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Urteilskopf

118 V 79


10. Arrêt du 11 mai 1992 dans la cause Office fédéral des assurances sociales contre X et Tribunal des assurances du canton de Vaud.

Regeste

Art. 1 Abs. 1 lit. b AHVG in Verbindung mit Art. 1 IVG, Art. 6 Abs. 1 IVG, Art. 8 lit. f des schweizerisch-jugoslawischen Abkommens über Sozialversicherung: Versicherteneigenschaft, Versicherungsklausel und Arbeitsbewilligung.
Das Fehlen einer vom öffentlichen Recht verlangten Arbeitsbewilligung schliesst den Anspruch auf Leistungen der eidgenössischen Invalidenversicherung nicht aus, wenn ein ausländischer Arbeitnehmer (in casu: aus Jugoslawien) in der Schweiz erkrankt oder verunfallt.

Sachverhalt ab Seite 79

BGE 118 V 79 S. 79

A.- X, né en 1955, d'origine yougoslave (Serbie), a travaillé en Suisse au bénéfice d'une autorisation saisonnière, qui a été renouvelée à plusieurs reprises jusqu'au 26 décembre 1985.
BGE 118 V 79 S. 80
Par la suite, il a de nouveau travaillé en Suisse, mais sans être au bénéfice d'une autorisation de travail. C'est ainsi qu'il a été engagé, vraisemblablement dès le début du mois de juin 1988, comme manoeuvre au service de Y, entrepreneur à Yverdon-les-Bains. Le 8 juin 1988, alors qu'il était occupé à décharger des briques d'une palette posée sur un chariot élévateur, il a brusquement perdu l'équilibre et est tombé lourdement sur le sol d'une hauteur de 2 mètres 50 environ. Il s'est fracturé les deux poignets, ainsi que le genou droit. Il a été immédiatement transporté à l'Hôpital d'Yverdon-les-Bains, où il a été opéré, puis soigné jusqu'au 23 juin 1988. Il a ensuite été à nouveau hospitalisé, dans ce même établissement, du 25 juillet au 2 août 1988 et du 23 août au 30 août 1988. Le 6 décembre 1988, il a subi une nouvelle ostéotomie. Du 16 mai au 16 juin 1989, il a séjourné à la Clinique de médecine rééducative de Bellikon. Le 12 janvier 1990 enfin, il a subi l'ablation du matériel d'ostéosynthèse.
Le cas a été pris en charge par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), qui a alloué des prestations pour soins et versé les indemnités journalières légales. Le 13 août 1990, elle a accordé à son assuré une rente d'invalidité de 566 francs par mois, à partir du 1er juillet 1990, fondée sur une incapacité de gain de 66,66 pour cent, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité, en fonction d'un taux de diminution de l'intégrité de 30 pour cent.
Pour n'avoir pas respecté des règles sur la prévention des accidents, et s'être ainsi rendu coupable de lésions corporelles graves par négligence, et pour avoir enfreint la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), Y a été condamné par le Tribunal correctionnel du district d'Yverdon à une peine d'emprisonnement d'un mois, assortie du sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 1'000 francs.

B.- Le 4 avril 1989, X a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité, notamment une rente, un reclassement dans une nouvelle profession et des mesures médicales de réadaptation spéciales. Par décision du 18 mai 1990, la Caisse cantonale vaudoise de compensation a rejeté cette demande, motif pris que le requérant, depuis le 26 décembre 1985, n'avait plus été au bénéfice ni d'un permis de séjour ni d'une autorisation de travail valables.

C.- X a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, qui a admis son recours par jugement du 13 février 1991. Le tribunal a annulé la décision attaquée et il a renvoyé la cause à l'administration "pour qu'elle affilie le recourant
BGE 118 V 79 S. 81
comme personne sans activité lucrative et qu'elle examine, dans le sens des considérants, à quelles prestations de l'assurance-invalidité il peut prétendre, puis pour qu'elle rende tel nouveau prononcé et prenne telle nouvelle décision que de droit".

D.- Contre ce jugement, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette un recours de droit administratif dans lequel il conclut au rétablissement de la décision litigieuse du 18 mai 1990.
X conclut au rejet du recours en déclarant se référer à ses écritures antérieures. De son côté, la caisse de compensation se rallie aux conclusions du recours.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. (Pouvoir d'examen)

2. a) Aux termes de l'art. 3 al. 3 LSEE (RS 142.20), l'étranger qui ne possède pas de permis d'établissement ne peut prendre un emploi, et un employeur ne peut l'occuper que si l'autorisation de séjour lui en donne la faculté. Pour les autorisations, les autorités doivent tenir compte des intérêts moraux et économiques du pays, ainsi que du degré de surpopulation étrangère (art. 16 al. 1 LSEE). Selon l'art. 3 al. 3 RSEE (RS 142.201), l'étranger qui aura exercé une activité lucrative sans autorisation sera, en règle générale, contraint de quitter la Suisse.
b) Selon l'art. 1er al. 1 let. b LAVS, en corrélation avec l'art. 1er LAI, sont obligatoirement assurées à l'AVS et à l'assurance-invalidité les personnes physiques qui exercent une activité lucrative en Suisse. Sauf exceptions, ces personnes sont également obligatoirement assurées contre les accidents (art. 1er al. 1 LAA). La nature de l'activité exercée importe peu: le gain soumis à cotisations peut aussi bien provenir d'une activité licite que d'une activité illicite, en particulier d'un "travail au noir" (ATF 107 V 193; KÄSER, Unterstellung und Beitragswesen in der obligatorischen AHV, p. 21; DUC, Quelques considérations relatives au statut des étrangers, et plus spécialement des demandeurs d'asile et des réfugiés en droit social: Questions choisies, in: Droit des réfugiés, Fribourg 1991, p. 171). Le ressortissant étranger qui travaille illégalement en Suisse est donc aussi soumis à l'assurance obligatoire. Si son employeur ne déclare pas à l'AVS les salaires qu'il lui verse, la caisse de compensation a la possibilité de réclamer les cotisations correspondantes dans le délai
BGE 118 V 79 S. 82
de péremption de cinq ans prévu par l'art. 16 al. 1 LAVS. Passé ce délai, elle peut encore, si elle découvre l'omission, agir en réparation du dommage contre l'employeur, aux conditions fixées par l'art. 52 LAVS et dans les délais institués par l'art. 82 RAVS (ATF 112 V 156; ATFA 1957 p. 222 ss).

3. a) Selon l'art. 6 al. 1 LAI, les ressortissants suisses, les étrangers et les apatrides ont droit aux prestations s'ils sont assurés lors de la survenance de l'invalidité.
Conformément à l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance (ATF 112 V 277 consid. 1b). Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF 111 V 121 consid 1d, ATF 108 V 62 consid. 2b, ATF 105 V 60 consid. 1, ATF 103 V 130). Dans le cas d'une rente, p.ex., l'invalidité est réputée survenue, le plus souvent, dès que l'assuré a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40 pour cent au moins pendant une année sans interruption notable (art. 29 al. 1 let. b LAI). Les rentes correspondant à un degré d'invalidité inférieur à 50 pour cent ne sont toutefois versées qu'aux assurés qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (art. 28 al. 1ter LAI).
b) L'art. 2 de la convention relative aux assurances sociales entre la Suisse et la Yougoslavie, du 8 juin 1962, prévoit que, sous réserve de dispositions conventionnelles spéciales, les ressortissants suisses et yougoslaves jouissent de l'égalité de traitement quant aux droits et obligations résultant des législations énumérées à l'article premier, soit notamment, pour ce qui concerne la Suisse, la législation fédérale sur l'assurance-invalidité. L'art. 8 let. f de la convention, introduit par l'avenant du 9 juillet 1982, a la teneur suivante:
"Les ressortissants de la RSF de Yougoslavie non domiciliés en Suisse qui ont dû abandonner leur activité dans ce pays à la suite d'un accident ou d'une maladie et qui y demeurent jusqu'à la réalisation du risque assuré, sont considérés comme étant assurés au sens de la législation suisse pour l'octroi des prestations de l'assurance-invalidité. Ils doivent continuer à acquitter les cotisations à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité comme s'ils avaient leur domicile en Suisse."
BGE 118 V 79 S. 83
L'affiliation à l'assurance en vertu de cette disposition conventionnelle ne présuppose pas l'existence d'un domicile en Suisse au sens du droit civil (ATF 113 V 261). Cette norme a été introduite dans la convention pour améliorer la situation de ceux des travailleurs yougoslaves qui, justement, ne peuvent se constituer un domicile au sens des art. 23 ss CC. C'est le cas, en principe, des travailleurs saisonniers (ATF 113 V 264 consid. 2b; BUCHER, note 4 ss ad art. 23 CC; SCHMID, Die Rechtsstellung des ausländischen Saisonarbeiters in der Schweiz, thèse Zurich 1991, p. 323). Jusqu'alors, en effet, le travailleur saisonnier de nationalité yougoslave, qui devait interrompre son activité en Suisse pour raison d'accident ou de maladie et qui demeurait dans ce pays jusqu'à la réalisation du risque assuré (période de carence qui était alors de 360 jours, au lieu d'une année actuellement), ne pouvait prétendre des prestations: il ne remplissait pas la clause d'assurance exigée par la loi, du moment qu'il n'était pas domicilié en Suisse (art. 1er al. 1 let. a LAVS) et qu'il n'y exerçait plus aucune activité lucrative (message du Conseil fédéral concernant un Avenant à la Convention relative aux assurances sociales avec la Yougoslavie, du 3 novembre 1982, FF 1982 III 997).
A la suite des événements survenus récemment en Yougoslavie, qui ont conduit à la reconnaissance par la Suisse de la Croatie et de la Slovénie, l'OFAS s'est interrogé sur le statut juridique, au regard de l'assurance sociale suisse, des ressortissants de ces deux Etats. Après avoir pris l'avis du Département fédéral des affaires étrangères, il a adressé aux caisses de compensation une directive d'où il ressort que les relations contractuelles en matière de sécurité sociale sont, pour le moment, poursuivies avec toutes les parties de l'ancienne Yougoslavie (Bulletin de l'AVS No 182 du 12 février 1992 et RCC 1992 p. 116; arrêt non publié B. du 4 mars 1992).

4. Selon les juges cantonaux, le ressortissant yougoslave qui travaille en Suisse sans autorisation doit bénéficier de la même couverture d'assurance que les autres employés de même nationalité travaillant régulièrement en Suisse sans y être domiciliés, en particulier les saisonniers. Les juges cantonaux relèvent que l'art. 8 let. f de la convention ne fait, à cet égard, aucune distinction. Ils établissent aussi un parallèle avec la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la validité du contrat de travail conclu avec un employé étranger non autorisé à travailler en Suisse (ATF 114 II 279).
Selon l'OFAS, l'application de la disposition conventionnelle en cause suppose, au contraire, que l'intéressé soit titulaire d'une autorisation de séjour valable lors de la survenance du cas d'assurance.
BGE 118 V 79 S. 84
L'OFAS invoque à l'appui de cette thèse l'arrêt non publié O. du 9 février 1981. Selon cet arrêt, pour calculer la durée de résidence ininterrompue en Suisse, en relation avec le droit à une rente extraordinaire en faveur d'un ressortissant allemand (art. 20 de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et la République fédérale d'Allemagne du 25 février 1964), il faut uniquement prendre en considération les périodes durant lesquelles le requérant a résidé de manière régulière en Suisse.
a) Récemment, le Tribunal fédéral des assurances s'est exprimé dans le même sens que ce dernier arrêt, au sujet de l'art. 2 al. 2, première phrase, LPC et s'agissant du calcul de la période de résidence ininterrompue en Suisse (quinze années), dont l'accomplissement est nécessaire à l'obtention d'une prestation complémentaire par un ressortissant étranger domicilié en Suisse (arrêt non publié S. du 8 janvier 1992). Le tribunal a noté, tout particulièrement, qu'il n'était pas admissible - sous peine d'avantager celui qui passe outre à l'obligation de quitter la Suisse, au détriment de celui qui se soumet à cette exigence - de retenir le séjour effectif, lorsque ce séjour n'est pas conforme aux autorisations délivrées par l'autorité compétente. Dans un arrêt déjà ancien, il était arrivé à la même conclusion, à propos de l'art. 5 al. 1 let. b de l'ancienne convention italo-suisse du 17 octobre 1951 sur les assurances sociales (article relatif à la durée de résidence minimale pour l'allocation d'une rente de vieillesse de l'AVS), en insistant sur le fait que l'injonction de quitter le territoire suisse impartie à un étranger indésirable est une mesure de sauvegarde de la sécurité et de l'ordre public (ATFA 1962 p. 26). Toujours dans le même ordre d'idées, mais en matière d'assurance-chômage cette fois, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'étranger qui ne possède pas d'autorisation de travailler en Suisse ne saurait en principe voir prendre en considération l'activité lucrative exercée sans droit, en particulier pour le calcul des 150 jours d'activité lucrative soumise à cotisations (arrêt non publié M. du 13 juillet 1984). Dans le cas d'espèce toutefois, le tribunal a admis de faire une exception à ce principe, car l'assurée intéressée pouvait de bonne foi s'attendre, après qu'elle eut changé d'emploi, à obtenir l'autorisation nécessaire, qu'elle avait demandée peu de temps auparavant.
b) Mais ces arrêts se distinguent de la situation envisagée en l'espèce. En principe, le travailleur étranger qui est victime d'un accident ou qui tombe malade en Suisse et qui n'est pas au bénéfice d'une autorisation de travail est autorisé à y séjourner à titre temporaire pendant la durée du traitement médical. L'art. 36 OLE (RS 823.21)
BGE 118 V 79 S. 85
dispose à cet égard que des autorisations peuvent être accordées à "d'autres étrangers (que ceux visés aux art. 31 à 35) n'exerçant pas d'activité lucrative lorsque des circonstances importantes l'exigent" (cf. aussi l'art. 33 OLE). On notera que la situation des saisonniers devenus invalides en Suisse et qui ne peuvent continuer l'activité pratiquée jusqu'alors est réglée à l'art. 13 let. b OLE, en ce sens qu'ils ne sont pas comptés dans le nombre maximum des étrangers exerçant une activité lucrative, fixé périodiquement par le Conseil fédéral; les mesures de limitation ne font pas obstacle à la prise d'un nouvel emploi, mieux adapté à l'état de santé du travailleur (voir aussi SCHMID, op.cit., p. 107).
L'intimé, qui a été hospitalisé à plusieurs reprises en Suisse après l'accident et qui a continué à y séjourner au vu et au su des autorités, a certainement bénéficié d'une semblable autorisation, sinon formelle, du moins implicite. Le fait est d'ailleurs attesté par une notice téléphonique du 2 mars 1989, établie par un fonctionnaire de la caisse de compensation, qui s'est renseigné le même jour à ce sujet auprès de l'Office cantonal vaudois de contrôle des habitants et de police des étrangers. L'intimé, qui désirait se rendre pour un bref séjour en Yougoslavie, a du reste été autorisé à revenir en Suisse pour s'y faire soigner (lettre dudit office au Bureau des étrangers d'Yverdon du 6 juillet 1989). D'autre part, il y a lieu de constater que la durée du traitement médical - pendant lequel l'intimé a été incapable de travailler - a en l'occurrence largement dépassé une année. On constate à ce propos que la CNA a alloué à son assuré une rente à partir du 1er juillet 1990, ce qui donne à penser que, jusqu'à ce moment-là, l'on pouvait encore attendre du traitement médical une amélioration sensible de l'état de santé de l'intéressé (cf. art. 19 al. 1 LAA). On doit ainsi admettre que la condition de séjour en Suisse jusqu'à la réalisation du risque assuré, posée par l'art. 8 let. f de la convention, est en l'espèce réalisée, du moins pour ce qui est du droit éventuel à une rente de l'assurance-invalidité.
c) Que l'intimé ait été au bénéfice d'une autorisation de séjour précaire, accordée pour ainsi dire sous la pression des circonstances, n'y saurait rien changer. La convention ne formule aucune exigence particulière quant à la nature du séjour en Suisse et encore moins quant au genre de l'autorisation qui devrait être délivrée dans ce cas. Conformément à l'art. 31 paragraphe 4 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, entrée en vigueur pour la Suisse le 6 juin 1990 (RS 0.111; RO 1990 1112), un terme ne sera entendu dans un sens particulier que s'il est établi que telle était
BGE 118 V 79 S. 86
l'intention des parties (voir aussi dans ce contexte: message relatif à l'adhésion de la Suisse à la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités et à la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales, FF 1989 II 713 s.; JACOT-GUILLARMOD, Strasbourg, Luxembourg, Lausanne et Lucerne: Méthodes d'interprétation comparées de la règle internationale conventionnelle, in: Les règles d'interprétation. Principes communément admis par les juridictions, Fribourg 1989, p. 113 ss). En l'occurrence, il n'y a aucune raison de restreindre le sens du verbe "demeurer", dont use l'art. 8 let. f de la convention, par une interprétation fondée sur des éléments extrinsèques, tirés des distinctions propres aux dispositions internes de droit public en matière de police des étrangers. En tout cas, il n'y a pas de motif d'exiger comme condition préalable, dans le cadre de cette norme, que le ressortissant yougoslave ait été titulaire d'une autorisation de travail immédiatement avant la survenance de l'accident ou de la maladie.
d) Il peut certes arriver, dans des situations analogues, que le ressortissant étranger soit contraint de quitter la Suisse avant la réalisation du risque assuré, parce que le traitement médical est achevé ou parce que son état de santé n'est pas jugé suffisamment grave pour justifier l'ajournement d'une mesure de renvoi. Mais il n'y a pas lieu d'examiner ici quelles en seraient les conséquences, sous l'angle du droit conventionnel, les circonstances de l'espèce étant différentes, ainsi qu'on l'a vu.

5. Autre est le point de savoir - et, en réalité, c'est le problème que soulève le présent recours - s'il est ou non contraire à l'ordre public suisse d'allouer des prestations d'assurances sociales, plus particulièrement de l'assurance-invalidité, à un ressortissant étranger entré illégalement en Suisse et néanmoins obligatoirement assuré en raison de l'exercice d'une activité lucrative.
Cette question doit être résolue par la négative.
La réglementation sur le nombre des travailleurs étrangers tend à limiter ou à stabiliser la population étrangère en Suisse, de même qu'à protéger la main-d'oeuvre indigène de la sous-enchère qui pourrait être pratiquée par des salariés immigrés moins exigeants qu'elle (G. AUBERT, Contrat de travail et autorisation de travail, SJ 1988 p. 620 et note in SJ 1990 p. 661; art. 9 OLE). Ce double but est tout à fait différent de celui assigné à la législation sociale en général.
D'autre part, il ne serait guère logique de soumettre à cotisations le gain d'un "travail au noir" et de refuser en même temps, par principe,
BGE 118 V 79 S. 87
tout droit à des prestations lors de la survenance de l'éventualité assurée: comme le relève DUC, le droit aux prestations représente - sous réserve de dispositions spéciales contraires - le corollaire de l'obligation de cotiser (loc.cit., p. 171). Il est vrai que les régimes de l'AVS et de l'assurance-invalidité, à la différence de celui de l'assurance-accidents obligatoire, ne sont pas exclusivement financés par les cotisations des assurés et des employeurs; les pouvoirs publics (Confédération et cantons) y contribuent également (ces contributions représentant 20 pour cent des dépenses de l'AVS et la moitié de celles de l'assurance-invalidité; art. 103 LAVS et art. 78 LAI). Mais, de même qu'il est soumis à cotisations, le revenu d'une activité exercée sans autorisation est assujetti à l'impôt, dès lors que la loi fiscale ne l'exclut pas expressément de son champ d'application (cf. MASSHARDT/GENDRE, Commentaires IDN, 1980, p. 91; RIVIER, Droit fiscal suisse, p. 91). Il est du reste notoire que, parmi les employeurs qui occupent des salariés étrangers sans autorisation, nombre d'entre eux acquittent régulièrement pour ces employés, non seulement des cotisations d'assurances sociales, mais également l'impôt prélevé à la source.
Enfin, les premiers juges établissent de façon pertinente un parallèle entre le contrat de travail et le droit aux prestations. Comme ils le rappellent, la jurisprudence, se ralliant notamment à l'avis de RAPP (Fremdenpolizeiliche Arbeitsbewilligung und Arbeitsvertrag, Basler Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 1985, p. 277 ss, plus spécialement p. 285 ss; cf. aussi TERCIER, La partie spéciale du code des obligations, note 1732/34), reconnaît en principe - c'est-à-dire sous réserve d'un intérêt public prépondérant - la validité d'un contrat de travail conclu avec un employé non autorisé à travailler en Suisse: la nullité du contrat porterait préjudice au seul travailleur, contrairement au but de protection de la partie la plus faible, qui est à la base de la législation sur le contrat de travail et, partant, au principe de proportionnalité (ATF 114 II 281). Cette exigence de la protection du travailleur s'impose de la même manière dans le cadre de la législation sociale. Dans son rapport sur l'économie souterraine du 9 juin 1987 (FF 1987 II 1241 ss), le Conseil fédéral soulignait d'ailleurs à ce propos qu'une protection sociale suffisante du "travailleur au noir" était encore plus importante que la question du droit au salaire, non sans rappeler que cette protection était "en soi garantie par diverses dispositions de droit des assurances sociales" (p. 1273).

6. En conclusion, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré l'intimé comme étant assuré au sens du droit conventionnel
BGE 118 V 79 S. 88
et qu'ils ont, en conséquence, prescrit à la caisse de compensation d'examiner quelles prestations peuvent entrer en considération dans ce cas. De son côté, l'intimé sera tenu - au même titre qu'un travailleur saisonnier devenu invalide en Suisse - de continuer à verser des cotisations conformément à l'art. 8 let. f de la convention.
Le recours de droit administratif se révèle ainsi mal fondé.

7. (Frais et dépens).

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