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Urteilskopf

149 III 193


24. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A.A. contre B.A. (recours en matière civile)
5A_881/2022 du 2 février 2023

Regeste

Art. 28c ZGB; Modalitäten der zivilrechtlichen elektronischen Überwachung und Voraussetzungen, unter denen sie angeordnet werden kann.
Die Anordnung einer elektronischen Überwachung gemäss Art. 28c ZGB setzt namentlich die Erfüllung der Voraussetzungen von Art. 36 BV voraus (E. 5.2). Anwendung des Verhältnismässigkeitsprinzips im konkreten Fall (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 193

BGE 149 III 193 S. 193

A. Par jugement du 27 avril 2022, la Présidente de la Section civile du Tribunal régional Jura bernois-Seeland (ci-après: la Présidente) a prononcé le divorce de A.A. (1999) et B.A. (1994) et a notamment fait interdiction à l'ex-époux de prendre contact de quelque manière que ce soit avec son ex-épouse (interpellation dans la rue et les lieux publics, téléphone, courrier, courriel ou tout autre moyen de messagerie électronique, directement ou par l'intermédiaire de tiers) ainsi que d'approcher à moins de 300 mètres du domicile de celle-ci et de
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leurs enfants, le tout sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.

B. Par requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles du 12 juillet 2022, corrigée en requête d'exécution des mesures de protection le 30 août 2022, A.A. a en substance demandé que soit ordonné le port par B.A. d'un appareil électronique non amovible permettant de déterminer et d'enregistrer à tout moment le lieu où il se trouve.
La Présidente a rejeté cette requête le 14 septembre 2022.
Par décision du 11 octobre 2022, la 2e Chambre civile de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté le recours formé par A.A. et lui a refusé le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

C. Le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par A.A. contre cette décision.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. La cour cantonale a relevé qu'en l'espèce, par ordonnance pénale du 29 octobre 2021, B.A. avait été condamné pour lésions corporelles simples, menaces et voies de fait au préjudice de A.A. Il avait fait opposition à cette ordonnance pénale, mais ne s'était pas présenté à l'audience des débats, de sorte que l'opposition avait été considérée comme retirée et que l'ordonnance pénale était entrée en force. D'autres faits de violence auraient eu lieu en janvier et en mars 2022 et faisaient l'objet d'une procédure pénale, d'autres encore auraient eu lieu les 9 et 29 juillet 2022 et avaient été dénoncés au Ministère public.
Selon la juridiction précédente, il était évident que l'ex-époux n'entendait pas se soumettre aux décisions rendues à son encontre tant par les autorités pénales que civiles. Il avait fait preuve d'un mépris total de leurs injonctions, étant d'ailleurs rappelé qu'il ne disposait plus d'aucun titre de séjour depuis le 8 novembre 2021 et n'avait semble-t-il pas de domicile connu. Dans ces circonstances, la surveillance électronique ne permettrait nullement de l'empêcher de passer à l'acte, ce qui rendait la mesure inappropriée. Il ressortait du formulaire d'annonce de violence domestique qu'il avait notamment sorti de ses gonds une porte pour la jeter sur deux policiers puis que, dans une furie totale, il avait ouvert la fenêtre de l'appartement situé au
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quatrième étage en menaçant de sauter dans le vide, ce qui avait contraint les policiers à le menotter de force. Au vu de son profil et du comportement dont il avait fait preuve jusqu'à présent, il était évident que le port d'un bracelet électronique ne l'inciterait pas à se conformer aux mesures d'éloignement prises à son encontre, sachant que toute violation serait enregistrée et partant constatable. La mise en garde du procureur de respecter les interdictions sous la menace d'être placé en détention était d'ailleurs restée lettre morte.
Au vu de ces circonstances, la juridiction précédente a considéré que le but de dissuasion poursuivi par le port d'un bracelet électronique au sens de l'art. 28c al. 1 CC n'aurait à l'évidence aucun effet. A cela s'ajoutait que, dans la mesure où il s'agissait d'une surveillance passive, ce dispositif ne permettrait pas à l'ex-épouse d'être alertée si son ex-époux approchait d'elle ou à la police d'intervenir. Une telle surveillance ne serait par ailleurs d'aucun secours s'agissant de l'interdiction de prises de contact par écrit ou par téléphone. Il y avait donc lieu de retenir que le port d'un bracelet électronique n'offrirait aucune protection supplémentaire à A.A. La première condition de l'art. 36 Cst., à savoir l'adéquation de la mesure, n'était à l'évidence pas remplie. En outre, le simple fait que le port d'un bracelet électronique permettrait à la recourante de fournir les preuves de la violation ne suffisait pas à admettre le contraire en l'espèce, tant il était clair que d'autres moyens de preuve entraient en ligne de compte dans ce contexte, à commencer par les déclarations de l'ex-épouse elle-même.
Enfin, après avoir relevé que la requête d'assistance judiciaire de l'ex- épouse était partiellement sans objet, dans la mesure où la procédure était gratuite en vertu de l'art. 114 let. f CPC, la juridiction précédente a rejeté cette requête, en tant qu'elle portait sur la commission d'office d'un conseil juridique. Elle a considéré que le recours était dépourvu de chances de succès ab initio, partant, que les chances d'obtenir gain de cause étaient très largement inférieures au risque de succomber et que la condition matérielle d'octroi de l'assistance judiciaire n'était de toute évidence pas remplie.

4. La recourante fait valoir que la décision entreprise contrevient à l'art. 28c CC, en tant qu'elle refuse d'ordonner la pose d'un bracelet électronique en exécution de la mesure d'éloignement. En particulier, elle soutient que la mesure de surveillance électronique est manifestement proportionnée dans les circonstances de l'espèce.
Elle rappelle que l'intimé a violé à plusieurs reprises les interdictions de la contacter et de l'approcher prononcées dans le jugement civil, de
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sorte que l'on se trouverait dans le cas typique envisagé par le législateur lorsqu'il a adopté l'art. 28c CC. Considérer avec la cour cantonale que la mesure prévue par cette disposition s'avère inadaptée pour les harceleurs les plus dangereux rendrait totalement inopérante la loi fédérale du 14 décembre 2018 sur l'amélioration de la protection des victimes de violence. La recourante expose que, s'il est vrai que le port d'un bracelet électronique ne permet pas en soi d'exclure tout risque de passage à l'acte, le législateur n'a pas prétendu que tel serait le cas. Plus dissuasive qu'une simple interdiction, cette mesure serait la seule envisageable à l'heure actuelle puisque elle est la plus incisive qui puisse être prononcée par un juge civil. Elle permettrait de lui apporter une sécurité supplémentaire par rapport à la situation actuelle et de récolter les preuves des éventuelles infractions commises.

5. L'art. 28b al. 1 CC dispose qu'en cas de violence, de menaces ou de harcèlement, le demandeur peut requérir le juge d'interdire à l'auteur de l'atteinte, en particulier: de l'approcher ou d'accéder à un périmètre déterminé autour de son logement (ch. 1); de fréquenter certains lieux, notamment des rues, places ou quartiers (ch. 2); de prendre contact avec lui, notamment par téléphone, par écrit ou par voie électronique, ou de lui causer d'autres dérangements (ch. 3).
Selon l'art. 28c CC, le juge qui ordonne une interdiction en vertu de la disposition sur la violence, les menaces et le harcèlement et le juge chargé de l'exécution peuvent, si le demandeur le requiert, ordonner le port par l'auteur de l'atteinte d'un appareil électronique non amovible permettant de déterminer et d'enregistrer à tout moment le lieu où il se trouve (al. 1; cf. également art. 343 al. 1bis CPC s'agissant de la faculté conférée au juge de l'exécution). La mesure peut être ordonnée pour six mois au maximum. Elle peut être prolongée plusieurs fois, de six mois au maximum à chaque fois. À titre provisionnel, elle peut être ordonnée pour six mois au maximum (al. 2). Les cantons désignent le service chargé d'exécuter la mesure et règlent la procédure. Ils veillent à ce que les données enregistrées relatives aux personnes concernées ne soient utilisées que pour l'exécution de l'interdiction et à ce qu'elles soient effacées au plus tard douze mois après la fin de la mesure (al. 3). L'exécution de la mesure ne doit pas occasionner de coût pour le demandeur. Les coûts de la mesure peuvent être mis à la charge de la personne surveillée (al. 4). Cette disposition, dans sa teneur actuelle, est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 dans le cadre d'un paquet législatif visant à améliorer la protection, tant sur le plan civil que pénal, des
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victimes de violences domestiques et de harcèlement (cf. Message du 11 octobre 2017 concernant la loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violence, FF 2017 6913 ss, 6914 et 6919).

5.1 D'un point de vue technique, pour mettre en oeuvre et faire respecter une mesure d'éloignement ordonnée sur la base de l'art. 28b al. 1 CC par le biais d'une mesure fondée sur l'art. 28c CC, l'on pourra recourir à la surveillance mobile à l'aide du système GPS. Par exemple, un bracelet porté à la cheville ou au poignet sera muni d'un récepteur GPS qui permet de localiser la personne et enregistre en permanence ses déplacements (FF 2017 6950).
La surveillance prévue par l'art. 28c CC est de nature purement passive. Cela signifie que les données de localisation sont enregistrées, mais qu'elles ne sont exploitées par l'autorité d'exécution que si la victime se manifeste pour dénoncer une violation, à savoir de manière rétrospective. Cette mesure ne permet donc pas d'intervention immédiate des forces de l'ordre en cas de violation de la mesure d'éloignement (FF 2017 6950 s. et 6969; GROBÉTY/FREI, La protection de la personnalité en cas de violences, menaces ou harcèlement - aspects procéduraux, FamPra.ch 2022 p. 865, 871).
Par rapport à la surveillance dite active qui avait été envisagée dans l'avant-projet de loi - à savoir un système dans lequel les déplacements seraient suivis en permanence par une centrale, qui déclencherait l'alarme dès que l'intéressé pénétrerait dans la zone interdite - la surveillance passive est moins coûteuse puisqu'elle ne requiert ni surveillance permanente, ni capacité d'intervention. Elle présente toutefois l'inconvénient de ne pas pouvoir empêcher la violation d'une interdiction prononcée par le juge civil. De l'avis du Conseil fédéral, il n'en demeure pas moins qu'elle permet de renforcer nettement la protection des victimes car l'intéressé, sachant que toute violation sera enregistrée et donc constatable, se conformera très vraisemblablement aux mesures d'éloignement prises à son encontre (effet dissuasif ou de prévention; FF 2017 6951 et 6969; cf. aussi GROBÉTY/FREI, op. cit., p. 871). La surveillance passive renforce aussi la capacité de la victime à fournir les preuves d'éventuelles violations, puisque les données enregistrées pourront alors être exploitées, que ce soit dans le cadre d'une procédure civile, pour mettre à exécution la sanction fixée en vertu de l'art. 343 al. 1 CPC en cas de non-respect de la décision civile ou dans le cadre d'une procédure pénale, notamment pour mettre en exécution la peine fondée sur l'art. 292 CP qui serait prévue dans le jugement civil (FF 2017 6953 et 6969; cf. aussi les
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interventions de la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, BO 2018 CN 1418 et BO 2018 CE 493).

5.2 Une mesure de surveillance électronique selon l'art. 28c CC est soumise à la réalisation de deux conditions préalables qui ressortent clairement du texte légal. Premièrement, elle ne peut pas être ordonnée d'office, mais nécessite une requête du demandeur. Deuxièmement, elle suppose l'existence d'une interdiction fondée sur l'art. 28b al. 1 CC, celle-ci pouvant avoir été ordonnée soit préalablement, soit simultanément à la surveillance électronique (cf. sur ces points FF 2017 6970).
Le prononcé de cette mesure a pour effet de restreindre les droits fondamentaux de la personne surveillée, à savoir en particulier sa liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH; cf. sur cette notion ATF 147 I 393 consid. 4.1), puisqu'elle doit porter en permanence un bracelet à la cheville ou au poignet, ainsi que son droit à la sphère privée (art. 13 Cst. et 8 CEDH; cf. sur cette notion ATF 140 I 381 consid. 4.1), en tant que ses déplacements sont constamment enregistrés. Elle ne peut donc être ordonnée que si les conditions de l'art. 36 Cst. sont réunies (sur l'application de l'art. 36 Cst., cf. FF 2017 6951 et 6971; GROBÉTY/FREI, op. cit., p. 871).
L'art. 28c CC constitue la base légale de la restriction, au sens de l'art. 36 al. 1 Cst. (FF 2017 6949). Il n'est pas nécessaire d'en examiner la densité normative puisqu'une surveillance temporaire, de nature purement passive, des déplacements d'une personne par le biais d'un bracelet électronique ne restreint pas de manière particulièrement grave ses droits fondamentaux, sachant en particulier que la récolte des données GPS n'a pas lieu à son insu (cf. sur ce point ATF 144 IV 370 consid. 2.3), que celles-ci ne peuvent être exploitées qu'a posteriori et dans des circonstances bien précises, à savoir pour l'exécution de l'interdiction, et que ces données sont conservées au maximum douze mois après la fin de la mesure (art. 28c al. 3 CC). En vertu de l'art. 36 al. 2 Cst., la mesure doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui, à savoir en l'occurrence la protection de l'intégrité physique et psychique de la victime potentielle, étant relevé qu'en tant que mesure de prévention de la violence, la surveillance électronique bénéficie aussi à la société dans son ensemble (FF 2017 6985). Elle doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst.), et ne pas violer l'essence des droits fondamentaux (art. 36 al. 4 Cst.).
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Le principe de la proportionnalité exige tout d'abord que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude); sous cet angle, elle doit à tout le moins être apte à favoriser ou à permettre d'approcher suffisamment la réalisation de ce but (ATF 109 Ia 33 consid. 4c; JACQUES DUBEY, in Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, n° 119 ad art. 36 Cst.). Il faut aussi que le but visé ne puisse être atteint par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, le principe de la proportionnalité interdit toute limitation allant au-delà du but visé et postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (proportionnalité au sens étroit) (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; ATF 146 I 70 consid. 6.4). Le Tribunal fédéral examine avec pleine cognition le respect du principe de la proportionnalité; il s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 147 I 393 consid. 5.3.2; ATF 142 I 76 consid. 3.3).
Concernant en particulier la proportionnalité d'une mesure de surveillance électronique fondée sur l'art. 28c CC, il faut considérer que la mesure est apte à atteindre le but visé dans le cas concret si elle permet de renforcer la protection de la victime, que ce soit en dissuadant l'intéressé d'enfreindre l'interdiction prononcée par le juge civil ou en permettant la récolte de preuves d'une telle violation, afin de favoriser l'exécution de la sanction prévue (cf. supra consid. 5.1). Elle s'avère nécessaire si l'auteur de l'atteinte a déjà transgressé une interdiction prononcée en vertu de l'art. 28b al. 1 CC ou s'il est probable qu'il le fera, partant, si l'on peut conclure qu'il va ou qu'il risque de porter atteinte aux droits fondamentaux de la victime potentielle. En ce sens, il s'agit d'une mesure subsidiaire, qui ne se justifie que si des mesures moins rigoureuses ont échoué ou apparaissent a priori insuffisantes; tel sera par exemple le cas lorsque l'auteur potentiel déclare qu'il ne se conformera pas à l'interdiction d'approcher la victime ou lorsqu'il l'a déjà enfreinte par le passé (FF 2017 6951 et 6971). Enfin, dans le cadre de la pesée des intérêts en présence qu'il convient d'effectuer pour vérifier le caractère raisonnable de la mesure, le tribunal doit accorder un certain poids aux intérêts de la victime potentielle, dont la liberté est sensiblement entravée par le comportement de l'intéressé. Il doit aussi prendre en considération les intérêts de la personne visée par la mesure d'éloignement (FF 2017 6951 et 6971), étant précisé que s'agissant d'une surveillance purement passive qui n'intervient pas à son insu, ceux-ci n'apparaissent pas
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atteints de manière particulièrement grave. Une telle mesure pourrait d'ailleurs aussi, selon les circonstances, permettre de protéger l'auteur potentiel d'éventuelles dénonciations mensongères.
La mesure doit également être proportionnée quant à sa durée et à son étendue géographique (cf. GROBÉTY/FREI, op. cit., p. 871; FF 2017 6970 et 6985).

5.3 L'art. 28c CC étant formulé de manière potestative ("Kann-Vorschrift"), il implique que l'autorité fasse usage de son pouvoir d'appréciation pour statuer (art. 4 CC) dans le respect des principes constitutionnels (ATF 144 IV 332 consid. 3.3). Le Tribunal fédéral ne revoit l'exercice du pouvoir d'appréciation qu'avec retenue. Il n'intervient que si le juge a abusé de ce pouvoir, en se référant à des critères dénués de pertinence ou en ne tenant pas compte d'éléments essentiels, ou lorsque la décision, dans son résultat, est manifestement inéquitable ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice (ATF 145 III 49 consid. 3.3; ATF 142 III 336 consid. 5.3.2 et les références).

6. En l'espèce, s'agissant du premier aspect du principe de la proportionnalité, à savoir l' aptitude de la mesure fondée sur l'art. 28c CC à atteindre le but visé - condition dont la cour cantonale retient qu'elle ne serait pas remplie au vu du profil de l'intimé -, il apparaît que la décision querellée se fonde sur des critères dénués de pertinence et heurte le sentiment de la justice et de l'équité.
Son raisonnement s'inspirant de deux passages du Message, il convient de les examiner. Dans le premier d'entre eux, il est indiqué que dans le cadre de l'examen de la proportionnalité, l'autorité compétente doit estimer le "risque que le prévenu puisse à nouveau passer à l'acte, ce que la surveillance électronique ne permettrait pas d'empêcher et qui en ferait une mesure inappropriée" (FF 2017 6951). Le second mentionne que "si le risque demeure que celle-ci [à savoirl'auteur potentiel] puisse commettre des actes de violence physiqueou sexuelle, la surveillance électronique n'offrira aucune garantie qu'elle modifie son comportement et s'avérera donc inadaptée" (FF 2017 6970). Ces deux extraits du Message entrent en réalité en contradiction avec le but de la loi et ne trouvent en définitive aucun appui dans les travaux parlementaires (BO 2018 CE 491 ss; BO 2018 CN 1412 ss; BO 2018 CE 850 ss; BO 2018 CN 1920 ss). Nier l'adéquation de la mesure de surveillance lorsqu'un risque subsiste que l'auteur potentiel commette des actes de violence rendrait inapplicable l'art. 28c CC, dès lors que cette mesure, par sa nature
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subsidiaire, ne se justifie précisément que si l'on peut conclure que l'auteur potentiel va porter atteinte aux droits fondamentaux de la victime ou risque de le faire (cf. supra consid. 5.2). La surveillance passive fondée sur l'art. 28c CC n'offre de toute manière aucune garantie qu'une violation de l'interdiction prononcée sur la base de l'art. 28b al. 1 CC soit empêchée. Dans son Message, le Conseil fédéral le relève d'ailleurs expressément lorsqu'il souligne que cela constitue l'un des inconvénients du système par rapport à un système de surveillance dite active (cf. supra consid. 5.1).
La pose d'un bracelet électronique n'a donc pas pour but de garantir la protection de la victime, mais de la renforcer autant que possible, d'une part, par un effet dissuasif, d'autre part, en favorisant l'exécution de sanctions en cas de violation par le biais de la récolte des preuves. Or, on ne saurait nier d'emblée que cette mesure, qui est la plus incisive que permet le droit civil, puisse en l'occurrence avoir un tel effet sur l'intimé, en ce sens qu'elle permettrait de réduire le risque d'un passage à l'acte, a fortiori lorsque l'on sait que cette mesure n'a encore jamais été prononcée à son encontre. Quoi qu'il en soit, le raisonnement de la cour cantonale selon lequel la mesure ne serait pas non plus adéquate sous l'angle de son aptitude à récolter des preuves ne résiste pas non plus à l'examen. Même si, comme elle le souligne, d'autres moyens de preuve, notamment les déclarations de la recourante, seront le cas échéant admissibles dans le cadre de procédures civiles ou pénales, il est indéniable qu'une surveillance électronique de l'intimé renforcerait la protection de la recourante en lui permettant d'apporter des preuves supplémentaires - techniques - d'éventuelles violations, ce qui favoriserait la sanction de tels comportements. Prétendre que cette mesure ne se justifierait qu'en l'absence de tout autre mode de preuve reviendrait à vider la disposition légale de sa substance. En définitive, il convient d'admettre le grief de la recourante quant à la règle de l'aptitude.
La mesure est également proportionnée sous l'angle du critère de la nécessité (cf. supra consid. 5.2), comme cela ressort de l'arrêt querellé, qui retient - sans que cela fasse l'objet de griefs de la part de l'intimé dans sa réponse au recours fédéral - que l'intimé a déjà enfreint les interdictions prononcées contre lui et qu'il est à tout le moins probable qu'il le fera encore à l'avenir.
L'autorité cantonale n'ayant pas examiné le troisième aspect du principe de la proportionnalité, à savoir le caractère raisonnable de la mesure, il convient de lui renvoyer la cause pour qu'elle procède à
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la pesée des intérêts en présence, conformément aux principes sus-rappelés (cf. supra consid. 5.2). Le Tribunal fédéral ne saurait en effet l'effectuer lui-même pour la première fois, sauf à priver les parties d'un degré de juridiction (arrêt 6B_588/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3.2). Il convient encore de préciser que, quoi qu'en pense l'intimé, la nature potestative de l'art. 28c CC ne permet pas au juge saisi de la requête de la rejeter librement. Il doit faire usage de son pouvoir d'appréciation dans le respect des principes constitutionnels (cf. supra consid. 5.3). Ainsi, dans l'hypothèse où toutes les conditions de cette disposition sont réalisées, il lui incombe d'ordonner la mesure de surveillance électronique.

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