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Urteilskopf

122 III 469


85. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 23 octobre 1996 dans la cause Chanel S.A. Genève et Chanel S.A. contre EPA AG (recours en réforme)

Regeste

Parallelimporte am Rande eines selektiven Vertriebssystems - Markenrecht - unlauterer Wettbewerb.
Art. 13 Abs. 2 MSchG in Verbindung mit Art. 3 Abs. 1 lit. a MSchG erlaubt dem Inhaber einer in der Schweiz geschützten Marke nicht, sich dem Parallelimport und dem Verkauf von Waren in der Schweiz zu widersetzen, die im Ausland rechtmässig mit der gleichen Marke versehen worden und genau gleich wie jene Waren beschaffen sind, die von den zum Vertriebssystem gehörenden Detaillisten angeboten werden (E. 3-5).
Die Ausnützung einer Vertragsverletzung durch einen Dritten ist nur dann unlauter im Sinne von Art. 2 UWG, wenn besondere Umstände vorliegen, welche dies als gegen Treu und Glauben verstossend erscheinen lassen (Bestätigung der Rechtsprechung zum aUWG). Solche Umstände können in der negativen Beeinflussung des Wettbewerbs liegen, welche das Verhalten des Dritten mit sich bringt, was aber für den Fall des Parallelimportes von Parfümeriewaren nicht zutrifft (E. 6-10).

Sachverhalt ab Seite 470

BGE 122 III 469 S. 470

A.- Chanel S.A., à Neuilly-sur-Seine (France) (ci-après: Chanel Paris) est titulaire de la marque internationale Chanel avec effet de protection en Suisse; sous cette marque, elle fabrique et vend ses produits de parfumerie, d'hygiène et de beauté. Chanel S.A. Genève (ci-après: Chanel Genève) est le distributeur exclusif en Suisse des produits de la marque Chanel.
Chanel S.A., à Glaris (ci-après: Chanel Glaris) est titulaire en Suisse de la marque verbale Chanel ainsi que des marques Chanel apposées, respectivement, sur un flacon et un emballage cartonné blanc aux arêtes noires; ces trois marques se trouvent en classe internationale 3 (produits de parfumerie, de beauté, de savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices).
Comme dans les autres pays européens, les produits de la marque Chanel sont commercialisés en Suisse à travers un réseau de distribution sélective composé de détaillants agréés. Ces derniers sont liés à Chanel Genève par un contrat de distributeur agréé. Afin de contrôler le cheminement de ses produits, Chanel Paris appose différents codes sur les emballages des articles offerts sur le marché.
EPA AG, à Zurich (ci-après: EPA) ne fait pas partie des distributeurs agréés Chanel. Elle vend néanmoins dans ses magasins, à des prix avantageux, des produits de la marque Chanel qu'elle a acquis sur le marché dit parallèle. Certains des articles vendus par EPA sont décodés; il devient ainsi impossible d'identifier leur provenance.

B.- Chanel Genève (demanderesse no 1) et Chanel Glaris (demanderesse no 2) ont introduit contre EPA une action tendant, en particulier, à faire constater le caractère illicite des importations parallèles de produits Chanel par la défenderesse, au regard du droit des marques et du droit de la concurrence déloyale.
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La Cour de justice du canton de Genève a débouté les demanderesses de toutes leurs conclusions.

C.- Chanel Genève et Chanel Glaris interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. EPA propose le rejet du recours.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. a) Selon l'arrêt attaqué, les importations parallèles par lesquelles la défenderesse s'est approvisionnée en produits Chanel consistent à écouler des biens originaux, munis de leur marque par le titulaire lui-même ou un ayant droit; les produits ainsi vendus ne sont donc pas revêtus de signes identiques à une marque antérieure au sens de l'art. 3 al. 1 let. a de la loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM; RS 232.11). La Cour de justice considère que la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous la loi fédérale concernant la protection des marques de fabrique et de commerce (LMF; abrogée le 1er avril 1993 par l'entrée en vigueur de la LPM) demeure valable sous le nouveau droit: les importations parallèles sont licites sauf s'il existe un risque de confusion quant à la provenance du produit. Il résulte implicitement de la décision entreprise qu'un tel risque n'existe pas en l'occurrence.
b) Les demanderesses se plaignent d'une violation des art. 3 al. 1 let. a et 13 al. 2 let. b ou d LPM. Elles estiment que les importations parallèles reprochées à la défenderesse tombent sous le coup de ces dispositions. A l'appui de leur thèse, elles citent plusieurs auteurs, qu'elles considèrent comme la doctrine majoritaire, ainsi qu'un arrêt rendu le 6 octobre 1993 par la Cour d'appel du canton de Berne.

4. Chanel Paris et les demanderesses appartiennent au même groupe. La marque Chanel fait l'objet à la fois d'un enregistrement national, au bénéfice de la demanderesse no 2, et d'un enregistrement international, avec effet de protection en Suisse, au bénéfice de Chanel Paris, société au nom de laquelle la demanderesse no 1 prétend agir. Déposée en plusieurs lieux par deux entreprises étroitement liées l'une à l'autre, la marque Chanel entre dans la catégorie des marques de groupe (ou marques de konzern) (cf. KAMEN TROLLER, Manuel du droit suisse des biens immatériels, 2e éd. [ci-après: Manuel], tome I, p. 131).
La commercialisation, en Europe, des produits de la marque Chanel repose sur un système dit de distribution sélective: dans chaque pays, un distributeur exclusif de Chanel Paris - en Suisse,
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la demanderesse no 1 - fournit les articles de la marque uniquement aux détaillants agréés qui s'engagent, par contrat, à ne vendre les produits qu'au consommateur final. La défenderesse ne fait pas partie de ce réseau. Elle acquiert les articles de la marque Chanel, en Suisse et à l'étranger, sur le marché dit parallèle, approvisionné nécessairement par l'un ou l'autre des acteurs du système européen mis en place par Chanel Paris, en violation de leurs obligations contractuelles; aucun élément de l'arrêt attaqué ne laisse en effet supposer que les marchandises vendues par la défenderesse proviendraient d'un stock volé.
La présente affaire pose le problème des importations parallèles effectuées en marge d'un réseau de distribution sélective. Il y a importation parallèle lorsqu'un tiers importe en Suisse, sans le consentement du titulaire suisse de la marque, un produit original qui, à l'étranger, a été muni de la même marque originale et mis en circulation avec le consentement du titulaire étranger de la marque ou de son ayant droit (NORDMANN-ZIMMERMANN, Importations parallèles et droit des marques, in "Conflit entre importations parallèles et propriété intellectuelle?" Actes du colloque de Lausanne, Comparativa no 60, 1996, p. 11; TROLLER, Manuel, tome I, p. 488; MARBACH, Markenrecht, in SIWR III [ci-après: Markenrecht], p. 203; BIERI-GUT, Rechtsprobleme beim Absatz auf grauen Märkten [ci-après: Rechtsprobleme], p. 11).
Les importations parallèles tombent-elles sous le coup de la LPM? La doctrine et la jurisprudence cantonale sont divisées à ce sujet. Selon certains auteurs, l'art. 13 al. 2 let. b et d LPM permet assurément au titulaire suisse de la marque de s'opposer à l'importation et à la vente en Suisse de produits émanant du marché parallèle, qui doivent être considérés comme revêtus de signes identiques à la marque protégée en Suisse au sens de l'art. 3 al. 1 let. a LPM (TROLLER, Manuel, tome I, p. 489/490; LUCAS DAVID, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Bâle 1994, n. 17 ad art. 13 LPM; le même, Das neue Markenschutzgesetz: Änderungen aus der Sicht des Praktikers, in RSJ/SJZ 89 (1993), p. 111; PETER V. KUNZ, Parallelimporte und selektive Vertriebssysteme nach revidiertem Markenrecht, in recht 1994, p. 223 ss; LEONZ MEYER, Schutz selektiver Vertriebssysteme durch das Markenschutzgesetz, in RSJ/SJZ 90 (1994), p. 94 ss; GEORG RAUBER, Das neue Markenrecht: Mittel gegen Parallelimporte?, in PJA/AJP 5/1993, p. 539 ss; RUDOLF TSCHÄNI, Parallelimporte und das neue Markenschutzgesetz, in RSDA/SZW 1994, p. 178 ss). La Cour d'appel du canton de Berne a approuvé
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cette thèse dans une décision "Pentax" du 6 octobre 1993 (publiée in RSPI/SMI 1995, p. 133 ss).
D'autres auteurs contestent en revanche l'application de l'art. 13 al. 2 LPM en liaison avec l'art. 3 al. 1 let. a LPM aux importations parallèles de produits originaux, identiques à ceux diffusés en Suisse par le titulaire de la marque suisse. Ils considèrent notamment que le droit des marques, par sa ratio même, ne saurait être utilisé pour lutter contre les importations parallèles, que ce droit n'a pas pour mission de protéger les canaux de distribution imposés par le titulaire de la marque ou encore qu'une interdiction absolue des importations parallèles ne serait pas compatible avec la liberté du commerce et de l'industrie garantie par l'art. 31 Cst. ni avec certains traités internationaux (DUTOIT, Les importations parallèles au crible de quel droit?, in Comparativa no 60 déjà cité [ci-après: Comparativa], p. 98; le même, Les contrats de concession exclusive et de distribution sélective sous le double projecteur du droit suisse et du droit européen des ententes, in RDS/ZSR 112 (1993), p. 391-393; NORDMANN-ZIMMERMANN, op.cit., p. 19 ss; MARBACH, Markenrecht, p. 203/204; THOMAS COTTIER, Das Problem der Parallelimporte im Freihandelsabkommen Schweiz-EG und im Recht der WTO-GATT, in RSPI/SMI 1995, p. 37 ss; ZÄCH, Recht auf Parallelimporte und Immaterialgüterrecht, in RSJ/SJZ 91 (1995), p. 301 ss; AUGUST ROSENKRANZ, Parallelimporte und das neue Markenschutzgesetz, in RSDA/SZW 1994, p. 120 ss; BIERI-GUT, Parallelimport und Immaterialgüterrechte nach schweizerischen Spezialgesetzen und dem Recht der EU, in PJA/AJP 1996, p. 566; la même, Rechtsprobleme, p. 264 ss, sp. p. 276;). Une décision saint-galloise dans une affaire "Nikon" (publiée in RSPI/SMI 1995, p. 126 ss) et deux décisions zurichoises dans des affaires "Timberland" et "Head" (publiées à la fois in RSPI/SMI 1995, p. 107 ss et in ZR 93 (1994), p. 205 ss) sont fondées sur cette opinion.

5. Selon l'art. 13 al. 2 LPM, le titulaire de la marque peut interdire à des tiers d'user des signes dont la protection est exclue en vertu de l'art. 3 al. 1 LPM, en particulier d'utiliser le signe concerné pour offrir des produits, les mettre dans le commerce ou les détenir à cette fin (let. b) ou pour importer ou exporter des produits (let. d). Parmi les signes exclus de la protection légale, l'art. 3 al. 1 let. a LPM range les signes identiques à une marque antérieure et destinés à des produits ou services identiques; l'art. 3 al. 2 let. a LPM qualifie d'antérieure la marque déposée ou enregistrée qui donne naissance à un droit de priorité au sens de la LPM.
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A la lecture de ces dispositions, il n'est pas possible de dire d'emblée si elles ont vocation à s'appliquer aux importations parallèles. A défaut d'une réponse expresse dans la loi, il convient de procéder par voie d'interprétation.
a) La loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé, (interprétation téléologique) ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 122 III 324 consid. 7a; 121 III 408 consid. 4b; ATF 121 V 58 consid. 3b p. 60; ATF 119 II 353 consid. 5 p. 355; 119 Ia 241 consid. 7a p. 248; ATF 118 Ib 448 consid. 3c p. 452; ATF 117 Ia 328 consid. 3a p. 331 et les arrêts cités). Les travaux préparatoires seront toutefois pris en considération seulement lorsqu'ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu'ils ont trouvé expression dans le texte même de la loi (ATF 122 III 324 consid. 7a; ATF 116 II 525 consid. 2b p. 527; ATF 114 Ia 191 consid. 3b/bb p. 196).
En outre, si plusieurs interprétations sont admissibles, il convient de choisir celle qui est conforme à la constitution. En effet, même s'il ne peut pas examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 113 al. 3 Cst.), le Tribunal fédéral partira de l'idée que le législateur ne propose pas de solution incompatible avec la constitution, à moins que le contraire ne résulte clairement de la lettre ou de l'esprit de la loi (ATF 119 Ia 241 consid. 7a et les références).
b) Avant de déterminer le sens réel des art. 3 al. 1 let. a et 13 al. 2 LPM, il y a lieu de rappeler la jurisprudence rendue sous l'empire de la LMF. L'art. 24 let. c LMF permettait de poursuivre par la voie civile ou pénale celui qui avait vendu, mis en vente ou en circulation des produits ou marchandises revêtus d'une marque qu'il savait être contrefaite, imitée ou indûment apposée. En vertu du principe de la territorialité, une marque protégée en Suisse était considérée comme "indûment apposée" lorsqu'elle avait été mise à l'étranger, fût-ce de manière licite, sur des marchandises importées en Suisse contre le gré du titulaire suisse de la marque. Mais la réalisation de cette condition ne suffisait pas à rendre les importations parallèles illicites au regard du droit suisse des marques. En effet, rejetant l'interprétation littérale de l'art. 24 let. c LMF, le Tribunal fédéral a toujours limité l'application de cette disposition aux cas où le public
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suisse risquait d'être induit en erreur, reprenant ainsi la condition figurant expressément à l'art. 24 let. a LMF (ATF 105 II 49 consid. 1a et b [Omo]; 86 II 270 consid. 3b p. 279 [Philips]; ATF 84 IV 119 consid. 2 [Saba] entre autres). Cela signifie en particulier que le titulaire suisse d'une marque de konzern ne pouvait pas s'opposer à la diffusion en Suisse de produits du groupe revêtus à l'étranger de la même marque et importés sans son assentiment lorsque, dans l'esprit du public suisse, la marque renvoyait non pas à son entreprise, mais à n'importe quelle société du groupe (ATF 105 II 49 consid. 1b in fine; ATF 86 II 270 consid. 3f et g). A l'inverse, le risque de confusion était réalisé lorsque le produit émanant d'une filiale étrangère du groupe et vendu en Suisse sous la même marque que le produit suisse ne présentait pas les mêmes qualités et caractéristiques que le produit commercialisé par le titulaire suisse de la marque (ATF 105 II 49 consid. 2b).
En résumé, le Tribunal fédéral a admis la licéité des importations parallèles au regard de la LMF, pour autant que le consommateur suisse ne puisse pas être trompé sur la provenance du produit et/ou sur sa qualité.
Cette jurisprudence ne peut être reprise sans autre sous le nouveau droit, car l'art. 13 LPM, en combinaison avec l'art. 3 LPM, ne correspond à l'art. 24 LMF ni par sa structure, ni par sa teneur; il ne contient pas, en particulier, la notion de marque "indûment apposée".
c) Les tenants de l'interdiction des importations parallèles par le biais du droit des marques fondent leur thèse sur une interprétation littérale de l'art. 3 al. 1 let. a LPM. Les produits importés parallèlement entreraient dans le cadre de cette disposition, car ils seraient à la fois pourvus de signes identiques à la marque protégée en Suisse et identiques aux produits vendus sous la marque suisse. Ces auteurs font observer au surplus que l'art. 3 al. 1 let. a LPM ne mentionne pas le risque de confusion, contrairement aux let. b et c de la même disposition; ils excluent ainsi l'application de la jurisprudence rendue sous l'ancien droit, qui ne prohibait les importations parallèles qu'en présence d'un risque de confusion (TROLLER, Manuel, tome I, p. 487/488; DAVID, op.cit., n. 17 ad art. 13; KUNZ, op.cit., p. 223; MEYER, op.cit., p. 95; RAUBER, op.cit., p. 539; TSCHÄNI, op.cit., p. 179). Il s'ensuivrait que le titulaire suisse de la marque peut s'opposer aux importations parallèles sur la base de l'art. 13 al. 2 LPM.
d) Il est vrai que l'art. 3 al. 1 let. a LPM ne contient pas de référence au risque de confusion. Une partie de la doctrine est d'avis que cette exigence est présumée en cas de signes identiques apposés sur
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une marchandise identique et qu'un importateur parallèle devrait par conséquent pouvoir renverser la présomption en prouvant l'absence d'un risque de confusion (COTTIER, op.cit., p. 56, qui interprète l'art. 3 al. 1 let. a LPM à la lumière de l'art. 16 de l'accord TRIPS; MARBACH, Markenrecht, p. 100; ROSENKRANZ, op.cit., p. 122). Cette opinion se heurte toutefois à la volonté clairement affichée dans le message du 21 novembre 1990 concernant la LPM. Commentant l'art. 3 du projet, le Conseil fédéral note en effet que cette prescription renforce la position juridique du titulaire de la marque, qui ne sera plus tenu de fournir la preuve que le public a été trompé sur la provenance des biens ou des services en cause (FF 1991 I, p. 20). Plus loin, il affirme que le nouveau droit renforcera encore la position du titulaire en lui conférant un caractère absolu, désormais indépendant de l'existence d'un risque de tromperie quant à la provenance industrielle des produits (FF 1991 I, p. 56).
L'absence de référence au risque de confusion à l'art. 3 al. 1 let. a LPM ne signifie pas pour autant l'interdiction absolue des importations parallèles. Certes, deux passages du message le laissent entendre. Ainsi, l'importance pratique de cette nouvelle disposition concernerait en particulier la circulation internationale des produits; le message renvoie sur ce point au chapitre sur le principe de l'épuisement, relié au problème des importations parallèles, ainsi qu'à l'ATF "Omo" déjà cité (FF 1991 I, p. 20). Partant de l'idée que le Tribunal fédéral maintiendra sa jurisprudence, reposant sur le principe de l'épuisement limité à la Suisse, le Conseil fédéral ajoute que le titulaire d'une marque suisse pourra continuer à s'opposer à ce qu'elle soit utilisée en relation avec des produits mis en circulation hors de Suisse avec ou sans son consentement (FF 1991 I, p. 56).
Cependant, le message n'est pas exempt de contradictions sur cette question. En effet, à d'autres endroits, le Conseil fédéral explique avoir renoncé à proposer une réglementation législative du principe de l'épuisement international et s'être rallié aux opposants qui souhaitaient que le Tribunal fédéral conserve sa jurisprudence actuelle afin de tenir compte des circonstances particulières. Or, sans reconnaître expressément le principe de l'épuisement international, cette jurisprudence autorise précisément les importations parallèles dans certains cas, notamment lorsqu'il faut prendre en considération des réglementations découlant de traités internationaux, dans la mesure où le public suisse n'est pas induit en erreur (FF 1991 I, p. 14). En outre, le Conseiller fédéral Koller a confirmé cette position devant le Conseil des Etats; il a affirmé clairement que la jurisprudence du
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Tribunal fédéral, en autorisant les importations parallèles qui n'induisent pas en erreur le public suisse, était mieux à même de tenir compte des circonstances de chaque cas particulier que l'ancrage du principe de l'épuisement international dans la loi (BO CE 1992, p. 23).
Sur le vu de ces différents éléments, on ne saurait déduire de l'absence de mention du risque de confusion à l'art. 3 al. 1 let. a LPM une volonté claire du législateur d'interdire systématiquement les importations parallèles.
Un autre argument vient du reste appuyer ce point de vue. Le problème des importations parallèles était connu de longue date au moment de la préparation de la nouvelle loi. Conscient de cet état de choses, le législateur n'aurait donc pas manqué d'interdire expressément toutes les importations parallèles si telle avait été sa volonté. De plus, aucune discussion parlementaire n'a eu lieu sur ce sujet qui divise à présent la doctrine, ce qui confirme que l'intention des Chambres fédérales n'était pas de rompre avec la jurisprudence suivie jusqu'alors en prohibant les importations parallèles de manière absolue.
e) Une analyse plus approfondie des termes mêmes de l'art. 3 al. 1 let. a LPM permet également de douter du bien-fondé de l'interprétation défendue par les partisans de l'interdiction des importations parallèles.
La formule utilisée dans cette disposition - "les signes identiques à une marque antérieure et destinés à des produits ou services identiques" - concerne typiquement l'apposition d'une marque protégée par un tiers sur sa propre marchandise ou ses propres services ainsi que le piratage. Il convient de noter au passage que, dans ce dernier cas, l'acquéreur sait en général, notamment en raison du prix demandé, qu'il n'a pas affaire au produit de marque original; c'est pourquoi le titulaire de la marque protégée doit pouvoir invoquer l'art. 13 LPM en liaison avec l'art. 3 al. 1 let. a LPM pour se défendre contre ce genre de pratique, même si le risque de confusion n'existe pas concrètement (cf. FF 1991 I, p. 20).
Les situations décrites ci-dessus mettent clairement en jeu une marque antérieure et une marque postérieure. Elles opposent nécessairement deux personnes juridiques: la personne titulaire de la marque protégée et celle qui a fait usage de signes identiques à la marque protégée. En effet, a priori, il n'y a de sens à exclure la protection légale que si l'apposition des signes identiques à une marque protégée est le fait d'une personne juridique autre que le titulaire de
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la marque. Or, en cas d'importations parallèles en marge d'un réseau de distribution sélective comme celui instauré par le groupe Chanel, c'est bien le fabricant titulaire de la marque qui a apposé celle-ci sur le produit original; on ne saurait parler d'une marque antérieure et d'une marque postérieure.
Pour tenir compte de cette dualité, l'interprétation littérale de l'art. 3 al. 1 let. a LPM défendue par les partisans de l'interdiction des importations parallèles repose sur une vision absolue du principe de la territorialité: la marque apposée licitement à l'étranger sur le produit original n'est pas celle qui est protégée en Suisse; peu importe que l'apposition de la marque et la commercialisation du produit à l'étranger aient été effectuées par le titulaire suisse ou par une personne juridique qui lui est liée étroitement. Cette distinction apparaît toutefois artificielle et peu satisfaisante. On touche ici à la relation entre le principe de la territorialité et le principe de l'épuisement des droits de la marque.
La règle de l'épuisement veut que le droit exclusif de commercialisation d'un bien protégé par un droit de propriété intellectuelle s'épuise à la première mise en circulation par laquelle le bien est aliéné de manière licite (arrêt non publié du 3 mars 1992 dans la cause 4P.189/1991 consid. 5b/aa; entre autres, GRAZ, Propriété intellectuelle et libre circulation des marchandises, thèse Lausanne 1988, p. 62-63 et p. 68-70). L'épuisement sera national, régional ou international selon l'espace déterminant pour la première mise en circulation. Ainsi, il y a épuisement national lorsque seule la première mise en circulation dans l'Etat qui confère la protection fait perdre au titulaire les droits découlant de la marque nationale quant à ce produit. En revanche, il y a épuisement international lorsque la première mise en circulation du produit de marque dans n'importe quel Etat a pour conséquence de faire perdre au titulaire de la marque nationale les droits relatifs à ce produit (COTTIER/STUCKI, Parallelimporte im Patent-, Urheber- und Muster- und Modellrecht aus europarechtlicher und völkerrechtlicher Sicht, in Comparativa no 60 déjà cité, p. 35; NORDMANN-ZIMMERMANN, op.cit., p. 11-12).
La LPM ne mentionne pas le principe de l'épuisement. Il est toutefois incontesté que cette règle s'applique en tout cas sur le plan national. A ce stade, il convient de garder à l'esprit que le titulaire d'une marque de produits distribués à travers un réseau fermé entend se défendre contre toute vente en dehors de ce réseau. Or, en vertu du principe de l'épuisement national, le titulaire de la marque nationale pourrait certes s'opposer à des importations parallèles, mais
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serait dépourvu des moyens du droit des marques si, par hypothèse, le revendeur parallèle se fournissait en Suisse chez un distributeur agréé. L'application des art. 3 al. 1 let. a et 13 LPM n'apparaît dès lors pas comme un moyen adéquat pour lutter contre toutes les ventes hors d'un réseau de distribution sélective.
Par ailleurs, le principe de la territorialité, qui a pour effet de limiter l'application du droit suisse des marques au territoire national, ne s'oppose pas à ce que le droit suisse prenne en compte des éléments de fait qui se sont déroulés à l'étranger (NORDMANN-ZIMMERMANN, op.cit., p. 12; COTTIER, op.cit., p. 41; GRAZ, op.cit., p. 28, p. 76 et p. 82). Ce principe n'empêche dès lors pas la reconnaissance d'un épuisement international dans certains cas, ainsi lorsque la mise en circulation d'un produit, correspondant en tous points à celui vendu en Suisse, a eu lieu à l'étranger, par une personne juridique faisant partie du même groupe que le titulaire de la marque protégée sur le plan national.
f) L'interdiction absolue des importations parallèles ne se justifie pas non plus sur la base d'une interprétation téléologique de la LPM.
Selon l'art. 1er al. 1 LPM, la marque a pour fonction de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. Son but est d'individualiser les marchandises ainsi désignées et de les différencier des autres produits, de telle sorte que le consommateur puisse retrouver, dans l'abondance de l'offre, un produit qu'il a apprécié (ATF 122 III no 70 du 15 octobre 1996 dans la cause Asta Medica contre Robugen consid. 1; 119 II 473 consid. 2c p. 475). La loi protège ainsi les fonctions de distinction et d'indication de provenance de la marque (Message précité, in FF 1991 I, p. 18).
Or, lorsque, comme en l'espèce, elle est apposée sur des produits originaux attribués par le public à un groupe de sociétés, la marque remplit bel et bien ces fonctions, même si les articles sont parvenus en Suisse par des importations parallèles (cf. MARBACH, Markenrecht, p. 204; DUTOIT, op.cit., in RDS/ZSR 112 (1993), p. 392; décisions "Timberland" et "Head" précitées, consid. 7cc). En revanche, les autres fonctions de la marque, comme celles de garantir une qualité constante ou de provoquer un impact publicitaire, ne bénéficient d'aucune protection en tant que telles (Message précité, in FF 1991 I, p. 18). La LPM n'apparaît ainsi pas comme un instrument qui permettrait au titulaire de la marque de contrôler toute la chaîne de distribution de ses produits (ROSENKRANZ, op.cit., p. 122; cf. également GRAZ, op.cit., p. 62).
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g) La même conclusion s'impose si l'on se fonde sur une interprétation systématique.
aa) Garantie par l'art. 31 Cst., la liberté du commerce et de l'industrie comprend la liberté des relations économiques avec l'étranger, dont la liberté d'exporter et d'importer des produits originaux munis de leur marque (ZÄCH, op.cit., p. 305-308; cf. également BIERI-GUT, op.cit., in PJA/AJP 1996, p. 566 et NORDMANN-ZIMMERMANN, op.cit., p. 20). Une prohibition absolue des importations parallèles apparaîtrait ainsi comme une atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Dans ces conditions, le Tribunal fédéral ne saurait, parmi plusieurs interprétations de l'art. 3 al. 1 let. a LPM en liaison avec l'art. 13 LPM, choisir celle qui se révèle incompatible avec la garantie de l'art. 31 Cst.
bb) Les demanderesses invoquent non seulement la LPM, mais également, de manière toute générale, l'accord du GATT/OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après: accord TRIPS; in FF 1994 IV, p. 800 ss et in RO 1995 p. 2483 ss). Elles se prévalent d'un renforcement des droits du titulaire de la marque, sans développer plus avant leur raisonnement. Le grief apparaît ainsi incompréhensible et, partant, irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Au demeurant, on ne peut déduire de l'art. 16 ch. 1 de l'accord TRIPS une interdiction systématique des importations parallèles. En effet, cette disposition prévoit que le titulaire d'une marque enregistrée aura le droit exclusif d'empêcher tous les tiers agissant sans son consentement de faire usage, au cours d'opérations commerciales, de signes identiques ou similaires pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, dans les cas où un tel usage entraînerait un risque de confusion, qui est présumé en cas d'usage d'un signe identique pour des produits ou services identiques. Il est donc toujours loisible à l'importateur parallèle de prouver l'inexistence d'un risque de confusion, auquel cas son activité ne serait pas contraire à l'art. 16 de l'accord TRIPS.
h) Sur la base de ces différentes interprétations, force est de conclure que la LPM n'offre aucun moyen au titulaire d'une marque protégée en Suisse de se défendre contre l'importation parallèle, en marge d'un réseau de distribution sélective, de produits munis licitement de la même marque à l'étranger et rigoureusement semblables à ceux vendus par les distributeurs agréés. Les demanderesses ne peuvent dès lors invoquer la protection du droit des marques pour s'opposer à la vente des produits Chanel par la défenderesse.
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Le présent cas se distingue des importations parallèles, sous la même marque, de produits certes identiques, mais dont les composants ne correspondent pas exactement à ceux du produit vendu en Suisse (cf. ATF "Omo" précité). Le comportement d'une société du groupe, à l'étranger, peut-il être alors imputé au titulaire suisse de la marque? Y a-t-il une lacune de la LPM à combler par référence à la jurisprudence rendue sous l'ancien droit, qui prenait en compte le risque de tromperie (cf. BIERI-GUT, Rechtsprobleme, p. 276)? Il n'est pas nécessaire de trancher cette question en l'espèce.
En conclusion, le recours apparaît mal fondé dans la mesure où les demanderesses se plaignent d'une violation de la LPM.

6. a) Appliquant la jurisprudence de l'arrêt publié aux ATF 114 II 91 ("Dior") en matière de concurrence déloyale, la cour cantonale a considéré que la défenderesse n'agissait pas de manière déloyale en exploitant la violation de leurs obligations contractuelles par un ou plusieurs membres du réseau de distribution sélective mis en place par le groupe Chanel. En effet, ni la vente au-dessous du prix fixé par le fabricant, ni le maquillage des codes de contrôle, ni l'absence de prospectus ne constituent des circonstances particulières qui sont de nature à rendre déloyal et, partant, illicite le comportement de la défenderesse.
b) Les demanderesses reprochent à la Cour de justice une violation de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241). A leur avis, le comportement de la défenderesse se révèle déloyal à plusieurs titres. Premièrement, les altérations subies par les emballages vendus dans les magasins EPA constitueraient une atteinte considérable à l'image de marque des produits Chanel et tomberaient par conséquent sous le coup de la clause générale de l'art. 2 LCD. Par ailleurs, en utilisant systématiquement et régulièrement les violations du système de distribution sélective commises par un ou plusieurs détaillants agréés, la défenderesse se rendrait coupable de parasitisme, acte déloyal au sens de l'art. 2 LCD. Cette attitude réaliserait au surplus les conditions d'application de l'art. 5 let. b LCD, qualifiant de déloyale l'exploitation d'une prestation d'autrui. Enfin, le comportement de la défenderesse serait également déloyal au regard de la jurisprudence rendue sous l'ancienne loi fédérale sur la concurrence déloyale (aLCD). En effet, la vente de produits Chanel dans les magasins EPA est entourée de circonstances aggravantes - comme l'altération de la marque et de l'emballage ou encore la suppression des numéros de contrôle et du prospectus -, propres à mettre en danger le bon renom de la marque.
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7. Comme l'aLCD, la LCD fournit tout d'abord une définition générale du comportement déloyal (art. 2) avant de dresser une liste exemplative de cas de concurrence déloyale (art. 3 à 8). L'art. 2 LCD qualifie de déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Pour sa part, l'art. 1er al. 1 aLCD considérait comme déloyal tout abus de la concurrence économique résultant d'une tromperie ou d'un autre procédé contraire aux règles de la bonne foi.
L'arrêt "Dior" déjà cité présente un état de fait similaire à la présente espèce. Prononcé le 24 mars 1988, le même jour que deux autres arrêts non publiés dans les causes C.467/1987 et C.487/1987 ("Jil Sander"), il a été rendu en application de l'ancien droit; le nouveau droit, entré en vigueur trois semaines plus tôt, a toutefois été pris en compte pour interpréter l'aLCD, en particulier pour mieux discerner la frontière entre concurrence licite et concurrence déloyale au sens de la clause générale (ATF 114 II 91 consid. 1 p. 94). Tout en reconnaissant le caractère licite du système de distribution sélective, le Tribunal fédéral a rejeté l'argument selon lequel n'importe quelle atteinte à un tel réseau serait illicite (même arrêt consid. 2 p. 95). Il a constaté ensuite que la partie défenderesse ne pouvait vendre des produits Dior que si des partenaires de la maison Dior violaient leurs obligations contractuelles envers celle-ci. Après un examen approfondi, il est parvenu à la conclusion, conforme à une jurisprudence constante et à la doctrine dominante, qu'une atteinte portée par un tiers à des droits relatifs ne constituait un acte de concurrence déloyale au sens de l'art. 1er al. 1 aLCD que si des circonstances particulières faisaient apparaître le comportement du tiers comme contraire aux règles de la bonne foi (même arrêt consid. 4a/dd p. 100/101). La simple exploitation de la violation d'engagements contractuels liés à un réseau de distribution fermé n'est dès lors pas contraire à l'art. 1er al. 1 aLCD (même arrêt consid. 4b p. 101 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral a nié au surplus l'existence de circonstances propres à rendre un comportement contraire à la bonne foi en cas d'enlèvement des codes de contrôle, pour autant que la qualité de la marchandise ne subisse pas de modifications ou que le fabricant ne puisse pas faire valoir un intérêt digne de protection à une présentation intacte de son produit (même arrêt consid. 5a p. 103; cf. également ATF 86 II 108 consid. 2a p. 112). De même, le maintien, sur les produits importés parallèlement, de la mention selon
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laquelle seuls les distributeurs agréés peuvent vendre lesdits articles, ne constitue pas une circonstance particulière qui fonderait l'illicéité (même arrêt consid. 5b p. 104/105).

8. Avant d'examiner si la jurisprudence relative à la clause générale reste valable sous l'empire du nouveau droit, il convient de se demander si le comportement reproché à la défenderesse ne tombe pas sous le coup d'une disposition spéciale, soit l'art. 4 let. a LCD ou, comme les demanderesses le prétendent, l'art. 5 let. b LCD.
a) L'art. 4 let. a LCD englobe dans les comportements déloyaux celui qui consiste à inciter un client à rompre un contrat en vue d'en conclure un autre avec lui. Selon l'interprétation déjà donnée par la jurisprudence, les autres cas d'incitation à violer un contrat rentrent, le cas échéant, dans le cadre de la clause générale, comme sous l'ancien droit (ATF 114 II 91 consid. 4a/bb p. 99; cf. BÄR, Die privatrechtliche Rechtsprechung des BGer 1988, in RJB/ZBJV 126 (1990), p. 288). L'art. 4 let. a LCD n'est dès lors pas applicable en l'espèce, puisque l'importateur ou le revendeur parallèle n'incite pas son fournisseur à rompre un contrat pour en conclure un autre avec lui.
En outre, les constatations souveraines de la cour cantonale ne contiennent aucun élément donnant à penser que la défenderesse aurait incité un membre du réseau de distribution sélective Chanel à violer ses obligations contractuelles pour lui fournir des produits de marque. Sous cet angle-là, la clause générale n'entre pas non plus en ligne de compte.
b) L'art. 5 let. b LCD qualifie de déloyale l'action de celui qui exploite le résultat du travail d'un tiers, par exemple des offres, des calculs ou des plans, bien qu'il sache que ce résultat lui a été remis ou rendu accessible de façon indue.
Selon certains auteurs, cette disposition s'applique au comportement parasitaire des importateurs parallèles, qui utilisent systématiquement et de façon continue la violation d'un système de distribution sélective commise par un ou plusieurs distributeurs agréés. Dans cette perspective, la réputation du produit de marque, découlant des efforts du producteur, doit être qualifié de "résultat d'un travail" au sens de l'art. 5 LCD (DUTOIT, Comparativa, p. 102; le même, op.cit., in RDS/ZSR 112 (1993), p. 388-389; le même, Note sur les trois arrêts précités du 24 mars 1988, in SAS/SAG 1989, p. 114; KAMEN TROLLER, Aperçu de divers problèmes juridiques au sujet de la protection des systèmes de distribution sélective notamment dans le domaine des produits de consommation de luxe, in RSPI/SMI 1987, p. 38-39).
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Conformément à sa note marginale, l'art. 5 LCD concerne l'exploitation d'une prestation d'autrui. La jurisprudence entend par prestation le résultat d'un travail, soit le produit d'un effort intellectuel et/ou matériel qui n'est pas protégé en tant que tel en dehors du champ d'application de la législation spéciale sur la protection des biens immatériels (ATF 117 II 199 consid. 2a/ee p. 202 et les références). En revanche, une simple idée peut être exploitée par un tiers, même si elle est fixée par la suite (Message à l'appui d'une loi fédérale contre la concurrence déloyale, in FF 1983 II, p. 1103). Ainsi l'idée du dépannage n'est pas protégée en droit de la concurrence (ATF 117 II 199 consid. 2a/ee p. 203). Les cas concernés par l'art. 5 LCD touchent d'une part au domaine des relations précontractuelles; ainsi, un bureau d'ingénieurs établit sans frais pour un client potentiel une offre détaillée comprenant des calculs compliqués, qui sont utilisés en définitive par le concurrent finalement mandaté par le client. D'autre part, dans le domaine extracontractuel, l'art. 5 LCD vise le comportement des "pirates" qui, par exemple, reproduisent des enregistrements ou copient des livres dont le contenu n'est pas protégé par la législation sur les droits d'auteur (cf. MARTIN-ACHARD, La loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD), p. 78, qui se réfère aux travaux de la commission d'experts).
En l'espèce, le comportement reproché à la défenderesse n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 5 LCD tel que délimité ci-dessus. En effet, la réputation d'un produit ne saurait être assimilée au résultat d'un travail, défini comme une prestation. Preuve en est que le renom d'un produit de marque ne peut être remis à un tiers ou lui être rendu accessible, comme l'art. 5 al. 2 LCD le suppose. La cour cantonale n'a dès lors pas violé cette disposition en ne retenant pas un acte déloyal de la défenderesse.

9. a) Selon l'approche fonctionnelle, la distinction entre concurrence loyale et concurrence déloyale doit se faire en tenant compte des résultats qu'on est en droit d'escompter dans un système où la concurrence fonctionne bien. Ainsi, un acte de concurrence devient déloyal lorsqu'il met en péril la concurrence en tant que telle ou lorsqu'il déjoue les résultats attendus par ladite concurrence (Message précité, in FF 1983 II, p. 1068 et les références doctrinales). Par rapport à l'ancien droit, la LCD accentue l'orientation fonctionnelle de la loi (FF 1983 II, p. 1069). Ainsi, l'art. 1er LCD énonce expressément le but de la loi, soit garantir une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée, dans l'intérêt de toutes les parties concernées; quant
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à l'art. 2 LCD, il mentionne les sujets protégés, en qualifiant de déloyal l'acte contraire aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Selon la volonté exprimée clairement dans le message, la LCD et, plus particulièrement, la clause générale sont désormais mieux accessibles à une interprétation fonctionnelle, tenant compte - indépendamment des critères propres à la morale des affaires - des résultats escomptés dans un système où la concurrence fonctionne bien (FF 1983 II, p. 1069).
b) D'aucuns défendent la thèse selon laquelle la LCD, comprise dans une perspective fonctionnelle, doit permettre d'intervenir contre l'utilisation, par des tiers, de la violation d'un système de distribution sélective (DUTOIT, op.cit., in SAS/SAG 1989, p. 115; BAUDENBACHER, Zum Schutz selektiver Vertriebssysteme im schweizerischen Recht, in GRUR Int. 1988, p. 933). Ce dernier auteur met l'accent sur le fait que, dans les arrêts non publiés "Jil Sander", déjà cités, le Tribunal fédéral a rejeté le moyen fondé sur la notion fonctionnelle de la concurrence, tout en soulignant qu'il n'était pas nécessaire d'examiner si le nouveau droit imposait une autre solution (ibid.).
Au contraire, MARBACH est d'avis que la conception fonctionnelle de la concurrence ne change rien au résultat auquel le Tribunal fédéral est parvenu dans l'arrêt "Dior". A son sens, il n'est pas contraire à une saine concurrence que n'importe quel vendeur soit en mesure de se procurer la marchandise qu'il souhaite offrir, même si l'intermédiaire viole pour ce faire ses obligations contractuelles (Zulässigkeit und Schutz eines selektiven Vertriebssystems, in recht 1989, p. 68 et p. 72).

10. Il n'y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence consacrée dans l'arrêt "Dior", selon laquelle l'exploitation par un tiers d'une violation d'obligations contractuelles n'est déloyale au sens de l'art. 2 LCD que si des circonstances particulières la font apparaître comme contraire à la bonne foi. Pour tenir compte de l'approche fonctionnelle voulue par le législateur, il conviendra toutefois de prendre en considération, au titre de circonstances particulières, des éventuels effets négatifs sur la concurrence induits par le comportement de l'importateur ou du revendeur parallèle.
a) En l'occurrence, la suppression des codes de contrôle interne et les altérations de l'emballage qui s'en sont suivies ainsi que l'absence de prospectus ne rendent pas déloyal le comportement de la défenderesse. D'une part, l'arrêt attaqué ne contient aucun indice
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laissant supposer une dégradation de la qualité des produits vendus par la défenderesse. D'autre part, selon les constatations de la cour cantonale, l'atteinte aux emballages n'apparaît pas grave au point de justifier la protection du droit de la concurrence. Selon l'expérience, les clients des magasins "discount" accordent du reste peu d'importance à l'emballage et à la présentation du produit dès l'instant où ils bénéficient d'un prix plus intéressant (ATF 114 II 91 consid. 5a p. 104). L'absence de mode d'emploi, s'agissant de produits de parfumerie, n'est pas non plus un élément décisif à cet égard.
Par ailleurs, il ne ressort pas de l'état de fait cantonal que les articles offerts par la défenderesse porteraient une mention selon laquelle la vente ne peut intervenir que par l'intermédiaire de dépositaires agréés. Le moyen déduit d'une telle annotation se révèle par conséquent irrecevable (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ). Au demeurant, fût-elle avérée, cette circonstance ne suffirait certainement pas pour admettre que le revendeur parallèle s'est prévalu faussement du statut de distributeur agréé (cf. art. 3 let. b LCD; ATF 114 II 91 consid. 5b p. 104). Comme déjà relevé dans l'arrêt sur recours de droit public, l'existence d'importations parallèles est de notoriété publique de sorte que le client ne peut déduire, d'une simple mention figurant sur tous les produits sortis de la fabrique Chanel, la qualité de détaillant agréé du vendeur.
b) Il reste à examiner si la vente de produits Chanel en dehors du système de distribution sélective entraîne des effets néfastes sur la concurrence.
En matière de parfumerie haut de gamme, l'instauration d'un réseau de distribution sélective a pour but de préserver le prestige du produit, d'assurer un assortiment complet et de qualité constante, d'offrir si nécessaire des conseils à l'achat (GUYET, La distribution sélective en droit suisse, nouveaux développements, in RSPI/SMI 1990, p. 255), voire de maintenir des prix imposés (DUTOIT, op.cit., in SAS/SAG 1989, p. 114). La notion de "prestige" à laquelle les grands parfumeurs comme Chanel sont attachés implique prix relativement élevés et cadres de vente d'un certain standing en nombre forcément limité. Le système de distribution sélective ne tend donc pas à vendre les produits de marque dans le plus grand nombre de points de vente et au meilleur prix possible (cf. TROLLER, op.cit., in RSPI/SMI 1987, p. 26; DUTOIT, op.cit., in SAS/SAG 1989, p. 114). Au contraire, grâce aux importations parallèles, les parfums de luxe sont accessibles plus facilement à un plus grand nombre de consommateurs. Il est douteux dès lors qu'un système
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de distribution sélective étanche soit souhaitable dans le domaine de la parfumerie du point de vue de la politique du marché (cf. NORDMANN-ZIMMERMANN, op.cit., p. 21).
Face aux magasins "discount", les détaillants agréés ne sont pourtant pas démunis d'arguments. Ils proposent au consommateur la gamme de produits complète et un service de conseils à la clientèle; par ailleurs, même si les prix sont imposés par le distributeur exclusif, rien n'empêche le dépositaire agréé d'offrir par exemple un rabais de fidélité à ses clients.
En conclusion, la coexistence des détaillants agréés et des revendeurs parallèles apparaît comme la solution qui sauvegarde au mieux les résultats positifs qui peuvent être attendus de la libre concurrence, au bénéfice des concurrents, des acheteurs et de la collectivité en général.
c) Sur le vu de ce qui précède, c'est à bon droit que la cour cantonale a nié en l'espèce une violation de la LCD. Le recours sera ainsi rejeté dans la mesure où il est recevable.

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BGE: 114 II 91, 105 II 49, 122 III 324, 119 IA 241 mehr...

Artikel: Art. 3 Abs. 1 lit. a MSchG, Art. 2 UWG, art. 13 LPM, art. 5 LCD mehr...