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Urteilskopf

123 III 280


45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 11 juin 1997 dans la cause masse en faillite de I. S.A. et consorts contre dame B. et consort (recours en réforme)

Regeste

Haftungsprivileg des Arbeitgebers (Art. 44 Abs. 2 UVG).
Der Einsatzbetrieb kann sich nicht auf diese Bestimmung berufen, wenn ein Temporärarbeitnehmer Opfer eines Arbeitsunfalls wird.

Sachverhalt ab Seite 281

BGE 123 III 280 S. 281

A.- L. S.A. est une entreprise spécialisée dans la mise à disposition de personnel dans l'industrie, la métallurgie et le bâtiment. Le 9 janvier 1987, elle a chargé A., conseiller en personnel, d'amener ses employés B. et K. sur le chantier d'un hôtel, à Genève, dans lequel l'entreprise I. S.A. effectuait des travaux de construction de parois. B. et K. avaient pour tâche de charger des plaques de plâtre sur un monte-charge dit "bâti". L'installation avait été conçue notamment par D., directeur de I. S.A., et par M., technicien de I. S.A. et responsable du chantier. Il appartenait à C., employé de I. S.A., de transmettre les consignes de sécurité aux ouvriers.
A un moment donné, lors du premier chargement, B. a décidé de se placer entre le "bâti" et les plaques à charger, ce qui lui permettait de tirer celles-ci plus facilement avant de les redresser et de les placer sur le monte-charge avec l'aide de K. Alors qu'il procédait ainsi pour la quinzième plaque, les quatorze plaques déjà chargées se sont renversées sur lui. B. a succombé à ses blessures.

B.- Par demande du 31 décembre 1991, l'épouse de B. et son fils mineur ont ouvert action contre I. S.A., D., M., C., L. S.A., A. et K. Ils réclamaient aux défendeurs, pris solidairement, le remboursement des frais liés au décès ainsi que l'indemnisation de la perte de soutien et du tort moral.
Par jugement du 4 novembre 1993, le Tribunal de première instance du canton de Genève a libéré K. des fins de l'action; il a jugé en revanche que la responsabilité des autres défendeurs était engagée et les a condamnés à payer aux demandeurs la moitié des montants réclamés, compte tenu d'une faute concomitante de B. estimée à 50%.
Tant les demandeurs que les défendeurs I. S.A., D., M., C., L. S.A. et A. ont interjeté appel. La faillite de I. S.A. a été prononcée alors que la cause était pendante devant la juridiction d'appel. Statuant le 31 mai 1996, la Cour de justice a annulé le jugement de première instance. A l'instar du tribunal, elle a estimé que la responsabilité des défendeurs était engagée. En revanche, elle a jugé que l'agence intérimaire, contrairement à l'entreprise locataire de services, pouvait se prévaloir du privilège de responsabilité de l'art. 44 al. 2 LAA (RS 832.20); elle a nié également toute faute concomitante de la part de B. En conséquence, elle a condamné solidairement I. S.A. en faillite, D., M. et C. à payer, intérêts en sus, 267'636 fr.60 - correspondant aux frais funéraires, à la perte de soutien et au tort moral - à la demanderesse et 20'000 fr. - correspondant au tort moral - au demandeur. Par ailleurs, elle a condamné L. S.A. et A., solidairement
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entre eux et solidairement avec les autres défendeurs, à payer, intérêts en sus, 45'985 fr.40 - correspondant aux frais funéraires et au tort moral - à la demanderesse et 20'000 fr. - correspondant au tort moral - au demandeur.

C.- La masse en faillite de I. S.A., D., M. et C. ont déposé un recours en réforme. Le Tribunal fédéral a rejeté le moyen principal des recourants, tiré de la violation de l'art. 44 al. 2 LAA. Au surplus, le recours a été admis très partiellement pour des motifs qui ne sont pas publiés.

Erwägungen

Extrait des considérants:

2. La cour cantonale a mis L. S.A. et son employé A. au bénéfice du privilège de responsabilité de l'employeur institué par l'art. 44 al. 2 LAA. Seuls les frais funéraires et les indemnités en réparation du tort moral ont été mis à leur charge, solidairement avec les recourants. La Cour de justice a refusé en revanche d'appliquer l'art. 44 al. 2 LAA à la recourante et, partant, à ses anciens collaborateurs D., M. et C. A son avis, rien ne s'oppose à ce que l'entreprise locataire de services et ses employés soient condamnés à indemniser la perte de soutien subie par l'intimée.
b) Aux termes de l'art. 44 al. 1 LAA, la personne assurée à titre obligatoire et ses survivants ne peuvent faire valoir de prétentions civiles contre le conjoint de l'assuré, ses parents en ligne ascendante ou descendante ou les personnes vivant en communauté domestique avec lui que s'ils ont provoqué l'accident intentionnellement ou par une négligence grave. L'alinéa 2 de cette disposition limite dans la même mesure les prétentions civiles existant en raison d'un accident professionnel contre l'employeur, les membres de sa famille et les travailleurs de son entreprise.
En l'espèce, B. était lié par un contrat de travail à L. S.A. et cette entreprise a loué les services de son employé à I. S.A. La question est donc de savoir si la recourante doit être considérée ou non comme l'employeur de B. au sens de l'art. 44 al. 2 LAA. En cas de réponse positive, les recourants ne pourraient être condamnés à réparer la perte de soutien de l'intimée, sauf faute intentionnelle ou négligence grave de la part d'un organe de la recourante.
aa) L'art. 44 al. 2 LAA correspond pour l'essentiel à l'art. 129 al. 2 LAMA, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1983. Dans le nouveau droit, le législateur a simplement supprimé la condition selon laquelle l'employeur devait avoir payé les primes lui incombant pour
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bénéficier du privilège de responsabilité (cf. Message à l'appui d'un projet de loi fédérale sur l'assurance-accidents, in FF 1976 III, p. 203; Avis du Conseil fédéral à propos de l'initiative parlementaire tendant à la suppression de l'art. 44 al. 2 LAA, in FF 1985 II, p. 288; sur le sens de cette modification, voir consid. 2b/bb ci-dessous).
Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur la portée de l'art. 129 al. 2 LAMA. Dans l'affaire Daziani, les CFF avaient confié à une entreprise privée des travaux de réfection sur une voie de chemin de fer. A la suite d'une défaillance du service de sécurité assuré par les CFF, un train renversa deux ouvriers de l'entreprise privée. Dans ce cas, les CFF furent mis au bénéfice du privilège de l'art. 129 al. 2 LAMA de sorte qu'ils n'eurent pas à réparer le préjudice économique subi par les lésés. Le Tribunal fédéral estima en effet qu'il n'y avait pas lieu de créer une inégalité de traitement entre les employés des CFF et les travailleurs d'autres entreprises occupés sur les voies (ATF 88 II 516 consid. 3a p. 525-526). Quelques années plus tard, dans une affaire Baumann similaire au cas Daziani, le Tribunal fédéral modifia sa jurisprudence et refusa aux CFF le bénéfice du privilège de responsabilité. Partant du texte de l'art. 129 al. 2 LAMA, il jugea alors que les CFF ne pouvaient être qualifiés d'employeur de l'ouvrier de l'entreprise de construction; il releva également que les primes d'assurance n'avaient pas été prises en charge par les CFF, avant de souligner le caractère exceptionnel de l'art. 129 al. 2 LAMA, dont le champ d'application n'avait pas à être étendu sans motif impérieux (ATF 96 II 218 consid. 5 p. 228 ss). Dans un arrêt précédent, le Tribunal fédéral avait déjà accordé une importance prépondérante au fait que l'entreprise se prévalant du privilège de responsabilité était liée au lésé par un contrat de travail et avait payé les primes de l'assurance-accidents (ATF 95 II 623 consid. 3 p. 627). La jurisprudence consacrée dans l'arrêt Baumann a été confirmée par la suite (ATF 97 II 123 consid. 5 p. 130).
Dans un avis de droit commandé par la CNA en 1977, Merz attribua une portée générale à l'arrêt Baumann, en particulier en matière de location de services. A son sens, le texte de l'art. 129 al. 2 LAMA était clair: seul pouvait invoquer le privilège de responsabilité l'employeur qui avait porté le travailleur accidenté sur sa liste de salariés et s'était donc acquitté de la prime d'assurance; or, tel n'était pas le cas de l'entreprise qui avait loué du personnel, sauf convention contraire conforme à l'art. 333 CO (cité par ROLF ESCHMANN, UVG 44 - Zur Anerkennung des Haftungsprivilegs bei
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Ausleihverhältnissen, in RSA/SVZ 1996, p. 236-237; ERWIN MURER, Mehrseitige Arbeitsverhältnisse und Art. 44 Abs. 2 UVG, in RSAS/SZS 1992, p. 10; PETER STEIN, Die Haftungsbeschränkung gemäss Art. 44/2 UVG und Art. 48ter AHVG, in Mélanges Assista 1989, p. 409; LUC THÉVENOZ, Le travail intérimaire, thèse Genève 1987, p. 304 ss; JEAN-MARIE BOLLER, La limitation de la responsabilité civile des proches et de l'employeur à l'égard du travailleur (Art. 44 LAA), thèse Fribourg 1984, p. 125-126).
Les opinions divergent sur le cercle des entreprises bénéficiant du privilège de responsabilité de l'employeur sous l'empire de la LAA. A l'instar de MERZ, THOMAS KOLLER est d'avis que l'entreprise locataire de services ne saurait être l'employeur visé par l'art. 44 al. 2 LAA (Die Haftung des Arbeitgebers und das Sozialversicherungsrecht, in PJA/AJP 1997, p. 439). Selon cet auteur, même si le travailleur intérimaire se trouve de fait dans un rapport de subordination vis-à-vis de l'entreprise qui loue ses services, il n'en demeure pas moins qu'un lien contractuel formel fait défaut; or, la sécurité du droit et la réglementation claire régissant les rapports formels entre les parties selon la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE; RS 823.11) commandent de ne pas considérer comme employeur au sens de l'art. 44 al. 2 LAA celui qui ne dispose formellement d'aucun lien juridique avec le travailleur accidenté (ibid.). Dans le même sens, GHÉLEW/RAMELET/RITTER relèvent que la limitation de la responsabilité ne concerne que l'employeur direct du lésé, c'est-à-dire celui dont il dépend en vertu d'un contrat de travail (Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents (LAA), p. 172). Pour sa part, MURER nuance cette opinion. Il est d'avis qu'en principe, seul l'employeur (formellement) débiteur des primes selon les art. 91 ss LAA peut se prévaloir de l'art. 44 al. 2 LAA, mais que, dans des cas particuliers, le privilège de responsabilité peut être étendu à l'employeur "de fait" dans le cadre de l'art. 2 al. 2 CC (op.cit., p. 9 ss); cette dernière hypothèse se rencontrerait notamment si l'employeur "de fait" peut prouver qu'il a, en fin de compte, payé lui-même les primes afférentes au travailleur accidenté et que celui-ci a exercé une activité à son service pendant au moins un mois (op.cit., p. 17 et 19).
Un autre courant doctrinal se montre moins restrictif dans l'application de l'art. 44 al. 2 LAA. Pour ALFRED KELLER, le travailleur, en cas de location de personnel, se soumet au pouvoir d'instruction de l'entreprise à laquelle ses services sont cédés; celle-ci doit par conséquent être considérée comme son employeur et bénéficier du
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privilège de responsabilité en cas d'accident (Haftpflicht im Privatrecht, tome I, 5e éd., p. 456). Selon THÉVENOZ, la LAA connaît sa propre définition du terme "employeur", qui recouvre non seulement celui qui est désigné comme tel dans le contrat de travail, mais également celui qui ordonne et surveille l'exécution de la tâche du travailleur lésé. Invoquant la suppression, à l'art. 44 al. 2 LAA, de la condition du paiement effectif des primes posée par la LAMA, cet auteur refuse d'attacher une importance décisive à l'identité formelle du débiteur des primes. A son sens, l'"utilisateur" peut donc se prévaloir de l'art. 44 al. 2 LAA à l'encontre du travailleur intérimaire (op.cit., p. 300 ss). BOLLER aboutit à la même conclusion. Il est d'avis qu'il se crée, entre l'entreprise "utilisatrice" et le travailleur temporaire, une véritable relation de travail, qui est pratiquement analogue à celle résultant d'une communauté de travail et qui justifie d'accorder à l'entreprise "utilisatrice" la protection de l'art. 44 al. 2 LAA (op.cit., p. 124-125). Quant à ESCHMANN, il semble se rallier à cette position, sans toutefois l'expliquer (op.cit., p. 239).
Sur le vu de ces différentes opinions, il est manifeste que l'art. 44 al. 2 LAA ne fournit pas une réponse immédiate à la question de savoir si l'entreprise locataire de services bénéficie ou non du privilège de l'employeur. Il convient dès lors d'interpréter cette disposition.
bb) La loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé, (interprétation téléologique) ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 122 III 324 consid. 7a, 469 consid. 5a p. 474; ATF 121 III 408 consid. 4b; ATF 121 V 58 consid. 3b p. 60; 120 II 112 consid. 3b; ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248, II 353 consid. 5 p. 355; 118 Ib 448 consid. 3c p. 452; ATF 117 Ia 328 consid. 3a p. 331).
La LAA ne définit pas la notion d'employeur utilisée notamment à son art. 44 al. 2. En droit privé, l'employeur est celui qui est lié au travailleur par un contrat de travail (cf. art. 319 al. 1 CO). Cette définition se révèle toutefois trop étroite pour cerner l'employeur auquel l'art. 44 al. 2 LAA fait référence. En effet, les administrations publiques peuvent également être des employeurs au sens de cette disposition, quand bien même elles n'ont pas conclu de contrat de travail avec leurs fonctionnaires (cf. art. 66 al. 1 let. p et q LAA).
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Il n'en demeure pas moins qu'un lien doit exister entre l'assuré victime d'un accident et la personne recherchée en responsabilité qui entend se prévaloir du privilège de l'employeur. Contrairement aux textes français et italien de l'art. 44 al. 2 LAA, qui font seulement mention de "l'employeur" ("il datore di lavoro"), la version allemande précise à cet égard qu'il s'agit bien de l'employeur de l'assuré ("den Arbeitgeber des Versicherten"). N'importe quel employeur ne peut donc invoquer le bénéfice de l'art. 44 al. 2 LAA à l'égard de n'importe quel travailleur.
Pour déterminer la nature du lien entre travailleur et bénéficiaire du privilège de responsabilité, il convient de rechercher la ratio legis de l'art. 44 al. 2 LAA. Le privilège accordé par cette disposition est motivé avant tout par le fait que les primes de l'assurance obligatoire contre les accidents et les maladies professionnels sont à la charge de l'employeur; ce dernier, finançant le système d'assurance, n'a pas à réparer en sus, en vertu d'un chef de responsabilité, le dommage subi par un travailleur occupé à son service (OFTINGER/STARK, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Allgemeiner Teil, tome I, 5e éd., n. 110, p. 528; MURER, op.cit., p. 6-7; Berenstein, Assurance-accidents et responsabilité civile, in Droit privé et assurances sociales, Editions universitaires Fribourg 1990, p. 62-63; MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 567; BOLLER, op.cit., p. 52). Le maintien de la paix du travail a également été avancé comme fondement de l'art. 44 al. 2 LAA; il s'agirait d'éviter les affrontements entre employeur et travailleur au sein de l'entreprise (KELLER, op.cit., p. 452; BOLLER, op.cit., p. 53; cf. également MURER, op.cit., p. 6 et ESCHMANN, op.cit., p. 236, qui estiment que cet argument a moins de poids aujourd'hui qu'à l'époque de l'adoption de la LAMA).
Comme sous l'empire de la LAMA, la justification principale du privilège de l'employeur réside ainsi dans le paiement des primes de l'assurance-accidents. Il s'ensuit qu'en principe, seul l'employeur qui a la charge des primes afférentes au travailleur lésé peut opposer à ce dernier la limitation de responsabilité instituée par l'art. 44 al. 2 LAA (cf. art. 91 al. 1 LAA).
En matière de location de personnel, c'est l'entreprise de travail temporaire qui paie les primes des travailleurs dont les services sont loués à autrui (art. 66 al. 1 let. o LAA et art. 85 OLAA [RS 832.202]; THÉVENOZ, op.cit., p. 304-305). La question se pose néanmoins de savoir si le bénéfice de l'art. 44 al. 2 LAA est réservé au débiteur formel des primes d'assurance ou si, comme le soutient THÉVENOZ (op.cit.,
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p. 305), l'entreprise "utilisatrice" est également légitimée à invoquer le privilège de l'employeur, dans la mesure où elle supporte en fait le coût de l'assurance-accidents, inclus avec le salaire et les autres charges sociales dans les honoraires versés à l'agence intérimaire.
Comme déjà relevé, l'art. 44 al. 2 LAA, contrairement à l'art. 129 al. 2 LAMA, ne contient pas la condition selon laquelle l'employeur doit avoir payé les primes auxquelles il est astreint dans l'assurance obligatoire. Ainsi que le démontre MURER, la suppression de cette exigence n'a toutefois pas une portée fondamentale (op.cit., p. 11 ss). En effet, si le législateur avait voulu donner à cette modification le sens d'une extension du privilège à l'employeur "de fait", en particulier à l'entreprise locataire de services, les travaux préparatoires en porteraient la trace, d'autant plus que la question était déjà apparue à plusieurs reprises dans la jurisprudence. Il convient de noter au passage que lorsque les travailleurs intérimaires doivent être traités de la même manière que les travailleurs fixes de l'entreprise locataire de services, la législation le précise textuellement, ainsi en matière de sécurité au travail (cf. art. 10 OPA [RS 832.30]). En l'occurrence, ni le Conseil fédéral, ni les Chambres n'ont évoqué le sujet. Le message précité se borne à la phrase suivante: "On a supprimé la condition prévue par le droit actuel qui veut que l'employeur ait payé les primes lui incombant" (FF 1976 III, p. 203). A la lecture de ce passage, il apparaît beaucoup plus plausible que l'abandon de la condition du paiement des primes tendait uniquement à éviter qu'un employeur en retard dans le paiement des primes de l'exercice ne puisse pas se prévaloir du privilège de l'art. 44 al. 2 LAA. L'interprétation historique ne permet en tout cas pas de conclure que le législateur entendait faire bénéficier l'entreprise locataire de services du privilège de l'employeur lors d'un accident survenant à un travailleur temporaire.
En soi, l'argument économique n'emporte pas non plus la conviction. D'une part, l'entreprise, qu'elle emploie ou non du personnel intérimaire, reporte, d'une manière ou d'une autre, le coût de l'assurance-accidents sur le prix de ses produits (cf. OFTINGER/STARK, op.cit., p. 529.-530). Or, il n'a jamais été question de mettre les acheteurs au bénéfice du privilège de l'art. 44 al. 2 LAA (cf. MURER, op.cit., p. 7). D'autre part, l'octroi du privilège de l'employeur à l'entreprise locataire de services ne supprimerait pas le bénéfice de l'art. 44 al. 2 LAA pour l'agence intérimaire, dont la qualité d'employeur de l'assuré au sens de cette disposition ne saurait être niée. Dans un cas comme la présente espèce, les deux entreprises pourraient ainsi
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voir leur responsabilité limitée grâce à l'art. 44 al. 2 LAA. Rien ne permet d'admettre que tel était le but recherché par le législateur.
De manière générale, il convient de souligner le caractère exceptionnel de la limitation de la responsabilité de l'employeur dans le droit suisse de la responsabilité civile. En effet, hormis l'hypothèse rare de la faute grave, le privilège institué par l'art. 44 al. 2 LAA s'applique à tout le dommage pour lequel existe une prestation d'assurance correspondante, y compris celui qui n'est pas couvert par ladite prestation (THOMAS KOLLER, op.cit., p. 440; OFTINGER/STARK, op.cit., p. 529; ALFRED KOLLER, Regress des Unfallversicherers auf den Haftpflichtigen, in Développements récents du droit de la responsabilité civile, 1991, p. 410; KELLER, op.cit., p. 452; ROLAND SCHAER, Grundzüge des Zusammenwirkens von Schadenausgleichsystemen, p. 332). Dans bien des cas, le travailleur lésé ou les survivants d'un travailleur tué dans un accident professionnel ne pourront dès lors pas obtenir pleine réparation de leur préjudice. C'est l'une des raisons pour lesquelles plusieurs auteurs critiquent le privilège de responsabilité de l'employeur (cf. THOMAS KOLLER, op.cit., p. 440; OFTINGER/STAR, op.cit., p. 529-530 et p. 531; cf. également KELLER, op.cit., p. 453-454). Du reste, la commission d'étude pour la révision totale du droit de la responsabilité civile propose d'abolir ce privilège, tout en maintenant le privilège récursoire également déduit de l'art. 44 al. 2 LAA (Rapport d'août 1991, p. 175; THOMAS KOLLER, op.cit., p. 440; KELLER, op.cit., p. 453).
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'étendre la portée de l'art. 44 al. 2 LAA. L'employeur dont il est question à cette disposition ne peut correspondre qu'à celui qui est lié juridiquement au travailleur et qui, conformément à l'art. 91 al. 1 LAA, doit s'acquitter des primes de l'assurance obligatoire contre les accidents et maladies professionnels. L'entreprise locataire de services ne peut donc se prévaloir de l'art. 44 al. 2 LAA lorsqu'un travailleur intérimaire est victime d'un accident professionnel. Certes, en pareil cas, le travailleur temporaire se trouve avantagé par rapport au travailleur fixe; il n'y a toutefois là rien d'inéquitable, étant donné le statut précaire du travailleur intérimaire.
Sur le vu de ce qui précède, la recourante et, partant, les anciens collaborateurs de I. S.A. se sont vu refuser à bon droit le bénéfice de l'art. 44 al. 2 LAA pour la réparation de la perte de soutien subie par l'intimée.

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