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Urteilskopf

118 II 1


1. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 23 janvier 1992 dans la cause M.P. et G.G. M. Bigot de Morogues contre P. et B. Bigot de Morogues (recours en réforme)

Regeste

Anfechtung einer Namensänderung; Beiname; Verjährung; Verwirkung; wichtige Gründe; richterliche Prüfungsbefugnis.
1. Die im Zivilstandsregister eingetragenen Beinamen unterliegen den Bestimmungen über die Namensänderung (E. 3).
2. Verjährung. Die Klage auf Beseitigung der Verletzung nach Art. 30 Abs. 3 ZGB ist Ausfluss des Persönlichkeitsrechts. Aus diesem Grund kann sie solange angehoben werden, als der umstrittene Name getragen wird. Sie ist insbesondere nicht einer zehnjährigen Verjährungsfrist in Anwendung von Art. 7 ZGB und 127 OR unterworfen (E. 4 und 5).
3. Verwirkung. Dem Kennen der Namensänderung muss der Fall gleichgestellt werden, in dem der Kläger in Anbetracht der Umstände von dieser hätte Kenntnis haben müssen (E. 6b).
4. Wichtige Gründe im Sinne von Art. 30 Abs. 1 ZGB (E. 7a-c).
5. Prüfungsbefugnis des Richters, bei dem die Klage nach Art. 30 Abs. 3 ZGB anhängig gemacht worden ist, hinsichtlich des Verwaltungsentscheids, der in Anwendung von Art. 30 Abs. 1 ZGB ergangen ist (E. 8).

Sachverhalt ab Seite 2

BGE 118 II 1 S. 2

A.- Les frères M. et G. M., originaires d'O./ZH et domiciliés en Suisse, obtinrent en 1964 du Conseil d'Etat du canton de Zurich, en application de l'art. 30 al. 1er CC, l'autorisation de modifier leur nom de famille "M." en y accolant le patronyme "Bigot de Morogues".
Cette décision fut publiée dans la feuille officielle du canton de Zurich.
Les ressortissants français P. et B. Bigot de Morogues, également frères et tous deux domiciliés en France, sont descendants en ligne
BGE 118 II 1 S. 3
directe de la dernière branche masculine de la famille Bigot de Morogues.

B.- P. et B. Bigot de Morogues ont ouvert, le 2 février 1978, action en contestation du changement de nom contre M. et G. M. Bigot de Morogues devant le Tribunal de district d'A./ZH.
Devant cette instance, les défendeurs M. et G. M. Bigot de Morogues ont fait valoir en substance que l'action introduite contre eux était prescrite; que les demandeurs avaient eu connaissance du changement de nom bien plus d'un an avant l'ouverture d'action, que ces derniers étaient dès lors forclos en vertu de l'art. 30 al. 3 CC; que, sur le fond, les demandeurs n'étaient pas lésés dans leurs intérêts juridiquement protégés; enfin que l'intérêt des défendeurs à la conservation de leur nouveau patronyme prévalait sur celui des demandeurs à en obtenir l'annulation.
Le 20 décembre 1979, le Tribunal de district d'A. a prohibé l'usage par les défendeurs de l'adjonction "Bigot de Morogues" à leur patronyme "M."; il a ordonné aux autorités d'état civil compétentes de radier le changement de nom et astreint les défendeurs à faire rectifier leurs documents officiels en conséquence.

C.- Le 1er mars 1983, le Tribunal supérieur du canton de Zurich a confirmé sur recours le jugement de première instance.

E.- Ensuite d'un recours au Tribunal de cassation de Zurich, l'affaire a été renvoyée au Tribunal de district qui, par jugement du 2 mars 1988, a derechef admis l'action en contestation du changement de nom. Ce jugement a été confirmé sur recours par le Tribunal supérieur le 22 mars 1989.
Ensuite d'un nouveau recours au Tribunal de cassation, une partie des motifs du jugement attaqué a été retranchée.
Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a déclaré irrecevable le recours de droit public interjeté par les défendeurs contre le second jugement du Tribunal de cassation.

F.- Contre le jugement du Tribunal supérieur du 22 mars 1989, M. M. et G. M. Bigot de Morogues ont interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de l'action en contestation du changement de nom, avec suite de frais et dépens.
Le Tribunal supérieur a renoncé à produire des observations sur le recours.
Les intimés P. et B. Bigot de Morogues proposent le rejet du recours et la confirmation du jugement attaqué.
BGE 118 II 1 S. 4

Erwägungen

Considérant en droit:

3. En vertu de l'art. 30 al. 3 CC, toute personne lésée par un changement de nom peut l'attaquer en justice dans l'année à compter du jour où elle en a eu connaissance. Il s'agit d'un droit formateur résolutoire ("aufhebendes Gestaltungsrecht"; cf. KOLLBRUNNER, Die Namensänderung nach Art. 30 ZGB, thèse Berne 1933, p. 97; WYSS, La péremption dans le code civil suisse, thèse Lausanne 1957, p. 53; SPIRO, Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, vol. I, Berne 1975, p. 1541).
En l'espèce, le patronyme de noblesse française "Bigot de Morogues" a été juxtaposé au nom de famille initial des recourants.
Les adjonctions destinées à désigner plus précisément la personne, sans être employées comme un nom dans la vie courante, ne modifient pas ce dernier. En revanche, lorsqu'une adjonction au nom initial, inscrite dans les registres de l'état civil (Beiname), est utilisée dans la vie courante comme partie intégrante du patronyme, elle est soumise aux dispositions relatives au nom et, en particulier, à celles concernant le changement de nom (cf. KOLLBRUNNER, op.cit., p. 22 let. c; GROSSEN, Les personnes physiques, in: Traité de droit civil suisse, Tome II/1, p. 60 ch. IV).

4. Devant les instances cantonales, les recourants ont soulevé - en vain - l'exception de prescription. Ils maintiennent cette exception devant le Tribunal fédéral. Selon les recourants, les dispositions relatives à la contestation d'un changement de nom autorisé par voie administrative présentent une lacune en ce sens qu'elles ne règlent pas le point de savoir dans quel laps de temps absolu un changement de nom peut être attaqué. Le principe de la prescription de toute action, applicable, en vertu du renvoi de l'art. 7 CC, à tous les rapports de droit civil, commande, aux yeux des recourants, l'application par analogie des articles 127 et suivants CO à la présente espèce; l'action de l'art 30 al. 3 CC serait de ce fait soumise à un délai de prescription absolu de dix ans. En méconnaissant le principe énoncé ci-dessus, estiment les recourants, le Tribunal supérieur aurait violé le droit fédéral: le sens et l'esprit de la loi ne sauraient permettre la contestation d'un changement de nom sans aucune limite de temps, le cas échéant plusieurs siècles ou générations après sa survenance. Une telle interprétation de la loi entraînerait pour le porteur du nouveau patronyme une insécurité inadmissible, car il ne pourrait jamais s'assurer de porter son nom définitivement et à bon droit.
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5. a) Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'art. 7 CC, aux termes duquel "les dispositions générales du droit des obligations relatives à la conclusion, aux effets et à l'extinction des contrats sont aussi applicables aux autres matières du droit civil", ne conduit pas ipso facto et sans restrictions à admettre que l'action de l'art. 30 al. 3 CC serait soumise à un délai de prescription absolu. Il faut bien plutôt examiner, de cas en cas, dans quelle mesure et à quelle conditions le rapport de droit considéré est accessible à la notion de prescription absolue, cela au regard de sa nature et de sa mise en oeuvre dans la loi (cf. ATF 107 II 399 consid. 4a; ATF 101 II 208; ATF 86 II 343 consid. 3; DESCHENAUX, Traité de droit civil suisse, Fribourg 1969, vol. II/1, Le titre préliminaire du code civil, pp. 54-62; TUOR/SCHNYDER, Das schweizerische Zivilgesetzbuch, 10e éd. Zurich 1986, p. 19 haut de la page). Comme le Tribunal de district l'avait déjà relevé dans son premier arrêt, le droit civil ne connaît pas, à la différence du droit pénal, une notion générale de prescription absolue.
Une prétention de droit civil peut être imprescriptible en vertu de la loi (cf. art. 134 CO, 149 al. 5 LP; cf. en outre les prétentions relevant du droit de la famille, des successions et des droits réels énoncés par FRIEDRICH, Berner Kommentar I/1, sous n. 79-83 ad art. 7 CC); elle peut aussi être rendue quasiment imprescriptible par l'interruption renouvelée de la prescription selon l'art. 135 CO. On ne saurait dès lors considérer que la prétention déduite de l'art. 30 al. 3 CO se prescrit par dix ans en application directe des art. 127 ss CO.
b) La nature même du droit au nom - qui constitue un attribut de la personnalité - s'oppose également à l'argumentation des recourants. En effet, les droits de la personnalité, auxquels on ne peut valablement renoncer, sont intransmissibles et imprescriptibles (cf. ATF 83 II 256 consid. 3; EGGER, n. 13 ad art. 29 CC; GROSSEN, op.cit., p. 58; TERCIER, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, pp. 64-65). S'agissant d'une émanation du droit de la personnalité, les actions en cessation du trouble prévue par le législateur en matière de changement, respectivement d'usurpation du nom, sont ouvertes aussi longtemps que le trouble subsiste, c'est-à-dire aussi longtemps que le nom contesté est porté (cf. GROSSEN, op.cit., p. 81; JÄGGI, Fragen des privatrechtlichen Schutzes der Persönlichkeit, in RDS 1960 II, pp. 177a/178a/183a). En fixant à l'art. 30 al. 3 CC, à la différence de l'art. 29 al. 2 CC, un délai de péremption d'une année dès la connaissance du changement de nom, le législateur a entendu tenir compte du fait que, dans le premier cas, le port du nom n'est pas le
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fruit d'une usurpation, mais repose sur une autorisation administrative. Il n'y a toutefois pas place pour une prescription absolue de dix ans.
c) L'inconvénient, évoqué par les recourants, de se voir le cas échéant exposé à une action en contestation du changement de nom de nombreuses années après l'octroi de l'autorisation administrative, doit être pris en compte lors de l'examen au fond des intérêts réciproques des parties: d'un côté, celui du demandeur à obtenir l'interdiction pour le défendeur de porter le nom visé; de l'autre, l'intérêt du défendeur à la conservation de son nouveau nom. Dans le cadre de cette appréciation, l'écoulement du temps peut, dans certaines circonstances, constituer un facteur non négligeable.
d) On ne saurait tirer de l' ATF 101 II 204 l'infirmation de ce qui précède. Dans l'affaire citée, le Tribunal fédéral a considéré que les articles 23-31 CO étaient applicables à l'invalidation d'un contrat d'adoption pour vice du consentement; estimant que l'action était soumise à un délai relatif de péremption d'une année dès la connaissance du vice, la Cour de céans a cependant laissé ouverte la question de savoir si l'action était soumise à un délai de prescription absolu de dix ans dès la conclusion du contrat. Du reste, les principes de l'invalidation pour vices de consentement des contrats relevant du droit de la famille ne sont pas sans autre applicables par analogie à la contestation d'une lésion persistante d'un droit absolu de la personnalité. Enfin, la notion de droit imprescriptible n'est pas inconnue de la plus récente jurisprudence. Ainsi, le Tribunal fédéral a confirmé que la dissolution judiciaire d'une personne morale en raison de son but illicite ou contraire aux moeurs relève du droit de la personnalité, et ne se prescrit pas tant que dure la lésion (ATF 115 II 414, consid. 3b bas de la page, et les renvois).
e) Quelques auteurs (ROSSEL/MENTHA, Manuel du droit civil suisse, vol. 1, p. 105 et HAFTER, Personenrecht, 2e édition Berne 1919, n. 16-17 ad art. 30 CC) considèrent à tort le délai de l'art. 30 al. 3 CC comme un délai de prescription. Pourtant, ces auteurs renvoient aux articles 130 ss CO - et non à l'art. 127 CO - quant à la naissance, la suspension et l'interruption du délai.
S'agissant des droits de la personnalité, SPIRO (op.cit., vol. II, pp. 1540-1543 § 535) se montre partisan d'un système combinant une péremption rapide et un délai, plus long, de prescription absolue. S'il déplore que le législateur n'ait pas prévu ce second délai à l'art. 30 al. 3 CC, il observe toutefois (p. 1540 n. 1) qu'on ne saurait simplement y suppléer par une application analogique de l'art. 60
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CO
. L'auteur relève qu'une lésion ignorée pendant un temps très long par l'intéressé ne pourrait que difficilement être qualifiée de grave: dans une telle hypothèse, l'intérêt du défendeur à la conservation du nom contesté l'emporterait alors sur celui du demandeur, au vu de l'écoulement du temps.
Quant à KOLLBRUNNER (op.cit., p. 105), il préconise l'application de la disposition générale de l'art. 127 CO à la prescription de l'action de l'art. 30 al. 3 CC. L'argument avancé par l'auteur, selon lequel la ratio legis du délai de péremption d'une année dès la connaissance pourrait être aisément éludée si ce délai n'était complété d'une prescription absolue, n'est toutefois pas convaincant car il omet de tenir compte de la nature particulière des droits de la personnalité.

6. Les instances cantonales ont mis à la charge des intimés la preuve du moment exact auquel ces derniers ont eu connaissance du changement de nom; elles ont écarté - à bon droit - l'argument des recourants selon lequel il y aurait lieu de présumer que le délai commence à courir dès la publication du changement de nom dans la feuille officielle cantonale; en effet, une telle présomption n'est pas consacrée par la loi (arrêt non publié du 4 novembre 1927 en la cause B. c. B.).
a) Conformément à la jurisprudence (ATF 84 II 598 bas de la page) et à la doctrine (cf. KUMMER, n. 151 et 316 ad art. 8 CC), la preuve que la connaissance d'un fait a été acquise dans un délai déterminé appartient à celui qui entend en déduire un droit. Exiger la preuve que cette connaissance ne remonte pas à un moment antérieur reviendrait à imposer la preuve d'un fait négatif, dans la plupart des cas impossible à rapporter. C'est au défendeur d'alléguer et de prouver, ou du moins de rendre vraisemblable, que le demandeur a eu connaissance du fait déterminant plus d'une année avant l'ouverture d'action. S'il existe des doutes légitimes quant aux faits avancés par le demandeur sur ce point (une preuve stricte du contraire serait de nature à soulever les mêmes problèmes que ceux qu'entraînerait la preuve de l'absence de connaissance antérieure par le demandeur), il est loisible au demandeur de rapporter la preuve qu'une telle connaissance antérieure n'a précisément pas eu lieu.
b) En l'espèce, les recourants font toutefois valoir qu'à la connaissance effective (Kenntnis) du changement de nom, il y aurait lieu d'assimiler le cas où le demandeur aurait dû en avoir connaissance (Kennenmüssen). Il est vrai que cet argument est d'autant plus pertinent, à la lumière du principe de la bonne foi, que l'imprescriptibilité de l'action en contestation du changement de nom est acquise,
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on l'a vu, en son principe. Afin d'éviter de vider le délai de péremption de son sens, on peut attendre des intéressés entendant agir contre l'utilisation prétendument abusive de leur nom qu'ils effectuent un certain nombre de démarches visant à les renseigner.
Ce qui précède n'est pourtant d'aucun secours pour les recourants. Car même s'il était constant que dame Bigot de Morogues, la mère des intimés, a rendu visite au prêtre qui a officié lors du mariage du recourant 1 - ce qui n'est pas établi - et qu'il faille imputer aux intimés - dont seul l'un était alors encore mineur - ce qu'elle a pu apprendre à l'occasion de cette visite, cette connaissance ne pouvait porter, sur la foi des actes d'état civil dont avait disposé le prêtre, que sur le fait que le mariage civil du couple M. Bigot de Morogues - P. de C. avait été célébré à L. (Suisse), sans qu'il y fût fait référence au changement de nom intervenu.
Les recourants eux-mêmes n'évoquent point de recherches qu'à leurs yeux, les intimés auraient raisonnablement dû entreprendre et qui auraient pu les amener à prendre connaissance du changement de nom. C'est à tort que les recourants croient pouvoir affirmer que le nom "Bigot de Morogues" accolé à leur nom de famille initial ne pouvait être interprété qu'en tant que fruit d'un changement de nom.
En conséquence, on doit en rester aux constatations de fait de l'autorité cantonale de dernière instance, selon lesquelles les intimés n'ont eu connaissance du changement de nom que par la lettre datée du 24 février 1977 et émanant du recourant 1, M. M. Bigot de Morogues, lettre à laquelle était jointe la décision du Conseil d'Etat du canton de Zurich du 23 janvier 1964, après que les recherches entreprises par le conseil parisien des intimés furent restées vaines.
L'action ouverte par requête de conciliation auprès de la justice de paix, suivie du dépôt, en date du 2 février 1978, d'une demande devant le Tribunal de district d'A., n'est dès lors pas périmée au sens de l'art. 30 al. 3 CC.

7. a) Par décision du 23 janvier 1964, le Conseil d'Etat du canton de Zurich a autorisé les recourants à modifier leur patronyme "M." en "M. Bigot de Morogues". Comme justes motifs au sens de l'art. 30 al. 1er CC (texte allemand: wichtige Gründe) avancés par les recourants à l'appui de la requête, le Conseil d'Etat a retenu le respect envers les ancêtres (Pietätsrücksichten): il est parfaitement compréhensible, a-t-il estimé, que les descendants d'une famille illustre soient hautement intéressés à relever, par la procédure de l'art. 30 al. 1 CC, un nom porté pendant des générations par leurs ancêtres et menacé d'extinction.
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Or en réalité, le nom Bigot de Morogues n'était en rien menacé de disparition, comme la simple existence des demandeurs, issus du même A. Bigot de Morogues, le prouve.
b) Le Tribunal de district a reconnu au nom "Bigot de Morogues" une renommée particulière autant qu'un caractère de rareté. Selon l'autorité cantonale de première instance, le nom de famille "Bigot de Morogues" est un prestigieux patronyme de la noblesse française, jouissant d'un grand renom, et dont sont issus nombre de scientifiques et d'officiers de haut rang. Le Tribunal de district a estimé qu'en tant que descendants de cette famille et porteurs du nom de Bigot de Morogues, les intimés avaient un intérêt digne de protection à empêcher des tiers de s'approprier l'usage de leur nom. L'intérêt des recourants, issus de la même famille par une branche féminine n'était pas, aux yeux du Tribunal, suffisant pour contrebalancer le droit des intimés à l'exclusivité de leur nom. La rareté relative du nom contesté, liée à une représentation erronée d'un lien entre le nouveau porteur et l'ancien suffisent à fonder l'action en contestation. A cela, ajoute le Tribunal de district, on ne saurait objecter que les porteurs du nom modifié ont entre-temps fondé une famille, que le nom contesté ne constitue qu'une adjonction au patronyme initial et, enfin, que les parties sont en l'espèce domiciliées dans des Etats différents.
c) Le Tribunal supérieur s'est rallié, quant au résultat, à la pesée des intérêts effectuée par le tribunal de première instance. Il a relevé, de plus, que la seconde circonstance avancée en son temps par les recourants devant le Conseil d'Etat au titre de juste motif, soit la perspective d'un substantiel héritage français provenant d'une grand-tante restée sans enfants - promesse que l'aïeule aurait soumise à la condition que les recourants relèvent le nom de jeune fille de leur grand-mère - n'avait pas été reprise dans le procès en contestation et n'aurait du reste pas constitué un intérêt suffisant à la conservation du nom litigieux. Le Tribunal supérieur a considéré que l'absence de risque de confusion, lié au fait que les recourants avaient conservé leur patronyme initial, n'était pas déterminant au regard de l'intérêt - supérieur - des intimés, pas plus que ne l'était le fait d'avoir porté le patronyme modifié pendant 19 ans.
d) Les recourants soutiennent que les intimés n'ont pas rapporté à satisfaction de droit la preuve d'une lésion consistant en un préjudice particulier dû au changement de nom des recourants. Etant donné que les recourants ont conservé leur patronyme initial de M., le risque de confusion est exclu et on ne saurait soutenir,
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estiment-ils, que le nom modifié suscite dans l'esprit des tiers des associations erronées quant à des liens entre intimés et recourants. Le fait qu'entre le changement de nom et l'action en justice des intimés se soient écoulées plus d'une dizaine d'années contribue, selon les recourants, à ce qu'on nie l'existence d'une lésion des intérêts des intimés. La façon dont l'instance cantonale a apprécié la circonstance du domicile respectif des parties n'est, aux yeux des recourants, pas compatible avec la jurisprudence. Il n'y aurait pas, selon eux, d'intérêt public à l'annulation d'un changement de nom autorisé voici vingt-cinq ans. La balance des intérêts commanderait dès lors de donner tort aux intimés notamment en raison du fait que les enfants des recourants portent le nom modifié de par leur naissance et ne seraient pas concernés par l'issue de la procédure, fût-elle négative.

8. En vertu de l'art. 30 al. 3 CC, toute personne lésée par un changement de nom peut l'attaquer en justice. Pour déterminer si les conditions subjectives de l'action sont remplies, le juge examine si le demandeur a un intérêt suffisant et digne de protection à contester le changement de nom. Si tel est le cas, le juge procède à une pesée des intérêts en présence; il s'agit de savoir si l'intérêt du défendeur au changement de nom (et non pas à l'abandon de l'ancien nom, ce qui est du ressort de l'autorité administrative) l'emporte ou non sur l'atteinte subie dans ses intérêts par le demandeur (ATF 95 II 505 consid. 2; ATF 81 II 401; ATF 72 II 150 consid. 3; ATF 67 II 191; ATF 60 II 390 consid. 2; ATF 52 II 103; EGGER, n. 15 ad art. 30 CC; GROSSEN, op.cit., p. 62). La requête en changement de nom étant soustraite à toute publication, les tiers intéressés sont privés de la possibilité de se déterminer sur celle-ci dans le cadre de la procédure administrative; le juge saisi de l'action en contestation est toutefois habilité à tenir compte des motifs ayant abouti à l'abandon du nom initial.
La fonction du patronyme ne se limite pas à l'individualisation de son porteur, ni à permettre à ce dernier, en cas de lésion, d'intenter une action en cessation du trouble (ATF 102 II 308 et les références citées); le nom de famille exprime également l'appartenance à une famille donnée, permettant à son porteur de jouir de la position sociale afférant à celle-ci. (...) Selon les constatations de fait des autorités cantonales, le nom Bigot de Morogues n'est pas commun et jouit en France d'une renommée particulière. En tant que descendants directs d'ancêtres illustres, les demandeurs ont dès lors une prétention légitime à empêcher des tiers de porter leur nom sans raison valable (ATF 67 II 191; ATF 52 II 107). L'existence d'un risque de confusion (en l'espèce de peu d'actualité, les intimés vivant en France et
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les recourants en Suisse) n'est pas une condition nécessaire à l'action. Ce qui est déterminant, c'est que le changement de nom évoque un lien entre les nouveaux porteurs et les anciens (ATF 72 II 150). A cela, le fait que les recourants ne portent le nom de Bigot de Morogues qu'en appendice à leur patronyme initial ne saurait rien changer.
Les motifs invoqués par les recourants à l'appui de leur changement de nom ne sont pas concluants. La déférence envers les ancêtres et en particulier le risque de voir le nom disparaître, invoqués devant le Conseil d'Etat du canton de Zurich, se sont révélés des motifs non conformes à la réalité. Du reste, ils ne constituent pas des justes motifs au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 108 II 250 consid. 5 s'agissant du patronyme VON STOCKALPER; solution approuvée en doctrine par LIVER in RJB 120 (1984), pp. 104-105). En instance fédérale, les recourants se sont abstenus de revenir sur les considérations d'ordre financier évoquées plus haut, d'ailleurs passées sous silence par le Conseil d'Etat. Pour autant qu'on puisse lui accorder la moindre pertinence, ce motif ne pourrait être pris en considération vu qu'il relève entièrement de la volonté à cause de mort d'un tiers, soit d'un acte unilatéralement révocable. Le jugement attaqué ne contient d'ailleurs aucune constatation de fait quant au transfert effectif des biens immobiliers promis, une fois obtenu le changement de nom.
Que les défendeurs aient porté leur patronyme modifié pendant 28 ans ne leur est ici d'aucun secours. On ne saurait considérer, par ailleurs, que les intimés auraient abusivement tardé à ouvrir action; ils ne peuvent, pas plus, être tenus responsables de la durée de la procédure. Les recourants ne peuvent prétendre au patronyme contesté par l'effet d'une "prescription acquisitive".
Certes, les recourants sont effectivement descendants, par leur grand-mère maternelle, de la famille dont les intimés portent le nom. Cela ne rend cependant pas plus digne de protection leur prétention à porter ce même nom en tant qu'adjonction à leur nom initial que ne l'est le droit des intimés - qui apparaissent, en vertu des règles sur la transmission du nom de famille, comme seuls porteurs légitimes de celui-ci - à agir en cessation du trouble (cf. l'arrêt Eynard, ATF 52 II 103, où même la mère du défendeur provenait de ladite famille). Ce qui précède n'est nullement en contradiction avec les conceptions juridiques actuelles. Ainsi, le code civil suisse prévoit que le nom du mari est le nom de famille des époux (art. 160 al. 1er CC). Il est aussi le nom des enfants de conjoints (art. 270 al. 1er CC).
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En l'absence de motifs importants de nature à prévaloir sur l'atteinte subie par les intimés dans leur droit au nom, c'est à bon droit que les instances cantonales ont admis l'action de ces derniers. Vu ce qui précède, le recours apparaît mal fondé et doit être rejeté.

9. Les recourants font allusion au sort de leurs enfants, qui portent le patronyme M. Bigot de Morogues de par leur naissance. Cette question relève en premier lieu des autorités d'état civil. Elle n'a aucune influence sur l'issue du présent litige.

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