qui était arrivée à la même conclusion par arrêt du 04.10.2007.







Sachverhalt

( Requête no 32772/02 )
ARRÊT
STRASBOURG
30 juin 2009
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Verein Gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (no 2),
La Cour européenne des droits de l'homme, siégeant en une Grande Chambre composée de :
Jean-Paul Costa, président,
Christos Rozakis,
Françoise Tulkens,
Josep Casadevall,
Corneliu Bîrsan,
Anatoly Kovler,
Alvina Gyulumyan,
Ljiljana Mijovic,
Egbert Myjer,
Dragoljub Popovic,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Päivi Hirvelä,
Giorgio Malinverni,
András Sajó,
Ledi Bianku,
Ann Power,
Mihai Poalelungi, juges,
et de Erik Fribergh, greffier,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 9 juillet 2008 et 27 mai 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 32772/02) dirigée contre la Confédération suisse et dont une association de droit suisse, Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) (« l'association requérante »), a saisi la Cour le 25 juillet 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2. L'association requérante est représentée par Me R.W. Rempfler, avocat à St-Gall. Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. F. Schürmann, de l'Office fédéral de la justice.

3. L'association requérante alléguait en particulier que le maintien de l'interdiction de la diffusion du spot télévisé litigieux après la constatation par la Cour d'une atteinte à la liberté d'expression a entraîné une nouvelle violation de cette liberté telle que prévue par l'article 10 de la Convention.

4. La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement), puis à la cinquième. Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.

5. Le 18 janvier 2005, le président de la chambre a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3 de la Convention et de l'article 54A du règlement, il a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

6. Le 4 octobre 2007, la chambre, composée de Snejana Botoucharova, Luzius Wildhaber, Karel Jungwiert, Volodymyr H. Butkevych, Margarita Tsatsa-Nikolovska, Javier Borrego Borrego, et de Renate Jaeger, ainsi que de Claudia Westerdiek, greffière de section, a rendu un arrêt. Elle a, à l'unanimité, déclaré irrecevable le grief tiré de l'article 6, rejeté l'exception préliminaire du Gouvernement relative au non-épuisement des voies de recours internes par rapport au grief tiré de l'article 10, joint au fond l'argument du Gouvernement quant à l'application de l'article 10 et, partant, déclaré recevable le grief tiré de cet article. Par cinq voix contre deux, la chambre a dit que l'article 10 s'appliquait en l'espèce et a conclu à la violation de cette disposition. A l'arrêt se trouvait joint l'exposé de l'opinion dissidente de Renate Jaeger, à laquelle s'était rallié Javier Borrego Borrego.

7. Le 19 décembre 2007, le Gouvernement a demandé le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre en vertu des articles 43 de la Convention et 73 du règlement. Le collège de la Grande Chambre a accueilli la demande le 31 mars 2008.

8. La composition de la Grande Chambre a été arrêtée conformément aux articles 27 §§ 2 et 3 de la Convention et 24 du règlement.

9. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire.

10. Des observations ont également été reçues du gouvernement tchèque, que le président avait autorisé à intervenir dans la procédure écrite (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 2 du règlement).

11. Une audience s'est déroulée en public au Palais des droits de l'homme, à Strasbourg, le 9 juillet 2008 (article 59 § 3 du règlement). Le président de la Grande Chambre a autorisé le président de l'association requérante, M. E. Kessler, à présenter la cause au nom de celle-ci en vertu de l'article 36 § 3 du règlement.
Ont comparu :
- pour le gouvernement défendeur
MM. F. Schürmann, chef de la section Droits de l'homme
et Conseil de l'Europe à l'Office fédéral
de la justice, Département fédéral de la Justice, agent,
A. Scheidegger, chef suppléant de la section Droits de l'homme
et Conseil de l'Europe,
F. Zeller, conseiller juridique de la Direction, Office fédéral
de la communication, Département fédéral
de l'environnement, des transports, de l'énergie
et de la communication,
Mme C. Ehrich, collaboratrice scientifique, section Droits de
l'homme et Conseil de l'Europe, conseillers ;
- pour l'association requérante
M. E. Kessler, président de l'association requérante,
Mme C. Zeier Kopp, directrice adjointe de l'association
requérante, conseillère.
La Cour a entendu M. Kessler et M. Schürmann en leurs déclarations ainsi qu'en leurs réponses aux questions de la Cour.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
A. La requête no 24699/94 et l'arrêt rendu par la Cour le 28 juin 2001

12. L'association requérante est vouée à la protection des animaux et milite, en particulier, contre l'expérimentation animale et l'élevage en batterie.

13. En réaction à diverses publicités télévisées produites par l'industrie de la viande, l'association requérante élabora un spot télévisé de cinquante- cinq secondes, composé de deux séquences.
Dans la première séquence du film, on voyait un cochon édifiant un abri pour ses petits dans une forêt. Sur fond de musique douce, le commentaire évoquait notamment le sens de la famille des cochons. La seconde séquence montrait un hangar bruyant où des cochons, parqués dans de minuscules enclos, s'attaquaient nerveusement aux barreaux en acier. Dans le commentaire, l'élevage de cochons dans de telles conditions était comparé aux camps de concentration, et on précisait que les animaux étaient bourrés de médicaments. La publicité se terminait par l'exhortation : « Mangez moins de viande, pour votre santé et dans l'intérêt des animaux et de l'environnement ! »

14. La diffusion du spot télévisé dans les programmes de la Société suisse de radiodiffusion et de télévision ( Schweizerische Radio- und Fernsehgesellschaft - ci-après : « SSR ») fut refusée le 24 janvier 1994 par la société responsable de la publicité télévisée, qui s'appelait alors « Société anonyme pour la publicité à la télévision » ( AG für das Werbefernsehen - « AGW »), à présent « Publisuisse SA », et, en dernière instance, par le Tribunal fédéral, qui rejeta un recours de droit administratif de l'association requérante le 20 août 1997.
Quant au grief de l'association requérante au regard de l'article 10 de la Convention, le Tribunal fédéral estima que l'interdiction de la propagande politique, énoncée à l'article 18 § 5 de la loi fédérale sur la radio et la télévision, servait divers objectifs ; elle devait notamment empêcher de puissants groupes financiers d'obtenir un avantage concurrentiel sur le plan politique, préserver la formation de l'opinion publique de toute influence commerciale indue et favoriser une certaine égalité des chances parmi les différentes forces sociales, et contribuer à l'indépendance des diffuseurs de radio et de télévision quant à leur politique éditoriale.

15. Le 13 juillet 1994, l'association requérante saisit la Commission européenne des droits de l'homme, en vertu de l'article 25 de la Convention dans son ancienne version.

16. La requête fut transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date de l'entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention, selon l'article 5 § 2 dudit Protocole.

17. Par une décision du 6 avril 2000, la Cour déclara la requête partiellement recevable.

18. Par un arrêt du 28 juin 2001, la Cour déclara que le refus des autorités suisses compétentes de diffuser le spot télévisé litigieux était contraire à la liberté d'expression, garantie par l'article 10 de la Convention ( Verein gegen Tierfabriken (VgT) c. Suisse, no 24699/94, CEDH 2001-VI).
La Cour estima que la mesure était « prévue par la loi » et poursuivait un but légitime au regard de l'article 10 § 2.
Quant à savoir si la mesure était « nécessaire dans une société démocratique » au sens de cette disposition, la Cour déclara notamment qu'il n'était pas établi que l'association requérante constituait un puissant groupe financier ayant pour but de restreindre l'indépendance du diffuseur, d'influencer l'opinion publique ou de compromettre l'égalité des chances entre les différentes forces sociales. Bien au contraire, elle souhaitait seulement participer au débat général en cours sur la protection et l'élevage des animaux. Ainsi, de l'avis de la Cour, les autorités n'avaient pas démontré de manière « pertinente et suffisante » en quoi les motifs généralement avancés pour légitimer l'interdiction de la publicité à caractère politique pouvaient servir à justifier l'ingérence dans les circonstances particulières de l'espèce( Verein gegen Tierfabriken (VgT), précité, § 75).
En même temps, la Cour conclut à l'absence de violation des articles 13 et 14 de la Convention. Statuant sur l'application de l'article 41, elle condamna la Suisse à verser une somme de 20 000 CHF (soit environ 13 300 EUR aujourd'hui) au titre des frais et dépens. En revanche, elle n'octroya aucune indemnité à l'association requérante pour le dommage moral.
B. La suite des procédures devant les instances suisses

19. Le 31 octobre 2001, l'association requérante s'adressa de nouveau à « Publisuisse SA », afin de diffuser le même spot muni d'un commentaire qui faisait référence à l'arrêt de la Cour et critiquait le comportement de la SSR et des autorités suisses.

20. Par un courrier du 30 novembre 2001, « Publisuisse SA » rejeta cette demande.

21. Le 1er décembre 2001, sur la base de l'arrêt de la Cour, l'association requérante saisit le Tribunal fédéral d'une demande de révision de l'arrêt définitif interne, conformément à l'article 139a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (paragraphe 28 ci-dessous). Cette demande était libellée et motivée comme suit :
Demande de révision
« En l'affaire Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT), 9546 Tuttwil, contre Société suisse de radiodiffusion et de télévision (SSR), « Publisuisse SA » et Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) ;
Par la présente, je demande au nom de la VgT que l'arrêt du Tribunal fédéral du 20 août 1997 soit révisé et que le recours de droit administratif du 18 juin 1996 soit accueilli.
Motif : Dans son arrêt du 28 juin 2001, la Cour européenne des droits de l'homme a admis le bien-fondé d'une requête qui contestait l'arrêt du Tribunal fédéral dont je demande la révision (pièce jointe no 1). L'arrêt a été notifié le 25 octobre 2001 (pièce jointe no 2) ; la présente demande de révision est donc soumise dans le délai imparti.
Avec mes meilleures salutations. »

22. Le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, ainsi que la SSR, demandèrent dans leurs observations du 10 janvier et du 15 février 2002, dûment communiquées à l'association requérante, le rejet de la demande de révision.

23. Par un arrêt du 29 avril 2002, le Tribunal fédéral rejeta la demande de révision. Il jugea que l'association requérante n'avait pas expliqué de manière suffisamment détaillée en quoi consistaient « la modification de l'arrêt et la restitution demandées », exigence formelle imposée par l'article 140 de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (paragraphe 29 ci-dessous). Il précisa notamment qu'elle n'était pas parvenue à démontrer que la réparation ne pouvait être obtenue que par la voie de la révision. Il nota aussi que l'association requérante n'avait pas prouvé à suffisance qu'elle avait encore un intérêt à la diffusion télévisée du spot d'origine, étant donné que celui-ci paraissait aujourd'hui dépassé, près de huit ans après la diffusion initialement prévue. Enfin, le Tribunal fédéral estima que le nouveau refus de « Publisuisse SA », institution compétente en la matière, de conclure un nouveau contrat portant sur la diffusion du spot aurait dû faire l'objet d'une procédure séparée. Les passages pertinents de l'arrêt sont libellés comme suit :
« (...)
3.1 Selon l'article 140 OJ, la demande de révision doit indiquer, avec preuve à l'appui, le motif de révision invoqué et s'il a été articulé en temps utile. Il ne suffit pas d'affirmer simplement que ce motif existe ; encore faut-il expliquer pourquoi, et dans quelle mesure le dispositif doit par conséquent être modifié (Elisabeth Escher, Revision und Erläuterung, Rz. 8.28, in Geiser/Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, 2e édition, Bâle 1998).
3.2 La présente demande de révision ne satisfait pas à ces exigences formelles : l'association recourante demande la révision de l'arrêt du Tribunal fédéral sans expliquer d'aucune manière dans quelle mesure cette révision est devenue nécessaire après l'arrêt rendu par la Cour le 28 juin 2001. La VgT suppose manifestement que l'arrêt par lequel la Cour de Strasbourg a condamné la Suisse rend de lui-même la révision nécessaire. Or, il n'en est rien. Le seul fait que la Cour, statuant sur une requête individuelle, ait conclu à la violation de la Convention ne signifie pas que l'arrêt litigieux du Tribunal fédéral doive automatiquement être révisé selon le droit interne (arrêt 2A.363/2001 du 6 novembre 2001 en l'affaire Boultif, consid. 3a/cc ; Martin Philipp Wyss, EMRK-Verletzung und bundesrechtliche Revision nach Art. 139a OG, in recht 1999 p. 100 ; Schürmann, ibid., p. 100 ; Hottelier, ibid., p. 749 ; BBl 1991 II 465, p. 529). La révision étant une voie de droit subsidiaire, elle ne se justifie que si elle semble rester nécessaire malgré l'indemnisation accordée par la Cour européenne des droits de l'homme et constituer le seul moyen d'obtenir réparation (cf. Schürmann, ibid., p. 102 ; Wyss, ibid., p. 99). Il faut indiquer dans la demande de révision, au moins dans les grandes lignes, en quoi la réparation ne peut être obtenue que par la voie de la révision (cf. arrêt 2A.363/2001 du 6 novembre 2001 en l'affaire Boultif, consid. 3b/cc).
3.3 (...)
La « Publisuisse SA » a manifestement refusé une nouvelle fois de conclure un contrat publicitaire avec la VgT, qui s'est plainte de ce refus auprès de l'Office fédéral de la communication ; cette procédure est toujours pendante. En agissant ainsi, la VgT prouve elle-même que pour elle ne persistent pas d'effets négatifs concrets qui ne pourraient être effacés que par la voie de la révision. Elle ne prétend pas avoir encore un intérêt à la diffusion du spot d'origine ; il est d'ailleurs peu probable qu'elle y ait encore un intérêt, puisque son objectif premier n'est plus (uniquement) d'inciter à réduire la consommation de viande et de dénoncer les conditions d'élevage des animaux (qui ont aussi dû changer au cours des près de huit années qui se sont écoulées depuis la diffusion initialement prévue), mais de faire savoir que la Cour a conclu à la violation de sa liberté d'expression. Aujourd'hui, ce n'est donc plus du même spot qu'il est question. Les conséquences de la violation de la Convention commise à l'époque ont été effacées du fait de la condamnation de la Suisse et de l'octroi d'une satisfaction équitable en vertu de l'article 41 de la CEDH ; le nouveau contrat que la VgT souhaite à présent conclure doit faire l'objet d'une procédure séparée.
(...)
4.2 Dans son arrêt du 20 août 1997, le Tribunal fédéral a constaté que le spot publicitaire de la VgT tombait sous le coup de l'interdiction de droit public de la publicité à caractère politique, énoncée à l'article 18 § 5 LRTV, et que cela pouvait donner à la SSR, ou plutôt à la « Publisuisse SA », une raison valable de ne pas conclure de contrat publicitaire avec la VgT. La Cour européenne des droits de l'homme n'a pas partagé cet avis ; selon la Cour, il n'était pas justifié, dans une société démocratique, de refuser de diffuser un spot au motif que celui-ci constituait une publicité à caractère politique et que les publicités de ce type étaient interdites à la télévision. La Cour ne s'est pas exprimée sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, la Suisse, en ne garantissant pas la diffusion, avait manqué à d'éventuelles obligations positives qui découleraient d'une extension des garanties de la Convention aux relations entre les personnes privées (cf. § 46 de l'arrêt de la Cour). L'arrêt du Tribunal fédéral portait sur le constat des autorités selon lequel la publicité de la VgT pouvait être considérée comme « politique » au sens de la loi sur la radio et la télévision et selon lequel ce motif de droit public pouvait déjà suffire à justifier le refus de diffuser cette publicité ; l'arrêt ne portait pas sur la question de savoir si la SSR avait boycotté la VgT, si la SSR domine le marché de la publicité et si, à ce titre, elle aurait été tenue de conclure un accord publicitaire. Ces aspects - de droit civil - d'une obligation de contracter doivent être mis en oeuvre dans le cadre des procédures civiles correspondantes (relevant de la législation sur les cartels, du régime légal de la concurrence ou du droit général de la personnalité), et non pas dans le cadre du régime légal de la concession ; cet argument avancé par la Suisse n'a pas été contesté par la Cour européenne.
4.3 Dans ce contexte, la Suisse, en se dotant de la législation (civile) correspondante et en prévoyant les procédures judiciaires permettant de la faire appliquer, a rempli l'obligation positive qui découle pour elle de l'article 10 de la CEDH et qui consiste à assurer une réalisation appropriée des droits garantis par la Convention parmi les personnes privées. Les dispositions du droit de la concurrence et de la législation sur les cartels, ou la possibilité d'invoquer une obligation de contracter relevant du droit civil, visent à favoriser, dans le cadre des relations économiques entre personnes privées, un mode de réalisation des droits fondamentaux qui soit équitable et aille dans le sens d'une conciliation des différents intérêts en jeu. La VgT peut utiliser cette voie de droit pour demander la diffusion de son spot publicitaire, pour autant que, contrairement à ce qui a été affirmé, elle ait encore un intérêt réel à cette diffusion ; dans ce cas, il faudra prendre dûment en compte, dans cette procédure, les droits protégés par la Constitution et les principes de l'article 10 de la CEDH (voir l'article 35 de la Constitution fédérale). L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme ne s'oppose pas à cette manière de voir ; toutefois, il ressort uniquement de l'arrêt que la qualification de « publicité à caractère politique » du spot litigieux ne justifiait pas de ne pas diffuser le spot, ou que la diffusion du spot par la SSR, sur la base de l'article 10 de la CEDH, n'aurait pas dû avoir de conséquences pour la SSR sur le plan du régime légal de la concession. La SSR souligne à juste titre que l'arrêt ne peut pas être interprété comme la soustrayant à l'ordre juridique - par exemple à la loi fédérale sur la concurrence déloyale - et lui imposant de diffuser le spot litigieux, puisque la Cour européenne n'a pas traité les questions correspondantes, s'est cantonnée à la problématique de la publicité « à caractère politique » et n'a aucunement pris position sur la liberté d'expression « négative » de la SSR. Etant donné que l'arrêt de la Cour établit simplement que l'interdiction de la publicité à caractère politique à la télévision ne doit pas empêcher une diffusion, c'est au moyen d'une procédure civile, et non pas par la voie de la révision, qu'il appartient à la VgT de demander la diffusion du spot, pour autant que la SSR, ou plutôt la « Publisuisse SA », refuse toujours de le diffuser (cf. Ulrike Preissler, Die Zulässigkeit ideeller Werbung im Fernsehen, Diss. Bonn 1994, p. 113 et suiv. ; Martin Dumermuth, Rundfunkrecht, in Koller/Müller/Rhinow/Zimmerli (éditeurs), Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Bâle 1996, Rz. 126 ; Rolf H. Weber, Rechtliche Grundlagen für Werbung und Sponsoring, in SMI 1993, p. 213 et suiv., en particulier p. 226 FN 58).
4.4 Il est exclu d'ordonner directement à la SSR, sur la base du droit public, de diffuser le spot litigieux, car le Tribunal fédéral n'en a pas la compétence. L'association recourante avait demandé à l'Office fédéral de la communication de rendre une décision de constatation, qui aurait établi, sur la base de l'article 10 de la CEDH, le droit de la VgT à la diffusion de son spot publicitaire (« droit d'antenne dans le domaine de la publicité »). Le Tribunal fédéral a reconnu que, d'un point de vue procédural, il existait un droit à ce qu'une telle décision soit rendue (article 25 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA) combiné à l'article 13 de la CEDH) ; en revanche, s'appuyant sur l'article 18 § 5 LRTV, il a démenti en l'espèce l'existence d'un droit d'accès à la télévision pour la publicité à caractère politique (à tort selon la Cour). Si le Tribunal fédéral s'était prononcé d'emblée comme la Cour, il aurait dû se contenter de constater que la SSR ne pouvait pas refuser de diffuser le spot au motif que celui-ci avait un caractère politique, ou plutôt que l'invocation de ce motif de refus était contraire à l'article 10 de la CEDH. En revanche, faute de base juridique, le Tribunal fédéral n'aurait pas pu ordonner à la SSR de diffuser le spot dans le cadre de la procédure relative à la loi sur la radio et la télévision (cf. Dumermuth, ibid., Rz. 491). La VgT sollicite maintenant une telle ordonnance uniquement par la voie de la révision, mais elle ne peut pas l'obtenir dans le cadre de la décision susceptible de révision. En effet, ce que le Tribunal fédéral n'était pas habilité à ordonner lors de la première procédure, il ne peut pas non plus l'ordonner à la suite d'un arrêt de la Cour de Strasbourg (arrêt 2A.232/2000 du 2 mars 2001 en l'affaire Amann, consid. 3b/bb, in EuGRZ 2001 p. 322).
(...) »

24. Le 3 mars 2003, l'Office fédéral de la communication rejeta un recours de l'association requérante contre la décision de « Publisuisse SA » du 30 novembre 2001 de ne pas diffuser le spot muni du nouveau commentaire.
C. La résolution du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe du 22 juillet 2003

25. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, qui n'avait été informé ni par l'association requérante ni par le Gouvernement du rejet de la demande de révision par le Tribunal fédéral, mit fin à l'examen de la requête no 24699/94 en adoptant, le 22 juillet 2003, la Résolution ResDH (2003) 125, dont les passages pertinents se lisent ainsi :
« (...) Vu les règles adoptées par le Comité des Ministres relatives à l'application de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention (...)
Considérant que lors de l'examen de cette affaire, le gouvernement de l'Etat défendeur a donné à celui-ci des informations sur les mesures prises permettant d'éviter de nouvelles violations semblables à celle constatée dans le présent arrêt, informations résumées dans l'annexe à la présente résolution (...)
Déclare, après avoir pris connaissance des informations fournies par le Gouvernement de la Suisse, qu'il a rempli ses fonctions en vertu de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention dans la présente affaire.
Annexe à la Résolution ResDH (2003) 125 : Informations fournies par le Gouvernement de la Suisse lors de l'examen de l'affaire Verein gegen Tierfabriken (VgT) par le Comité des Ministres
En ce qui concerne les mesures de caractère individuel l'arrêt de la Cour européenne a été transmis à la requérante, de sorte que celle-ci pouvait présenter une demande de révision du jugement que le Tribunal fédéral a rendu le 20 août 1997.
En ce qui concerne les mesures de caractère général, l'arrêt de la Cour a été diffusé auprès de l'Office fédéral de la Communication, du Service juridique du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication et du Tribunal fédéral.
De surcroît l'arrêt de la Cour a été publié dans la Revue Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, no 65/IV(2001), et peut être consulté par le biais de l'adresse électronique suivante (...). L'arrêt a aussi été mentionné dans le rapport du Conseil fédéral sur les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe en 2001, qui a été publié dans la Feuille fédérale, no 8/2002.
Le Gouvernement de la Suisse considère qu'au vu des informations mentionnées ci-dessus, il n'y a désormais plus de risque de voir se répéter la violation constatée dans la présente affaire et qu'en conséquence, il a satisfait à ses obligations au titre de l'article 46, paragraphe 1, de la Convention. »

26. Par une lettre du 12 décembre 2003, l'association requérante informa la Direction générale des droits de l'homme du Conseil de l'Europe du refus du Tribunal fédéral de réviser l'arrêt du 20 août 1997 à la suite du constat de violation de l'article 10 par la Cour.

27. Le 12 janvier 2005, la Direction générale des droits de l'homme du Conseil de l'Europe indiqua à l'association requérante qu'il ne lui semblait alors pas opportun de se livrer à un nouvel examen, parallèlement à celui devant être effectué par la Cour à la suite de l'introduction, en juillet 2002, de la requête qui est à l'origine du présent arrêt.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS
A. Le droit et la pratique internes pertinents

28. Les articles 136 et suivants de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006, portaient notamment sur la révision des arrêts du Tribunal fédéral. L'article 139a se lisait ainsi :
Article 139a : Violation de la Convention européenne des droits de l'homme :
« 1. La demande de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral ou d'une décision d'une autorité inférieure est recevable lorsque la Cour européenne des droits de l'homme ou le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a admis le bien-fondé d'une requête individuelle pour violation de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, du 4 novembre 1950, ou de ses protocoles et que réparation ne peut être obtenue que par la voie de la révision.
2. Si le Tribunal fédéral constate qu'une révision s'impose mais qu'elle est de la compétence d'une autorité inférieure, il renvoie l'affaire à cette dernière pour qu'elle mette en oeuvre la procédure de révision.
3. L'autorité cantonale est tenue d'entrer en matière sur la demande de révision même si le droit cantonal ne prévoit pas ce motif de révision. »

29. L'article 140 de la même loi était libellé comme suit :
Article 140 : Demande de révision :
« La demande de révision doit indiquer, avec preuve à l'appui, le motif de révision invoqué et s'il a été articulé en temps utile ; elle doit en outre dire en quoi consistent la modification de l'arrêt et la restitution demandées. »

30. Sur la base de cette disposition, le Tribunal fédéral a par exemple, le 2 mars 1999, procédé à la révision partielle de l'un de ses arrêts à la suite de la violation constatée par la Cour dans l'affaire Hertel c. Suisse (arrêt du 25 août 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI). Il a notamment estimé ce qui suit :
« (...) L'arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme peut donner satisfaction à l'appelant et, par l'octroi de 40 000 CHF, peut lui offrir une réparation financière pour les frais de procédure. Toutefois, il ne lève pas les restrictions imposées à l'appelant par le tribunal de commerce et confirmées par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 25 février 1994. Ces restrictions ne peuvent être maintenues que si elles respectent la nécessité telle que la définit la Cour européenne. Ces restrictions ne pouvant être levées ou limitées que par un recours présenté au Tribunal fédéral, la condition posée par l'article 139a de la loi d'organisation judiciaire est remplie (...) ».

31. L'article 122 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, reprend l'article 139a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire. Il dispose ce qui suit :
Art. 122 : Violation de la Convention européenne des droits de l'homme
« La révision d'un arrêt du Tribunal fédéral pour violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) peut être demandée aux conditions suivantes :
a. la Cour européenne des droits de l'homme a constaté, dans un arrêt définitif, une violation de la CEDH ou de ses protocoles ;
b. une indemnité n'est pas de nature à remédier aux effets de la violation ;
c. la révision est nécessaire pour remédier aux effets de la violation. »

32. Dans un arrêt du 18 juillet 2008, le Tribunal fédéral a admis la demande de révision introduite à la suite de l'arrêt de la Cour dans l'affaire Emonet et autres c. Suisse (no 39051/03, CEDH 2007-..., arrêt du 13 décembre 2007), dans laquelle celle-ci avait prononcé une violation de l'article 8 de la Convention, et a annulé son arrêt du 28 mai 2003. Voici certains passages tirés de l'arrêt du Tribunal fédéral :
« Considérant en droit :
1. En vertu de l'art. 122 let. a LTF, la révision d'un arrêt du Tribunal fédéral pour violation de la CEDH peut être demandée si la Cour européenne a constaté, par un arrêt définitif, une violation de la CEDH ou de ses protocoles. En pareil cas, la demande de révision doit être déposée devant le Tribunal fédéral au plus tard 90 jours après que l'arrêt de la Cour européenne est devenu définitif au sens de l'art. 44 CEDH (art. 124 al. 1 let. c LTF). Parties à la procédure ayant abouti à l'arrêt mis en cause, les requérants bénéficient de la qualité pour agir. L'arrêt est devenu définitif le 13 mars 2008, si bien que la requête a été introduite en temps utile. Elle indique en outre le motif de révision et en quoi consiste la modification de l'arrêt demandée, de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.
Le chef de conclusion tendant à ce que la Confédération soit condamnée à payer aux requérants les sommes allouées par la Cour européenne à titre de dommage moral et de frais et dépens ne peut cependant pas faire l'objet de la présente procédure de révision. Partant, il est irrecevable.
2. Le motif de révision de l'art. 122 LTF est soumis à plusieurs conditions. Il faut ainsi qu'une requête individuelle ait été admise, par arrêt définitif de la Cour européenne, pour la violation d'un droit garanti par la CEDH (let. a) ; qu'une indemnité ne soit pas de nature à remédier aux effets de la violation (let. b) et que la révision soit nécessaire pour remédier aux effets de la violation (let. c). Les conditions posées par cette disposition sont analogues à celles qui prévalaient sous l'empire de la loi fédérale d'organisation judiciaire (art. 139a OJ), de sorte que la jurisprudence rendue en application de l'ancien droit conserve en principe toute sa valeur.
2.1 En l'espèce, la Cour européenne a constaté que la rupture du lien de filiation entre la mère et sa fille, consécutive à l'adoption de celle-ci par le concubin de sa mère, constitue, dans les circonstances particulières de l'espèce, une ingérence injustifiée dans le droit au respect de la vie familiale des requérants et, par là-même, une violation de l'art. 8 CEDH. L'arrêt de la Cour européenne est en outre définitif depuis le 13 mars 2008 (art. 122 let. a LTF). Il est par ailleurs évident qu'aucune indemnité n'est en mesure de compenser la perte du lien de filiation qui unit l'adoptée à sa mère (art. 122 let. b LTF). Les deux premières conditions posées par l'art. 122 LTF sont donc remplies.
2.2. Il convient encore d'examiner si la révision de l'arrêt du Tribunal fédéral est nécessaire pour remédier aux effets de la violation de l'art. 8 CEDH (art. 122 let. c LTF). Le seul fait que la Convention ait été violée ne commande pas en effet la révision de la décision portée devant la Cour européenne. Cela découle de la nature même de la révision, qui est un moyen de droit extraordinaire. Par conséquent, s'il existe une autre voie ordinaire qui permettrait une réparation, celle-ci doit être choisie en priorité. La réponse à cette question dépend de la nature de la violation de la Convention constatée. Lorsque seuls des intérêts matériels restent en jeu, la révision est en principe exclue. En revanche, lorsque la situation contraire au droit perdure malgré le constat d'une violation de la Convention par la Cour européenne, la révision est possible. La procédure est alors reprise dans les limites du motif de révision (Pour l'OJ : arrêt 2A.232/2000 du 2 mars 2001, consid. 2b/bb, publié in: Pra 2001 no92 p. 538 et les arrêts cités; pour la LTF: Elisabeth Escher, in Basler Kommentar BGG, Bâle 2008, n. 6 ad art. 122; arrêt 1F_1/2007 du 30 juillet 2007, consid. 3.2).
La Cour européenne a ici exclu que l'annulation de l'adoption pour vice de la volonté soit susceptible de remédier aux effets litigieux de l'adoption. Une telle action ne saurait être considérée, selon la jurisprudence de la Cour européenne, comme une voie de recours effective, permettant d'opposer aux requérants une exception d'irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes. La Cour européenne a également retenu que le mariage entre l'adoptant et la mère de l'adoptée ne pouvait être exigé afin de rétablir le lien de filiation maternelle avec l'adoptée. Selon la Cour européenne, il n'appartient pas en effet aux autorités nationales de se substituer aux personnes intéressées dans leur prise de décision sur la forme de vie commune qu'elles souhaitent adopter. La notion de famille au sens de l'art. 8 CEDH ne se borne d'ailleurs pas aux seules relations fondées sur le mariage. Par conséquent, sauf rétablissement du lien de filiation avec la mère et modification correspondante du registre de l'état civil, il faut admettre que la situation contraire au droit persiste.
Partant, il y a lieu d'admettre la demande de révision et d'annuler l'arrêt du 28 mai 2003.
(...). »
B. Le droit et la pratique internationaux pertinents
1. L'exécution des arrêts de la Cour

33. Le 19 janvier 2000, lors de la 694e réunion des Délégués des Ministres, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation R(2000)2 sur le réexamen ou la réouverture de certaines affaires au niveau interne suite à des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme :
« Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres;
Eu égard à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et les libertés fondamentales (ci-après « la Convention »);
Notant que, sur la base de l'article 46 de la Convention, les Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour européenne des droits de l'homme (« la Cour ») dans les litiges auxquels elles sont parties et que le Comité des Ministres en surveille l'exécution;
Ayant à l'esprit que, dans certaines circonstances, l'engagement susmentionné peut impliquer l'adoption de mesures, autres que la satisfaction équitable accordée par la Cour conformément à l'article 41 de la Convention et / ou des mesures générales, afin que la partie lésée se retrouve, dans la mesure du possible, dans la situation où elle était avant la violation de la Convention( restitutio in integrum );
Prenant note du fait qu'il appartient aux autorités compétentes de l'Etat défendeur de déterminer quelles mesures sont les plus appropriées pour réaliser la restitutio in integrum, en tenant compte des moyens disponibles dans le système juridique national;
Ayant toutefois à l'esprit que - ainsi que le montre la pratique du Comité des Ministres relative au contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour - il y a des circonstances exceptionnelles dans lesquelles le réexamen d'une affaire ou la réouverture d'une procédure s'est avéré être le moyen le plus efficace, voire le seul, pour réaliser la restitutio in integrum,
I. Invite, à la lumière de ces considérations, les Parties contractantes à s'assurer qu'il existe au niveau interne des possibilités adéquates de réaliser, dans la mesure du possible, la restitutio in integrum.
II. Encourage notamment les Parties contractantes à examiner leurs systèmes juridiques nationaux en vue de s'assurer qu'il existe des possibilités appropriées pour le réexamen d'une affaire, y compris la réouverture d'une procédure, dans les cas où la Cour a constaté une violation de la Convention, en particulier lorsque :
i. la partie lésée continue de souffrir des conséquences négatives très graves à la suite de la décision nationale, conséquences qui ne peuvent être compensées par la satisfaction équitable et qui ne peuvent être modifiées que par le réexamen ou la réouverture, et
ii. il résulte de l'arrêt de la Cour que
a) la décision interne attaquée est contraire sur le fond à la Convention, ou
b) la violation constatée est causée par des erreurs ou défaillances de procédure d'une gravité telle qu'un doute sérieux est jeté sur le résultat de la procédure interne attaquée.
Exposé des motifs concernant la Recommandation R(2000)2 :
(...)
Le paragraphe 1 expose le principe de base de la recommandation selon lequel toutes les victimes de violations de la Convention doivent avoir droit, dans la mesure du possible, à une restitutio in integrum efficace. Les Parties contractantes doivent par conséquent revoir leurs systèmes juridiques dans le but de garantir qu'ils contiennent les moyens nécessaires à cette fin.
(...). »

34. Le paragraphe 35 du rapport de l'Assemblée parlementaire sur l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du 12 juin 2000 (Doc. 8808) est libellé comme suit :
« Puisque la Cour ne dit pas comment l'Etat doit appliquer ses décisions il appartient à ce dernier de chercher les moyens de le faire. L'obligation de se conformer aux arrêts est une obligation de résultat : il faut prévenir de nouvelles violations et réparer les conséquences de la violation pour le requérant ».

35. Le 10 mai 2006, lors de la 964e réunion des Délégués des Ministres, le Comité des Ministres a adopté les Règles pour la surveillance de l'exécution des arrêts et des termes des règlements amiables :
« Règle no 1 :
1. L'exercice des fonctions du Comité des Ministres conformément à l'article 46, paragraphes 2 à 5, et à l'article 39, paragraphe 4, de la Convention européenne des Droits de l'Homme, est régi par les présentes Règles.
(...)
Règle no 6 : Informations au Comité des Ministres sur l'exécution de l'arrêt :
1. Lorsque, dans un arrêt transmis au Comité des Ministres conformément à l'article 46, paragraphe 2, de la Convention, la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles et/ou accorde à la partie lésée une satisfaction équitable en application de l'article 41 de la Convention, le Comité invite la Haute Partie contractante concernée à l'informer des mesures prises ou qu'elle envisage de prendre à la suite de cet arrêt, eu égard à l'obligation qu'elle a de s'y conformer selon l'article 46, paragraphe 1, de la Convention.
2. Dans le cadre de la surveillance de l'exécution d'un arrêt par la Haute Partie contractante concernée, en vertu de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention, le Comité des Ministres examine ;
a. si la satisfaction équitable octroyée par la Cour a été payée, assortie d'éventuels intérêts de retard ; et,
b. le cas échéant, en tenant compte de la discrétion dont dispose la Haute Partie contractante concernée pour choisir les moyens nécessaires pour se conformer à l'arrêt, si :
i. des mesures individuelles ont été prises pour assurer que la violation a cessé et que la partie lésée est placée, dans la mesure du possible, dans la situation qui était la sienne avant la violation de la Convention ;
ii. des mesures générales ont été adoptées, afin de prévenir de nouvelles violations similaires à celles constatées ou de mettre un terme à des violations continues.
Règle no 7 : Intervalles de contrôle :
1. Jusqu'à ce que la Haute Partie contractante concernée ait fourni l'information relative au paiement de la satisfaction équitable octroyée par la Cour ou à d'éventuelles mesures individuelles, l'affaire est inscrite à chaque réunion « droits de l'homme » du Comité des Ministres, sauf décision contraire de la part du Comité.
2. Si la Haute Partie contractante concernée déclare au Comité des Ministres qu'elle n'est pas encore en mesure de l'informer que les mesures générales nécessaires pour assurer le respect de l'arrêt ont été prises, l'affaire est à nouveau inscrite à l'ordre du jour d'une réunion du Comité des Ministres au plus tard dans un délai de six mois, à moins que le Comité n'en décide autrement; la même règle s'applique à l'expiration de ce délai et de chaque nouveau délai.
Règle no 8 : Accès aux informations :
1. Les dispositions de la présente Règle s'entendent sans préjudice de la nature confidentielle des délibérations du Comité des Ministres conformément à l'article 21 du Statut du Conseil de l'Europe.
2. Les informations suivantes sont accessibles au public, à moins que le Comité n'en décide autrement en vue de protéger des intérêts légitimes publics ou privés :
a. les informations et les documents y afférents fournis par une Haute Partie contractante au Comité des Ministres conformément à l'article 46, paragraphe 2, de la Convention ;
b. les informations et les documents y afférents fournis au Comité des Ministres, conformément aux présentes Règles, par la partie lésée, par des organisations non gouvernementales ou par des institutions pour la promotion et la protection des droits de l'homme. (...)
Règle no 9 : Communications au Comité des Ministres :
1. Le Comité des Ministres doit prendre en considération toute communication transmise par la partie lésée concernant le paiement de la satisfaction équitable ou l'exécution de mesures individuelles.
2. Le Comité des Ministres est en droit de prendre en considération toute communication transmise par des organisations non gouvernementales, ainsi que par des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme, concernant l'exécution des arrêts conformément à l'article 46, paragraphe 2, de la Convention.
3. Le Secrétariat porte, selon des modalités appropriées, toutes communications reçues auxquelles il est fait référence au paragraphe 1 de cette Règle, à la connaissance du Comité des Ministres. Il en fait de même à l'égard de toutes communications reçues auxquelles il est fait référence au paragraphe 2 de cette Règle, accompagnées de toutes observations de la ou des délégation(s) concernée(s), à condition que ces dernières soient transmises au Secrétariat dans un délai de cinq jours ouvrables après notification d'une telle communication.
(...)
Règle no 16 : Résolutions intérimaires :
Dans le cadre de la surveillance de l'exécution d'un arrêt ou de l'exécution des termes d'un règlement amiable, le Comité des Ministres peut adopter des résolutions intérimaires, afin notamment de faire le point sur l'état d'avancement de l'exécution ou, le cas échéant, d'exprimer sa préoccupation et / ou de formuler des suggestions en ce qui concerne l'exécution.
Règle no 17 : Résolution finale :
Le Comité des Ministres, après avoir conclu que la Haute Partie contractante concernée a pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l'arrêt ou pour exécuter les termes du règlement amiable, adopte une résolution constatant qu'il a rempli ses fonctions en vertu de l'article 46, paragraphe 2, ou de l'article 39, paragraphe 4, de la Convention. »
2. Les obligations incombant aux Etats en vertu du droit international général

36. L'article 35 du projet d'articles de la Commission du droit international relatif à la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite (adoptés par l'Assemblée générale lors de sa 53e session (2001), et reproduits dans Documents officiels de l'Assemblée générale, 56e session, Supplément no 10 (A/56/10)), est libellé comme suit :
Article 35 : Restitution
« L'Etat responsable du fait internationalement illicite a l'obligation de procéder à la restitution consistant dans le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis, dès lors et pour autant qu'une telle restitution
a) n'est pas matériellement impossible et
b) n'impose pas une charge hors de toute proportion avec l'avantage qui dériverait de la restitution plutôt que de l'indemnisation. »

37. L'article 26, comme par ailleurs l'alinéa 3 du préambule, de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, entrée en vigueur pour la Suisse le 6 juin 1990, énonce le principe « pacta sunt servanda » :
« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. »


Erwägungen

EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

38. L'association requérante allègue que le maintien de l'interdiction de la diffusion du spot télévisé litigieux après la constatation par la Cour d'une atteinte à la liberté d'expression constitue une nouvelle violation de la liberté d'expression telle que prévue par l'article 10 de la Convention, qui se lit ainsi :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
A. Sur les exceptions préliminaires
1. Non-épuisement des voies de recours internes
a) Les thèses des parties

39. D'après le gouvernement défendeur, la procédure de révision n'était pas, en l'espèce, la voie de recours appropriée pour obtenir la diffusion du spot, puisque le Tribunal fédéral n'aurait de toute façon pas pu ordonner la diffusion dans le cadre de cette procédure.

40. Il rappelle également que l'association requérante a saisi l'Office fédéral de la communication contre le refus de « Publisuisse SA » de diffuser le spot muni du nouveau commentaire et a introduit, le même jour, la demande de révision qui, par définition, ne pouvait viser que la diffusion de la version initiale. C'est par ailleurs l'existence de cette procédure introduite entre-temps qui explique l'appréciation du Tribunal fédéral : à quoi bon une procédure de révision qui, dans le meilleur des cas, aboutirait à un résultat ne correspondant plus, de toute façon, à la demande actuelle de l'association requérante -

41. Enfin, le Gouvernement rappelle également que la relation juridique entre l'association requérante et « Publisuisse SA » relevait du droit privé. Le refus de diffuser le spot soulevait donc un problème non seulement sous l'angle de la législation relative à la publicité à la radio et à la télévision (notion de « publicité politique »), mais aussi sous l'angle du droit privé, notamment du droit des cartels, de celui de la concurrence ou de la protection de la personnalité. A cette distinction au niveau du droit matériel s'ajoutait, à l'époque des faits, une distinction au niveau procédural : dans le cadre du recours de droit administratif, seul à avoir été engagé par l'assocation requérante, le Tribunal fédéral ne pouvait connaître que du fond du refus basé sur l'article 18 § 5 de la loi sur la radio et la télévision. La voie civile, qui n'a en revanche jamais été entamée, aurait permis d'examiner la question de savoir si « Publisuisse SA » était tenue, en dépit des intérêts privés contradictoires (liberté économique, liberté d'expression, et intérêts de l'industrie de la viande), de diffuser le spot.

42. L'association requérante conteste l'argument du Gouvernement tiré du non-épuisement des voies de recours internes. Elle rappelle que le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 29 avril 2002, a déclaré que les décisions de l'Office fédéral de la communication pouvaient faire l'objet d'un recours devant le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication s'il s'agissait d'une procédure en matière de cartels. D'après l'association requérante, il s'ensuit a contrario que ce recours était exclu contre la décision de l'Office du 3 mars 2003, puisque la procédure portait sur une concession.
b) L'arrêt de la chambre

43. Quant à la question de l'épuisement des voies de recours internes, la chambre a formulé les considérations suivantes :
« 34. La Cour observe que la demande de révision de l'association requérante était formulée de manière très sommaire et à peine compatible avec les exigences de l'article 140 de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire. Néanmoins, dans la mesure où le Tribunal fédéral, après avoir exposé les motifs d'irrecevabilité, a conclu que l'association requérante n'avait pas suffisamment démontré qu'elle avait encore un intérêt à la diffusion du spot télévisé dans sa version originale, la Cour est d'avis, à la lumière de sa jurisprudence, que ce grief ne peut pas être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, étant donné que cette juridiction s'est prononcée, aussi brièvement fût-il, sur le fond de l'affaire en estimant que l'association requérante n'avait probablement plus d'intérêt à la diffusion télévisée du spot dans sa version originale (voir, mutatis mutandis, Huber c. Suisse, no 12794/87, décision de la Commission du 9 juillet 1988, Décisions et rapports (DR) 57, p. 259, Chammas c. Suisse, no 35438/97, décision de la Commission du 30 mai 1997, non publiée, Jamal Aldin c. Suisse, no 19959/92, décision de la Commission du 23 mai 1996, non publiée, Thaler c. Autriche (déc.), no 58141/00, 15 septembre 2003, Voggenreiter c. Allemagne (déc.), no 47169/99, 28 novembre 2002, et Atik c. Allemagne (déc.), no 67500/01, 13 mai 2004).
35. Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 10 ne saurait être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes. »
c) L'appréciation de la Cour

44. Il convient de préciser d'emblée que seule se trouve en jeu ici la question de savoir s'il y a eu violation de l'article 10 au motif que le Tribunal fédéral n'a pas accueilli la demande en révision de l'association requérante après que la Cour eut constaté la violation de cette disposition. Ainsi, les arguments du Gouvernement portant sur le spot muni du nouveau commentaire ne sont pas pertinents.

45. A la lumière des observations des parties, exposées ci-dessus, la Grande Chambre confirme le raisonnement et la conclusion de l'arrêt de la chambre. Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 10 ne saurait être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes.
2. Incompétence ratione materiae
a) L'arrêt de la chambre

46. La chambre a estimé que le grief tiré de l'article 10 concernant le refus du Tribunal fédéral de réviser son arrêt du 20 août 1997 devait être considéré comme un problème nouveau, non tranché par la Cour dans le cadre de son arrêt du 28 juin 2001. Partant, ce refus était susceptible de constituer une nouvelle violation de l'article 10 de la Convention, pour les motifs suivants :
« 51. Il convient donc d'examiner si l'arrêt du Tribunal fédéral en date du 29 avril 2002 constitue une nouvelle ingérence dans la liberté d'expression de l'association requérante qui peut faire l'objet d'un examen au fond par la Cour.
52. Quant à la présente affaire, la Cour estime utile de rappeler qu'elle ne concerne pas un cas « typique » de réouverture d'une procédure pénale après un constat de violation de l'article 6 de la Convention (voir, notamment, les affaires précitées Sejdovic, Lyons et Krcmár ), mais le refus de revenir sur l'interdiction de diffuser un spot télévisé, donc l'article 10 de la Convention. En ce sens, elle est comparable à l'affaire Hertel (déc.) précitée. En revanche, il convient de rappeler que dans cette affaire-là, le Tribunal fédéral a admis la demande de révision du requérant, en levant de manière significative les restrictions à sa liberté d'expression. Le Comité des Ministres a, par ailleurs, clos la procédure devant lui par une résolution finale qui tenait dûment compte des modifications de l'arrêt du Tribunal fédéral, jugé par la Cour incompatible avec l'article 10.
Compte tenu de ces différences significatives, la Cour doit se demander si l'approche suivie par la Cour dans l'affaire Hertel précitée, qui a consisté à examiner le bien-fondé des allégations portant sur une nouvelle violation de l'article 10 et non de les déclarer irrecevables pour incompatibilité ratione materiae avec la Convention ou ses protocoles, soit aussi envisageable en l'espèce (décision précitée, pp. 559-562).
53. En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement suisse afin de s'acquitter de ses obligations en vertu de l'article 46 § 2 de la Convention, il n'est pas contesté que le Gouvernement a versé les sommes que la Cour avait allouées à l'association requérante dans son arrêt sur l'article 41 au titre des frais et dépens. De surcroît, il ressort de la Résolution no ResDH (2003) 125, en date du 22 juillet 2002, que l'arrêt de la Cour a été diffusé auprès des autorités compétentes et publié dans la Revue Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, ainsi que sur Internet (paragraphe 16 ci-dessus).
54. Il convient également de constater que le Comité des Ministres a mis fin à l'examen de l'affaire no 24699/94 en soulignant la possibilité d'une demande de révision devant le Tribunal fédéral, c'est-à-dire sans attendre l'issue de cette procédure ouverte en vertu du droit suisse (voir l'annexe de la résolution, paragraphe 16 ci-dessus).
55. La Cour rappelle aussi que le but de la Convention consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (voir, mutatis mutandis, Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A no 37, p. 16, § 33, et Bianchi c. Suisse, no 7548/04, § 84, 22 juin 2006).
Or, il est vrai que la Convention n'oblige pas les Etats parties à mettre sur pied des mécanismes de réouverture après un constat de violation par la Cour( Saïdi, précité, p. 57, § 47, et Pelladoah, précité, p. 36, § 44). La Cour tient néanmoins à souligner que l'existence d'une telle procédure en droit suisse peut être considérée comme un aspect important de l'exécution de ses arrêts et leur existence démontre l'engagement d'un Etat contractant de respecter la Convention et la jurisprudence qu'elle génère (voir, mutatis mutandis, Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne (article 50), arrêt du 13 juin 1994, série A no 285-C, p. 56, § 15, et Lyons et autres, précitée, p. 431).
Mais son existence en droit interne n'est en soi pas suffisante. Encore faut-il que la juridiction nationale visée, à savoir le Tribunal fédéral, applique directement la Convention et la jurisprudence de la Cour (voir aussi, mutatis mutandis, pour le droit d'accès à un tribunal et de l'effectivité requise d'un recours à une cour d'appel ou de cassation, Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, pp. 13-15, §§ 25 et suiv.). Cela s'avère d'autant plus important que le Comité des Ministres a clos, en l'espèce, la procédure de surveillance de l'exécution de l'arrêt de la Cour, en relevant uniquement l'existence d'une voie de demande de révision, sans attendre son résultat. Il est évident que le renvoi à une voie de droit qui ne s'avère pas susceptible de pouvoir remédier de manière effective et concrète à une violation constatée de la Convention privera l'intéressé de son droit de voir effacées autant que possible les conséquences de ladite violation.
56. Enfin, il ressort d'une interprétation grammaticale de l'article 139a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (« Le droit et la pratique internes pertinents », paragraphe 19 ci-dessus) que la révision devant le Tribunal fédéral constitue un moyen subsidiaire de réparation, étant donné que cette disposition statue qu'une telle demande est recevable lorsque « (...) la réparation ne peut être obtenue que par la voie de la révision ».
En l'espèce, force est de constater que la Cour, dans son arrêt du 28 juin 2001, n'a octroyé à l'association requérante aucune indemnité au titre du dommage moral. En l'absence d'une telle demande de la part de l'association requérante, elle n'a même pas exprimé l'avis selon lequel le constat de la violation de l'article 10 saurait être considéré comme constituant une réparation adéquate et suffisante pour le préjudice moral subi par l'association requérante. Ainsi, une réouverture de la procédure devant le Tribunal fédéral, visant la restitutio in integrum - la forme de réparation idéale en droit international - aurait permis d'effacer autant que possible les conséquences de la violation constatée par la Cour (voir, dans ce sens, Pisano, précité, § 43, Scozzari et Giunta, précité, § 249, et Sejdovic, précité, § 119 ; voir aussi, pour un cas concret de l'application de la législation suisse pertinente, l'affaire Hertel (déc.) précitée, dans laquelle le requérant a obtenu la levée de l'interdiction générale de publier ses idées à la suite de sa demande de révision devant le Tribunal fédéral (voir la partie « Le droit et la pratique internes pertinents », paragraphe 21 ci-dessus)).
57. Par ailleurs, la Cour a égard au fait qu'en l'espèce, la demande de révision était rédigée de manière très sommaire et à peine compatible avec les exigences de l'article 140 (voir la partie « Le droit et la pratique internes pertinents », paragraphe 20 ci-dessus). Néanmoins, les considérations du Tribunal fédéral concernant l'intérêt de l'association requérante à la diffusion du spot télévisé, aussi sommaires soient-elles, sont susceptibles de donner lieu à une nouvelle atteinte à la liberté d'expression de l'association requérante.
58. Par conséquent, la Cour est d'avis que le grief tiré de l'article 10 relatif au refus du Tribunal fédéral de réviser son arrêt du 20 août 1997 doit être considéré comme un problème nouveau, non tranché par l'arrêt de la Cour en date du 28 juin 2001 et, dès lors, est compatible ratione materiae avec la Convention et ses protocoles (...) ».
b) Les thèses des parties
i. Le Gouvernement

47. Le Gouvernement indique que, contrairement à la plupart des arrêts et décisions cités par la chambre, le Comité des Ministres a déjà adopté une résolution finale, selon laquelle il « a rempli ses fonctions en vertu de l'article 46 § 2 de la Convention dans la présente affaire ». Il rappelle les mesures qu'il a prises à titre individuel et général, qui témoignent de l'effort déployé à tous les niveaux - législatif, administratif et judiciaire - afin de se conformer à l'arrêt de la Cour, notamment : le versement du montant dû à l'association requérante au titre de la satisfaction équitable, la possibilité d'introduire une demande de révision devant le Tribunal fédéral, les mesures mentionnées dans l'Annexe à la résolution finale du Comité des Ministres, la décision du directeur de l'Office fédéral de la communication de procéder dorénavant à une interprétation considérablement plus restrictive de la notion de « publicité à caractère politique », prévue à l'article 18 § 5 de la loi fédérale sur la radio et la télévision, ainsi que l'application de cette nouvelle interprétation dans de nombreuses affaires et l'entrée en vigueur de la révision totale de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision, qui entérine cette interprétation restrictive et prévoit une procédure adéquate et sans frais pour faire valoir, entre autres, que le « refus d'accorder l'accès au contenu du programme est illicite ».

48. En ce qui concerne plus particulièrement la demande de révision, il ressort du texte même de sa résolution que le Comité des Ministres n'a pas estimé indispensable de connaître le sort de cette demande avant d'adopter sa résolution finale. D'après le Gouvernement, il s'ensuit que le Comité des Ministres a considéré, d'une part, que les mesures individuelles et générales déjà adoptées étaient, à elles seules, suffisantes pour clore l'affaire indépendamment de l'issue de la procédure de révision et, d'autre part, que cette procédure de révision constitue bien une possibilité offerte par le droit interne, mais non une obligation exigée par la Convention.

49. Selon le Gouvernement, l'arrêt de la chambre a pour conséquence un transfert de compétence du Comité des Ministres vers la Cour. Il touche ainsi au principe fondamental de la séparation des pouvoirs entre la Cour et le Comité des Ministres, tel que prévu par l'article 46 § 2 de la Convention.

50. Le Gouvernement rappelle également que, lors de l'élaboration du Protocole no 14, la Cour a exprimé sa réticence à toute proposition de réforme du système de contrôle de la Convention qui consisterait à opérer un transfert de responsabilité du Comité des Ministres vers la Cour en ce qui concerne la surveillance des arrêts. Si ce Protocole avait déjà été en vigueur, la Cour n'aurait pas pu se saisir de la présente affaire, puisque l'article 46 § 4 de la Convention, tel qu'amendé par le Protocole no 14, prévoit une action en manquement du Comité des Ministres devant la Cour dans les seuls cas où un Etat persisterait dans son refus à exécuter un arrêt définitif, à savoir avant que la résolution finale du Comité des Ministres n'ait été adoptée.

51. Selon le Gouvernement, l'argumentation de la chambre ne tient pas compte de la jurisprudence selon laquelle la Convention ne donne pas à la Cour la compétence d'exiger d'un Etat la réouverture de la procédure. La révision n'est pas une exigence qui découlerait de la Convention. En d'autres termes, si l'on admet que la Convention n'oblige pas les Etats parties à mettre sur pied des mécanismes de réouverture, il faut admettre également que les Etats qui ont opté pour un tel mécanisme sont libres d'en définir les conditions formelles et matérielles et d'examiner, dans un cas d'application, si ces conditions ont été remplies. Comme pour toute interprétation du droit interne, le rôle de la Cour devrait se limiter à assurer que l'examen par les autorités et juridictions nationales n'est pas entaché d'arbitraire ou d'irrationalité manifeste. Le raisonnement de la majorité des juges de la chambre risque en effet de créer une inégalité de traitement entre les Etats dont le droit interne connaît des procédures de réouverture et ceux qui ne les connaissent pas. Le Gouvernement souscrit à cet égard pleinement à l'opinion dissidente des juges de la minorité, selon laquelle « un résultat défavorable au requérant ne saurait être considéré comme moins conforme à la Convention que l'absence d'une telle procédure ». A cet égard, le Gouvernement souligne que l'article 139a de l'ancienne loi sur l'organisation judiciaire octroyait à l'assocation requérante le droit de former une demande de révision, mais en aucun cas celui d'obtenir cette révision et encore moins dans le sens qu'elle souhaitait.

52. Le Gouvernement soutient également que si le Tribunal fédéral, dans son premier arrêt, était arrivé à la conclusion - comme par la suite la Cour - que le refus de diffuser le spot à cause de son caractère politique était contraire à l'article 10 de la Convention, il aurait de toute façon dû se limiter à ce constat mais n'aurait en revanche pas pu ordonner la diffusion, faute d'une base légale l'habilitant à imposer à « Publisuisse SA » une telle obligation. Or, une mesure qui était exclue lors du premier jugement l'est aussi lors de la procédure visant à réviser ce jugement. De l'avis du Gouvernement, pareille obligation ne découle pas non plus de la Convention, comme l'ont constaté par ailleurs les deux juges de la minorité.

53. Enfin, le Gouvernement rappelle que l'association requérante avait insisté auprès de « Publisuisse SA » pour diffuser le spot muni du nouveau commentaire. Le Tribunal fédéral, saisi de la demande de révision, en avait connaissance et en a déduit sans arbitraire qu'il était peu probable que l'association requérante continuât d'avoir un intérêt à la diffusion du spot dans sa version originale. Cette appréciation est confirmée par le fait que l'association requérante avait déjà introduit un recours devant l' l'Office fédéral de la communication contre le deuxième refus de « Publisuisse SA », dont le Tribunal fédéral avait également connaissance. Selon le Gouvernement, il va de soi que la procédure de révision, pour cette raison également, n'était pas la procédure appropriée pour examiner si ce deuxième refus de « Publisuisse SA » était conforme ou non avec la liberté d'expression de l'association requérante.

54. Au vu de ces éléments, le Gouvernement est convaincu que l'on ne saurait reprocher au Tribunal fédéral de ne pas avoir « appliqué directement la Convention et la jurisprudence de la Cour ». Il s'ensuit que le Tribunal fédéral, en refusant d'ordonner la diffusion du spot litigieux, soit dans sa version initiale, soit dans sa version modifiée, dans le cadre de la procédure de révision, n'a pas causé une nouvelle violation, seule condition qui pourrait justifier la compétence ratione materiae de la Cour.
ii. L'association requérante

55. D'après l'association requérante, l'argument du Gouvernement selon lequel la Cour n'est pas compétente ratione materiae ne respecte pas les circonstances particulières du cas d'espèce. En outre, elle rappelle que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, dûment informé par elle que le Tribunal fédéral avait statué sur sa demande de réouverture, a préféré ne pas rouvrir la procédure d'exécution de l'arrêt, compte tenu notamment de la nouvelle requête introduite par l'association requérante.
iii. Le tiers intervenant

56. Le gouvernement tchèque est d'avis que la Cour n'a aucune compétence dans l'examen par le Comité des Ministres de l'exécution des arrêts de la Cour, ce qui pourtant ne la prive pas de la possibilité - à certaines conditions - de connaître de prétendues nouvelles violations de la Convention survenues dans la même affaire postérieurement à un de ses arrêts. Il soutient que, dans les trois situations qui suivent, une nouvelle violation de la Convention est exclue :
- lorsque la réouverture de la procédure n'est pas possible parce que la loi interne ne prévoit pas une telle éventualité ;
- quand une demande de réouverture de la procédure est rejetée comme irrecevable au motif qu'elle ne satisfait pas aux conditions énumérées par la loi (délai d'introduction, exigences de forme, subsidiarité etc.),
- lorsque les organes nationaux compétents, après avoir accueilli la demande de réouverture de la procédure, rendent une décision pour les mêmes raisons que celles sanctionnées par la Cour, pourvu qu'une telle approche se justifie au regard de la Convention (par exemple par le changement des circonstances survenu entre-temps).

57. En d'autres termes, selon le gouvernement tchèque, la Convention ne garantissant pas le droit à la réouverture de la procédure interne à la suite d'un arrêt de la Cour, cette dernière n'a aucune compétence pour sanctionner un Etat défendeur parce que celui-ci a rejeté une demande. Néanmoins, elle est compétente pour sanctionner un Etat défendeur lorsque, une fois la procédure réouverte, les organes nationaux adoptent une décision identique sans que cela se justifie. Or, ce qui importe, selon le gouvernement tchèque, c'est qu'en règle générale le simple manque à remédier à la violation originelle de la Convention en tant que tel ne peut jamais constituer une nouvelle violation de la Convention, la seule exception étant constituée par les violations continues, non pertinentes en l'espèce.

58. Le gouvernement tchèque observe également que les Etats qui décident d'instituer un système de réouverture de la procédure après un constat de violation de la Convention doivent rester libres d'en fixer les conditions de recevabilité. Il n'est absolument pas possible d'appliquer, même mutatis mutandis, la jurisprudence de la Cour concernant le droit d'accès à un tribunal et celle relative à l'effectivité requise d'un recours à une cour d'appel ou de cassation en tant qu'aspects de l'article 6 § 1 de la Convention, comme le prétend la chambre dans son arrêt. Rappelant que les garanties de cette disposition ne s'appliquent pas à la procédure d'examen d'une demande tendant à la révision de la procédure, le gouvernement tchèque soutient qu'elles s'appliquent encore moins à une procédure de demande de réouverture à la suite d'un arrêt de la Cour.

59. Selon le gouvernement tchèque, il importe peu de savoir dans quelle phase se trouve l'examen de l'exécution de l'arrêt de la Cour par le Comité des Ministres, et notamment si ce dernier a déjà adopté une résolution finale mettant fin à cet examen.

60. L'existence d'une compétence de la Cour dans la phase d'exécution des arrêts ne dépend pas non plus de l'avis du Comité des Ministres sur la question de savoir si les mesures prises par l'Etat défendeur en vue d'exécuter l'arrêt peuvent ou non être considérées comme suffisantes. En particulier, la Cour n'est pas compétente pour apprécier les résolutions adoptées par le Comité des Ministres, voire corriger de prétendus défauts de ces résolutions.
c) L'appréciation de la Cour
i. Les principes

61. La Cour rappelle qu'un constat de violation dans ses arrêts est essentiellement déclaratoire ( Marckx c. Belgique, arrêt du 13 juin 1979, série A no 31, § 58, Lyons et autres c. Royaume-Uni (déc.), no 15227/03, CEDH 2003-IX, p. 422, et Krcmár et autres c. République tchèque (déc.), no 69190/01, 30 mars 2004) et que, par l'article 46 de la Convention, les Hautes Parties contractantes se sont engagées à se conformer aux arrêts de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties, le Comité des Ministres étant chargé d'en surveiller l'exécution (voir, mutatis mutandis, Papamichalopoulos et autres c. Grèce (ancien article 50), arrêt du 31 octobre 1995, série A no 330-B, § 34).

62. Le rôle du Comité des Ministres dans ce domaine ne signifie pas pour autant que les mesures prises par un Etat défendeur en vue de remédier à la violation constatée par la Cour ne puissent pas soulever un problème nouveau, non tranché par l'arrêt (arrêt Mehemi c. France (no 2), no 53470/99, § 43, CEDH 2003-IV, renvoyant aux arrêts Pailot c. France, 22 avril 1998, Recueil 1998-II, § 57, Leterme c. France,29 avril 1998, Recueil 1998-III, et Rando c. Italie, no 38498/97, § 17, 15 février 2000) et, dès lors, faire l'objet d'une nouvelle requête dont la Cour pourrait avoir à connaître. En d'autres termes, la Cour peut accueillir un grief selon lequel la réouverture d'une procédure au niveau interne, en vue d'exécuter l'un de ses arrêts, a donné lieu à une nouvelle violation de la Convention (Lyons et autres, précitée, p. 431 ; voir aussi dans ce sens, Hertel c. Suisse (déc.), no 3440/99, CEDH 2002-I).

63. Il convient de rappeler, dans ce contexte, les critères développés par la jurisprudence s'agissant de l'article 35 § 2 b), lequel commande de déclarer irrecevable une requête qui est « essentiellement la même qu'une requête précédemment examinée par la Cour (...), et (...) ne contient pas de faits nouveaux. » Dès lors, la Cour doit vérifier si les deux requêtes dont elle a été saisie par l'association requérante ont trait essentiellement à la même personne, aux mêmes faits et aux mêmes griefs (voir, mutatis mutandis, Pauger c. Autriche, no 24872/94, décision de la Commission du 9 janvier 1995, DR 80-A, p. 170, et Folgerø et autres c. Norvège (déc.), no 15472/02, du 14 février 2006).
ii. L'application à la présente affaire

64. En l'espèce, il y a lieu de rappeler qu'à la suite de l'arrêt de la Cour du 28 juin 2001, l'association requérante a saisi le Tribunal fédéral d'une demande de révision de l'arrêt rendu par celui-ci le 20 août 1997. Cette demande a été rejetée le 29 avril 2002. La haute juridiction suisse a notamment estimé que l'association requérante n'avait pas suffisamment démontré qu'elle avait encore un intérêt à la diffusion télévisée du spot dans sa version initiale, qui paraissait alors dépassé, presque huit ans plus tard. Entre-temps, l'association requérante s'était adressée de nouveau à « Publisuisse SA » pour solliciter la diffusion du spot litigieux muni du nouveau commentaire. Le 30 novembre 2001, « Publisuisse SA » a rejeté cette nouvelle demande. Un recours contre cette décision a été rejeté par l'Office fédéral de la communication le 3 mars 2003.

65. La Cour observe en particulier que pour rejeter la demande de révision en question, le Tribunal fédéral s'est fondé notamment sur des motifs nouveaux, à savoir qu'en raison du temps écoulé, l'association requérante aurait perdu tout intérêt à voir diffuser le spot. Par comparaison, un des arguments principaux avancés par les instances internes pour rejeter la demande de diffusion du spot télévisé lors de la première procédure intentée par l'association requérante tenait à l'interdiction de la propagande politique. Ainsi, de l'avis même du Tribunal fédéral, le contexte général avait évolué au point de justifier la question de savoir si l'association requérante avait conservé un intérêt à la diffusion du spot. Ceci suffit à permettre de conclure que les décisions de rejet postérieures à l'arrêt du 28 juin 2001 constituent des faits nouveaux susceptibles de donner lieu à une nouvelle atteinte à l'article 10.

66. Selon le Gouvernement, la présente affaire devrait être déclarée irrecevable ratione materiae, l'exécution des arrêts de la Cour relevant, en vertu de l'article 46 de la Convention, de la seule compétence du Comité des Ministres. A cet égard, la Cour rappelle tout d'abord qu'en vertu de l'article 32 § 1 de la Convention, sa compétence s'étend « à toutes les questions concernant l'interprétation et l'application de la Convention et de ses protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33, 34 et 47 ». Aux termes du paragraphe 2 de l'article 32, « (e)n cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ».

67. Cela dit, il ne saurait y avoir empiètement sur les compétences que le Comité des Ministres tire de l'article 46 là où la Cour connaît de faits nouveaux dans le cadre d'une nouvelle requête. De plus, en l'espèce, le Comité des Ministres a mis fin, par l'adoption de la Résolution ResDH (2003) 125, à sa surveillance de l'exécution de l'arrêt de la Cour du 28 juin 2001, sans toutefois avoir pris en compte l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 avril 2002 ayant rejeté la demande de révision de l'association requérante, faute pour le Gouvernement de l'en avoir informé. Sous cet angle également, le rejet en question constitue donc un élément nouveau. Si la Cour ne pouvait en connaître, il serait soustrait à tout contrôle au titre de la Convention.

68. Il convient dès lors de rejeter également l'exception préliminaire tirée de l'incompétence ratione materiae.
B. Sur le fond
1. Les thèses des parties
a) L'association requérante

69. L'association requérante ne partage pas le point de vue exprimé par les juges de la minorité de la chambre, selon lequel elle aurait soumis une nouvelle demande tendant à la diffusion du spot justement parce que le spot dans sa version initiale était dépassé. Elle précise à cette fin que le spot lui-même n'a pas été modifié, mais simplement accompagné d'une note déclarant que ce spot avait été censuré et que cette censure avait été considérée contraire à l'article 10 par la Cour. En tout état de cause, l'association requérante soutient qu'il n'appartient pas aux autorités suisses de déterminer si une opinion exprimée dans un spot télévisé est dépassée ou non.

70. L'association requérante considère également comme non pertinent l'argument des juges de la minorité selon lequel la révision de l'arrêt du Tribunal fédéral n'était pas nécessaire. Au contraire, elle rappelle que l'arrêt du Tribunal fédéral infirmé par la Cour figure toujours dans le Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral comme un arrêt de principe. Par ailleurs, elle fait valoir que le raisonnement du Tribunal fédéral dans son arrêt rendu à la suite de l'arrêt de la Cour témoigne du maintien de la censure.

71. D'après l'association requérante, l'arrêt de la chambre est bien fondé, puisqu'il prend suffisamment en compte les circonstances particulières de l'espèce.
b) Le Gouvernement

72. Le Gouvernement estime que l'atteinte à la liberté d'expression serait justifiée sous l'angle de l'article 10 § 2 de la Convention.

73. Pour le Gouvernement, la Grande Chambre pourrait être appelée à répondre à la question de savoir si la Suisse avait l'obligation positive, au regard de l'article 10 de la Convention, de contraindre « Publisuisse SA » à diffuser le spot litigieux. De l'avis du Gouvernement, une telle obligation ne saurait être admise que si les trois conditions suivantes sont remplies : 1) le spot ne viole pas l'interdiction de la « publicité politique », telle qu'interprétée à la suite du premier arrêt de la Cour ; 2) le spot n'enfreint pas non plus d'autres règles en matière de radiodiffusion (par exemple publicité déloyale, tromperie), et 3) « Publisuisse SA » n'a aucune marge de manoeuvre pour refuser le spot, même si elle peut invoquer, de son côté, des droits fondamentaux, tels que sa liberté contractuelle et/ou la liberté économique. En admettant que les deux premières conditions soient remplies, il resterait à examiner la pondération des intérêts en jeu. A cet égard, le Gouvernement soutient que, même si les conditions d'une obligation positive sont réunies, de plus fortes raisons militent en faveur de la conclusion que la Suisse n'a en l'espèce violé aucune obligation de la sorte.

74. Par ailleurs, le Gouvernement rappelle qu'un des éléments centraux de l'argumentation de la Cour dans le premier arrêt Verein gegen Tierfabriken (VgT) c. Suisse, du 28 mai 2001, était le fait que « les programmes télévisés nationaux de la SSR (...) sont les seuls programmes diffusés dans tout le pays ». Or, selon le Gouvernement, ce constat reflète la situation qui régnait en 1994, mais ne correspond plus à la réalité des années 2001 et 2002. En effet, il ressort des chiffres publiés qu'en 2001, 37 % des recettes brutes en matière de publicité télévisée étaient réalisées par les deux chaînes germanophones de la SSR, 27 % par les fenêtres publicitaires destinées spécifiquement aux spectateurs dans la partie germanophone de la Suisse, 15 % par les chaînes privées nationales et régionales. D'après le Gouvernement, l'on ne saurait prétendre que l'évolution technique intervenue depuis aurait réduit cette situation de concurrence. L'association requérante disposait donc réellement d'autres solutions pour faire diffuser le spot litigieux.

75. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement souscrit à l'opinion des juges de la minorité selon laquelle l'intérêt de l'association requérante à diffuser le spot n'était pas digne de protection. A cet égard, il estime qu'il faut prendre en compte, s'agissant d'apprécier le fond du grief, le fait que l'association requérante, simultanément à sa demande de révision, avait introduit un recours auprès de l' l'Office fédéral de la communication en vue d'obtenir l'autorisation de diffuser le spot muni du nouveau commentaire.
c) Le tiers intervenant

76. Le gouvernement tchèque soutient que si l'on pouvait, à la limite, admettre l'existence d'un droit du requérant de voir effacées autant que possible les conséquences d'une violation de la Convention, ce droit trouverait son fondement non pas dans la Convention, mais plutôt dans les principes généraux du droit international concernant la responsabilité des Etats. Or, ce droit n'étant pas garanti par la Convention elle-même en tant que droit de l'homme ou liberté fondamentale, la Cour n'est nullement appelée à en assurer le respect au titre de l'article 19 de la Convention.
2. L'appréciation de la Cour
a) L'arrêt de la chambre

77. La Cour rappelle tout d'abord que la chambre a estimé que le rejet de la demande de révision introduite par l'association requérante suite à l'arrêt de la Cour du 28 juin 2001 constituait une nouvelle ingérence dans l'exercice des droits garantis par l'article 10 § 1. Ayant laissé ouvertes les questions relatives à la base légale et aux buts légitimes de l'ingérence, la chambre a conclu à une violation de l'article 10 pour les raisons suivantes :
« 62. La Cour, dans son arrêt du 28 juin 2001, a considéré que la mesure litigieuse n'était pas « nécessaire dans une société démocratique », au motif, notamment, que les autorités n'avaient pas démontré de manière « pertinente et suffisante » en quoi les motifs généralement avancés pour légitimer l'interdiction de la publicité à caractère « politique » pouvaient servir à justifier l'ingérence dans les circonstances particulières du cas d'espèce( Verein gegen Tierfabriken (VgT), précité, § 75).
En l'occurrence, le Tribunal fédéral a rejeté la demande de révision de l'association requérante au motif que celle-ci n'avait pas assez expliqué en quoi consistaient « la modification de l'arrêt et la restitution demandées », exigence formelle requise par l'article 140 de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (paragraphe 20 ci-dessus).
Or, la Cour est d'avis que cette approche s'avère excessivement formaliste, étant donné qu'il découlait de l'ensemble des circonstances de l'espèce que la demande du requérant visait nécessairement la diffusion du spot litigieux, interdite par la haute juridiction elle-même le 20 août 1997.
De surcroît, le Tribunal fédéral a néanmoins ajouté que l'association requérante n'avait pas suffisamment démontré qu'elle avait encore un intérêt à la diffusion du spot litigieux dans sa version originale. Ainsi, le Tribunal fédéral s'est en réalité substitué à celle-là sur la question de savoir s'il existait encore un intérêt à la diffusion du spot litigieux. En revanche, il n'a pas exposé lui-même dans quelle mesure le débat public dans le domaine de l'élevage en batterie avait changé, ou avait perdu de son actualité, depuis le moment de la diffusion initialement prévue du spot en 1994.
63. Dès lors la Cour, tout en étant consciente de la marge d'appréciation dont disposaient les autorités suisses en la matière( Verein gegen Tierfabriken (VgT), précité, § 67), n'est pas convaincue que le Tribunal fédéral a appliqué le droit pertinent, conformément aux principes consacrés à l'article 10 de la Convention. Cela étant, les motifs invoqués par la haute juridiction suisse, considérés à la lumière de l'ensemble de l'affaire et compte tenu de l'intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté d'expression en des matières qui comportent indubitablement un intérêt général, n'apparaissent pas « pertinents et suffisants » pour justifier l'ingérence litigieuse. »
b) Obligation positive de l'Etat défendeur de prendre les mesures nécessaires afin de permettre la diffusion du spot télévisé
i. Remarques préliminaires

78. Contrairement à la chambre, la Grande Chambre estime opportun d'aborder la présente requête sous l'angle de l'obligation positive de l'Etat défendeur de prendre les mesures nécessaires afin de permettre la diffusion du spot litigieux.

79. Aux termes de l'article 1 de la Convention, les Etats contractants « reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis (...) [dans] la (...) Convention. » Ainsi que la Cour l'a dit dans l'affaire Marckx (précité, § 31 ; voir également Young, James et Webster c. Royaume-Uni, arrêt du 13 août 1981, série A no 44, § 49), à l'engagement plutôt négatif d'un Etat de s'abstenir de toute ingérence dans les droits garantis par la Convention « peuvent s'ajouter des obligations positives inhérentes » à ces droits.

80. A cet égard, la Cour rappelle l'importance de la liberté d'expression, qui constitue l'une des conditions préalables au bon fonctionnement de la démocratie. L'exercice réel et « effectif » de cette liberté ne dépend pas simplement du devoir de l'Etat de s'abstenir de toute ingérence, mais peut exiger des mesures positives (voir, mutatis mutandis, les arrêts Özgür Gündem c. Turquie, no 23144/93, §§ 42-46, CEDH 2000-III, et Fuentes Bobo c. Espagne, no 39293/98, § 38, 29 février 2000).

81. Pour déterminer s'il existe une obligation positive, il faut prendre en compte - souci sous-jacent à la Convention tout entière - le juste équilibre à ménager entre l'intérêt général et les intérêts de l'individu. L'étendue de cette obligation varie inévitablement, en fonction de la diversité des situations dans les Etats contractants et des choix à faire en termes de priorités et de ressources. Toutefois, cette obligation ne doit pas être interprétée de manière à imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif (voir, par exemple, les arrêts Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, § 116, et Appleby et autres c. Royaume-Uni, no 44306/98, § 40, CEDH 2003-VI).

82. Par ailleurs, la frontière entre les obligations positives et les obligations négatives de l'Etat au titre de la Convention ne se prête pas à une définition précise. Les principes applicables sont néanmoins comparables. Que l'on analyse l'affaire sous l'angle d'une obligation positive à la charge de l'Etat ou sous celui d'une ingérence des pouvoirs publics demandant une justification, les critères à appliquer ne sont pas différents en substance. Dans les deux cas, il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents en jeu (voir, mutatis mutandis, Sørensen et Rasmussen c. Danemark [GC], nos 52562/99 et 52620/99 CEDH 2006-I, § 58, et Hatton et autres c. Royaume-Uni [GC], no 36022/97, §§ 98 et suiv., CEDH 2003-VIII).
ii. Les principes en matière d'exécution des arrêts de la Cour

83. La Cour rappelle qu'il convient de lire la Convention comme un tout. Dans le contexte de la présente affaire, la question de savoir s'il y a eu une nouvelle violation de l'article 10 doit nécessairement être examinée en tenant compte de l'importance, dans le système de la Convention, de l'exécution effective des arrêts de la Cour conformément à l'article 46 de la Convention qui est libellé comme suit :
1. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.
2. L'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. »

84. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'un des traits les plus significatifs du système de la Convention réside dans le fait qu'il est doté d'un mécanisme de contrôle du respect de ses dispositions. Ainsi, la Convention n'impose pas seulement aux Etats parties le respect des droits et obligations qui en découlent, mais elle met également sur pied un organe juridictionnel, la Cour, habilité à constater des violations de la Convention dans le cadre d'arrêts définitifs auxquels les Etats parties se sont engagés à se conformer (article 19, combiné avec l'article 46 § 1). De surcroît, elle institue un mécanisme de surveillance de l'exécution des arrêts, sous la responsabilité du Comité des Ministres (article 46 § 2 de la Convention). Ce mécanisme démontre l'importance que revêt la mise en oeuvre effective des arrêts.

85. S'agissant des exigences de l'article 46, il y a lieu de rappeler tout d'abord que l'Etat défendeur reconnu responsable d'une violation de la Convention ou de ses Protocoles est tenu de se conformer aux décisions de la Cour dans les litiges auxquels il est partie. En d'autres termes, l'inexécution ou l'exécution lacunaire d'un arrêt de la Cour peut entraîner la responsabilité internationale de l'Etat partie. Celui-ci est appelé non seulement à verser aux intéressés les sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi à prendre des mesures individuelles et/ou, le cas échéant, générales dans son ordre juridique interne, afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d'en effacer les conséquences, l'objectif étant de placer le requérant, autant que possible, dans une situation équivalente à celle dans laquelle il se trouverait s'il n'y avait pas eu manquement aux exigences de la Convention (voir, parmi beaucoup d'autres, Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000-VIII, Assanidzé c. Georgie [GC], no 71503/01, § 198, CEDH 2004-II).

86. Ces obligations font écho aux principes de droit international selon lesquels un Etat responsable d'un acte illicite a le devoir d'assurer une restitution, laquelle consiste dans le rétablissement de la situation qui existait avant que l'acte illicite ne fût commis, pour autant que cette restitution ne soit pas « matériellement impossible et n'impose pas une charge hors de toute proportion avec l'avantage qui dériverait de la restitution plutôt que de l'indemnisation » (article 35 du projet d'articles de la Commission du droit international relatif à la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite, paragraphe 36 ci-dessus). En d'autres termes, si la restitution est la règle, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles l'Etat responsable se voit exonéré - en tout ou en partie - de l'obligation de restituer, à condition toutefois qu'il en établisse dûment l'existence.

87. En tout état de cause, les Etats défendeurs sont tenus de fournir au Comité des Ministres une information complète et à jour au sujet de l'évolution du processus d'exécution des arrêts qui les lient (voir la Règle 6 des Règles du Comité des Ministres pour la surveillance de l'exécution des arrêts et des termes des règlements amiables; paragraphe 35 ci-dessus). A cet égard, la Cour souligne l'obligation qui incombe aux Etats d'exécuter les traités de bonne foi, comme le rappellent notamment l'alinéa 3 du préambule ainsi que l'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 (paragraphe 37 ci-dessus).

88. Certes, l'Etat défendeur reste libre en principe, sous le contrôle du Comité des Ministres, de choisir les moyens de s'acquitter de ses obligations au titre de l'article 46 § 1 de la Convention, pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l'arrêt de la Cour (Scozzari et Giunta, précité, § 249, et Lyons et autres, précitée, p. 431). Cependant, dans certaines situations particulières, il est arrivé que la Cour ait estimé utile d'indiquer à un Etat défendeur le type de mesures à prendre pour mettre un terme à la situation - souvent structurelle - qui avait donné lieu à un constat de violation (voir, à titre d'exemple, Öcalan c. Turquie [GC], no 46221/99, § 210, CEDH 2005-IV, Popov c. Russie, no 26853/04, § 263, 13 juillet 2006). Parfois même, la nature de la violation constatée ne laisse pas de choix quant aux mesures à prendre (Assanidzé, précité, § 202).

89. S'agissant en particulier de la réouverture d'une procédure, il est clair que la Cour n'a pas compétence pour ordonner de telles mesures (voir, parmi d'autres, Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 261-C, § 47, et Pelladoah c. Pays-Bas, arrêt du 22 septembre 1994, série A no 297-B, § 44). Toutefois, lorsqu'un particulier a été condamné à l'issue d'une procédure entachée de manquements aux exigences de l'article 6 de la Convention, la Cour peut indiquer qu'un nouveau procès ou une réouverture de la procédure, à la demande de l'intéressé, représente en principe un moyen approprié de redresser la violation constatée (voir, parmi d'autres, Gençel c. Turquie, no 53431/99, § 27, 23 octobre 2003, Öcalan, précité, § 210, et Claes et autres c. Belgique, nos 46825/99, 47132/99, 47502/99, 49010/99, 49104/99, 49195/99 et 49716/99, § 53, 2 juin 2005). Cela correspond aux indications du Comité des Ministres qui, dans sa Recommandation R(2000)2, invite les Etats parties à la Convention à instaurer des mécanismes de réexamen de l'affaire et de réouverture de la procédure au niveau interne, considérant que ceux-ci représentent « le moyen le plus efficace, voire le seul, pour réaliser la restitutio in integrum » (paragraphe 33 ci-dessus).

90. En l'espèce, la chambre a estimé que la réouverture de la procédure au niveau interne pouvait constituer un aspect important de l'exécution des arrêts de la Cour. La Grande Chambre partage ce point de vue. Encore faut-il, toutefois, que cette réouverture permette aux autorités de l'Etat défendeur de se conformer aux conclusions et à l'esprit de l'arrêt de la Cour à exécuter, dans le respect des garanties procédurales de la Convention. Il en va d'autant plus ainsi quand le Comité des Ministres se contente, comme en l'espèce, de constater l'existence d'une procédure de révision sans en attendre l'issue. En d'autres termes, la réouverture d'une procédure ayant violé la Convention n'est pas une fin en soi, elle n'est qu'un moyen - certes privilégié - susceptible d'être mis en oeuvre en vue d'un objectif : l'exécution correcte et entière des arrêts de la Cour. Dès lors que celle-ci constitue le seul critère d'évaluation du respect de l'article 46 § 1, lequel critère est le même pour tous les Etats contractants, il n'en résulte aucune discrimination entre ceux qui ont introduit une procédure de révision dans leur ordre juridique et les autres.
iii. Application de ces principes au cas d'espèce

91. La Cour doit vérifier si, à la lumière de l'importance que revêt l'exécution de ses arrêts dans le système de la Convention et des principes qui régissent la matière, une obligation positive pesait sur l'Etat défendeur de prendre les mesures nécessaires afin de permettre la diffusion du spot litigieux à la suite de l'arrêt de la Cour ayant constaté une violation de l'article 10. Pour déterminer s'il existe une telle obligation, il faut prendre en compte le juste équilibre à ménager entre l'intérêt général et les intérêts de l'individu.

92. La Cour rappelle que l'article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le domaine du discours politique ou, comme ici, des questions d'intérêt général (Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A no 103, § 42, Castells c. Espagne du 23 avril 1992, série A no 236, § 43, Thorgeir Thorgeirson c. Islande du 25 juin 1992, série A no 239, § 63, Wingrove c. Royaume-Uni, arrêt du 25 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, § 58, et Monnat c. Suisse, no 73604/01, § 58, CEDH 2006-X). Il en va d'autant plus ainsi en l'espèce, eu égard à l'arrêt de la Cour du 28 juin 2001. En outre, le spot télévisé portait sur l'élevage des porcs en batterie. Ayant trait à la santé des consommateurs ainsi qu'à la protection des animaux et de l'environnement, il présentait donc un intérêt public certain.

93. La Cour note également que le spot télévisé n'a jamais été diffusé, même pas après l'arrêt de la Cour ayant jugé sa non diffusion comme contraire à la liberté d'expression. Or, les restrictions préalables à une publication présentent de si grands dangers qu'elles appellent l'examen le plus scrupuleux (Sunday Times c. Royaume-Uni (no 2), 26 novembre 1991, § 51, série A no 217, et Dammann c. Suisse, no 77551/01, § 52, 25 avril 2006).

94. Par ailleurs, dans son arrêt du 28 juin 2001, la Cour a déjà considéré que l'ingérence litigieuse n'était pas nécessaire dans une société démocratique, au motif notamment que les autorités n'avaient pas démontré de manière pertinente et suffisante en quoi les motifs généralement avancés pour légitimer l'interdiction de la publicité à caractère « politique » pouvaient servir à justifier l'ingérence dans les circonstances particulières de l'espèce ( Verein gegen Tierfabriken (VgT), précité, § 75). Par la suite, le Tribunal fédéral a rejeté la demande de révision de l'association requérante au motif que celle-ci n'avait pas suffisamment indiqué en quoi devaient consister, selon elle, « la modification de l'arrêt et la restitution demandées », exigence formelle prévue par l'article 140 de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (paragraphe 29 ci-dessus). Sur ce point, la Grande Chambre partage l'avis exprimé par la chambre, au paragraphe 62 de son arrêt, qui trouve cette approche excessivement formaliste dans un contexte où il découle de l'ensemble des circonstances que la demande de l'association requérante visait nécessairement la diffusion du spot litigieux, interdite par la haute juridiction elle-même le 20 août 1997.

95. Le Tribunal fédéral a considéré également que l'association requérante n'avait pas suffisamment démontré qu'elle avait encore un intérêt à la diffusion du spot litigieux. Comme la chambre l'a observé au paragraphe 62 de son arrêt, le Tribunal fédéral s'était ainsi substitué à l'association requérante à qui seule il revenait, à ce stade, d'apprécier la persistance d'un intérêt à la diffusion du spot litigieux. La Grande Chambre partage ce point de vue. Elle observe également que l'intérêt que présente pour le public la diffusion d'une publication ne diminue pas nécessairement avec le passage du temps (voir, en ce sens, Editions Plon c. France, no 58148/00, § 53, CEDH 2004-IV). Du reste, le Tribunal fédéral n'a pas non plus exposé lui-même dans quelle mesure le débat public dans le domaine de l'élevage en batterie aurait changé, ou aurait perdu de son actualité, depuis le moment de la diffusion initialement prévue du spot, en 1994. Il n'a pas non plus démontré qu'après l'arrêt de la Cour du 28 juin 2001 les circonstances auraient changé au point de mettre en doute la validité des motifs à l'appui desquels la Cour avait constaté la violation de l'article 10. Enfin, il y a lieu de rejeter également l'argument selon lequel l'association requérante aurait disposé d'autres solutions pour faire diffuser le spot litigieux, notamment en faisant appel aux chaînes privées et régionales, car il vise à faire porter par des tiers, voire par l'association requérante elle-même, une responsabilité qui incombe uniquement aux autorités nationales : celle de donner la suite qui convient à un arrêt de la Cour.

96. En outre, la thèse selon laquelle la diffusion du spot télévisé risquerait d'être perçue comme désagréable, notamment par les consommateurs ou les commerçants et producteurs de viande, n'est pas de nature à justifier le maintien de l'interdiction du spot. La Cour rappelle, à cet égard, que la liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique » (Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A no 24, Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, § 55, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, Murphy c. Irlande, no 44179/98, § 72, CEDH 2003-IX (extraits), et Monnat, précité, § 55).

97. La Cour rappelle enfin qu'il appartient aux Etats contractants d'organiser leurs juridictions de manière à leur permettre de répondre aux exigences de la Convention (voir, mutatis mutandis, Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 22, CEDH 1999-V, avec la jurisprudence citée). Ce principe s'applique également à l'exécution des arrêts de la Cour. Il n'est donc pas pertinent non plus dans ce contexte d'affirmer, comme le fait le Gouvernement, que de toute façon le Tribunal fédéral n'aurait pas pu ordonner la diffusion du spot litigieux à la suite de l'arrêt de la Cour. Il en va de même de l'argument d'après lequel l'association requérante aurait dû engager une procédure civile.
iv. Conclusion

98. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que les autorités suisses ont manqué à leur obligation positive découlant en l'espèce de l'article 10 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition.
II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

99. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage

100. L'association requérante ne demande aucun montant pour dommage matériel ou moral.
B. Frais et dépens

101. L'association requérante réclame 4 000 EUR au titre de frais et dépens pour la procédure devant la Grande Chambre.

102. Le Gouvernement invite la Cour, compte tenu du mémoire plutôt succinct du représentant de l'association requérante, à réduire ce montant de manière adéquate.

103. A la lumière des éléments en sa possession et des critères dégagés dans sa jurisprudence, la Cour estime raisonnables les prétentions de l'association requérante. Partant, elle octroie à l'intéressée la somme de 4 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par l'association requérante, au titre des frais et dépens pour les frais exposés devant la Grande Chambre.
C. Intérêts moratoires

104. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.


Entscheid

PAR CES MOTIFS, LA COUR,
1. Rejette, par quinze voix contre deux, l'exception préliminaire du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes ;
2. Rejette, par onze voix contre six, l'exception préliminaire du Gouvernement tirée de l'incompétence ratione materiae de la Cour ;
3. Dit, par onze voix contre six, qu'il y a eu violation de l'article 10 ;
4. Dit, par onze voix contre six
a) que l'Etat défendeur doit verser à l'association requérante, dans les trois mois, la somme de 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par l'association requérante, pour frais et dépens, à convertir en francs suisses au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des droits de l'homme, Strasbourg, le 30 juin 2009.
Erik Fribergh      Greffier
Jean-Paul Costa      Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l'exposé des opinions suivantes :
(a) opinion dissidente du juge Malinverni, à laquelle se rallient les juges Bîrsan, Myjer et Berro-Lefèvre ;
(b) opinon dissidente du juge Sajó ;
(c) opinion dissidente du juge Power.
J.-P.C.
E.F.
OPINION DISSIDENTE DU JUGE MALINVERNI, À LAQUELLE SE RALLIENT LES JUGES BÎRSAN, MYJER ET BERRO-LEFÈVRE
1. A mon grand regret, je ne suis pas en mesure de me rallier aux conclusions auxquelles parvient la majorité. Mon avis diverge de celui exprimé par mes collègues sur deux questions qui me paraissent centrales dans la présente affaire : celle de la compétence de la Cour dans le domaine de l'exécution de ses propres arrêts, et celle des obligations qui incombent aux États au niveau de l'exécution de ces mêmes arrêts.
I
2. Selon l'article 46 § 2, l'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres, qui en surveille l'exécution. La Convention ne confère ainsi à la Cour aucune compétence en matière d'exécution de ses arrêts. La surveillance de cette exécution échappe à la compétence de la Cour pour être confiée à un organe politique, le Comité des Ministres.
3. Certes, dans un second arrêt, la Cour peut examiner des faits nouveaux, sur lesquels elle ne s'était pas penchée dans son arrêt antérieur, même si ceux-ci se sont produits dans le cadre de la procédure d'exécution de cet arrêt. La question qui se pose est donc celle de savoir s'il y a eu, dans le cas d'espèce, un fait nouveau justifiant la compétence ratione materiae de la Cour.
4. Rappelons les faits : après le premier arrêt rendu par la Cour, la requérante a saisi le Tribunal fédéral d'une demande de révision de son premier arrêt, sur la base de l'article 139a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ). Le 29 avril 2002, le Tribunal fédéral a rejeté cette demande. Le Comité des Ministres, quant à lui, a adopté le 22 juillet 2003 la résolution Rés DH (2003) 125, par laquelle il mettait un terme à la surveillance de l'exécution de l'arrêt.
5. Il est vrai que le Comité des Ministres n'avait pas été informé du rejet de la demande de révision par le Tribunal fédéral. Il n'en demeure pas moins que, dans cette résolution, le Comité des Ministres s'est dit satisfait des mesures individuelles et générales prises par la Suisse pour exécuter l'arrêt de la Cour.
6. Ces mesures comprenaient la publication de l'arrêt, le versement de la satisfaction équitable (article 41) et le fait que la requérante avait pu déposer une demande de révision selon l'article 139a OJ. En d'autres termes, le Comité des Ministres n'a pas estimé nécessaire de faire dépendre l'adoption de sa résolution de la suite, positive ou négative, que le Tribunal fédéral donnerait à la demande de révision. Selon moi, l'adoption de la résolution par le Comité des Ministres a mis un terme définitif à l'examen de l'affaire sur le plan international.
7. Même à supposer que le Comité des Ministres ait commis une erreur, en adoptant sa résolution de manière prématurée, c'est-à-dire avant de connaître l'issue de la demande de révision, il n'appartient à mon avis pas à la Cour, mais, le cas échéant, au Comité des Ministres lui-même de réparer cette erreur.
8. Quoi qu'il en soit, la question qui se posait à la Cour était celle de savoir si le deuxième refus opposé par les autorités internes de diffuser le spot télévisé litigieux était un fait nouveau. La Cour s'est exprimée à maintes reprises sur la notion de fait nouveau, dans le contexte de la réouverture d'une procédure nationale suite à l'un de ses arrêts.
9. L'arrêt Mehemi c. France (no 2) (no 53470/99, CEDH 2003-IV, § 43) constitue un exemple d'une affaire dans laquelle la Cour a admis l'existence de faits nouveaux et s'est déclarée compétente pour examiner la compatibilité avec la Convention des mesures prises par l'État défendeur à la suite de son premier arrêt. Les faits nouveaux étaient les suivants : transformation de l'expulsion définitive du requérant en une interdiction du territoire d'une durée de dix ans et octroi d'un visa spécial lui permettant de revenir en France. Ces mesures avaient été prises postérieurement au premier arrêt rendu par la Cour, et celle-ci s'est déclarée compétente pour en connaître. La seconde requête avait en effet un objet différent de la première. De même, dans la décision Hertel c. Suisse ((déc.) no 53440/99, CEDH 2002-I), la Cour a jugé qu'une interdiction partielle plutôt qu'une interdiction totale était constitutive d'un fait nouveau.
10. A part ces quelques exemples, la plupart des arrêts de la Cour révèlent que le simple refus de procéder à la réouverture d'une procédure nationale suite à un arrêt rendu par la Cour ne constitue pas un fait nouveau, et ceci même lorsque le requérant continue à subir les effets négatifs d'un jugement national rendu en violation de la Convention.
11. L'affaire Lyons et autres c. Royaume-Uni du 8 août 2003 ((déc.), no 15227/03, CEDH 2003-IX), dans laquelle la Cour avait constaté dans un premier arrêt une violation de l'article 6, en constitue une parfaite illustration. Selon la Cour, la procédure que les requérants cherchaient à contester tirait son origine d'une instance antérieure. Dans sa décision, la Cour fut donc d'avis que l'argument des requérants selon lequel le Royaume-Uni avait commis une nouvelle violation de l'article 6 se fondait sur l'idée que, en refusant d'annuler leurs condamnations ou d'ordonner un nouveau procès, les autorités internes avaient failli à leur obligation de donner effet au premier arrêt de la Cour. Cette dernière fut toutefois d'avis que l'État défendeur avait le choix des moyens pour s'acquitter de son obligation juridique au regard de l'article 46. Elle n'était donc pas compétente pour dire qu'un État avait enfreint la Convention pour le simple motif qu'il n'avait pas pris telle ou telle mesure dans le cadre de l'exécution de l'un de ses arrêts.
12. Les principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour semblent donc être les suivants : si, suite à la réouverture de la procédure, l'État défendeur a modifié la situation du requérant, l'on se trouve en présence de faits nouveaux et la Cour est normalement compétente (jurisprudence Mehemi ) ; par ailleurs, le refus des autorités nationales de rouvrir une procédure suite à un arrêt de condamnation prononcé par la Cour ne représente en principe pas un fait nouveau (jurisprudence Lyons ).
13. Contrairement à la majorité, je suis d'avis que le refus du Tribunal fédéral de procéder à la révision de son premier arrêt ne doit pas être considéré comme un fait nouveau non tranché par le premier arrêt de la Cour. Je pense au contraire que le refus de rouvrir une procédure nationale ne constitue pas un fait nouveau et ne fonde pas la compétence ratione materiae de la Cour.
14. Le fait que, dans l'affaire Lyons était en cause l'article 6 et, dans la présente affaire, l'article 10, ne suffit pas à justifier la différence entre cette première affaire et la conclusion à laquelle parvient la majorité. Le deuxième refus opposé par les autorités suisses de diffuser le spot litigieux ne constitue pas non plus un fait nouveau. Le spot était en effet exactement le même que celui qui avait essuyé le premier refus, sauf qu'il était précédé de la mention selon laquelle la Cour avait condamné la Suisse.
15. Je parviens donc à la conclusion selon laquelle la Cour n'est pas compétente ratione materiae pour traiter de la présente requête.
16. J'aimerais rappeler à cet effet que l'article 16 § 4 du Protocole additionnel no 14, qui n'est certes pas encore en vigueur, confère au Comité des Ministres, et à lui seul, la tâche de contrôler l'exécution des arrêts de la Cour. Lorsqu'un État refuse d'exécuter un arrêt, le recours en manquement devant la Cour ne pourra en effet être introduit que par le Comité des Ministres, à l'exclusion des particuliers.
II
17. Cette première conclusion est encore renforcée si l'on examine les obligations qui incombent aux États suite à un arrêt de condamnation prononcé par la Cour.
18. Il convient à cet effet de rappeler que si les arrêts de la Cour sont obligatoires (article 46), les États ont la liberté de choisir les moyens pour s'y conformer. Sauf exceptions (voir, par exemple, l'arrêt Assanidzé c. Géorgie [GC] (no 71503/01, CEDH 2004-II), les arrêts de la Cour imposent ainsi aux États une obligation de résultat, leur laissant en principe le libre choix des moyens pour y parvenir. En particulier, la Convention n'impose pas aux États l'obligation de procéder à la révision des procès internes suite à un arrêt de condamnation prononcé par la Cour. Cette possibilité relève de leur pouvoir discrétionnaire, même si, dans des arrêts portant sur l'article 6, la Cour a encouragé souvent les États à retenir cette solution, surtout en matière pénale.
19. La Suisse a introduit dans son droit interne une procédure de révision des arrêts du Tribunal fédéral suite à un arrêt de condamnation prononcé par la Cour. Cette possibilité de demander la révision du procès n'est toutefois pas absolue, mais soumise à des conditions. D'abord, l'article 139a OJ (article 122 de la loi actuellement en vigueur) prévoyait que la demande de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral n'était recevable que lorsque la réparation ne pouvait être obtenue que par la voie de la révision (principe de la subsidiarité). Ensuite, et surtout, l'article 140 disposait que la demande de révision devait indiquer, avec preuves à l'appui, le motif de la révision invoquée et s'il avait été articulé en temps utile. Elle devait en outre préciser en quoi consistaient la modification de l'arrêt et la restitution demandée.
20. Le droit suisse autorise ainsi la victime d'une violation de la Convention à demander la révision, mais en aucun cas celui de l'obtenir, et encore moins dans le sens qu'elle souhaite.
21. Les motifs pour lesquels le Tribunal fédéral a rejeté la demande de révision sont les suivants : d'abord la requérante n'avait pas apporté la preuve que la révision était la seule voie de réparation possible. Pour le Tribunal fédéral, d'autres voies de droit, en particulier des actions fondées sur le droit civil et le droit de la concurrence, étaient à sa disposition pour contester le nouveau refus de diffuser le spot litigieux (voir le § 41 de l'arrêt). Le deuxième refus de Publisuisse S.A. de diffuser le spot aurait donc dû faire l'objet non pas d'une demande de révision, mais d'une procédure distincte. La procédure de révision n'était pas, en l'espèce, la voie de recours appropriée pour obtenir la diffusion du spot, même dans sa version initiale, puisque le Tribunal fédéral n'aurait de toute façon pas pu ordonner la diffusion dans le cadre de cette procédure (voir le § 39 de l'arrêt). Seule la voie civile, qui n'a pas été utilisée par la requérante, aurait permis d'examiner la question de savoir si Publisuisse S.A. était tenue de diffuser le spot.
22. En outre, la requérante n'avait pas indiqué en quoi devait consister la modification de l'arrêt. Enfin, elle n'avait pas démontré qu'elle avait encore un intérêt à diffuser le spot. De l'avis des juges fédéraux, vu le laps de temps qui s'était écoulé depuis la première demande adressée à Publisuisse S.A. de transmettre le spot litigieux, cet intérêt n'était plus actuel. A ce propos, je ne saurais partager l'avis de la majorité, selon lequel le Tribunal fédéral se serait ainsi substitué à la requérante, à laquelle seule revenait, à ce stade, d'apprécier la persistance d'un intérêt à la diffusion du spot litigieux (voir le § 95 de l'arrêt). La Cour a en effet toujours reconnu que les États sont libres de soumettre la saisine des tribunaux à des conditions de recevabilité, dont celle de l'intérêt à agir, et que les tribunaux jouissent d'une marge d'appréciation étendue sur la question de savoir si ces conditions sont remplies.
23. Je ne pense pas que, en refusant de réviser son arrêt, le Tribunal fédéral ait fait preuve de formalisme excessif. La demande de révision n'était tout simplement pas compatible avec les exigences figurant à l'article 140 OJ.
24. Si un État prévoit, dans son ordre juridique interne, la voie de la révision, il faut lui reconnaître le droit de la soumettre à des conditions de recevabilité, comme pour tout recours. Dans cette matière, toute automaticité est exclue. Un arrêt de condamnation de la Cour ne confère pas au requérant le droit d'obtenir de manière automatique la révision de l'arrêt interne et un jugement qui lui soit favorable.
25. L'avis exprimé par la majorité est susceptible de conduire à un effet pervers : il pénalise les États qui, dans le souci d'une meilleure exécution des arrêts de la Cour, ont introduit dans leur ordre juridique interne un mécanisme de révision. En effet, les États qui n'ont pas introduit un tel mécanisme n'ont pas à craindre un second constat de violation ; ceux qui l'ont fait courent en revanche ce risque. Comme l'ont relevé fort justement les juges Jaeger et Borrego Borrego dans leur opinion dissidente à l'arrêt de la Chambre, « un résultat défavorable au requérant ne saurait être considéré comme moins conforme à la Convention que l'absence d'une telle [= de révision] procédure ».
26. Le raisonnement tenu par la majorité risque de créer une inégalité entre deux catégories d'États : ceux qui ont prévu la procédure de révision, et les autres. Il pourrait contribuer à décourager les États qui ne l'ont pas déjà fait de créer des mécanismes internes de révision des arrêts des Cours suprêmes nationales suite à des arrêts de condamnation prononcés par la Cour.
27. En conclusion, je suis d'avis que, en refusant de donner suite à la demande de l'association requérante, les autorités suisses ne se sont pas rendues responsables d'une seconde violation de l'article 10. Tout en reconnaissant l'importance que revêt, dans le système de la Convention, la bonne exécution des arrêts rendus par la Cour, je ne suis pas en mesure de me rallier à l'affirmation de la majorité selon laquelle une obligation positive pesait sur l'État défendeur de prendre les mesures nécessaires afin de faire diffuser le spot télévisé à la suite de l'arrêt de la Cour ayant constaté une violation de l'article 10.
28. Quelle aurait été la réaction de la majorité si, contrairement à ce qu'il a fait, le Tribunal fédéral avait déclaré la demande de révision recevable, était entré en matière sur le fond, mais aurait confirmé son premier arrêt au lieu de l'annuler - Prétendre qu'il y aurait eu dans pareil cas violation de la Convention reviendrait à conférer aux arrêts de la Cour un effet cassatoire indirect, ce que l'on ne saurait aucunement déduire de l'article 46 § 1.
OPINION DISSIDENTE DU JUGE SAJÓ
(Traduction)
J'ai conclu à l'irrecevabilité de la requête.
Dans l'arrêt qu'elle a rendu en 2001 (ci-après « l'arrêt initial »), la Cour n'a pas ordonné à l'Etat défendeur de prendre des mesures particulières. Au contraire, elle a pris soin de préciser que « son arrêt a[vait] un caractère essentiellement déclaratoire » (paragraphe 78 de l'arrêt initial). Il en résulte qu'il appartient aux Etats contractants de déterminer les modalités de la télédiffusion des messages publicitaires de façon à satisfaire aux obligations que la Convention met à leur charge.
Le dispositif de l'arrêt initial énonce que l'article 10 de la Convention a été violé mais n'impose pas d'obligation particulière à l'Etat défendeur. Dans sa requête, l'association requérante n'a pas demandé l'application d'une mesure de réparation spécifique (paragraphe 3 de l'arrêt initial).
Le 31 octobre 2001, l'association requérante s'adressa de nouveau à « Publisuisse SA », afin de diffuser le même spot muni d'un commentaire qui faisait référence à l'arrêt de la Cour et critiquait le comportement de la SSR et des autorités suisses.
Le 30 novembre 2001, Publisuisse S.A. refusa d'autoriser la diffusion du spot en question. Saisi d'un recours exercé par l'association requérante, l'Office fédéral de la communication lui fit savoir en 2003 qu'il n'était pas habilité à contraindre Publisuisse S.A. à diffuser le spot. L'intéressée n'a pas exercé les recours de droit administratif et de droit civil dont elle disposait pour contester la décision de l'Office fédéral de la communication, se bornant à introduire une requête devant la Cour.
Au lendemain du refus de Publisuisse S.A. de diffuser le spot litigieux, et parallèlement à l'exercice du recours ouvert contre ce type de décision, l'intéressée saisit le Tribunal fédéral d'une demande de révision de l'arrêt du 20 août 1997, par lequel il avait entériné le refus de diffusion initial. Le Tribunal fédéral conclut au rejet de cette demande au motif que l'association requérante n'avait pas démontré la nécessité de la révision sollicitée, condition nécessaire au réexamen d'une affaire en droit suisse. Il est vrai que l'arrêt du Tribunal fédéral jugé contraire à l'article 10 de la Convention par l'arrêt initial de la Cour ne mettait pas obstacle aux démarches entreprises par l'intéressée pour obtenir la diffusion du spot litigieux. Le refus de diffusion opposé par Publisuisse S.A. était fondé sur d'autres motifs. Le recours exercé contre cette décision était encore pendant au moment où le Tribunal fédéral a rejeté la demande de révision.
Au paragraphe 19 de l'arrêt, le spot litigieux est décrit comme étant identique au spot initial à ceci près qu'il était « muni d'un commentaire qui faisait référence à l'arrêt de la Cour et critiquait le comportement de la [Société suisse de radiodiffusion et de télévision] et des autorités suisses».
L'ajout de ce commentaire modifiait considérablement le contenu du message publicitaire initial. Dans sa nouvelle version, celui-ci renfermait une critique des autorités - élément inédit - et cherchait à tirer parti d'une condamnation officielle. Sa portée dépassait celle du spot initial, qui se bornait à dénoncer les conditions d'élevage des porcs. Le Tribunal fédéral a relevé que l'association requérante entendait faire savoir au public que la Cour avait conclu à la violation de sa liberté d'expression et en a conclu que la publicité litigieuse s'en trouvait modifiée (point 3.3 de l'arrêt du Tribunal fédéral cité au paragraphe 23 de l'arrêt de la Cour). Dans son appréciation des faits, la haute juridiction a estimé qu'il ne s'agissait plus du même spot. En principe, les juridictions nationales sont les mieux placées pour apprécier les faits, et la Cour n'a pas de raison de s'écarter des constats opérés par le Tribunal fédéral en l'espèce.
Si l'arrêt initial précise que les actes de Publisuisse S.A. engagent la responsabilité de l'Etat suisse et que celle-ci est tenue au respect de l'article 10 de la Convention, on ne saurait cependant en déduire qu'il lui incombait d'autoriser la diffusion de la nouvelle version du spot publicitaire dans un paysage audiovisuel qui n'était plus le même en 2001 et dans le contexte d'un débat dont les termes avaient changé. Pour autant que l'intéressée se plaigne d'une violation de ses droits au titre de l'article 10, son grief porte en partie sur une nouvelle ingérence. Compte tenu des mutations que le marché de la radiotélévision a connues, Publisuisse S.A. n'aurait pu faire l'économie d'un examen de la demande de l'association requérante même si elle n'avait porté que sur la version initiale du spot litigieux. Le contexte politique et les termes du débat avaient pu changer au cours des sept années qui s'étaient écoulées entre la première et la seconde demande d'autorisation de diffusion. Le paysage audiovisuel avait pu se diversifier ou se concentrer et les possibilités de communiquer des idées se multiplier ou se raréfier, entraînant une redéfinition des intérêts commerciaux des diffuseurs. En matière de diffusion obligatoire de messages publicitaires, des considérations spéciales militent en faveur d'une appréciation et d'un contrôle judiciaires distincts. Imposée à des entités privées, l'obligation de diffuser de tels messages crée des restrictions à la propriété privée et aux intérêts des diffuseurs en matière d'information. Elle porte atteinte à la substance même du droit d'expression. Elle pourrait nuire à la liberté éditoriale si elle devait être prescrite dans un contexte qui a changé. L'obligation de diffusion de messages publicitaires - même (et en particulier) à contenu politique - constituant une ingérence de grande ampleur dans la liberté d'expression des diffuseurs/éditeurs au nom de la sauvegarde des intérêts d'autrui en matière de commerce et de communication, une prudence extrême s'impose. Dans ce domaine, l'automaticité n'est pas de règle, contrairement au principe qui s'applique dans les affaires où sont en cause des décisions de justice ordonnant l'exécution d'obligations pécuniaires. Même guidée par la volonté louable de réduire les inégalités entre le « fort » et le « faible », la Cour doit interpréter les obligations positives des Etats au titre de l'article 10 avec la plus grande circonspection lorsqu'il s'agit de leur imposer l'obligation de diffuser des messages publicitaires de quelque nature que ce soit car ce sera aux Etats, qui disposent dans le domaine de la communication des pouvoirs les plus étendus et ne sont pas neutres, qu'il appartiendra de déterminer quelle est la partie « faible » à favoriser, et donc le point de vue dont la diffusion doit être privilégiée. En soi attentatoire au droit de s'exprimer, le fait de contraindre un distributeur à rendre public un message publicitaire revient aussi à lui imposer un discours, même si la mention du caractère publicitaire du message permet en principe de dissocier dans une certaine mesure la position du distributeur des vues exprimées dans le message diffusé.
A mes yeux, le rejet de la demande de révision n'emporte pas violation des obligations de l'Etat défendeur au titre de l'exécution des arrêts de la Cour, l'arrêt déclaratoire initialement rendu par elle ne prescrivant pas de remède particulier. L'Etat défendeur est libre de choisir le redressement approprié pourvu qu'il respecte le système de contrôle mis en place par la Convention. Comme l'a relevé le juge Malinverni dans son opinion dissidente - à laquelle les juges Bîrsan, Myjer et Berro-Lefèvre ont déclaré se rallier - il appartient aux Etats de déterminer la manière dont il convient pour eux de satisfaire à leurs obligations en matière d'exécution, au moins en ce qui concerne certaines catégories d'arrêts.
OPINION DISSIDENTE DE LA JUGE POWER
(Traduction)
J'ai voté avec la minorité dans la présente affaire pour deux raisons. En premier lieu, j'estime que le grief tiré du maintien du refus de la diffusion du spot télévisé litigieux doit être déclaré irrecevable ratione materiae en application des dispositions de l'article 35 § 2 b). En second lieu, si tant est que le refus de diffusion des commentaires additionnels et critiques formulés par l'association requérante puisse s'analyser en une nouvelle violation de la liberté d'expression de l'intéressée, je considère que celle-ci n'a pas satisfait à l'exigence d'épuisement des voies de recours posée par l'article 35 § 1 de la Convention.
Pour autant que la requérante dénonce le maintien du refus de la diffusion d'un spot télévisé déterminé, force m'est de constater que sa requête est « essentiellement la même » (en ce qui concerne les parties, les faits et les griefs) que celle sur laquelle la Cour s'est prononcée dans son arrêt du 28 juin 2001, où elle a conclu à la violation de l'article 10 de la Convention[1]. Je ne souscris pas à l'avis de la majorité selon lequel les observations assez brèves du Tribunal fédéral sur la question de savoir si l'association requérante avait encore un intérêt à la diffusion du spot télévisé formulées dans un arrêt rejetant une demande de révision pour non-respect des impératifs du droit interne sont à elles seules constitutives d'une ingérence dans la liberté d'expression de l'intéressée. A mes yeux, ces observations ne soulèvent aucune question revêtant un caractère essentiellement « nouveau » et n'offrent pas à la Cour une base suffisamment solide pour justifier un second examen de la requête initiale.
Quand bien même le rejet de la demande de révision pourrait soulever une question au regard de l'article 46, il n'en demeurerait pas moins certain que la Convention ne confère à la Cour aucune compétence quant à l'exécution des arrêts rendus par elle.
Pour autant que la requête sous examen comporte un élément « nouveau », ce dont je suis entièrement convaincue, je dois conclure que l'association requérante n'a pas épuisé les voies de droit internes en ce qui le concerne. En octobre 2001, elle invité Publisuisse S.A. à l'autoriser à diffuser le même spot télévisé que celui qui était en cause dans l'arrêt rendu par la Cour en juin 2001. Cependant, elle a aussi demandé l'autorisation de communiquer au public une importante information complémentaire présentant pour lui un intérêt certain. Il s'agissait d'un commentaire de l'intéressée faisant référence à l'arrêt de la Cour et critiquant le comportement de la Société suisse de radiodiffusion et de télévision ainsi que celui des autorités suisses (paragraphe 19 de l'arrêt). La demande de la requérante fut rejetée le 30 novembre 2001. Le lendemain, elle saisit le Tribunal fédéral d'une demande de révision de l'arrêt qu'il avait précédemment rendu le 20 août 1997 et par lequel il s'était exclusivement prononcé sur le premier refus de la diffusion du spot litigieux.
La thèse selon laquelle le refus de diffusion du commentaire critique de l'intéressée s'analyse en une ingérence supplémentaire ou « nouvelle » à la liberté d'expression de celle-ci et constitue pour elle une base suffisante pour invoquer un nouveau grief de violation de l'article 10 de la Convention est parfaitement défendable. La requérante est fondée à savoir quel est le but légitime - si tant est qu'il y en ait un -poursuivi par la restriction de son droit à communiquer des informations au public et, le cas échéant, quel « besoin social impérieux » justifie une ingérence aussi grave dans sa liberté d'expression. Cela étant, la Convention renferme des règles précises sur la recevabilité des requêtes. L'une d'elles, énoncée à l'article 35 § 1, dispose que la Cour ne peut être saisie qu'après épuisement des voies de recours internes. Le principe de subsidiarité veut que le contrôle exercé par la Cour de Strasbourg n'intervienne qu'en dernier ressort et fait peser sur les Parties contractantes la responsabilité première de remédier aux violations de la Convention. Dans ces conditions, à supposer que l'association requérante ait subi une nouvelle atteinte à la liberté d'expression qui lui est reconnue, il lui appartenait d'exercer à nouveau un recours pour y remédier et elle avait l'obligation légale d'épuiser toutes les voies de droit internes disponibles dans le cadre de son action avant de porter ses griefs devant la Cour.
Il apparaît que la requérante a effectivement intenté une nouvelle procédure en saisissant l'Office fédéral de la communication. Toutefois, au lieu d'attendre l'issue de ce recours, elle a cherché à faire examiner son nouveau grief d'atteinte à sa liberté d'expression en l'incorporant, de manière rétrospective, dans une demande de révision de l'arrêt précédemment rendu par le Tribunal fédéral. Je souscris à la thèse de l'Etat défendeur selon laquelle la procédure de révision portant sur le refus initial de la diffusion du spot litigieux ne constituait manifestement pas un cadre approprié pour l'appréciation de la compatibilité du refus ultérieur de Publisuisse S.A. de diffuser des informations complémentaires et nouvelles avec la liberté d'expression de la requérante. Dans son arrêt du 29 avril 2002, le Tribunal fédéral a relevé que la procédure suivie devant l'Office fédéral de la communication était « toujours pendante ». Malgré cela, l'intéressée a introduit sa requête devant la Cour le 25 juillet 2002, soit huit mois environ avant que l'Office fédéral de la communication n'ait rendu sa décision et assurément avant que les tribunaux internes n'aient eu l'occasion de se prononcer sur la « nouvelle » ingérence. Dans ces conditions, la requérante n'a pas satisfait à l'exigence d'épuisement des voies de recours internes. Il s'ensuit que la requête aurait dû être déclarée irrecevable en application de l'article 35 § 1.
1.
Verein gegen Tierfabriken (VgT) c. Suisse, n° 24699/94, CEDH 2001-VI.

Referenzen

Artikel: art. 8 CEDH, Art. 10 CEDH, § 5 LRTV, art. 122 let. a LTF mehr...